Tribunal administratif de La Réunion, Reconduite à la frontière, 31 décembre 2022, n° 2201637

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA La Réunion, reconduite à la frontière, 31 déc. 2022, n° 2201637
Juridiction : Tribunal administratif de La Réunion
Numéro : 2201637
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, M. E B, représenté par Me Sandberg, demande au tribunal :

1°) de l’admettre à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler la décision du 27 décembre 2022 par laquelle le ministre de l’intérieur et des outre-mer a rejeté sa demande d’entrée en France au titre de l’asile et ordonné son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ;

3°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur et des outre-mer de l’autoriser à entrer en France et de lui délivrer un visa de régularisation dès la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Sandberg d’une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— la décision de refus d’entrée en France et la décision fixant le pays de réacheminement sont entachées d’incompétence ;

— la décision du ministre lui refusant l’entrée en France au titre de l’asile a été prise au terme d’une procédure irrégulière dès lors que les garanties relatives à la confidentialité de l’examen de sa demande n’ont pas été respectées ;

— elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que le ministre était en situation de compétence liée en cas d’avis favorable de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

— elle est entachée d’une erreur de droit dès lors que le ministre ne s’est pas borné à examiner le caractère manifestement infondé de sa demande ;

— la décision de réacheminement vers le Sri Lanka est entachée d’un défaut de motivation ;

— elle est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision de refus d’entrée au titre de l’asile ;

— elle a été prise en violation des stipulations de l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2022, le ministre de l’intérieur et des outre-mer, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Caille, premier conseiller, en application de l’article L. 352-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pour statuer sur les litiges visés à cet article.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, qui a eu lieu le 31 décembre 2022 à 8 heures 30 et à l’issue de laquelle l’instruction a été close :

— le rapport de M. Caille, premier conseiller,

— et les observations de Me Sandberg, pour M. B, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Considérant ce qui suit :

1. M. E B, ressortissant sri lankais né le 3 juillet 1997, est arrivé à La Réunion le 24 décembre 2022 par voie maritime en provenance du Sri Lanka et a demandé à entrer en France au titre de l’asile. Il a été entendu par un agent de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 27 septembre 2022. Par décision du 27 décembre 2022 prise au vu de l’avis émis par l’Office, le ministre de l’intérieur et des outre-mer a rejeté la demande d’entrée en France au titre de l’asile de l’intéressé et ordonné son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout pays où il serait légalement admissible. M. B demande l’annulation de cette décision.

Sur la demande d’admission provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée () par la juridiction compétente ou son président ». Au cas d’espèce, il est constant que le requérant n’a dû exposer aucun frais pour introduire le présent recours. En l’absence d’urgence, et sans préjudice de la décision définitive qui sera prise par le bureau d’aide juridictionnelle, il n’y a pas lieu de l’admettre à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Sur le moyen commun aux deux décisions attaquées :

3. Aux termes de l’article R. 352-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’autorité administrative compétente pour refuser l’entrée à un étranger qui a demandé à bénéficier du droit d’asile est le ministre chargé de l’immigration. » Il ressort des pièces du dossier que les décisions attaquées n’ont pas été prises par le brigadier D, qui a seulement procédé à leur notification. En tout état de cause, par décision du 21 juin 2022, publiée le lendemain au Journal officiel de la République Française, modifiant sa précédente décision du 24 août 2020, la directrice de l’asile a donné délégation à Mme C A, attachée d’administration de l’Etat, à l’effet de signer au nom du ministre tous actes, arrêtés, décisions, réglementaires ou nominatifs dans la limite des attributions de la sous-direction du droit d’asile et de la protection internationale. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.

Sur le rejet de la demande d’entrée en France au titre de l’asile :

4. En premier lieu, aux termes de l’article R. 351-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Lorsque l’étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d’asile, il est informé sans délai, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, de la procédure de demande d’asile et de son déroulement, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l’aider à présenter sa demande. () ». L’article R. 351-3 du même code prévoit que : « Sauf dans le cas où l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat, l’étranger est entendu par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides selon les modalités prévues par les articles R. 531-11 à R. 531-16. () ». Selon ce dernier article, " L’Office français de protection des réfugiés et apatrides peut décider de procéder à l’entretien personnel en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dans les cas suivants : / () 2° Lorsqu’il est retenu dans un lieu privatif de liberté ; / () L’officier de protection chargé de la conduite de l’entretien a la maîtrise des opérations. Il lui appartient de veiller au respect des droits de la personne. Il doit à tout instant pouvoir s’assurer du respect des bonnes conditions d’audition et de visionnage. Il peut mettre fin à l’entretien si ces conditions ne sont pas réunies ou si les circonstances de l’espèce l’exigent. Dans ce cas, l’entretien a lieu en présence de l’intéressé. / L’intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l’aide d’un interprète, être informé par l’office avant le commencement de l’entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d’assurer le respect des règles de confidentialité. "

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B a bénéficié, le 27 décembre 2022, d’un entretien personnel avec un officier de protection de l’OFPRA qui s’est déroulé par visioconférence, le requérant se trouvant alors dans la zone d’attente de l’aéroport Roland Garros à La Réunion. Si le requérant soutient que plusieurs entretiens se déroulaient simultanément dans deux salles adjacentes et que celles-ci étaient bruyantes en raison de la présence de nombreuses personnes dans la zone d’attente le jour des entretiens, il ressort du compte rendu de l’entretien que celui-ci a duré 47 minutes, avec un interprétariat fluide, au cours duquel M. B a pu exposer de manière suffisamment précise les éléments relatifs à sa situation personnelle afin de permettre à l’administration de procéder à l’examen prévu à l’article L. 352-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Ce document ne révèle aucune difficulté de compréhension de la part de l’intéressé mais seulement la nécessité de l’inviter à répondre strictement et complètement aux questions qui lui ont été posées par l’officier de protection. Au demeurant, M. B ne fait état d’aucun élément pertinent relatif à sa situation personnelle qu’il aurait été empêché de porter à la connaissance de cet agent, alors que le compte rendu de son audition comporte, à la rubrique observations, la mention néant, et il n’apporte pas davantage d’éléments de nature à jeter un doute sur la fidélité des propos qui y sont retranscrits. Enfin, et au surplus, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l’officier de protection, auquel il appartient de veiller au respect des droits de la personne et de s’assurer du respect des bonnes conditions de son audition, ait estimé que ces conditions n’étaient pas réunies lors de l’entretien personnel du requérant. Le moyen tiré du non-respect « des exigences minimales de l’entretien d’un demandeur d’asile », doit, par suite, être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 352-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Sauf dans le cas où l’examen de la demande d’asile relève de la compétence d’un autre Etat, la décision de refus d’entrée ne peut être prise qu’après consultation de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui rend son avis dans un délai fixé par voie réglementaire et dans le respect des garanties procédurales prévues au titre III du livre V. / () / Sauf si l’accès de l’étranger au territoire français constitue une menace grave pour l’ordre public, l’avis de l’office, s’il est favorable à l’entrée en France de l’intéressé au titre de l’asile, lie le ministre chargé de l’immigration. »

7. Il ressort des pièces du dossier que l’OFPRA a émis un avis négatif sur la demande d’entrée au titre de l’asile présentée par le requérant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 352-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile manque en fait et doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 352-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose : « La décision de refuser l’entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d’asile ne peut être prise que dans les cas suivants : / () 3° La demande d’asile est manifestement infondée. / Constitue une demande d’asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l’étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d’atteintes graves. ». Le droit constitutionnel d’asile, qui a le caractère d’une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié. Ce droit implique que l’étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande. Toutefois, le ministre chargé de l’immigration peut, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 354-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, rejeter en raison de son caractère manifestement infondé la demande d’asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque les déclarations de celui-ci et les documents qu’il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l’intéressé au titre du 2° du paragraphe A de l’article 1er de la convention relative au statut des réfugiés. Il suit de là que le requérant n’est pas fondé à soutenir que le ministre aurait commis une erreur de droit en étendant son appréciation au bien fondé de son argumentation sans se borner à vérifier au terme d’une appréciation superficielle si sa demande était manifestement insusceptible de se rattacher aux critères prévus par les stipulations de l’article 1er de la convention relative au statut des réfugiés.

Sur la décision fixant le pays de réacheminement :

9. En premier lieu, la décision attaquée relève que le requérant provient du Sri Lanka dont il a la nationalité et cite l’article L. 333-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Elle est ainsi suffisamment motivée en droit et en fait.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré par la voie de l’exception de l’illégalité de la décision de refus d’entrée en France au titre de l’asile, soulevé à l’encontre de la décision de réacheminement, doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes de l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » En se bornant à soutenir que la situation politique prévalant au Sri Lanka et notamment les répressions des manifestants en cours, rendent tout renvoi vers ce pays impossible, au risque de le soumettre à des traitements inhumains et que, par ailleurs, la médiatisation de sa demande d’asile a nécessairement attiré l’attention des autorités de son pays sur sa volonté de quitter le pays et l’expose à de nouvelles persécutions en cas de retour alors que l’OFPRA a émis un avis négatif sur sa demande d’entrée au titre de l’asile, M. B ne démontre pas la réalité, la gravité et l’actualité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de réacheminement à destination du Sri Lanka, pays d’où il provient et vers lequel il doit être réacheminé. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le ministre de l’intérieur et des outre-mer a refusé son entrée sur le territoire français au titre de l’asile et décidé son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka. Par suite, ses conclusions à fin d’annulation doivent être rejetées. Il y a lieu de rejeter également, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte ainsi que ses conclusions présentées au titre des frais de l’instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. E B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de La Réunion.

Prononcé en audience publique le 31 décembre 2022.

Le magistrat désigné,

P.-O. CAILLE

Le greffier,

D. CAZANOVE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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