Tribunal administratif de Grenoble, 14 avril 2016, n° 1506164

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 14 avr. 2016, n° 1506164
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 1506164

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°1506164-1507665

___________

Mme Y A

M. et Mme X et Z A

___________

M. Luc Chocheyras

Rapporteur

___________

M. Stéphane Morel

Rapporteur public

___________

Audience du 31 mars 2016

Lecture du 14 avril 2016

___________

68-03

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Grenoble

(1re chambre) Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 octobre 2015, le 13 janvier 2016 et le 10 mars 2016 sous le n°1506164, Mme Y A, représentée par Me Castera, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 10 décembre 2014 par lequel le maire de Ville-la-Grand a délivré un permis de construire modificatif à la société Ville-la-Dis ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Ville-la-Grand et de la société Ville-la-Dis une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— sa requête est recevable, elle a intérêt à agir, le délai de recours est respecté, la notification prévue par l’article R. 600-1 est effectuée ;

— il n’est pas établi que le signataire de l’arrêté ait reçu délégation ;

— l’arrêté attaqué viole l’article Ub2 du règlement du plan local d’urbanisme dès lors que le projet dans son ensemble revêt une destination d’activité commerciale, en application de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme ;

— la modification n° 4 du plan local d’urbanisme n’est pas applicable d’une part du fait qu’il n’est pas établi qu’elle ait fait l’objet des mesures prévues à l’article R. 123-25 du code de l’urbanisme dès lors qu’elle n’apparaît pas encore sur le site internet de la commune, d’autre part du fait que la suppression de la limitation de surface de plancher pour les commerces, entachée de détournement de pouvoir, doit être écartée par exception d’illégalité ;

— une nouvelle demande d’autorisation commerciale était nécessaire compte tenu des modifications substantielles apportées à la surface de vente et à la nature des commerces.

Par des mémoires en défense enregistrés le 7 décembre 2015 et le 16 février 2016, la commune de Ville-la-Grand conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme Y A au versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable faute d’intérêt à agir au regard de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme ;

— les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 décembre 2015 et le 18 mars 2016, la société Ville-la-Dis conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme Y A au versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

— elle avait produit le permis de construire dans l’instance n°1401398 et la recevabilité du recours est donc contestable ;

— la requérante ne justifie pas être propriétaire ;

— aucun élément du permis modificatif ne fait grief à la requérante ;

— le contenu du permis modificatif a été intégré au contentieux déjà tranché, et la juridiction ne peut être saisie d’un recours contre un acte sur la légalité duquel elle a implicitement mais nécessairement statué, la requérante n’est pas recevable à contester à nouveau le permis modificatif dont la légalité a déjà été appréciée ;

— les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

— l’introduction dans le plan local d’urbanisme d’une surface de plancher maximale pour les commerces est illégale car non rattachée à un motif d’urbanisme.

II. Par une requête enregistrée le 16 décembre 2015 sous le n°1507665, M. et Mme X et Z A, représentés par Me Favre, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 10 décembre 2014 par lequel le maire de Ville-la-Grand a délivré un permis de construire modificatif à la société Ville-la-Dis ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Ville-la-Grand et de la société Ville-la-Dis une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la requête est recevable, ils ont intérêt à agir, le délai de recours est respecté ;

— la notice de présentation est insuffisante au regard de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme ;

— l’arrêté attaqué viole l’article Ub2 du règlement du plan local d’urbanisme dès lors que les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination d’activité commerciale que le local principal, en application de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme ;

— le projet ne correspond plus à l’autorisation d’équipement commercial ;

— le maire ne pouvait sans erreur grossière d’appréciation ignorer les conséquences acoustiques du projet, les prescriptions réglementaires n’étant pas respectées en période de nuit sans un traitement acoustique particulier.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2016, la société Ville-la-Dis conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants au versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable comme tardive ;

— le tribunal a nécessairement statué sur le permis modificatif en statuant sur le permis initial et la requête visant à juger le même acte est irrecevable ;

— il convient de renvoyer le litige à la cour administrative de Lyon, saisie de la même demande, en application de l’article R. 345-3 du code de justice administrative ;

— la requête est irrecevable du fait que les moyens portent sur le permis initial et qu’il est demandé au tribunal de juger à nouveau ce qu’il a déjà jugé ;

— les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2016, la commune de Ville-la-Grand conclut au rejet de la requête et à la condamnation des requérants au versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

— la requête est irrecevable dès lors qu’elle tend à faire juger les mêmes moyens que ceux qui ont donné lieu au précédent jugement du tribunal ;

— à tout le moins, la cour administrative de Lyon étant déjà saisie du litige, il convient de le lui renvoyer ;

— les moyens soulevés ne sont pas fondés.

L’instruction a été close à la date d’émission de l’avis d’audience, le 11 mars 2016, en application des dispositions combinées des articles R. 613-2 et R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour M. et Mme X et Z A a été enregistré le 11 mars 2016, postérieurement à la clôture de l’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code de commerce ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Luc Chocheyras,

— les conclusions de M. Stéphane Morel, rapporteur public,

— les observations de Me Favre, représentant M. et Mme X et Z A, ainsi que Mme Y A en substitution de Me Castera, et de Me Peyronnard, représentant la commune de Ville-la-Grand.

Considérant que les requêtes n°1506164 et 1507665 sont dirigées contre la même décision ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant que, par arrêté pris le 17 janvier 2014, le maire de Ville-la-Grand a délivré un permis de construire à la société Ville-la-Dis en vue d’édifier un centre commercial d’une surface de plancher de 15 435 m², sur un terrain situé XXX, après démolition du centre commercial existant ; que cet arrêté a été confirmé le 13 mai 2015 par le tribunal administratif de Grenoble ; que, par l’arrêté attaqué, pris le 10 décembre 2014, le maire a délivré un permis de construire modificatif à cette société ;

Considérant que les conclusions par lesquelles Mme Y A a saisi la cour administrative d’appel de Lyon d’un appel contre le jugement du 13 mai 2015 ne relèvent pas de la compétence en premier et dernier ressort de cette cour ; que la commune de Ville-la-Grand et la société Ville-la-Dis ne sont donc pas fondées à soutenir que la requête n° 1507665 devrait être renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon en application des articles R. 345-2 et R. 345-3 du code de justice administrative ;

Considérant que l’adjoint au maire chargé de l’urbanisme, signataire de l’arrêté attaqué, avait reçu délégation conférée par arrêté du maire de Ville-la-Grand en date du 3 avril 2014 ; que Mme Y A n’est donc pas fondée à invoquer l’incompétence du signataire de l’arrêté attaqué ;

Considérant que la notice du projet architectural reprise intégralement dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, combinée avec les photographies et documents d’insertion également joints à la demande de permis de construire modificatif, permet en particulier d’appréhender de façon suffisante les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, l’implantation, l’organisation, la composition et le volume de la construction par rapport aux constructions ou paysages avoisinants, l’organisation et l’aménagement des accès ; que M. et Mme X et Z A ne sont donc pas fondés à invoquer la violation de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme ;

Considérant que la délibération du 9 septembre 2013 par laquelle le conseil municipal de Ville-la-Grand a approuvé la modification n° 4 du plan local d’urbanisme a été affichée le 16 septembre 2013 et mentionnée dans un journal local le 29 octobre 2013 ; que l’absence de publication de cette délibération sur le site Internet de la commune est sans influence sur l’opposabilité de cette délibération dès lors que cette formalité n’est pas prévue par l’article R. 123-25 du code de l’urbanisme ;

Considérant que la zone Ub délimitée par le plan local d’urbanisme comporte un secteur Ubc à dominante commerciale ; que la modification n°4 du plan local d’urbanisme a notamment eu pour objet de supprimer la surface de plancher maximale précédemment applicable aux constructions destinées à des activités commerciales dans le secteur Ubc ; que le rapport de présentation de la modification rappelle que ce secteur a été institué en vue du développement commercial du secteur des « Moulins Gauds », en application du document d’aménagement commercial de l’agglomération ; que la mention figurant dans ce rapport, selon laquelle la modification « a pour objet de supprimer la surface de plancher maximale, trop contraignante pour la réalisation du projet », ne suffit pas à démontrer que cette modification aurait été approuvée dans le but de satisfaire un intérêt privé à l’exclusion des impératifs assignés par l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme ; que les requérants ne sont donc pas fondés à invoquer une exception d’illégalité à cet égard ;

Considérant qu’il ressort de la notice jointe à la demande de permis de construire modificatif que le projet comporte une surface de vente de 5 000 m², égale à la limite fixée par l’article Ub 2 du règlement du plan local d’urbanisme en ce qui concerne les activités commerciales ;

Considérant que l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme détermine ceux des travaux sur des constructions existantes qui sont soumis à permis de construire, en particulier en cas de changement de destination entre les neuf catégories définies par l’article R. 123-9 du même code ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer le dernier alinéa de cet article, aux termes duquel « Pour l’application du c du présent article, les locaux accessoires d’un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal », pour soutenir que l’ensemble des locaux du bâtiment doit être assimilé à une surface de vente ; qu’en effet cette disposition ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce dès lors qu’elle se rapporte non à la notion de surface de vente mais, suivant le c) de cet article, aux « travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article R. 123-9 » ;

Considérant par ailleurs que le règlement du plan local d’urbanisme en vigueur à la date de l’arrêté attaqué, résultant de la modification n°4 approuvée le 9 septembre 2013, ne limite pas la surface de plancher applicable à ce type d’établissement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 752-15 du code de commerce : « L’autorisation d’exploitation commerciale est délivrée préalablement à l’octroi du permis de construire s’il y a lieu (…). Une nouvelle demande est nécessaire lorsque le projet, en cours d’instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente (…) » ;

Considérant que, par décision du 21 décembre 2011, la Commission nationale d’aménagement commercial a autorisé la société Ville-la-Dis à étendre de 2 700 m² un hypermarché d’une surface de 3 200 m² afin de porter sa surface de vente totale à 5 900 m² et créer un mail attenant, comprenant notamment deux cellules spécialisées dans l’équipement de la personne d’une surface respective de 120 et 150 m² ;

Considérant que le projet de centre commercial, tel qu’autorisé après la modification du permis de construire initial par le permis modificatif attaqué, comporte notamment une surface de vente de 5 000 m² ainsi qu’un mail attenant comprenant notamment une zone d’exposition ; qu’en l’espèce, la réduction de la surface de vente de 900 m², soit 15 %, et la suppression des cellules spécialisées dans l’équipement de la personne prévues initialement sur une surface de 270 m², ne revêtent pas le caractère de modifications substantielles dans la nature du commerce ou des surfaces de vente ;

Considérant que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers ; que les requérants ne peuvent utilement invoquer les troubles de voisinages redoutés ;

Considérant que, selon l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme, lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’urbanisme ; que, cependant,

M. et Mme X et Z A ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de dispositions réglementaires relatives à la limitation des bruits, qui sont étrangères aux règles d’accessibilité et de sécurité prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2 du code de la construction et de l’habitation, auxquels renvoie l’article L. 111-8 de ce code ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge de la commune de Ville-la-Grand et de la société Ville-la-Dis, qui ne sont pas parties perdantes, les sommes que Mme Y A et

M. et Mme X et Z A demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge des requérants les sommes demandées par la société Ville-la-Dis ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme Y A une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la commune de Ville-la-Grand et de mettre à la charge de M. et Mme X et Z A une somme globale de 1 200 euros au titre des frais exposés par la commune ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes n°1506164 et 1507665 sont rejetées.

Article 2 : Mme Y A versera une somme de 1 200 euros à la commune de Ville-la-Grand au titre de l’article L. 761-1 du

code de justice administrative.

Article 3 : M. et Mme X et Z A verseront une somme globale de 1 200 euros à la commune de Ville-la-Grand au

titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié :

— à Mme Y A,

— à M. et Mme X et Z A,

— à la commune de Ville-la-Grand,

— à la société Ville-la-Dis.

Délibéré après l’audience du 31 mars 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pfauwadel, président,

M. Chocheyras, premier conseiller,

M. Ban, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 avril 2016.

Le rapporteur, Le président,

L. CHOCHEYRAS T. PFAUWADEL

Le greffier,

V. SCANNELLA

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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