Tribunal administratif de Montpellier, 21 septembre 2016, n° 1502085

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 21 sept. 2016, n° 1502085
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 1502085

Sur les parties

Texte intégral

Ls

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTPELLIER

N° 1502085 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. A.

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme Y

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Montpellier

(1ère chambre) M. Souteyrand Rapporteur public

___________

Audience du 7 septembre 2016 Lecture du 21 septembre 2016 ___________

36-09-04 C ___________

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 avril 2015, 25 août et 2 septembre 2016, M. A., représenté par Me Blazy, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 6 février 2015 par lequel le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault lui a infligé la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont six mois avec sursis ;

2°) d’enjoindre au service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault de procéder à sa réintégration ainsi qu’à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux ;

3°) de mettre à la charge du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

- l’arrêté attaqué est entaché d’incompétence ;



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- il est entaché d’erreurs d’appréciation en raison de l’absence de faute disciplinaire et du caractère disproportionné de la sanction compte tenu du contexte de harcèlement moral et de dysfonctionnements graves et répétés du SDIS 34 dans lequel s’inscrivent les faits qui lui sont reprochés ;

- l’administration a commis un détournement de pouvoir dès lors que le véritable mobile de la sanction est son éviction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2015, le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault représenté par la SCP Vinsonneau-Paliès-Noy-Gauer & avocats conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A. la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de M. Souteyrand, rapporteur public,

- et les observations de Me Avallone, représentant M. A., et de Me Constans, représentant le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault.

1. Considérant que M. A. exerce ses fonctions de sapeur-pompier professionnel au sein du centre de secours de Castries ; que par un arrêté du 6 février 2015, le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault a, à l’issue de la procédure disciplinaire, prononcé à son encontre la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux ans, dont six mois avec sursis ; que M. A. demande l’annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant que M. A. se borne à soutenir que M. Z était incompétent pour signer l’arrêté du 6 février 2015 aux motifs qu’il n’aurait pas été désigné en qualité de président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault et qu’en tout état de cause, l’arrêté le désignant, n’aurait pas été publié ; que toutefois, par l’article 1er de l’arrêté du 30 juin 2014, qui abroge et remplace l’arrêté du 29 janvier 2013, le président du conseil général de l’Hérault, M. A B a désigné M. Z en qualité de président du conseil



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d’administration dudit service départemental ; que cet arrêté a été publié au recueil des actes administratifs du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault le 3 septembre 2014 ; qu’ainsi le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte manque en fait ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale » et qu’aux termes de l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (…) Troisième groupe : la rétrogradation ; l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; (…) » ; qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;

4. Considérant qu’aux termes de l’arrêté du 6 février 2015, le président du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault a infligé à M. A. la sanction d’exclusion temporaire de fonctions de deux ans dont six mois avec sursis, en lui reprochant des manquements graves et répétés à son devoir de réserve, à son obligation d’obéissance hiérarchique, à son obligation de loyauté envers les institutions enfin, des atteintes à l’image de l’institution ainsi que des manquements à l’obligation de probité ; qu’il a été reproché, en particulier, à l’intéressé d’avoir tenu sur son « compte facebook », accessible à tous, entre juillet 2013 et novembre 2014, des propos outranciers et injurieux à l’encontre de la hiérarchie du service départemental d’incendie et de secours, mais également des élus du conseil départemental, d’avoir tenu, devant témoins ou en réunions, des propos déplacés à l’encontre de collègues, d’avoir échangé des courriels avec sa hiérarchie en utilisant un vocabulaire inadapté, diffamatoire ou grossier, enfin d’avoir sollicité à son profit une commande de matériels dans des proportions importantes qui se sont avérées injustifiées ;

5. Considérant que M. A. ne conteste ni avoir tenu les propos qui lui sont reprochés, ni avoir rédigé les courriels en cause ; qu’il fait cependant valoir que certains de ces propos ont pu être écrits par d’autres internautes, son compte facebook étant accessible et permettant l’apport de commentaires, qu’en outre ces propos ne sauraient être regardés comme constituant un manquement à son obligation de réserve, dès lors qu’il se bornait à relater ou partager des articles de presse relatifs aux dysfonctionnements du service départemental d’incendie et de secours et, qu’il lui appartenait de dénoncer les faits de harcèlement moral qu’il subissait ainsi que les délits commis au sein de son administration ;

6. Considérant que si un agent public ne peut être sanctionné lorsqu’il est amené à dénoncer publiquement des faits de harcèlement moral dont il est la victime ou le témoin, même si la relation de tels faits est par elle-même de nature à jeter le discrédit sur l’administration, cet agent doit cependant veiller à ne pas accroître abusivement ce discrédit, en se livrant à des descriptions ou critiques qui déborderaient, par leur tonalité ou leur contenu, le cadre dans lequel les faits de harcèlement moral se sont produits, le cercle des personnes impliquées dans ce harcèlement moral, et le contexte qui l’a rendu possible ;

7. Considérant qu’en l’espèce, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du rapport de l’autorité territoriale du 19 novembre 2014 dans lequel sont rapportés les constats d’huissier ayant compulsé la page facebook de M. A., que celui-ci y tenait des propos virulents et



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grossiers à l’encontre tant de sa hiérarchie que des élus départementaux n’hésitant pas à les traiter de « corrompus », de « colonels fantômes » de « petit con de breton à 5 codes barres sur son petit buste » n’hésitant pas à remettre en cause le fonctionnement du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault et notamment le management tel qu’il y était pratiqué ; que M. A. avait par ailleurs opté dans ses paramètres de compte facebook pour un partage des informations, son compte étant ainsi d’un accès « ouvert ; que le requérant réitèrera ces propos devant témoins et notamment lors de réunions tenues à l’extérieur du service d’incendie et de secours mettant précisément en cause l’autorité hiérarchique au sein du corps départemental d’incendie et de secours ; qu’enfin, le ton et le vocabulaire adoptés dans des courriels adressés à des officiers supérieurs étaient inadaptés et le plus souvent diffamatoires et menaçants ; qu’ainsi, de tels faits qui ne peuvent être considérés comme étant en relation directe et exclusive avec la dénonciation de faits de harcèlement moral dont l’intéressé aurait été la victime ou de délits dont il aurait constaté la commission, constituent des manquements aux obligations de réserve, de loyauté et d’obéissance incombant aux sapeurs-pompiers professionnels ; que ces manquements sont de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

8. Considérant que la gravité des manquements reprochés au requérant et leur caractère répété ainsi que la circonstance que l’ensemble des propos tenus ont fait l’objet d’une large diffusion à l’extérieur du service et ont consisté en un dénigrement systématique des responsables du SDIS, sont de nature à perturber gravement le fonctionnement de ce service, alors même que M. A. n’y est investi d’aucune responsabilité ; que la circonstance qu’il s’estime victime d’un harcèlement moral de la part de sa hiérarchie ne saurait davantage justifier la teneur de ses propos ou atténuer la gravité de sa faute ; qu’ainsi, la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée deux ans assortie de six mois de sursis prononcée à l’encontre de M. A., alors que celui- ci avait déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire du troisième groupe, n’apparaît pas disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ;

9. Considérant que M. A. ne démontre pas par les pièces produites au dossier que la décision en litige avait pour buts de lui nuire ou de l’évincer du service et aurait ainsi été motivée par la poursuite d’un but étranger à l’intérêt du service ; que, par suite, le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A. doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

11. Considérant que le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A. n’appelle aucune mesure d’exécution ; que par suite, ces conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur l’application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A. une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault et non compris dans les dépens ;



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13. Considérant qu’en l’absence de dépens, les conclusions tendant à ce qu’ils soient mis à la charge du service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault sont dépourvues d’objet et doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A. est rejetée

Article 2 : M. A. versera au service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A. et au service départemental d’incendie et de secours de l’Hérault.

Délibéré après l’audience du 7 septembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Antolini, président, Mme Y, premier conseiller M. Santoni, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 septembre 2016.

Le rapporteur, Le président,

A. Y J. Antolini

Le greffier,

C. Arce

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