Tribunal administratif de Caen, M. cheylan, 26 avril 2024, n° 2400870

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, m. cheylan, 26 avr. 2024, n° 2400870
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2400870
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 28 avril 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2024, Mme A C doit être regardée comme demandant au tribunal d’annuler la décision du 8 mars 2024 par laquelle la commission départementale de médiation du droit au logement opposable du Calvados a rejeté son recours amiable tendant à être reconnue comme prioritaire et devant être relogée d’urgence.

Elle soutient que :

— le logement qu’elle occupe n’est pas adapté à ses besoins ;

— elle est sans emploi et vit sous le seuil de pauvreté ; le loyer pour ce logement est au-dessus de ses moyens ;

— elle subit des intimidations et vit dans le froid et l’humidité en permanence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2024, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— la requérante vit seule dans un deux pièces de 50 m² ; elle dispose ainsi d’un logement pérenne dans le parc privé adapté à ses besoins ;

— elle paie un loyer de 437,75 euros, auquel il convient de déduire 141 euros d’aide au logement, et 111 euros de provisions ;

— la capacité financière n’est pas un motif recevable de recours pour bénéficier du droit au logement opposable ;

— la requérante, qui n’a pas indiqué dans sa demande que son logement était insalubre, ne démontre pas l’insalubrité de ce logement ;

— elle ne justifie pas des intimidations dont elle fait état.

La présidente du tribunal a désigné M. B, en application de l’article R. 778-3 du code de justice administrative, pour statuer sur les litiges visés à cet article.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code de justice administrative.

Le magistrat désigné a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B ;

— les observations de Mme C, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction est intervenue à l’issue de l’audience en application des articles R. 772-5 et R. 772-9 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C a présenté le 29 août 2023 un recours amiable devant la commission de médiation du département du Calvados en vue d’une offre de logement, sur le fondement du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation. Par une décision du 8 mars 2024, dont la requérante demande l’annulation, la commission de médiation a rejeté son recours comme étant non prioritaire et non urgent.

2. Aux termes du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation : « La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. () ». Aux termes de l’article R. 441-14-1 du même code : " La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l’article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l’accueillir dans une structure d’hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. / Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social qui se trouvent dans l’une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : / ne pas avoir reçu de proposition adaptée à leur demande dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4 ; / être dépourvues de logement. () ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d’urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d’accès au logement social et justifier qu’il se trouve dans une des situations prévues au II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation et satisfait à un des critères définis à l’article R. 441-14-1 de ce code. Dès lors que l’intéressé remplit ces conditions, la commission de médiation doit, en principe, reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande. Toutefois, dans le cas d’une personne se prévalant de ce qu’elle a présenté une demande de logement social et n’a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4, la commission peut refuser de reconnaître que la demande présente, à ce titre, un caractère prioritaire et urgent, en se fondant sur la circonstance que cette personne dispose déjà d’un logement. Elle ne peut toutefois légalement opposer ce motif que si le logement occupé est adapté à ses besoins. Pour apprécier si le logement occupé est adapté aux besoins du demandeur, il y a lieu de prendre en compte, d’une part, ses caractéristiques, le montant de son loyer et sa localisation, d’autre part, tous éléments relatifs aux occupants du logement, comme une éventuelle situation de handicap, qui sont susceptibles de le rendre inadapté aux besoins du demandeur.

4. Il est constant que la demande de logement social présentée par Mme C a dépassé le délai anormalement long d’attente fixé par arrêté préfectoral à deux ans. Lors de sa séance du 8 mars 2024, la commission de médiation du département du Calvados a rejeté le recours de Mme C comme étant non prioritaire et non urgent, au motif qu’elle dispose déjà d’un logement dans le parc privé adapté à ses besoins et capacités. La requérante fait valoir qu’elle est sans emploi, qu’elle vit sous le seuil de pauvreté et que le loyer pour ce logement est au-dessus de ses moyens. Il résulte de l’instruction que Mme C, qui a perçu en février 2024 une allocation d’aide au retour à l’emploi de 961,35 euros, occupe seule un logement de 50 m2 pour lequel elle verse, une fois déduite l’aide au logement, une somme mensuelle de 407,75 euros au titre du loyer et de la provision pour charges. Ainsi, le ratio entre le loyer mensuel et les ressources de la requérante, de plus de 42 % en l’espèce, constitue un taux d’effort excessif. Dès lors, le logement occupé par Mme C n’est pas adapté à ses capacités financières. Par suite, la commission de médiation du Calvados a entaché sa décision d’erreur d’appréciation en refusant de reconnaître le caractère prioritaire et urgent de la demande de Mme C.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C est fondée à demander l’annulation de la décision du 8 mars 2024 par laquelle la commission de médiation du Calvados a rejeté son recours amiable tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue comme prioritaire et urgente.

6. Eu égard au motif qui la fonde, l’annulation de la décision de la commission de médiation du Calvados implique nécessairement qu’il soit enjoint à cette commission de procéder à un réexamen de la demande de Mme C dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 8 mars 2024 de la commission départementale de médiation du droit au logement opposable du Calvados est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de médiation du Calvados de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, à un nouvel examen de la demande de Mme C.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A C et au ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2024.

Le magistrat désigné,

Signé

F. BLa greffière,

Signé

C. BÉNIS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Bénis

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