Tribunal administratif de Martinique, 10 décembre 2020, n° 1900567

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Sur la décision

Référence :
TA Martinique, 10 déc. 2020, n° 1900567
Juridiction : Tribunal administratif de Martinique
Numéro : 1900567

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA MARTINIQUE REPUBLIQUE FRANÇAISE

N° 1900567 ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Société martiniquaise des eaux ___________
M. Frédéric X Le tribunal administratif de la Martinique Rapporteur ___________
M. Thibault Grondin Rapporteur public ___________

Audience du 19 novembre 2020 Décision du 10 décembre 2020 ___________ 18-03-02-01-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 19 septembre 2019, la Société martiniquaise des eaux, représentée par Me Chantalou-Norde et Me Béjot, demande au tribunal :

1°) d’annuler les titres de recettes n° 26, émis le 14 juin 2019 pour avoir paiement de la somme de 212 681,87 euros, n° 30, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 496 640,34 euros, n° 31, émis le 18 juillet 2019, pour avoir paiement de la somme de 377 815,62 euros, n° 32, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 739 699 euros, n° 33, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 942 293,37 euros, n° 34, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 598 807,72 euros, n° 35, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 553 723,74 euros, n° 36, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 907 879,51 euros, n° 37, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 782 948,66 euros, n° 38, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 363 198,91 euros, n° 39, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 264 927,55 euros, n° 40, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 1 421,13 euros, n° 41, émis le 18 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 230 694,73 euros, n° 43, émis le 19 juillet 2019 pour avoir paiement de la somme de 410 371,27 euros et n° 44, émis le 19 juillet 2019, pour avoir paiement de la somme de 303 545,42 euros, par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique, et de prononcer la décharge de l’obligation de payer les sommes correspondantes ;

2°) d’enjoindre au président de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique de lui restituer les sommes perçues en application de ces titres exécutoires ;


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3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les titres de recettes sont irréguliers, dès lors que le bordereau n’est pas signé par l’ordonnateur ;

- les titres de recettes ont été émis à l’issue d’une procédure irrégulière, dès lors que la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique a méconnu la procédure préalable de conciliation prévue par l’article 79 de la convention conclue le 26 mars 2015 avec le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique ;

- les titres de recettes sont irréguliers, dès lors que les bases de liquidation des créances sont insuffisamment précisées ;

- les créances de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique ne sont pas justifiées.

Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 30 juillet et 3 novembre 2020, la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique, représentée par Me Hennette-Jaouen, conclut au non-lieu partiel à statuer, au rejet du surplus de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Société martiniquaise des eaux, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les titres exécutoires n° 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 41 et 43 ont été retirés, postérieurement à l’introduction de la requête ;

- s’agissant des titres exécutoires n° 26, 38, 39, 40 et 44, les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

En application de l’article R. 611-1 du code de justice administrative, le mémoire complémentaire de la Société martiniquaise des eaux, enregistré le 13 novembre 2020, n’a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de M. Grondin, rapporteur public,

- et les observations de Me Chantalou-Norde, avocate de la Société martiniquaise des eaux, et de Me Madinier, substituant Me Hennette-Jaouen, avocat de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique.


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Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique a conclu avec la Société martiniquaise des eaux, le 26 mars 2015, une convention de délégation de service public, relative à la production et à la distribution d’eau potable dans 14 communes, entrée en vigueur le 1er avril 2015 pour une durée de 12 ans. Aux termes des articles 54 et 60 de cette convention, la Société martiniquaise des eaux est tenue de reverser au délégant une part des sommes facturées aux usagers. A la suite de la dissolution du syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique, intervenue le 1er janvier 2017, la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique lui a succédé, pour les 12 communes de son périmètre, dans l’ensemble de ses droits et obligations issus de la convention du 26 mars 2015. Ainsi, afin de recouvrer les sommes dues en application des articles 54 et 60 de la convention, que la Société martiniquaise des eaux avait cessé de lui verser intégralement, la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique a émis, les 14 juin, 18 juillet et 19 juillet 2019, 15 titres de recettes, représentant un montant total de 7 186 588,84 euros. Par la présente requête, la Société martiniquaise des eaux demande au tribunal d’annuler ces titres de recettes, de prononcer la décharge de l’obligation de payer les sommes correspondantes, et d’enjoindre au président de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique de lui restituer les sommes perçues en exécution de ces titres.

Sur les conclusions aux fins d’annulation des titres de recettes et de décharge :

En ce qui concerne l’étendue du litige :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte attaqué aurait reçu exécution.

3. Il résulte de l’instruction que, par une décision du 22 avril 2020, postérieure à l’introduction de la requête de la Société martiniquaise des eaux, le président de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique a retiré les titres exécutoires n° 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 41 et 43, émis les 18 et 19 juillet 2019. Ce retrait est devenu définitif. Ainsi, les conclusions de la Société martiniquaise des eaux, tendant à l’annulation de ces titres, sont devenues sans objet.

En ce qui concerne le surplus des conclusions :

S’agissant de la régularité formelle des titres exécutoires :

4. En premier lieu, aux termes du 4° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : « En application de l’article L. 111-2 du code des relations entre le public et l’administration, le titre de recettes individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l’a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ». Aux termes du troisième alinéa de l’article D. 1617-23 du même code : « La


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signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les titres de recettes emporte attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les recettes concernées et rend exécutoires les titres de recettes qui y sont joints ». Il résulte de ces dispositions, d’une part, que le titre de recettes individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l’a émis et, d’autre part, qu’il appartient à l’autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titres de recettes comporte la signature de l’émetteur.

5. Il résulte de l’instruction que les 6 titres de recettes litigieux mentionnent le nom et le prénom de M. B Y, président de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique et émetteur des titres. Il résulte également de l’instruction que les bordereaux n° 15, 19, 20 et 22, correspondant à ces titres de recettes, ont fait l’objet d’une signature électronique par M. Y. Dans ces conditions, la Société martiniquaise des eaux n’est pas fondée à soutenir que les 6 titres de recettes litigieux méconnaissent les obligations formelles définies par les dispositions précitées du 4° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.

6. En deuxième lieu, si l’article 79 de la convention conclue le 26 mars 2015 entre le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique et la Société martiniquaise des eaux prévoit que : « Les parties privilégieront la voie amiable et conciliatoire du règlement des litiges relatifs à l’interprétation et à l’exécution du présent contrat », il ressort des termes mêmes de ces stipulations contractuelles que cette procédure préalable de conciliation n’est nullement obligatoire. Par suite, la Société martiniquaise des eaux n’est pas fondée à soutenir que ces stipulations faisaient obstacle à ce que la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique émette directement des titres exécutoires pour le règlement des sommes correspondant à un litige relatif à l’exécution du contrat.

7. En troisième lieu, aux termes de l’article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : « Toute créance liquidée faisant l’objet […] d’un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ». Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l’état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

8. Il résulte de l’instruction, d’une part, que les 6 titres de recettes litigieux mentionnent qu’ils correspondent à la surtaxe, due par la Société martiniquaise des eaux à la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique, et précisent la période à laquelle chaque titre se rattache. D’autre part, les stipulations des articles 54 et 60 de la convention conclue le 26 mars 2015 entre le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique et la Société martiniquaise des eaux détaillent les modalités de calcul de cette surtaxe, qui correspond à la part des sommes facturées aux abonnés, devant être reversée par le délégataire à l’autorité délégante. Ces modalités de calcul ont également été rappelées par un courrier adressé le 6 juin 2019 par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique à la Société martiniquaise des eaux, auquel les titres de recettes litigieux faisaient implicitement mais nécessairement référence. Dans ces conditions, la Société martiniquaise des eaux n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’aurait pas été régulièrement informée des bases et éléments de calcul des dettes dont il lui était demandé règlement.


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S’agissant du bien-fondé des créances de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique :

9. Il résulte de l’instruction que les articles 54 et 60 de la convention conclue le 26 mars 2015 entre le syndicat intercommunal du centre et du sud de la Martinique et la Société martiniquaise des eaux font obligation à cette dernière de reverser à l’autorité délégante une part des sommes facturées aux usagers sur leur abonnement. Ainsi, il est constant que les créances de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique résultent de l’exécution même de ces stipulations contractuelles. En outre, le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles. Ainsi, la circonstance que la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique se serait abstenue d’exécuter ses obligations, découlant de l’article 55.2.2 de la convention, n’autorisait nullement la Société martiniquaise des eaux à s’abstenir de reverser les sommes litigieuses à la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique, ni à pratiquer, de sa propre initiative, un quelconque mécanisme de compensation entre ses dettes et les créances qu’elle détiendrait par ailleurs sur la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’absence de bien-fondé des créances doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la Société martiniquaise des eaux n’est pas fondée à demander au tribunal d’annuler les titres exécutoires n° 26, 38, 39, 40, 42 et 44, émis les 14 juin, 18 juillet et 19 juillet 2019 par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique, ni de prononcer la décharge de l’obligation de payer les sommes correspondantes. Par suite, le surplus de ses conclusions aux fins d’annulation et de décharge doit être rejeté.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

11. Le présent jugement, qui constate qu’une partie des conclusions aux fins d’annulation est devenue sans objet, et rejette le surplus des conclusions des conclusions aux fins d’annulation et de décharge, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions aux fins d’injonction, présentées par la Société martiniquaise des eaux, ne peuvent qu’être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Société martiniquaise des eaux, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique la somme demandée par la Société martiniquaise des eaux, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.


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DECIDE :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d’annulation des titres de recettes n° 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 41 et 43, émis les 18 et 19 juillet 2019 par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la Société martiniquaise des eaux est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la Société martiniquaise des eaux et à la communauté d’agglomération de l’espace sud de la Martinique.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de la Martinique.

Délibéré après l’audience du 19 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Z, président, M. X, conseiller, M. Phulpin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

Le rapporteur, Le président

F. X
M. Z

Le greffier,
M. A

La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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