Tribunal administratif de Lyon, 14 décembre 2020, n° 1803635

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 14 déc. 2020, n° 1803635
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1803635

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE GRENOBLE

N°1803635 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________
Mme X et autres ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Anne-Sibylle Y Rapporteur ___________ Le tribunal administratif de Grenoble
M. Mathieu Heintz (3ème chambre) Rapporteur public ___________

Audience du 19 novembre 2020 Décision du 14 décembre 2020 ___________ 39-02 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 juin 2018, le 10 janvier 2019 et le 21 octobre 2019, Mme E X, M. F A et M. G B, représentés par Me Coutaz, demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d’annuler le protocole d’accord intitulé centre commercial Neyrpic, signé le 26 avril 2018, par le président de Grenoble Alpes métropole, le maire de Saint Martin d’Hères, la société Apsys et la société des Halles Neyrpic ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- le président de la métropole et le maire de Saint Martin d’Hères n’étaient pas compétents pour signer le protocole d’accord parce que sa rédaction a été modifiée par rapport à celle dont les assemblées délibérantes ont autorisé la signature ;

- le protocole d’accord porte atteinte à la liberté du commerce ;

- le protocole d’accord porte atteinte à la liberté d’entreprendre en imposant des clauses réglementaires exorbitantes du droit commun aux enseignes et au promoteur privé ;

- le protocole d’accord porte sur un objet illicite et caractérise un détournement de pouvoirs, en contractualisant des prérogatives de puissance publique au profit d’une société privée.



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Par des mémoires enregistrés le 11 décembre 2018 et le 4 novembre 2019, la commune de Saint-Martin-d’Hères, représentée par Me Fessler, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 10 décembre 2018 et le 23 septembre 2019, Grenoble Alpes métropole, représentée par Me Supplisson, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La procédure a été transmise aux sociétés Apsys et les Halles Neyrpic qui n’ont pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de M. Heintz, rapporteur public,

- et les observations de Mme X, de Me Suplisson, représentant Grenoble Alpes métropole et de Me Fessler, représentant la commune de Saint-Martin-d’Hères.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 avril 2018, un protocole d’accord, portant sur le projet de centre commercial « Neyrpic » a été signé par le président de Grenoble Alpes métropole, le maire de Saint Martin d’Hères, le président de la société Apsys et le gérant de la société les Halles Neyrpic. Par une requête enregistrée le 12 juin 2018, Mme X, conseillère municipale de Saint Martin d’Hères, M. A et M. B, conseillers métropolitains demandent au tribunal d’annuler le protocole d’accord signé le 26 avril 2018.

Sur les conclusions aux fins d’annulation du protocole d’accord du 26 avril 2018

2. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné qui compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l’appui du recours ainsi défini.



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3. Saisi ainsi par un membre de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales, dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier l’importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, soit d’inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu’il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui- ci.

4. En premier lieu, les requérants soutiennent que le président de la métropole et le maire de Saint Martin d’Hères n’étaient pas compétents pour signer le protocole d’accord dans la mesure où la rédaction finale de l’accord ne correspond pas à celle autorisée par les assemblées délibérantes.

5. Il résulte de l’instruction, que par des délibérations en date du 6 avril 2018 et du 25 avril 2018, le conseil métropolitain et le conseil municipal de la commune de Saint Martin d’Hères ont respectivement autorisé le président de Grenoble Alpes métropole et le maire de Saint Martin d’Hères à signer le protocole d’accord contesté. Le projet soumis à la délibération des assemblées délibérantes prévoyait en son article 5 la création d’un fonds de compensation abondé par APSYS en cas de transfert de certaines enseignes du centre-ville de Grenoble, intégrant la caserne de Bonne, ou de Grand Place sous certaines conditions et d’une compensation pour chaque enseigne concernée, « à hauteur de la valeur estimée par le montant de la dernière année du chiffre d’affaires à la date du transfert ». Il résulte par ailleurs de l’instruction que l’article 5 du protocole signé a modifié la valeur à retenir, cette dernière étant « estimée à dire d’expert conformément aux usages d’évaluation de la valeur du fonds de commerce (en fonction de l’activité exercée au sein du fonds et du chiffre d’affaires réalisé par l’exploitant au cours des années précédant la cession) ».

6. Les requérants soutiennent que cette modification constitue une modification substantielle qui aurait dû être soumise à l’approbation du conseil métropolitain et du conseil municipal. Toutefois, cette seule modification des modalités de détermination de la valeur du fonds de commerce, dans l’hypothèse non souhaitée par les signataires du protocole d’un transfert d’enseignes des pôles commerciaux grenoblois vers le centre Neyrpic, n’est pas de nature à modifier le sens et la portée du protocole d’accord et ne constitue pas une modification substantielle du contrat. Par conséquent, le moyen tiré de l’incompétence doit être rejeté.

7. En deuxième lieu, les requérants soutiennent qu’en prévoyant une sélection des enseignes commerciales qui seraient autorisées à venir s’installer dans le nouveau centre commercial et un fonds de compensation en cas de transfert d’enseignes non autorisées, notamment celles déjà présentes dans le centre-ville de Grenoble, le protocole d’accord porte atteinte à la liberté de commerce.

8. Aux termes de l’article L. 750-1 du code de commerce, « les implantations, extensions, transferts d’activités existantes et changements de secteur d’activité d’entreprises



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commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer […] au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. »

9. Il résulte des termes du protocole d’accord que ses signataires ont entendu respecter « l’équilibre de l’offre commerciale du centre-ville de Grenoble et des pôles commerciaux existants. » A cette fin, les sociétés Apsys et les Halles Neyrpic s’engagent « à ne pas solliciter, ni donner suite aux demandes des enseignes présentes sur le centre-ville de Grenoble en vue de leur transfert au sein du projet. » Par ailleurs, « en cas de transfert d’enseignes du centre-ville de Grenoble intégrant la caserne de Bonne (cf. plan en annexe correspondant au secteur 2), du transfert de l’enseigne attendue sur Grand Place ou moins de cinq ans après l’ouverture de Neyrpic ou de la fermeture de point de vente existant en centre-ville moins de cinq ans après avoir développé un nouveau site sur Neyrpic, APSYS s’engage à abonder le fonds de compensation, géré par la Métropole à cet effet, à hauteur de la valeur du fonds de commerce de l’enseigne concernée. »

10. Il en résulte que le protocole d’accord conformément aux exigences de l’article L. 750-1 du code de commerce a fixé pour objectifs, le maintien des pôles économiques et commerciaux existants ou programmés sur le territoire métropolitain et la promotion de la diversité et de la vitalité commerciale sur l’ensemble de l’aire métropolitaine. En prévoyant que la société Apsys s’engage à ne pas fragiliser l’équilibre économique entre le centre Neyrpic et les pôles commerciaux constitués du centre-ville de Grenoble intégrant la caserne de Bonne et Grand Place, le protocole d’accord ne porte pas une atteinte illégale à la liberté de commerce et le moyen tiré de la violation de cette liberté doit être rejeté.

11. En troisième lieu, les requérants soutiennent qu’en prévoyant la création d’un comité d’enseigne, le protocole d’accord porte atteinte à la liberté d’entreprendre. Il résulte du protocole d’accord que « les parties conviennent de mettre en place un comité d’enseigne afin de valider les projets d’implantation dans le respect des engagements liés à la répartition de la programmation commerciale. »

12. Il en résulte que la création du comité d’enseigne a pour objectif la sauvegarde de la diversité commerciale, conformément aux dispositions de l’article L. 7510-1 du code de commerce, et l’atteinte portée ainsi à la liberté d’entreprendre n’apparaît pas disproportionnée à cet objectif. Par conséquent, le moyen tiré de la violation de la liberté d’entreprendre doit être rejeté.

13. En dernier lieu, les requérants soutiennent qu’en s’engageant aux termes du protocole d’accord à fournir à la société Apsys les informations nécessaires à l’identification des enseignes susceptibles d’être transférées, Grenoble Alpes métropole et la commune de Saint Martin d’Hères contractualisent irrégulièrement des prérogatives de puissance publique, et commettent de ce fait un détournement de pouvoir. Toutefois, les requérants n’établissent pas quelles prérogatives de puissance publique seraient irrégulièrement utilisées dans le cadre de l’exécution du protocole d’accord et le détournement de pouvoir n’est pas établi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du protocole d’accord signé le 26 avril 2018.



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Sur les frais liés au litige

15. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

16. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X, M. A et M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Me Coutaz en application de l’article 6 du décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020, à la société Apsys, à la société les Halles Neyrpic, à Grenoble Alpes métropole et à la commune de Saint-Martin-d’Hères.

Délibéré après l’audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. C, président, M. D et Mme Y, premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2020.

La rapporteure, Le président,

H Y

F. C



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La greffière,

J. M

La République mande et ordonne au préfet de l’Isère en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun entre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

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