Tribunal administratif de Lyon, 27 mars 2019, n° 1803749

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 27 mars 2019, n° 1803749
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1803749

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LYON

N° 1803749

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

PREFET DU RHONE

c/ Commune de Vénissieux

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. X

Président-rapporteur

Le tribunal administratif de Lyon

(7ème chambre) M. Y

Rapporteur public

Audience du 13 mars 2019

Lecture du 27 mars 2019

49-03-01

C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 mai 2018, le préfet du Rhône demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 30 mars 2018 par lequel la maire de la commune de Vénissieux a interdit sur le territoire communal, dans les résidences principales et du 1er avril au 31 octobre 2018, les coupures d’électricité et de gaz.

Il soutient que :

- l’arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente, cet arrêté ne relevant pas des pouvoirs de police administrative de la maire et cette dernière ne pouvant légalement prendre un arrêté dans un domaine dans lequel aucune disposition législative ou réglementaire ne lui confère un pouvoir; la maire ne peut s’immiscer dans les relations contractuelles, en faisant obstacle à

l’application de la procédure prévue en cas de non paiement des factures ;

- l’arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoient une procédure pour venir en aide aux personnes rencontrant des difficultés de règlement de factures ;

- l’arrêté attaqué porte atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, en s’immiscant sans fondement dans des relations contractuelles de droit privé, en l’occurrence les contrats liant les fournisseurs d’énergie et leurs clients;

- l’arrêté contesté est dépourvu de base légale, dès lors que les textes visés par cet arrêté ne sauraient permettre à la maire d’interdire les coupures d’énergie sur sa commune; en particulier, les articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ne sauraient fonder cet arrêté, aucun risque d’atteinte à l’ordre public, et notamment à la sécurité et à la salubrité publique, n’étant avéré ;


2 N° 1803749

- l’objectif recherché pourrait être atteint par des mesures moins contraignantes, puisque les personnes ne pouvant payer leurs factures d’électricité et de gaz peuvent bénéficier d’une aide financière;

- enfin, l’arrêté en litige est entaché d’un détournement de pouvoir, la maire ayant entendu agir dans le but de répondre à des préoccupations politiques ou sociales, sans rapport avec les objectifs visés par l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et aucune circonstance particulière ne pouvant justifier l’adoption d’une mesure de police.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2019, la commune de Vénissieux, représentée par Me Vergnon, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Rhône ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 janvier 2019, la clôture d’instruction a été fixée au 13 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu: la Constitution et son Préambule;

- le code de l’action sociale et des familles ;

-le code de l’énergie;

- le code général des collectivités territoriales;

-le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : le rapport de M. X, président-rapporteur ; les conclusions de M. Y, rapporteur public ;

-

et les observations de Me Allala, représentant la commune de Vénissieux.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Rhône demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 30 mars 2018 par lequel la maire de la commune de Vénissieux a interdit sur le territoire communal, dans les résidences principales et du 1er avril au 31 octobre 2018, les coupures d’électricité et de gaz.

2. Aux termes de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : « Le maire est chargé (…) de la police municipale (…)». Aux termes de l’article L. 2212-2 du même code: « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. (…)».

3. Si des mesures spécifiques d’aide aux personnes en situation de précarité ont été définies par le législateur pour éviter les coupures d’eau, de gaz et d’électricité, et notamment s’agissant de l’eau, afin de poursuivre l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent, le maire d’une commune peut toutefois faire usage des pouvoirs de police générale qu’il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 précités du code général des collectivités territoriales en cas de circonstances particulières et prescrire, sur le fondement de ces articles, l’interdiction de la coupure d’une alimentation en eau, gaz ou électricité pour prévenir un trouble à l’ordre public, notamment à la sécurité ou à la salubrité publiques, à la condition


3 N° 1803749

cependant que les circonstances particulières de l’espèce rendent cette mesure nécessaire, en raison de la gravité et de l’imminence des risques encourus. En l’espèce, le risque pour la sécurité des biens et des personnes que constituerait, selon la commune de Vénissieux, l’usage de moyens alternatifs de chauffage et d’éclairage en cas de coupure d’approvisionnement, n’est pas de nature, en raison du caractère hypothétique et très peu circonstancié de ce risque, à justifier que la maire fasse usage des pouvoirs qu’elle tient des dispositions précitées pour prendre des mesures portant atteinte à la liberté du commerce et d’industrie et s’immiscer dans les relations contractuelles de droit privé qui unissent le gestionnaire du service et son abonné, en interdisant, dans les résidences principales et du

1er avril au 31 octobre 2018, les coupures d’électricité et de gaz. La nécessité de sauvegarder la dignité de la personne humaine, évoquée en termes généraux par la commune, n’est de même pas susceptible de caractériser l’existence d’un risque avéré pour l’ordre public. Par suite, et alors même que la mesure d’interdiction n’aurait qu’un caractère subsidiaire par rapport à l’application de dispositions législatives et réglementaires destinées à permettre la fourniture d’électricité et de gaz aux personnes en difficulté, les dispositions précitées des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne peuvent servir de fondement légal à l’arrêté litigieux.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’illégalité et doit être annulé.

DECIDE:

Article 1er : L’arrêté du 30 mars 2018 par lequel la maire de la commune de Vénissieux a interdit, dans les résidences principales et du 1er avril au 31 octobre 2018, les coupures d’électricité et de gaz est annulé.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié au préfet du Rhône et à la commune de Vénissieux.

Délibéré après l’audience du 13 mars 2019, à laquelle siégeaient :

M. X, président,
Mme Eliot, première conseillère,
Mme Maubon, première conseillère.

Lu en audience publique le 27 mars 2019.

Le président-rapporteur, L’assesseure la plus ancienne dans

l’ordre du tableau,

J.-P. X A. Eliot

La greffière

F. A



N° 1803749 4

La République mande et ordonne au préfet du Rhône, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Un greffier,

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