Tribunal administratif de Grenoble, Juge unique 8, 31 décembre 2023, n° 2107971

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, juge unique 8, 31 déc. 2023, n° 2107971
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 2107971
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 12 janvier 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 novembre 2021 et le 23 janvier 2023, M. et Mme A et D E doivent être regardés comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le président du conseil départemental de l’Isère a rejeté leur recours gracieux et confirmé deux indus de revenu de solidarité active d’un montant de 1 125 euros chacun pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019 ;

2°) d’annuler le titre exécutoire n°3730 émis le 21 avril 2021 pour le recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 852,18 euros pour la période du 1er février 2019 au 31 juillet 2019 ;

3°) d’annuler le titre exécutoire n°3669 émis le 20 avril 2021 pour le recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 1 125 euros pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019 ;

4°) d’annuler le titre exécutoire n°3729 émis le 21 avril 2021 pour le recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 1 125 euros pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019 ;

Ils soutiennent que les décisions sont entachées d’erreur de fait dès lors qu’ils n’ont jamais perçu les sommes mentionnées sur l’avis d’imposition et que la société civile immobilière dans laquelle M. E a des parts ne leur rapporte aucun revenu.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 juillet 2022, le département de l’Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le président a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience :

— le rapport de M. B,

— et les observations de M. C représentant le département de l’Isère.

La clôture d’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme E sont allocataires du revenu de solidarité active. Les 12 et 14 août 2020, la caisse d’allocations familiales de l’Isère leur a notifié deux trop-perçus de cette allocation d’un montant de 1 125 euros chacun pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019. Par deux recours du 28 septembre 2020 et du 21 octobre 2020, les requérants ont contesté le bien-fondé de ces dettes. Par une décision du 17 novembre 2020, le président du conseil départemental de l’Isère a rejeté ces recours préalables. Les requérants ont ensuite saisi le Défenseur des droits afin de procéder à une médiation préalable obligatoire. Celle-ci s’est terminée le 27 octobre 2021. Enfin, le département de l’Isère a émis trois avis de sommes à payer les 20 et 21 avril 2021 pour le recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active d’un montant de 852,18 euros pour la période du 1er février 2019 au 31 juillet 2019, et deux indus de cette même allocation d’un montant de 1 125 euros chacun pour la période du 1er novembre 2018 au 30 avril 2019. Par la présente requête, M. et Mme E demandent au tribunal d’annuler ces décisions.

Sur le bien-fondé des indus de revenu de solidarité active de 1 125 euros :

2. Lorsque le recours dont il est saisi est dirigé contre une décision qui, remettant en cause des paiements déjà effectués, ordonne la récupération d’un indu de revenu de solidarité active, il entre dans l’office du juge d’apprécier, au regard de l’argumentation du requérant, le cas échéant, de celle développée par le défendeur et, enfin, des moyens d’ordre public, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction, la régularité comme le bien-fondé de la décision de récupération d’indu. Il lui appartient, s’il y a lieu, d’annuler ou de réformer la décision ainsi attaquée, pour le motif qui lui paraît, compte tenu des éléments qui lui sont soumis, le mieux à même, dans l’exercice de son office, de régler le litige.

3. D’une part, aux termes de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France de manière stable et effective, dont le foyer dispose de ressources inférieures à un montant forfaitaire, a droit au revenu de solidarité active dans les conditions définies au présent chapitre () ». L’article L. 262-3 du même code dispose ensuite que : " L’ensemble des ressources du foyer, y compris celles qui sont mentionnées à l’article L. 132-1, est pris en compte pour le calcul du revenu de solidarité active, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’Etat qui détermine notamment : 1° Les ressources ayant le caractère de revenus professionnels ou qui en tiennent lieu ; 2° Les modalités d’évaluation des ressources, y compris les avantages en nature. L’avantage en nature lié à la disposition d’un logement à titre gratuit est déterminé de manière forfaitaire () « . Aux termes de l’article R. 262-6 du même code : » Les ressources prises en compte pour la détermination du montant du revenu de solidarité active comprennent, sous les réserves et selon les modalités figurant au présent chapitre, l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, et notamment les avantages en nature ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux. ".

4. D’autre part, aux termes de l’article L. 132-1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire () ». L’article R. 132-1 du même code dispose que : « Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s’il s’agit d’immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s’il s’agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. ».

5. Enfin, aux termes de l’article R. 262-37 du code de l’action sociale et des familles : " Le bénéficiaire de l’allocation de revenu de solidarité active est tenu de faire connaître à l’organisme chargé du service de la prestation toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments. ".

6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 262-2 et L. 262-3 du code de l’action sociale et des familles que si le revenu de solidarité active est versé sur le compte d’un unique allocataire, celui-ci est néanmoins réputé être versé au bénéfice de l’ensemble du foyer et au vu de la situation et des revenus de l’ensemble de ses membres. En l’espèce, si l’allocation litigieuse de revenu de solidarité active a été versée seulement au nom de Mme E, celle-ci a été calculée au regard de la situation de l’ensemble du foyer. Par conséquent, la circonstance que l’ensemble des courriers de la caisse aient été adressés seulement à Mme E est sans incidence sur le bien-fondé de l’indu.

7. En second lieu, il résulte également des dispositions précitées des articles R. 262-6, R. 262-37 et L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles que l’allocataire est tenu de faire connaitre à l’administration l’ensemble de ses ressources. Il doit ainsi déclarer l’ensemble des ressources de quelque nature qu’elles soient à l’exception de celles mentionnées à l’article R. 262-11 du code de l’action sociale et des familles ainsi que l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers productifs ou non productifs de revenus.

8. Pour l’application des dispositions précitées, lorsque l’allocataire est propriétaire d’un bien immobilier pour lequel il perçoit des loyers, les revenus à prendre en compte au titre des ressources effectivement perçues sont constitués du montant de ces loyers, duquel il convient de déduire les charges supportées par le propriétaire à l’exception de celles qui contribuent directement à la conservation ou à l’augmentation du patrimoine, telles que, le cas échéant, les remboursements du capital de l’emprunt ayant permis son acquisition. En revanche, lorsque l’allocataire est propriétaire de parts d’une société civile immobilière, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que les bénéfices d’une telle société qui ne lui auraient pas été distribués puissent être, à raison des parts détenues, regardés comme constitutifs pour lui d’une ressource. Dans cette hypothèse, il y a lieu, pour déterminer le montant des ressources retirées par l’allocataire de ses parts détenues dans une telle société, de tenir compte des seuls bénéfices de la société dont il a effectivement disposé, c’est-à-dire qui lui ont été distribués, et, à défaut de bénéfices distribués, d’évaluer ces ressources sur la base forfaitaire, applicable aux capitaux non productifs de revenus, prévue par les articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de l’action sociale et des familles, en appliquant le taux de 3 % à la valeur de ces parts.

9. Il résulte de l’instruction que M. E est propriétaire de parts dans une société civile immobilière. Ces parts sont donc au nombre des biens que le foyer était tenu de déclarer à l’administration ainsi que leur valeur. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les époux E n’ont pas déclaré les revenus tirés de cette société qu’ils ont perçus en 2018 et mentionnés dans leur avis d’imposition. La circonstance que les revenus tirés de la société civile immobilière aient été déclarés aux services fiscaux et qu’ils soient ou non soumis à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés n’est pas de nature à exonérer l’allocataire de communiquer ces revenus au département et à la caisse d’allocations familiales chargés du calcul du versement du revenu de solidarité active dès lors que celui-ci est calculé sur la seule base des déclarations de l’allocataire. Par suite, et dès lors qu’aucun élément ne permet d’estimer le montant des revenus tirés de la société civile immobilière par M. E et dès lors qu’aucune information n’a été transmise sur la valeur de ces parts, les requérants ne sont pas fondés à contester le bien-fondé des indus de revenu de solidarité active mis à leur charge.

10. Par conséquent, les conclusions relatives à la décision du président du conseil départemental du 17 novembre 2020 et aux titres exécutoires n°3669 et 3729 doivent être rejetées.

Sur le titre exécutoire n°3730 :

11. Aux termes de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « 1° En l’absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l’établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur () ».

12. Si la recevabilité d’un recours contentieux dirigé contre le titre exécutoire émis pour recouvrer un indu de revenu de solidarité active n’est pas, en vertu de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, subordonnée à l’exercice d’un recours administratif préalable, le débiteur ne peut toutefois, à l’occasion d’un tel recours, contester devant le juge administratif le bien-fondé de cet indu en l’absence de tout recours préalable saisissant de cette contestation le président du conseil départemental.

13. Les requérants ne justifient que de l’exercice d’un recours préalable contre les indus de 1 125 euros. Par conséquent et dès lors qu’ils ne soulèvent aucun moyen relatif à la régularité formelle du titre n°3730 par lequel le département de l’Isère a procédé à la mise en recouvrement d’un indu de revenu de solidarité active de 852,18 euros, M. et Mme E ne sont pas fondés à demander l’annulation de ce titre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. et Mme E doit être rejetée dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A E, à Mme D E et au département de l’Isère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2023.

Le président,

J-P. BLa greffière,

L. BOURECHAK

La République mande et ordonne au préfet de l’Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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