Tribunal administratif de Lyon, 5 décembre 2013, n° 1100433

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 5 déc. 2013, n° 1100433
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1100433
Décision précédente : Tribunal administratif de Lyon, 16 octobre 2011

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1100433

___________

DEPARTEMENT DE L’ARDECHE

___________

M. Delahaye

Rapporteur

___________

M. Béroujon

Rapporteur public

___________

Audience du 21 novembre 2013

Lecture du 5 décembre 2013

___________

135-03-02-01-01

C-KS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Lyon

(3e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2011, présentée pour le département de l’Ardèche, représenté par le président du conseil général, par Me Levy, avocat au barreau de Paris, qui demande au tribunal :

1°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 11 877 999,57 euros en réparation du préjudice résultant de la non compensation intégrale des dépenses d’allocation du revenu minimum d’insertion (RMI) et du revenu de solidarité active (RSA) au titre des années 2006 à 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le département de l’Ardèche soutient que :

— les compensations financières accordées par l’Etat au titre du transfert de compétences en matière de RMI-RSA sont fondées sur les dispositions de l’article 4 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, de l’article 59 de la loi n°2003-1311 portant loi de finances pour 2004 et de l’article 7-I de la loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ;

— ces dispositions législatives, en ce qu’elles ont eu pour effet, de ne pas compenser l’intégralité des charges transférées, violent les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités territoriales garantis par les articles 72 et 72-2, alinéa 4 de la Constitution ;

— s’agissant plus particulièrement des compensations versées au titre des dépenses de RSA « majoré » pour les années 2009 et 2010, les ajustements opérés par l’Etat par la loi de finances pour 2011 ne respectent pas le principe de compensation intégrale prévu par l’article 7-II de la loi du 1er décembre 2008 dès lors que ces compensations ont été calculées sur la base de six mois de versement d’allocations en 2009 alors que, conformément à l’article 28 de ladite loi, le département ayant dû assumer le versement du RSA dès le 1er juin 2009, soit pendant une période de sept mois ;

— l’indemnisation du préjudice résultant de la non compensation fautive de l’intégralité des dépenses engagées au titre de la mise en œuvre du RMI/RSA doit porter sur la période 2006-2010 ;

— ce préjudice est constitué par les allocations de RMI/RSA sur les années 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010, qui n’ont pas fait l’objet de compensation par l’Etat, soit 2 391 225,81 euros au titre des dépenses de RMI de l’année 2006, 2 007 946,46 euros au titre des dépenses de RMI l’année 2007, 1 559 105,61 euros au titre des dépenses de RMI de l’année 2008, 2 338 410,95 euros au titre des dépenses de RMI/RSA « socle » de l’année 2009, 657 192,75 euros au titre des dépenses de RSA « majoré » de l’année 2009, 2 368 395,37 euros au titre des dépenses de RMI/RSA « socle » de l’année 2010, 560 138,67 euros au titre des dépenses de RSA « majoré » de l’année 2010 ;

Vu la demande préalable adressée au Premier ministre le 11 février 2010 ;

Vu le mémoire enregistré le 31 janvier 2011 présenté pour le département de l’Ardèche qui demande au tribunal de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de la constitutionnalité des dispositions de l’article 4 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, de l’article 59 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 et de l’article 7-I de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 ;

Vu l’ordonnance du 17 octobre 2011 par laquelle le président de la troisième chambre du tribunal administratif de Lyon a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité susvisée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2013, présenté par le ministre des solidarités et de la cohésion sociale qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

— les mécanismes de compensation du RMI/RSA satisfont aux exigences constitutionnelles et législatives ;

— la conformité de ces dispositifs à la Constitution a été affirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2011-142/145 du 30 juin 2011 ;

— la contribution de l’Etat au financement du RMI/RSA issue des dispositions législatives respecte la libre administration des collectivités territoriales et l’Etat, en dehors de toute obligation constitutionnelle, a pris des mesures exceptionnelles pour accompagner la montée en charge des dispositifs ;

— il a ainsi décidé de verser un abondement exceptionnel de 1 802 737 euros au titre de l’année 2004 pour prendre en compte le décalage entre les dépenses exécutées par le département et les versements perçus au cours de l’année ;

— il a créé un fonds de mobilisation départementale pour l’insertion doté initialement de 100 millions d’euros en 2006, puis 500 millions d’euros à compter de la loi de finances rectificative de 2006, régulièrement reconduit depuis l’année 2009 ;

— l’Etat a déjà versé entre 2004 et 2011, 3,96 milliards d’euros aux départements en complément du droit à compensation, dont 14,457 millions d’euros en faveur du seul département de l’Ardèche ;

— concernant la compensation du RSA, l’article 7 de la loi du 1er décembre 2008 prévoit, d’une part, le maintien du droit à compensation accordé aux départements au titre du transfert du RMI et de la création du RMA, et d’autre part, que les charges issues de l’inclusion de l’allocation parent isolé (API) dans le dispositif RSA sont intégralement compensées par l’Etat ;

— les compensations inscrites en loi de finances au profit du département de l’Ardèche au titre du RSA socle majoré s’élèvent à 1 375 884 euros pour l’année 2009 et 2 848 237 euros pour l’année 2010 et au-delà ;

— le droit à compensation définitif des départements métropolitains a été fixé sous le contrôle de la commission consultative sur l’évaluation des charges (CCEC) consultée lors des séances des 13 septembre et 29 novembre 2011 et du 27 juin 2012, et a été constaté par arrêté interministériel du 21 janvier 2013, après avis favorable unanime de la CCEC en date du 27 juin 2012 ;

— le département de l’Ardèche ne démontre aucunement l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité ;

Vu la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ;

Vu la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 ;

Vu la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ;

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

Vu la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 novembre 2013 :

— le rapport de M. Delahaye, premier conseiller,

— les conclusions de M. Béroujon, rapporteur public ;

1. Considérant que le département de l’Ardèche, dont la demande préalable d’indemnisation du 11 février 2010 a été implicitement rejetée par le Premier ministre, demande au tribunal de condamner l’Etat à l’indemniser des préjudices résultant pour lui de l’insuffisante compensation des dépenses afférentes à la mise en œuvre du revenu minimum d’insertion et du revenu de solidarité active au titre des années 2006 à 2010 ;

Sur la responsabilité de l’Etat :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R. 771-10 du code de justice administrative applicable aux questions prioritaires de constitutionnalité : « Le refus de transmission dessaisit la juridiction du moyen d’inconstitutionnalité. La décision qui règle le litige vise le refus de transmission (…) » ; qu’au soutien de ses conclusions indemnitaires, le département de l’Ardèche se prévaut de l’inconstitutionnalité fautive des dispositions de l’article 4 de la loi n°2003-1311 du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, de l’article 59 de la loi n°2003-1311 portant loi de finances pour 2004 et de l’article 7-I de la loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ; qu’il a demandé, dans les conditions prévues aux articles 23-1 à 23-3 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée, la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d’Etat ; que le refus de transmission que lui a opposé l’ordonnance susvisée du 17 octobre 2011, a eu pour effet de dessaisir le tribunal de ce moyen ;

3. Considérant, en second lieu, et s’agissant des années 2009 et 2010, qu’en se bornant à faire valoir que le principe de compensation intégrale des charges prévu au II de l’article 7 de la loi du 1er décembre 2008 susvisée n’aurait pas été respecté au motif que le dispositif mis en œuvre par l’Etat n’aurait pas permis de compenser la prise en charge du revenu de solidarité active dès le 1er juin 2009, le département de l’Ardèche n’établit pas que l’Etat aurait manqué à ses obligations légales dès lors que, conformément à ce que prévoient ces dispositions de manière explicite, les modalités d’une telle compensation ont été définies par les lois de finances successives ultérieures, lesquelles ont, en particulier, déterminé les conditions dans lesquelles seraient répartis entre les départements, les crédits dont l’Etat dote, chaque année, à cette fin, le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion prévu à l’article L.3334-16-2 du code général des collectivités territoriales ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les modalités d’attribution au département de l’Ardèche des crédits provenant à ce titre de ce fonds, ne répondraient pas, pour les années en litige, aux modalités définies par les dispositions de cet article en leurs rédactions successives ; qu’ainsi, le département de l’Ardèche n’est pas fondé à demander la mise en cause de la responsabilité de l’Etat sur ce fondement ;

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par le département de l’Ardèche doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que le département de l’Ardèche demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département de l’Ardèche est rejetée.

Article : Le présent jugement sera notifié au département de l’Ardèche au ministre des affaires sociales et de la santé, et au ministre de l’économie et des finances.

Délibéré après l’audience du 21 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Kolbert, président,

Mme Peuvrel, première conseillère,

M. Delahaye, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 décembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

L. Delahaye E. Kolbert

La greffière,

S. Méthé

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

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