Tribunal administratif de Grenoble, 30 décembre 2009, n° 0801016

  • Exclusion·
  • Élève·
  • Décret·
  • Justice administrative·
  • Conseil·
  • Blog·
  • Sanction·
  • Règlement intérieur·
  • Établissement·
  • Enseignement

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 30 déc. 2009, n° 0801016
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 0801016

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°0801016

___________

M. et Mme Z

___________

M. Y

Rapporteur

___________

Mme X

Rapporteur public

___________

Audience du 16 décembre 2009

Lecture du 30 décembre 2009

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Grenoble

(1re chambre)

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2008, présentée pour M. et Mme A Z, demeurant XXX à Thonon-les-Bains (74 200), par Me Darves-Bornoz ; M. et Mme Z demandent au tribunal :

— d’annuler la décision en date du 7 janvier 2008 par laquelle le conseil de discipline du collège E-F G de Thonon-les-Bains a prononcé l’exclusion définitive de leur fille, Mlle C Z ;

— d’annuler l’arrêté en date du 11 février 2008 par lequel le recteur de l’académie de Grenoble a confirmé la décision d’exclusion définitive ;

— de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le décret n°85-924 du 30 août 1985 modifié ;

Vu le décret n°85-1348 du 18 décembre 1985 ;

Vu la circulaire n°2004-176 du 19 octobre 2004 relative à l’organisation des procédures disciplinaires dans les établissements publics locaux d’enseignement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 décembre 2009 :

— le rapport de M. Y ;

— les conclusions du rapporteur public, Mme X ;

Sur la légalité de la décision du recteur de l’académie de Grenoble du 11 février 2008 :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 18 décembre 1985 susvisé alors en vigueur : « Les sanctions et mesures à caractère disciplinaire qui peuvent être prononcées à l’encontre des élèves, la composition du conseil de discipline ainsi que les compétences respectives en matière disciplinaire du chef d’établissement et du conseil de discipline sont fixées par les alinéas 2 et 3 de l’article 3, le e du 2° de l’article 8 ainsi que par les I et II de l’article 31 du décret du 30 août 1985 susvisé. » ; qu’aux termes de l’article 31 II du décret du 30 août 1985 susvisé alors en vigueur, dans sa rédaction issue du décret n°2000-620 du 5 juillet 2000 : « Le conseil de discipline est saisi par le chef d’établissement. Il a compétence pour prononcer à l’encontre des élèves l’ensemble des sanctions et des mesures mentionnées à l’article 3 (…) » ; qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 3 du décret précité alors en vigueur, dans sa rédaction issue du décret du 5 juillet 2000 précité : « Le règlement intérieur comporte un chapitre consacré à la discipline des élèves. Les sanctions qui peuvent être prononcées à leur encontre vont de l’avertissement et du blâme à l’exclusion temporaire ou définitive de l’établissement ou de l’un de ses services annexes. La durée de l’exclusion temporaire ne peut excéder un mois. » ; qu’aux termes de l’article 31-1 du décret du 30 août 1985 précité alors en vigueur, dans sa rédaction issue du décret n°2004-885 du 27 août 2004 : « Toute décision du conseil de discipline de l’établissement (…) peut être déférée au recteur de l’académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification, soit par le représentant légal de l’élève, ou par ce dernier s’il est majeur, soit par le chef d’établissement. (…). La juridiction administrative ne peut être régulièrement saisie qu’après mise en œuvre des dispositions de l’alinéa précédent. » ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que le recours devant le recteur d’académie doit être formé à l’encontre d’une sanction prononcée par le conseil de discipline préalablement à l’exercice d’un recours contentieux formé devant la juridiction administrative ; que la décision en date du 7 janvier 2008 par laquelle le conseil de discipline du collège E-F G de Thonon-les-Bains a prononcé l’exclusion définitive de Mlle C Z a fait l’objet d’un recours devant le recteur de l’académie de Grenoble en date du 13 janvier 2008 ; que la décision du 11 février 2008, par laquelle le recteur de l’académie de Grenoble a rejeté ce recours et a définitivement exclu l’intéressé de l’établissement, s’est substituée à la décision du 7 janvier 2008 ; que, par suite, M. et Mme Z ne peuvent ni solliciter l’annulation de la décision du conseil de discipline précitée ni utilement invoquer, à l’encontre de la décision du recteur, les irrégularités qui auraient entaché la décision du conseil de discipline ;

Considérant qu’en vertu de la circulaire n°2004-176 du 19 octobre 2004 édictée par le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, les sanctions et punitions infligées aux élèves des écoles primaires, des collèges et des lycées doivent respecter le principe de l’individualisation ; que ces dispositions, édictées par le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche au titre de son pouvoir réglementaire d’organisation du service public de l’enseignement, imposent au recteur, lorsqu’il est amené à faire usage de son pouvoir de sanction disciplinaire, de prendre en considération les caractéristiques personnelles de l’élève qui comportent notamment son âge, ses antécédents, les circonstances de la faute et ses conséquences et son projet d’orientation ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que Mlle C Z, élève de quatrième au collège E-F G de Thonon-les-Bains, a tenu sur son blog au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2007-2008 des propos insultants à l’encontre de son professeur d’anglais et du principal adjoint du collège ; qu’elle avait fait l’objet d’une journée d’exclusion en juin 2007 suite à une gifle infligée à une camarade et de deux heures de retenue en 2007-2008 suite à trois retards ; qu’il résulte de ce qui précède que les propos injurieux tenus par l’élève étaient de nature à justifier légalement le prononcé d’une sanction disciplinaire ; que ce constat n’est nullement modifié par les circonstances que les actes reprochés ont été commis à l’extérieur de l’enceinte scolaire, dès lors que par leur qualification injurieuse, ils étaient de nature à perturber le bon fonctionnement du service public ; que, toutefois et nonobstant l’atteinte aussi sérieuse que compréhensible à la sensibilité des personnes outragées par un comportement puéril et irresponsable qui ne saurait être excusé d’une quelconque manière, il est constant que cet agissement n’a engendré aucune violence physique ni connu de réitération ; qu’il suit de là que la décision de l’exclusion définitive de la jeune C Z est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés et de ses antécédents disciplinaires ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme Z sont fondés à demander l’annulation de la décision du 11 février 2008 par laquelle le recteur de l’académie de Grenoble a confirmé la décision d’exclusion définitive prise le 7 janvier 2008 par le conseil de discipline du collège E-F G à l’encontre de la jeune C Z ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme Z et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du recteur de l’académie de Grenoble en date du 11 février 2008 portant exclusion définitive de Mlle C Z du collège E-F G est annulée.

Article 2 : L’Etat versera à M. et Mme Z la somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme A Z, au recteur de l’académie de Grenoble et au collège E-F G de Thonon-les-Bains.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2009, à laquelle siégeaient :

M. Pfauwadel, président,

M. Ban, premier conseiller,

M. Y, conseiller,

Lu en audience publique le 30 décembre 2009.

Le rapporteur, Le président,

S. Y T. PFAUWADEL

Le greffier,

L. ROUYER

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Dans leur requête, M. et Mme Z soutiennent :

— que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance de l’article 6 du décret n° 85-1348 du 18 décembre 1985 relatif aux procédures disciplinaires dans les collèges, lycées et établissements d’éducation spéciale, en tant qu’ils ont été les seules personnes convoquées par recommandé à se présenter devant le conseil de discipline de l’établissement, à l’exclusion de leur fille C ; que la convocation ne faisant pas mention des droits de l’élève mis en cause, leur fille n’a pas, en violation des dispositions du décret précité, été informée de son droit de présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix ; que, ce faisant, elle n’a pas présenté de défenseur et a été privée des garanties auxquelles elle avait droit ; que les décisions attaquées sont ainsi entachées d’un vice de forme et de procédure ;

— que la composition du conseil de discipline en date du 7 janvier 2008 était irrégulière au vu des prescriptions de l’article 31 du décret n° 85-924 du 30 août 1985, dans la mesure où le principal adjoint du collège, qui n’était pas présent lors de la séance, avait donné procuration à une personne pour voter à sa place, alors qu’aucune disposition ne prévoit la possibilité de donner une telle procuration ; que, par ailleurs, la mention « votants » portée sur la liste d’émargement annexée au procès-verbal démontre que dix-sept personnes dont les qualités ne sont pas indiquées ont voté lors du conseil de discipline qui ne peut comporter que quatorze membres en vertu de l’article 31 précité ;

— que la décision d’exclusion définitive du conseil de discipline attaquée qui était créatrice de droits au détriment de leur fille, devait être obligatoirement motivée conformément aux dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu’en l’espèce, en l’absence de communication du procès-verbal du conseil de discipline, la notification de la décision ne comportait aucune motivation ; que la décision du recteur de l’académie de Grenoble est manifestement non motivée en ce qu’elle ne fait que confirmer la décision primitive prise par le conseil de discipline ; qu’ainsi les décisions attaquées sont entachées d’un vice de forme substantielle ;

— que la composition du conseil de discipline en date du 7 janvier 2008 était irrégulière au regard du principe d’impartialité consacré par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où la conseillère principale d’éducation visée par le blog de leur fille et une autre personne, en conflit ouvert avec la mère de l’intéressée ont siégé lors de la séance dudit conseil ;

— que les décisions attaquées sont disproportionnées au regard des faits reprochés à leur fille, alors que cette dernière n’avait aucun antécédent disciplinaire, suivait une scolarité normale, que son comportement, pour le moins contestable, n’avait généré aucune violence physique ni connu de réitération et que la charte relative à l’utilisation d’internet n’avait été envisagée qu’au lendemain de la convocation du conseil de discipline ; qu’ainsi, les décisions attaquées sont entachées d’une erreur dans la qualification juridique des faits ;

— que les décisions attaquées sont entachées d’un défaut de base légale en tant qu’elles ont été prises en application d’un règlement intérieur qui n’avait pas été validé par le conseil d’administration comme le prévoit les articles 3 et 16 du décret du 30 août 1985 précité ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2008, présenté par le recteur de l’académie de Grenoble, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient :

— que sa décision en date du 11 février 2008 s’est substituée à la décision du conseil de discipline du collège ; que, par voie de conséquence, les moyens invoqués par les requérants tenant à l’existence de vice de forme et de procédure, et les moyens d’illégalité interne, tous dirigés contre la décision du conseil de discipline sont inopérants ;

— que, contrairement à ce que prétendent les requérants, leur fille C n’a pas eu un comportement irréprochable avant que les faits litigieux ne se produisent ; qu’ainsi, il résulte du rapport du principal du collège, que l’élève a fait l’objet d’une mesure d’exclusion d’une journée pour avoir giflé une camarade, d’une mesure de retenue de deux heures suite à trois retards, a été l’auteur d’un incident à la cantine ( jet de nourriture), a erré dans les couloirs en dépit des rappels à l’ordre, stationné devant l’infirmerie entre 12h et 14h alors que cette attitude est interdite par des panneaux et qu’elle est la meneuse d’un groupe d’une demi douzaine d’élèves avec lesquels elle perturbe les sorties de classe par des cris et des hurlements ;

— que, contrairement à ce que prétendent également les requérants, le règlement intérieur a bien été validé par le conseil d’administration en date du 28 juin 2007 ;

— que la fille des requérants a méconnu la disposition du règlement intérieur prohibant les prises de vue à l’insu de toute personne dans le collège au nom du droit à l’image ;

— que la charte relative à l’utilisation d’internet ne figurait pas dans le carnet de correspondance des élèves pour l’année scolaire 2007-2008 mais avait déjà été communiquée l’année précédente aux élèves et familles ; qu’ainsi, la fille des requérants était bien informée des risques présentés par l’utilisation d’internet et notamment des blog ; que l’Antenne de la justice et du droit de Thonon-les-Bains s’est présentée au collège cette même année pour parler de l’usage et des conséquences des blog, notamment dans la classe de 5e où C se trouvait ;

— que sa décision est légalement motivée, l’arrêté portant exclusion définitive qu’il a édicté comportant d’une part, un visa complet en référence à l’ensemble des textes réglementaires intéressant la situation de l’élève, au règlement intérieur du collège E-F G et à l’avis de la commission académique d’appel du 11 février 2008 et, d’autre part, une motivation précisant les motifs de faits de la sanction ;

Vu, enregistré le 14 octobre 2009, le mémoire présenté pour M. et Mme Z qui concluent aux mêmes fins ;

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Grenoble, 30 décembre 2009, n° 0801016