Tribunal administratif de Bordeaux, 13 avril 2017, n° 1502213

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Bordeaux, 13 avr. 2017, n° 1502213
Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro : 1502213

Texte intégral

SG TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE BORDEAUX

N° 1502213 ________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
M. X Z M. Y Z M. B Z AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ________
M. Naud Rapporteur ________ Le Tribunal administratif de Bordeaux
M. Vaquero (2ème chambre) Rapporteur public ________

Audience du 23 mars 2017 Lecture du 13 avril 2017 ________

60-02-05 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2015, et trois mémoires, enregistrés le 30 juin 2016, le 30 décembre 2016 et le 9 mars 2017, MM. X, Y et B Z, représentés par Me Pouyanne, demandent au tribunal :

1°) de condamner la commune de Léognan à verser à l’indivision Z une indemnité de 384 623,23 € en réparation du préjudice qu’ils estiment avoir subi en raison du caractère non constructible de leur terrain situé […] pour lequel le maire de Léognan leur avait délivré un permis d’aménager le 11 mars 2013 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Léognan la somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………………………………………………………………………………………………………

Par lettre de Me Pouyanne enregistrée le 10 février 2017, M. X Z a été désigné comme représentant unique, en application du dernier alinéa de l’article R. 751-3 du code de justice administrative.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 30 mars 2016, le 10 novembre 2016 et le 12 février 2017, la commune de Léognan, représentée par Me Supplisson, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 € soit mise à la charge de MM. Z au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………………………………………………………………………………………………………



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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

le code de l’urbanisme ;

le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

le rapport de M. Naud, premier conseiller,

les conclusions de M. Vaquero, rapporteur public,

les observations de Me Baudorre pour les consorts Z,

et les observations de Me Supplisson pour la commune de Léognan.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Léognan a été enregistrée le 25 mars 2017.

Une note en délibéré présentée pour les consorts Z a été enregistrée le 27 mars 2017.

1. Considérant que par délibération du 31 octobre 2011, le conseil municipal de Léognan a approuvé la révision du plan local d’urbanisme de la commune ; que par jugement n° 1201699 du 25 septembre 2014 devenu définitif, le tribunal a annulé cette délibération ; que par arrêté du 11 mars 2013 modifié le 8 août 2013 visant le plan local d’urbanisme tel qu’approuvé le 31 octobre 2011, le maire de Léognan a délivré à l’indivision Z un permis d’aménager pour la réalisation du lotissement “Les Vergers de Pontaulic” composé de trois lots sur un terrain d’une superficie de 2 763 m2 situé […] et avenue de Cadaujac et correspondant à la parcelle cadastrée AA n° 90 ; que la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux a été déposée le 22 avril 2014 ; que par arrêté du 9 décembre 2014, le maire a refusé de délivrer à la SCI Cimalab, qui s’était portée acquéreur du terrain, un permis de construire pour la réalisation de trois maisons d’habitation ; que par jugement n° 1502212 du 1er décembre 2016, le tribunal a rejeté la requête de la SCI Cimalab dirigée contre ce refus ; que le 5 février 2015, MM. X, Y et B Z, propriétaires du terrain, ont adressé à la commune de Léognan une demande préalable d’indemnisation ; que dans le dernier état de leurs écritures, ils demandent au tribunal la condamnation de la commune de Léognan à leur verser une indemnité de 384 623,23 € en réparation du préjudice qu’ils estiment avoir subi ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme alors applicable : « L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’une carte communale, d’un schéma directeur ou d’un plan d’occupation des sols ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le schéma directeur ou le plan local d’urbanisme, la carte communale ou le plan d’occupation des sols ou le document d’urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur » ; qu’aux termes de l’article L. 442-14 du même code : « Le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues dans un délai de cinq ans suivant :

/ (…) / 2° L’achèvement des travaux constaté dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État, lorsque le lotissement a fait l’objet d’un permis d’aménager. / (…) » ;



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3. Considérant que comme l’a jugé le tribunal dans son jugement n° 1502212 du 1er décembre 2016, quand bien même le permis d’aménager du 11 mars 2013 et l’achèvement des travaux du lotissement constaté le 22 avril 2014 sont intervenus avant l’annulation prononcée par le tribunal le 25 septembre 2014 de la délibération du conseil municipal portant révision du plan local d’urbanisme, la remise en vigueur de ce plan local d’urbanisme dans sa version immédiatement antérieure à celle approuvée le 31 octobre 2011 ne saurait être regardée comme une disposition d’urbanisme nouvelle non susceptible de fonder un refus de permis de construire pendant un délai de cinq ans au sens de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme ; que, par suite, il ne saurait être reproché à la commune de Léognan d’avoir méconnu l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme en opposant le refus de permis de construire du 9 décembre 2014 et ainsi d’avoir commis une illégalité constitutive d’une faute ;

4. Considérant, d’autre part, que la commune de Léognan n’était pas tenue d’informer les consorts Z qu’un recours contentieux dirigé contre la délibération du conseil municipal du 31 octobre 2011 était en cours d’instance au tribunal administratif quand elle leur a délivré le permis d’aménager le 11 mars 2013 ; que, par suite, il ne saurait lui être reproché d’avoir commis à ce titre une illégalité constitutive d’une faute ;

5. Considérant, en revanche, que pour annuler la délibération du 31 octobre 2011 par laquelle le conseil municipal de Léognan a approuvé la révision du plan local d’urbanisme de la commune par jugement n° 1201699 du 25 septembre 2014 devenu définitif, le tribunal a estimé que la mention de l’affichage en mairie de la délibération du 9 avril 2008 prescrivant la révision du plan local d’urbanisme n’avait pas fait l’objet d’une insertion dans un journal diffusé dans le département, que la commune n’avait pas respecté les modalités de la concertation, qu’une note explicative de synthèse n’avait pas été envoyée avec la convocation à la séance du conseil municipal du 31 octobre 2011 et que le classement partiel d’une parcelle en zone UD était entaché d’erreur manifeste d’appréciation ; qu’ainsi, en approuvant la révision du plan local d’urbanisme, acte réglementaire, par délibération du 31 octobre 2011, la commune de Léognan a commis des illégalités constituant des fautes susceptibles d’engager sa responsabilité ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne le lien de causalité :

6. Considérant que la responsabilité d’une personne publique n’est susceptible d’être engagée que s’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes qu’elle a commises et le préjudice subi par la victime ;

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que MM. Z avaient, lors de la réalisation des travaux d’aménagement de leur terrain, une assurance suffisante, donnée par la commune de Léognan, de sa constructibilité ; qu’en effet, par délibération du 31 octobre 2011, le conseil municipal avait classé le terrain en zone constructible (zone UC), d’une part, et le maire leur avait délivré un permis d’aménager par arrêté du 11 mars 2013 modifié le 8 août 2013 visant le plan local d’urbanisme révisé, d’autre part ; que les préjudices résultant pour eux de l’aménagement d’un terrain en réalité implanté dans une zone non constructible trouvent leur origine directe dans l’illégalité de la délibération du 31 octobre 2011 ; qu’il existe donc un lien de causalité direct entre les fautes commises par la commune de Léognan et les préjudices subis par MM. Z ;



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En ce qui concerne les préjudices :

8. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que MM. Z justifient avoir exposé au titre des travaux d’aménagement du lotissement réalisés par la société ADE tp la somme réclamée de 100 185,15 € ; que s’agissant de la maîtrise d’œuvre, ils justifient avoir passé un bon de commande à la société Abac pour la somme de 13 395,20 € ; que s’agissant du raccordement aux réseaux publics, ils justifient avoir versé à Orange la somme de 819,16 € pour le téléphone, à la Lyonnaise des Eaux la somme de 8 009,04 € pour l’assainissement, à la Lyonnaise des Eaux la somme de 5 166,43 € pour l’eau potable et à ERDF la somme de 4 551,32 € pour l’électricité ; qu’ils justifient avoir versé à la SARL Topp Garnier la somme de 1 196 € pour le défrichement du terrain ; qu’ils justifient aussi s’être acquittés de la taxe d’aménagement à hauteur de 378 € ; qu’enfin, ils justifient avoir fait dresser un procès-verbal de constat pour un montant de 394,58 € ; que l’ensemble de ces dépenses représente la somme totale de 134 094,88 € ; qu’en revanche, si MM. Z justifient avoir souscrit au mois de janvier 2014 auprès du Crédit Agricole un prêt bancaire pour un montant initial de 128 930 € afin de réaliser les travaux du lotissement, l’avenant portant la durée de ce prêt de 24 à 48 mois pour un montant total de 140 165,58 € a pour cause le refus de permis de construire opposé le 9 décembre 2014 et non l’annulation de la révision du plan local d’urbanisme ; que, dès lors, la commune de Léognan doit être condamnée à verser à MM. Z la somme de 134 094,88 € au titre du chef de préjudice relatif aux dépenses engagées pour l’aménagement du lotissement ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que si MM. Z justifient que la valeur du terrain a été évaluée à 540 000 € dans le cadre d’une donation intervenue le 26 décembre 2011, ils ne démontrent pas avoir payé sur la base de cette évaluation des frais de notaire et des droits d’enregistrement à hauteur de la somme de 14 189 € ; que, dès lors, le préjudice au titre de la dépréciation de la valeur du terrain n’est pas établi ;

10. Considérant, en troisième lieu, que le permis d’aménager délivré le 11 mars 2013 ne faisait pas obstacle à ce que le maire de Léognan oppose ensuite, le 9 décembre 2014, un refus de permis de construire concernant les trois lots du lotissement ; que, dès lors, le préjudice au titre du manque à gagner sur la vente non réalisée n’est pas établi ;

11. Considérant, en dernier lieu, que compte tenu de l’état d’avancement des travaux d’aménagement du lotissement et de ce qu’il est justifié que les requérants ont dû mettre en vente une maison d’habitation située 72 avenue du Merlot à Lège-Cap Ferret pour rembourser le 9 novembre 2016 le prêt souscrit auprès du Crédit Agricole mentionné au point 15, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par MM. Z en l’évaluant à la somme de 3 000 € chacun, soit la somme de 9 000 € au total ;

12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Léognan doit être condamnée à verser à MM. Z en réparation des préjudices subis la somme totale de 143 094,88 € ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. Z, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Léognan demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune



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de Léognan la somme de 1 200 € au profit de MM. Z au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Léognan est condamnée à verser à MM. Z une indemnité de 143 094,88 €.

Article 2 : La commune de Léognan versera à MM. Z la somme de 1 200 € en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. Z est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Léognan au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. X Z, représentant unique, et à la commune de Léognan.

Délibéré après l’audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Balzamo, président,
M. Naud, premier conseiller,
M. Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 avril 2017.

Le rapporteur, Le président,

G. NAUD E. BALZAMO

La greffière,

C. JUSSY

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme, la greffière,

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