Tribunal administratif de Melun, 9 juillet 2013, n° 1106515

  • Examen·
  • Concours·
  • Fraudes·
  • Jury·
  • Service·
  • Gestion·
  • Enseignement technique·
  • Justice administrative·
  • Système d'information·
  • Candidat

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Melun, 9 juill. 2013, n° 1106515
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 1106515

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MELUN

N°1106515/5

___________

Mme Z Y

___________

Mme X

Rapporteur

___________

Mme Thomas

Rapporteur public

___________

Audience du 25 juin 2013

Lecture du 9 juillet 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Melun

(5e chambre)

C

Vu la requête, enregistrée le 27 août 2011, présentée pour Mme Z Y, demeurant 56 avenue Ledru-Rollin à XXX, par Me Bera ; Mme Y demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 21 juillet 2011 par laquelle le directeur du service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil-Paris-Versailles a prononcé son élimination de la session 2011 du brevet de technicien supérieur « comptabilité et gestion des organisations » ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme Y soutient :

— que la décision est insuffisamment motivée en l’absence notamment de mention de l’argumentation qu’elle a développée ainsi que de la lettre de recommandation qu’elle a produite au cours de la procédure contradictoire ;

— que ce défaut de motivation traduit un défaut d’examen particulier de sa situation personnelle ainsi que la méconnaissance de la procédure contradictoire ;

— que la décision est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation compte tenu de ses relevés de notes qui témoignent de son sérieux et de son niveau notamment dans l’une des matières en cause pour laquelle elle avait obtenu la meilleure moyenne de sa classe et alors que l’autre élève mise en cause n’a pas contesté les faits de fraude qui lui étaient reprochés ; qu’elle a d’ailleurs spontanément proposé de repasser l’épreuve litigieuse après avoir été informée de la situation ;

— que les faits litigieux ont été favorisés par les conditions matérielles du déroulement de l’examen puisque l’épreuve a eu lieu dans une petite salle comportant une vingtaine d’élèves répartis sur des bureaux étroits, avec un espace d’environ quatre-vingts centimètres les séparant ; qu’elle a dégrafé le dossier distribué afin d’en favoriser la lecture et qu’étant concentrée sur son travail, elle n’a pas vérifié si l’une de ses voisines ne recopiait pas sa copie ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2011, présenté par le service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil-Paris-Versailles, représenté par son directeur, qui conclut au rejet de la requête ;

Le service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil-Paris-Versailles soutient :

— que la décision est suffisamment motivée et que les différents éléments évoqués par Mme Y, s’ils n’ont pas été énoncés de manière exhaustive, ont été pris en compte ;

— que la décision n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’arrêté du 19 mai 1950 relatif aux fraudes aux examens et concours de l’enseignement technique dès lors que les bons résultats scolaires de la requérante n’excluent pas l’existence d’une fraude en ce qu’elle a pu laisser sa voisine copier sur elle ; que si la requérante se prévaut des conditions matérielles de l’examen, sur l’ensemble de la session 2011 du BTS CGO qui a réuni plus

de 4 000 candidats, un seul cas de copies identiques a été signalé ; que compte tenu des éléments identiques entre les copies des intéressées, il n’est pas possible d’envisager une absence de fraude ;

— qu’il y a, à tout le moins, une complicité entre la requérante et sa voisine, l’une ayant copié sur l’autre qui a facilité l’accès à sa copie ; que dans les deux copies des épreuves « Analyse de gestion et organisation du système d’information » et « Gestion des obligations comptables, fiscales et sociales », les questions sont traitées dans le même ordre, les erreurs de calcul sont identiques, les corrections au correcteur blanc sont appliquées aux mêmes endroits et des passages entiers sont recopiés à l’identique avec des erreurs « originales », les mêmes intitulés et montants sont utilisés dans le tableau du plan de financement ;

Vu la demande de pièces pour compléter l’instruction adressée par le tribunal

le 6 mars 2013 au service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil-Paris-Versailles ;

Vu l’ordonnance en date du 8 avril 2013 fixant la clôture d’instruction au 22 avril 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la lettre en date du 16 mai 2013, informant les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement à intervenir est susceptible d’être fondé sur un moyen soulevé d’office tiré de l’incompétence du directeur du service interacadémique des examens et concours pour prononcer l’élimination de Mme Y pour fraude après le déroulement des épreuves de l’examen, cette compétence relevant du président du jury en application des articles 1er et 2 de l’arrêté ministériel du 19 mai 1950 ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2013, présenté par le service interacadémique des examens et concours des académies de Créteil-Paris-Versailles en réponse à la communication du moyen d’ordre public et à la demande de pièces pour compléter l’instruction ;

Le service interacadémique des examens et concours soutient que la décision d’éliminer Mme Y de l’examen a été prise par le président du jury à l’issue de l’audition de l’intéressée et que le directeur du service interacadémique des examens et concours s’est borné à notifier cette décision à la requérante ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu le décret n°95-665 du 9 mai 1995 modifié portant règlement général du brevet de technicien supérieur ;

Vu l’arrêté du 19 mai 1950 relatif aux fraudes aux examens et concours de l’enseignement technique ;

Vu l’arrêté du 7 septembre 2000 modifié portant définition et fixant les conditions de délivrance du brevet de technicien supérieur « comptabilité et gestion des organisations » ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 juin 2013 :

— le rapport de Mme X ;

— et les conclusions de Mme Thomas, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme Y s’est présentée, les 11 et 12 mai 2011, à la maison des examens d’Arcueil, aux épreuves écrites « gestion des obligations comptable, fiscale et sociale » et « analyse de gestion et organisation du système d’information » du brevet de technicien supérieur (BTS) spécialité « comptabilité et gestion des organisations » ; que, par un courrier du 7 juin 2011, le directeur du service interacadémique des examens et concours l’a convoquée afin de présenter ses observations en raison d’une suspicion de fraude dans le cadre de ces deux épreuves ; qu’une réunion a eu lieu le 17 juin 2011, au cours de laquelle Mme Y a été entendue sur les faits qui lui étaient reprochés, tenant à la similarité de ses copies d’examen avec celles de la candidate placée à côté d’elle lors des épreuves en cause ; que, par une lettre en date du 21 juillet 2011, le directeur du service interacadémique des examens et concours a informé Mme Y de son élimination de la session 2011 de l’examen du BTS et lui a communiqué la délibération du jury de l’examen en ce sens ; que Mme Y doit être regardée comme demandant l’annulation de la décision par laquelle le jury de l’examen a décidé de l’éliminer de la session 2011 à l’issue des épreuves, dont elle a été informée par la décision du directeur du service interacadémique des examens et concours en date du 21 juillet 2011 ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté ministériel susvisé du 19 mai 1950 : « Tout candidat surpris en flagrant délit de fraude dans un examen ou un concours de l’enseignement technique sera exclu de l’examen ou du concours par le président du jury ou de la commission de surveillance. Ses épreuves seront déclarées nulles./ Les faits qui auront motivé l’exclusion du candidat feront l’objet d’un rapport adressé par le président du jury au préfet, au recteur ou au ministre chargé de l’enseignement technique, suivant le cadre de l’organisation de l’examen ou du concours./ Après examen de ce rapport et, le cas échéant, audition du candidat qui sera invité à présenter sa défense, il pourra être interdit à ce dernier de se présenter au même examen ou concours ou à tous les examens et concours de l’enseignement technique pendant une ou plusieurs sessions, sans que la durée de cette interdiction puisse excéder deux années./ Les décisions prises par les préfets ou les recteurs seront communiquées immédiatement au ministre./ Le président du jury pourra déléguer les pouvoirs qui lui sont conférés par le présent article. » ; qu’aux termes de l’article 2 du même arrêté : « L’exclusion de l’examen ou du concours du candidat qui se sera rendu coupable de fraude, hors le cas de flagrant délit, pourra être prononcée suivant la même procédure. Ledit candidat sera passible des mêmes sanctions. » ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que Mme Y a été entendue le 17 juin 2011 par une commission composée du président du jury de l’examen, de la chef de la division de l’enseignement supérieur du service interacadémique des examens et concours et du gestionnaire de l’examen afin de présenter ses observations sur la présomption de fraude aux épreuves écrites « gestion des obligations comptable, fiscale et sociale » et « analyse de gestion et organisation du système d’information » ; que, par la lettre du 21 juillet 2011, le directeur du service interacadémique des examens et concours a indiqué à Mme Y qu’il avait décidé de l’éliminer de l’examen à l’issue de la procédure engagée ; que, toutefois, par cette lettre, le directeur du service interacadémique des examens et concours n’a pris à l’égard de Mme Y aucune des sanctions administratives prévues par les dispositions précitées de l’arrêté du 19 mai 1950, mais s’est borné à porter à la connaissance de l’intéressée la décision prise par le président du jury sur ce fondement, matérialisée par le relevé des notes obtenues par elle, portant la mention de cette élimination ; que, dans ces conditions, il n’y a pas lieu pour le tribunal de retenir le moyen soulevé d’office tiré de l’incompétence du directeur du service interacadémique des examens et concours pour prononcer l’élimination de Mme Y à l’issue des épreuves de l’examen ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée

du 11 juillet 1979 : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (…) infligent une sanction ; (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. » ;

5. Considérant qu’après avoir rappelé que Mme Y avait été reçue à un entretien

le 17 juin 2011 dont le compte-rendu lui avait été envoyé le 4 juillet suivant afin qu’elle présente ses observations écrites, le directeur du service interacadémique des examens et concours a retenu qu’au vu des éléments présentés à la commission, il avait décidé de prononcer son élimination de la session 2011 de l’examen du BTS « comptabilité et gestion des organisations », en application de l’arrêté du 19 mai 1950 qui prévoit des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à deux ans d’exclusion à tout examen pour toute fraude ou tentative de fraude avérée ; qu’ainsi, le directeur du service interacadémique des examens et concours s’est approprié les motifs de droit et de fait au fondement de la décision par laquelle le président du jury de l’examen a décidé l’élimination de l’intéressée à l’issue des épreuves au regard des éléments soumis à son appréciation dans le cadre de la procédure contradictoire mise en œuvre ; qu’en particulier, la circonstance que le directeur du service interacadémique des examens et concours, qui a au demeurant fait référence aux observations écrites de la requérante, n’ait pas expressément énoncé leur contenu ainsi que la lettre de recommandation jointe n’est pas de nature à entacher la décision litigieuse d’un défaut de motivation ; que, par suite, ce moyen doit être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu’il est constant que, par un courrier en date

du 7 juin 2011, Mme Y a été informée qu’elle était soupçonnée de fraude dans le cadre des épreuves de « gestion des obligations comptable, fiscale et sociale » et « analyse de gestion et organisation du système d’information » et convoquée à un entretien le 17 juin suivant afin de s’expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés ; que Mme Y a été auditionnée le

17 juin 2011 par le président du jury du BTS « comptabilité et gestion des organisations », la chef de la division de l’enseignement supérieur du service interacadémique des examens et concours et le gestionnaire de l’examen du service interacadémique des examens et concours ; que Mme Y a pu présenter ses observations écrites par une lettre du 7 juillet 2011, dont il ne résulte pas de l’instruction que l’administration ne les aurait pas prises en considération ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie doit être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu’il appartient à l’administration d’apporter la preuve de la réalité de la fraude prétendument commise par Mme Y ; que Mme Y soutient que la candidate également soupçonnée de fraude, avec laquelle elle n’entretient aucune relation amicale, n’a pas nié les faits qui lui étaient reprochés et que si elle a pu manquer de vigilance au cours de l’examen, elle n’est pas à l’origine de la fraude mais en a été la victime ; que, toutefois, le directeur du service interacadémique des examens et concours a produit, à la demande du tribunal, les quatre copies litigieuses de Mme Y et de l’autre candidate mise en cause, qui était au cours de l’année scolaire dans la même classe que la requérante, ainsi que les trois rapports concordants rédigés par les correcteurs des épreuves ; que ces quatre copies présentent des similitudes flagrantes dans l’énoncé et la présentation des solutions proposées et comportent les mêmes erreurs ; que compte tenu tant de la nature des erreurs relevées dans les quatre copies que du caractère quasi identique de leurs rédactions, les faits litigieux n’ont pu être réalisés qu’avec la participation des deux candidates ; que, dans de telles conditions, ces faits suffisent à établir l’existence de la fraude dont le président du jury a tiré les conséquences en décidant d’éliminer la requérante de la session 2011 de l’examen ; que Mme Y ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits qui lui sont reprochés en se prévalant de ses bons résultats au cours de l’année scolaire notamment dans les matières « comptabilité » et « analyse de gestion et système d’information » dès lors qu’il résulte de l’instruction, ainsi que de ce qui vient d’être dit, que les faits qui lui sont reprochés relèvent d’un comportement frauduleux consistant à avoir permis à l’autre candidate de recopier son travail ; qu’enfin, les considérations de Mme Y relatives aux conditions matérielles du déroulement des épreuves, qui ne sont au demeurant assorties d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé, ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation ainsi portée sur son comportement ;

8. Considérant, en dernier lieu, que si Mme Y établit avoir obtenu de bons résultats au cours de l’année scolaire ainsi que sa motivation dans la préparation de son diplôme, il ne résulte pas de l’instruction, comme tenu de ce qui vient d’être dit, que la décision par laquelle l’intéressée a été éliminée pour fraude de la session 2011 du BTS « comptabilité et gestion des organisations » soit entachée d’une erreur d’appréciation ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par Mme Y doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme Y demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Y est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme Z Y et au ministre de l’éducation nationale.

Copie en sera adressée au service interacadémique des examens et des concours de l’académie de Créteil-Paris-Versailles.

Délibéré après l’audience du 25 juin 2013, à laquelle siégeaient :

M. Delbèque, président,

M. Rhée, conseiller,

Mme X, conseiller,

Lu en audience publique le 9 juillet 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé : E. X Signé : J. DELBEQUE

Le greffier,

Signé : L. LEPAGNOT

La République mande et au ministre de l’éducation nationale en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme

Le greffier,

L. LEPAGNOT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Melun, 9 juillet 2013, n° 1106515