Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 24 novembre 2011, n° 0804399

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 24 nov. 2011, n° 0804399
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 0804399

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CERGY-PONTOISE

N°0804399

___________

Société COVIDIEN AG

___________

M. Silvy

Rapporteur

___________

M. Legeai

Rapporteur public

___________

Audience du 10 novembre 2011

Lecture du 24 novembre 2011

___________

ig

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

(5e chambre)

Code PCJA : 19-04-01-04

19-01-01-05

19-04-02-01-04-083

19-04-02-01-07

Code de publication : C+

Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2008, présentée pour la société TYCO HEALTHCARE GROUP AG, dont le siège est au 19 Victor Von Bruns-Strass à XXX, Suisse, par Me de Vernejoul ; la société TYCO HEALTHCARE GROUP AG demande au Tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et des majorations correspondantes auxquelles elle a été assujettie pour un montant total de 16 548 888 euros au titre des exercices 1999-2000 et 2000-2001 ;

2°) de condamner l’État à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société TYCO HEALTHCARE GROUP AG (THAG) fait valoir :

— que l’analyse du service vérificateur selon laquelle la société THAG disposerait d’un établissement stable au sens de l’article 5 de la convention franco-suisse est infondée dès lors que la société française THF ne constitue pas un agent dépendant au sens de l’article 5.4 de cette convention ; que les transferts de propriété opérés entre la société THAG et la société THF sont incompatibles avec le statut d’agent dépendant, que la société française n’est pas dépendante de la société requérante et qu’elle ne dispose pas d’un pouvoir lui permettant de conclure, au nom et pour le compte de la requérante, des contrats ayant trait aux opérations de cette société ; que l’absence de subordination juridique résulte notamment des termes du contrat de distribution liant la société THF à la société THAG et que la circonstance que la société THAG soit le seul fournisseur de la société française tout en bénéficiant d’une marge garantie de 3,5 % du chiffre d’affaires indépendamment des conditions d’exploitation ne caractérise pas une subordination économique, compte tenu de la politique en matière de prix de transfert au sein du groupe Covidien ; que le service ne peut se borner à faire valoir que la société française engagerait la société THAG dans une relation commerciale au titre des activités qui lui sont propres en méconnaissance du schéma de distribution des produits Covidien et de la nature distincte des activités de THAG et THF ; que la société THAG n’exerce pas d’activité de commercialisation ou de distribution et se trouve dans l’ignorance du marché français et notamment des procédures d’appel d’offres ; que le service a admis cette division fonctionnelle en relevant la spécificité des personnels de la société THF comprenant des juristes compétents pour répondre aux appels d’offre des hôpitaux publics ;

— subsidiairement, que le chiffrage du redressement doit tenir compte du principe de pleine concurrence résultant de l’article 7-2 de la convention fiscale franco-suisse et repris par la doctrine administrative 14 B-2332 ;

Vu la décision implicite née du silence conservée par le chef des services fiscaux, chargé de la direction de contrôle fiscal Île-de-France Ouest rejetant la réclamation préalable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2008, présenté par le chef des services fiscaux, chargé de la direction de contrôle fiscal Île-de-France Ouest ;

Le chef des services fiscaux fait valoir que la société requérante ne conteste ni le principe de l’assujettissement à l’impôt en France, ni le montant des bénéfices tirés des opérations réalisées à partir de l’établissement stable constitué par la société Auto Suture pour la période d’octobre 1999 à juin 2000 ; que les sociétés TYCO AG et TYCO France sont des sociétés sœurs, filiales de la société TYCO Inc. et que la société française s’approvisionne exclusivement auprès de la société TYCO AG ; que la société TYCO AG ne peut qu’être réputée engagée de manière contractuelle à l’égard des hôpitaux et cliniques établis en France par les commandes de matériels prises par la société TYCO FR ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 janvier 2009, présenté pour la société COVIDIEN AG, anciennement TYCO HEALTHCARE GROUP AG, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

la société COVIDIEN AG fait valoir, en outre, qu’elle n’a jamais admis dans leur principe ou leur montant les redressements attribués aux établissements stables prétendument constitués par les sociétés Auto Suture France et THF pour la période d’octobre 1999 à septembre 2001 ; que les arguments précédemment développés au profit de la société THF peuvent être intégralement repris s’agissant de l’activité de commercialisation de matériels à usage médical et chirurgical par la société Auto Suture France ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2009, présenté par chef des services fiscaux, chargé de la direction de contrôle fiscal Île-de-France Ouest ;

Vu l’ordonnance en date du 4 juillet 2011 fixant la clôture d’instruction au 12 août 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention du 9 septembre 1966 entre la Confédération suisse et la République française en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôt sur le revenu et sur la fortune modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 novembre 2011 :

— le rapport de M. Silvy, premier conseiller,

— les conclusions de M. Legeai, rapporteur public,

— et les observations de Me Du Pontavice, substitut de Me Vernejoul, avocat de la société COVIDIEN AG ;

Considérant que la société TYCO HEALTHCARE GROUP AG, devenue COVIDIEN AG, résidente fiscale suisse, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2001 au terme de laquelle des redressements d’impôt sur les sociétés lui ont été notifiés le 19 décembre 2003 à raison des bénéfices réalisés par les sociétés de droit français Auto Suture France et Tyco Healthcare France, lesquelles appartenaient au cours de ces exercices au même groupe de sociétés constitué sous la société de droit américain Tyco International Inc., et qui ont été regardées comme ses établissements stables pour l’application des dispositions de l’article 209 du code général des impôts et de l’article 5 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée susvisée ; qu’après mise en recouvrement des suppléments d’impositions correspondants en date du 21 août 2006, elle a présentée une réclamation en date du 26 septembre visant à obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires ; que cette réclamation a fait l’objet d’une décision implicite de rejet en raison du silence conservé par le service ;

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

Considérant qu’aux termes de l’article 209 du code général des impôts : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (…) » ; qu’aux termes de l’article 7 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : « 1) Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices de l’entreprise sont imposables dans l’autre État, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement (…) » ; qu’aux termes de l’article 5 de la même convention : « 1) Au sens de la présente convention, l’expression « établissement stable » désigne une installation fixe d’affaires où l’entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2) L’expression « établissement stable » comprend notamment : a) un siège de direction ; b) une succursale ; c) un bureau ; d) une usine ; e) un atelier ; f) une mine, une carrière, ou tout autre lieu d’extraction de ressources naturelles ; g) un chantier de construction ou de montage dont la durée dépasse douze mois (…) 4) Une personne agissant dans un État contractant pour le compte d’une entreprise de l’autre État contractant, autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant, visé au paragraphe 6, est considérée comme « établissement stable » dans le premier État si elle dispose dans cet État de pouvoirs qu’elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l’entreprise, à moins que l’activité de cette personne ne soit limitée à l’achat de marchandises pour l’entreprise (…) » ;

Considérant que, pour l’application de ces stipulations, une société résidente de France ne peut constituer un établissement stable d’une société résidente de Suisse que si elle ne peut être regardée comme un agent indépendant de la société résidente de Suisse et si elle exerce habituellement en France des pouvoirs lui permettant d’engager, en droit, cette société dans une relation commerciale ayant trait aux opérations constituant les activités propres de cette société ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, si le service vérificateur établit suffisamment que la société Tyco Healthcare France et la société Auto Suture France, jusqu’à prise en location-gérance du fonds de commerce de cette dernière par Tyco Healthcare France le 5 juin 2000, se trouvaient dans une situation de dépendance économique et contractuelle à l’égard de leur société sœur TYCO HEALTCARE GROUP AG en raison, notamment, de leur approvisionnement exclusif auprès de celle-ci, l’administration échoue à établir que ces deux sociétés françaises disposaient des pouvoirs d’engager contractuellement la société suisse dès lorsqu’elle ne démontre pas que les contrats conclus avec les clients français l’ont été au nom de la société TYCO HEALTCARE GROUP AG ; qu’il résulte, au surplus, de l’instruction que les seules circonstances que ces deux sociétés ne disposaient d’aucun stock propre et distribuaient de manière exclusive les matériels livrés directement aux clients finaux par la société suisse, ne sont pas de nature à établir que les sociétés françaises disposaient, en fait, du pouvoir d’engager contractuellement la société TYCO HEALTCARE GROUP AG ; qu’il résulte de ce qui précède que l’administration n’établit pas l’existence d’installations fixes d’affaires d’où l’entreprise TYCO HEALTCARE GROUP AG exerçait une partie de son activité en France et n’était pas fondée à qualifier les sociétés françaises Tyco Healthcare France et Auto Suture France d’établissements stables de cette société au sens des stipulations précitées de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée ; que la société TYCO HEALTCARE GROUP AG n’était pas, dès lors, passible de l’impôt sur les sociétés au titre des activités exercées par ces deux sociétés en France par application des dispositions et stipulations précitées ;

Considérant que la société COVIDIEN AG est fondée, par suite, à solliciter la décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt et des majorations correspondantes auxquelles la société TYCO HEALTCARE GROUP AG a été assujettie en France au titre de la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 (mille) euros au titre des frais exposés par la société COVIDIEN AG et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La société COVIDIEN AG est déchargée des cotisations d’impôt sur les sociétés mises à la charge de la société TYCO HEALTCARE GROUP AG au titre de la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2001.

Article 2 : L’État versera à la société COVIDIEN AG une somme de mille (1 000) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société COVIDIEN AG est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société COVIDIEN AG et au chef des services fiscaux, chargé de la direction de contrôle fiscal Île-de-France Ouest.

Délibéré après l’audience du 10 novembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Kelfani, président,

Mme Coblence, premier conseiller,

et M. Silvy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 24 novembre 2011.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

J.-A. SILVY K. KELFANI

Le greffier,

Signé

XXX

La République mande et ordonne à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du gouvernement, en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 24 novembre 2011, n° 0804399