Tribunal administratif d'Amiens, 7 mai 2013, n° 1301058

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Chronologie de l’affaire

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Maître Malvina Mairesse · LegaVox · 17 février 2017
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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 7 mai 2013, n° 1301058
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 1301058

Texte intégral

.

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D’AMIENS

N°1301058

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Société Itslearning France

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

M. X

Juge des référés

___________

Ordonnance du 7 mai 2013 Le Tribunal administratif d’Amiens,

___________

PJCA : 39-08-015-01 Le président de la 3e chambre,

juge des référés

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2013, présentée pour la société Itslearning France, dont le siège est XXX à XXX, par Me Charvin ; la société Itslearning France demande que le tribunal, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative :

— annule la procédure de marché négocié sans publicité ni mise en concurrence passée par le conseil général de l’Oise pour l’attribution du marché d’exploitation et maintenance de l’Espace numérique de travail pour les établissements d’enseignement de l’Oise ;

— condamne le conseil général de l’Oise à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que le conseil général de l’Oise a entendu faire application des dispositions de l’article 35-II du code des marchés publics ;

— que, toutefois, cet article ne saurait être mis en œuvre en l’espèce, dès lors que l’autorité administrative ne justifie en aucun cas que la société ITOP serait la seule à pouvoir assurer l’exploitation et la maintenance de l’Espace numérique de travail qui pourrait être assurée par une entreprise tierce ;

— qu’à supposer que cela soit impossible, il était loisible au conseil général de retenir une autre solution sans remettre en cause pour autant la fonctionnalité de l’Espace numérique de travail (ENT);

— que la procédure retenue par le conseil général de l’Oise est totalement dérogatoire aux principes fondamentaux de la commande publique et est strictement interprétée par la jurisprudence ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2013, présenté par le conseil général de l’Oise représenté par son président en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande au Tribunal de condamner la société requérante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir :

— que la maintenance et l’exploitation de la solution NetCollège, dont le droit d’utilisation a déjà été acquis et dont le déploiement est achevé dans les collèges de l’Oise, ne peuvent être assurées que par la société ITOP qui est seule à disposer de l’ensemble des éléments techniques nécessaires (documentations fonctionnelles et techniques, codes sources, architecture) ;

— que ces prestations ne peuvent être réalisées que par la société ITOP, en vertu du certificat d’exclusivité, qui précise en effet qu’elle détient l’ensemble de la propriété intellectuelle sur la solution NetCollège, et depuis le 1er janvier 2013, l’exclusivité de l’hébergement, l’exploitation et la maintenance de cette solution pour tout marché conclu après cette date ;

— que cette exclusivité est garantie par un dépôt des droits de propriété intellectuelle sur cette solution qu’a effectué son éditeur auprès de l’Agence pour la protection des programmes ;

— qu’ainsi, conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, les raisons techniques rendent indispensables l’attribution d’un marché à un prestataire déterminé ;

— que le recours à la procédure de l’article 35-II-8 était justifié ;

— qu’à l’issue du déploiement réalisé lors du premier marché, le département de l’Oise a acquis un droit unique d’utilisation sans limite de durée de la solution NetCollège ;

— qu’au terme du marché, le département en est satisfait ;

— que la fourniture d’une autre solution impliquerait nécessairement l’acquisition de nouveaux droits d’utilisation, un nouveau déploiement, une réappropriation par l’ensemble des utilisateurs (élèves, parents, communauté éducative) et de fait un investissement technique et humain substantiel ;

— que les exemples cités par la requérante ne correspondent pas au cas d’espèce ;

— qu’il a fait preuve de transparence dans la procédure ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2013, présentée pour la société Itslearning France, par Me Charvin qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre :

— que les arrêts du Conseil d’Etat cités par le département ne correspondent pas au cas d’espèce ;

— que les droits d’exclusivité ne valent que s’agissant de l’existant ;

— qu’en eux-mêmes, ces droits d’exclusivité ne suffisent pas à écarter le jeu normal de l’appel à la concurrence si d’autres solutions techniques peuvent être mises en œuvre ;

— que le conseil général lui-même fait valoir qu’il aurait pu recourir à une autre solution informatique que celle d’ITOP ;

Vu la décision en date du 3 septembre 2013 par laquelle la présidente du Tribunal a désigné M. X, vice-président, pour statuer sur les demandes de référés ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir présenté son rapport et avoir entendu au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 7 mai 2013 à 14 h 30, en présence de Mme Grare, greffier ;

— les observations de Me Arnaud Charvin, représentant la société Itslearning France ;

— les observations de M. Y Z, représentant le conseil général de l’Oise ;

Après avoir prononcé la clôture de l’instruction à l’issue de l’audience à 15 h ;

1. Considérant que, par un appel public à la concurrence publié le 16 avril 2008, le conseil général de l’Oise a lancé, une procédure d’appel d’offres ouvert pour la fourniture, la mise en œuvre et le déploiement d’un Espace numérique de travail dans les collèges publics de l’Oise ; que cette procédure a été déclarée infructueuse et relancée sous la forme d’une procédure de marché négocié par un avis d’appel public à la concurrence publié le 22 juillet 2008 ; que le marché a été attribué à la société France Télécom – Orange Business Services qui incluait dans son offre la solution NetCollège de la société Itop ; que ce marché arrivant à son terme, le département de l’Oise a lancé le 10 avril 2013, une nouvelle consultation ayant pour objet l’exploitation et la maintenance de l’Espace numérique de travail (ENT) selon une procédure négociée sans publicité, ni mise en concurrence, en application des articles 29, 35-II-8 et 77 du code des marchés publics ; que, par la présente requête, la société Itslearning France demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler la procédure de marché négocié sans publicité, ni mise en concurrence passée par le conseil général de l’Oise pour l’attribution du marché d’exploitation et maintenance de l’Espace numérique de travail pour les établissements d’enseignement de l’Oise ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ; qu’aux termes de l’article L. 551-2 du même code : « Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. » ;

3. Considérant qu’en vertu de ces dispositions, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements ; qu’il appartient dès lors, au juge des référés précontractuels, de rechercher si l’entreprise ou la personne qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce indirectement en avantageant une entreprise ou une personne concurrente ;

4. Considérant qu’aux termes de l’article 35 du code des marchés publics :"Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous. (…) II.-Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence : (…) 8° Les marchés et les accords-cadres qui ne peuvent être confiés qu’à un opérateur économique déterminé pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité (…)" ; que pour recevoir légalement application, les dispositions précitées exigent non seulement des raisons techniques, artistiques ou tenant à la protection de droits d’exclusivité, mais, en outre, que celles-ci rendent indispensable l’attribution du marché à un prestataire déterminé ;

5. Considérant que le département de l’Oise fait valoir que la maintenance et l’exploitation de la solution NetCollège, dont le droit d’utilisation a déjà été acquis et dont le déploiement est achevé dans les collèges de l’Oise, ne peuvent être réalisées que par la société ITOP en vertu du certificat d’exclusivité, délivré par l’Agence pour la protection des programmes, qui précise qu’elle détient l’ensemble de la propriété intellectuelle sur la solution NetCollège, et depuis le 1er janvier 2013, l’exclusivité de l’hébergement, l’exploitation et la maintenance de cette solution pour tout marché conclu après cette date et qui est seule à disposer de l’ensemble des éléments techniques nécessaires (documentations fonctionnelles et techniques, codes sources, architecture) ; que, toutefois, s’il était loisible au département de l’Oise à l’issue du marché précédent, de conserver la solution NetCollège dont le déploiement et l’appropriation par l’ensemble des utilisateurs (élèves, parents, communauté éducative) a nécessairement pris du temps et qui donne satisfaction, la collectivité ne démontre pas que les droits d’exclusivité, non contestés, que peut posséder la société Itop sur le progiciel qu’elle a développé et des questions d’ordre technique, feraient obstacle à ce que le département attribue le marché à un autre prestataire, alors surtout que ce produit a déjà été mis, par la société Itop, à disposition de la société France Télécom avec laquelle le département de l’Oise a d’ailleurs contracté en 2009 ; qu’ainsi, aucun motif tenant à la protection des droits attachés au logiciel NetCollège, dont la gestion par la société Itop, qui n’a pas produit dans la présente instance, a pu changer depuis lors, ne permettait à l’adjudicateur de négocier le marché dont s’agit sans publicité préalable et mise en concurrence ; que les manquements sus-analysés sont susceptibles d’avoir lésé la requérante, dès lors que cette dernière, qui a consulté la plateforme de dématérialisation Batibase et questionné le département de l’Oise, n’a pu avoir accès à la consultation ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Itslearning France est fondée à soutenir que le département de l’Oise a commis des manquements à ses obligations de publicité et de mise en concurrence, et que ces manquements sont susceptibles de l’avoir lésée ; que, par suite, la procédure attaquée doit être annulée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de l’Oise la somme de 1.500 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens ;

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Itslearning France, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le département de l’Oise au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La procédure de marché négocié sans publicité ni mise en concurrence passée par le conseil général de l’Oise pour l’attribution du marché d’exploitation et maintenance de l’Espace numérique de travail pour les établissements d’enseignement de l’Oise est annulée.

Article 2 : Le département de l’Oise versera à la société Itslearning France la somme de 1.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du département de l’Oise présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Itslearning France, à la société Itop et au département de l’Oise.

Fait à Amiens, le 7 mai 2013.

Le président de la 3e chambre, La greffière,

juge des référés

O. X S. Grare

La République mande et ordonne au préfet de l’Oise, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

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