Tribunal administratif de Mayotte, 22 novembre 2022, n° 2205403

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Mayotte, 22 nov. 2022, n° 2205403
Juridiction : Tribunal administratif de Mayotte
Numéro : 2205403
Importance : Inédit au recueil Lebon
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 23 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 octobre 2022 sous le n° 2205403, M. A B, représenté par Me Calot, avocat, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre la décision de la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) Ile de France et Outre-mer rejetant implicitement sa demande de réintégration avec mutation à Mayotte ;

2°) d’enjoindre à l’administration de prendre une nouvelle décision sur sa demande de réintégration et mutation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B soutient que :

— il est urgent de lui permettre de reprendre ses fonctions de directeur des services de la PJJ avec affectation sur l’un des postes vacants à Mayotte, où son épouse travaille et où il a lui-même occupé un emploi au titre d’un détachement, avant d’être placé dans une position de disponibilité pour suivre son conjoint ; il est dépourvu de ressources personnelles depuis deux ans alors qu’il doit faire face avec son épouse à des charges importantes ; l’acceptation d’un poste en métropole impliquerait une séparation alors que son CIMM se situe désormais à La Réunion ;

— sa situation familiale, de même que l’intérêt du service, des postes étant vacants à Mayotte et sa valeur professionnelle étant reconnue, justifient qu’il soit fait droit à sa demande de mutation, en application notamment des dispositions de l’article L. 512-19 du code général de la fonction publique.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

— la condition d’urgence n’est pas remplie ;

— la requête ne repose sur aucun moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la requête enregistrée le 10 novembre 2022 sous le n° 2205402 par laquelle M. B demande l’annulation de la décision susmentionnée.

Vu la décision du président du tribunal désignant M. Aebischer, vice-président, en qualité de juge des référés.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code général de la fonction publique ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience publique qui a eu lieu le 10 novembre 2022 à 14 heures, le magistrat constituant la formation de jugement compétente siégeant au tribunal administratif de La Réunion dans les conditions prévues à l’article L. 781-1 du code de justice administrative, Mme C étant greffière d’audience au tribunal administratif de Mayotte.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Aebischer, juge des référés ;

— les observations de M. B, requérant, qui confirme l’ensemble des conclusions et moyens de son référé ; il insiste sur le fait que des postes demeurent disponibles à Mayotte, étant actuellement pourvus par des agents contractuels, et sur le caractère injustifié des réserves émises à son encontre lors de la réunion d’arbitrage à la mobilité du 9 juin 2022, lesquelles sont en décalage avec ses évaluations successives, ainsi qu’avec le soutien apporté à sa candidature par le directeur territorial ;

— l’administration n’étant pas représentée à l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

2. M. B, directeur PJJ, a bénéficié en dernier lieu d’un détachement sur un poste de chargé de mission à la DJSCS de Mayotte et a fait le choix en octobre 2020, à l’issue de ce détachement, de différer sa réintégration en attendant de pouvoir obtenir un poste PJJ à Mayotte. Il a été placé depuis cette époque dans une position de disponibilité « pour suivre son conjoint », son épouse occupant un emploi à Mayotte. Ses démarches en vue d’être réintégré et muté à Mayotte n’ont pas prospéré au cours de l’année 2022, les seuls postes proposés se situant en métropole. Par sa requête en référé déposée le 27 octobre 2022 parallèlement à sa requête au fond, M. B demande la suspension de la décision de la direction interrégionale de la PJJ Ile-de-France et Outre-mer rejetant implicitement sa demande, réitérée le 5 août 2022, tendant à obtenir sa réintégration et sa mutation sur l’un des postes de directeur PJJ vacants à Mayotte.

3. Par l’effet de la décision litigieuse, M. B se trouve contraint de prolonger sa disponibilité, position qui le prive de tout droit à traitement. Il demeure ainsi sans ressources personnelles, ses moyens d’existence se limitant aux salaires perçus par son épouse, soit 2 550 euros par mois alors que les charges du ménage représentent environ 1 970 euros. Si l’intéressé a fait le choix, en 2020, de rester en Mayotte auprès de son épouse en renonçant provisoirement aux traitements liés à l’exercice de fonctions de directeur PJJ, cette circonstance ne peut lui être opposée en l’espèce, compte tenu des initiatives concrètes prises par lui, en 2022, à l’effet d’obtenir une réintégration sur l’un des postes devenus vacants à Mayotte. Par ailleurs, le requérant justifie, notamment à travers ses explications lors de l’audience, du caractère particulièrement préjudiciable que revêtirait, pour sa vie familiale, l’acceptation de l’un ou l’autre des postes en métropole qui lui ont été proposés en 2022, alors que son épouse et lui-même sont installés à Mayotte depuis plusieurs années et qu’il a lui-même obtenu, le 8 avril 2022, la reconnaissance d’un centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) se situant désormais à Mayotte. Enfin, il est établi qu’existent à Mayotte des postes vacants ou disponibles et il y a lieu d’admettre que M. B, eu égard à son statut de directeur PJJ, doit a priori être considéré, en l’absence d’éléments circonstanciés fournis sur ce point par l’administration, comme prioritaire par rapport aux agents récemment recrutés par contrat pour pourvoir les postes. Eu égard à l’ensemble de ces circonstances, le refus de réintégration et de mutation doit être regardé comme portant atteinte grave et immédiate à la situation de M. B, sans que l’administration soit en mesure de faire état d’un intérêt public déterminant. Ainsi, la condition d’urgence est remplie.

4. En l’état de l’instruction, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse, le moyen tiré de ce que l’autorité administrative, pour l’application des dispositions de l’article L. 512-19 du code général de la fonction publique, a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la demande présentée en 2022 par M. B, qui justifie d’évaluations professionnelles constamment favorables et de sa bonne connaissance des spécificités du territoire mahorais, tendant à sa réintégration et mutation sur l’un ou l’autre des postes de directeur PJJ vacants ou disponibles à Mayotte.

5. Il résulte de ce qui précède que la suspension d’exécution doit être prononcée, cette mesure impliquant un réexamen de la situation de l’intéressé à l’égard de sa demande de réintégration et mutation à Mayotte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le requérant.

O R D O N N E :

Article 1er : La décision de la direction interrégionale de la PJJ Ile-de-France et Outre-mer rejetant implicitement la demande de M. B, réitérée le 5 août 2022, tendant à sa réintégration et à sa mutation sur l’un ou l’autre des postes de directeur PJJ vacants ou disponibles à Mayotte, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l’administration de procéder, dans un délai de quinze jours suivant la notification de la présente ordonnance, à un réexamen de la demande de réintégration et mutation présentée par M. B.

Article 3 : L’Etat versera à M. B la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Fait à Mamoudzou le 22 novembre 2022.

Le juge des référés,

M.-A. AEBISCHER

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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