Tribunal administratif de Montpellier, 9 juillet 2021, n° 2101709

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 9 juill. 2021, n° 2101709
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 2101709

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTPELLIER

REPUBLIQUE FRANCAISE N°2102709
Mme AE-AF

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS et AUTRES
M. A Z

Le Tribunal administratif de Montpellier Juge des référés

Audience du 8 juillet 2021 Le juge des référés.

Décision du 9 juillet 2021

39-08-015

с

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement les 26 mai et 6 juillet 2021, Mmes AM AE-AL, X-AN AO AP AQ, B C, D E, F G, H I, J K, L M, MM. Y-AG AH, N O, P Q, R S, AC AD,

T U, Y-AI AJ, V W, AA AB, l’Association Amis de la terre France, l’association Développement durable en Corbière et Minervois, l’association

Rames BTP, l’association Génération écologie, l’association La France insoumise, la Confédération paysanne de l’Aude et Europe écologie les verts Languedoc-Roussillon, représentés par Me Leguevaques, demandent au tribunal, sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, de :

1°) suspendre l’exécution du contrat de concession passé le 12 mars 2021 par la région Occitanie avec la SEMOP pour l’aménagement, l’exploitation, la gestion et le développement du port de commerce de Port La Nouvelle ;

2°) mettre respectivement à la charge de la région Occitanie et la SEMOP la somme de 9 000 euros à leur verser sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l’urgence est caractérisée car l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêt public locaux dès lors que :


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d’une part, les travaux entrepris vont permettre une importante extension du port, avec notamment la réalisation de môles, de 15 hectares de terre-plein sur la mer et de digues

d’encolure, qui auront un caractère irréversible, de même que les premiers travaux de sondage des fonds marins aux fins de vérifier leur stabilité en vue de l’implantation des futurs môles et alors que, la région n’étant pas majoritaire au capital de la SEMOP, elle n’a pas la maîtrise de l’opportunité et du rythme des travaux ; d’autre part, les avantages et les subventions consenties à la SEMOP concessionnaire par la Région consistant en 15 300 000 euros pour la capitalisation de cette société, 90 428 000 de subventions de fonctionnement et 160 621 000 euros de subventions d’investissement, vont peser lourdement sur le budget de la collectivité publique avec une répercussion sur les finances locales et les contribuables locaux, charge à laquelle s’ajouterait, en cas d’annulation du contrat, l’indemnité à verser au concessionnaire ;

- et il existe un doute sérieux quant à la légalité du contrat dès lors que :

. en premier lieu, en raison des montants respectifs des subventions de fonctionnement et

d’investissement (44% du budget estimé), ainsi que de l’indemnité prévue en cas de diminution des tarifs consenties au contrat, et aussi en raison de la compensation financière prévue à l’article V-2-5 du contrat, qui constitue une subvention de fonctionnement déguisée, dès lors que les dragages d’entretien sont contractuellement à la charge exclusive de la région (article IV-2 du contrat), la Région, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1121-1 du code de la commande publique, n’a pas transféré au concessionnaire une part de risque d’exploitation suffisante, ce que la collectivité publique reconnaît dans le rapport d’analyse de l’offre ; en deuxième lieu, la durée de 40 années du contrat est excessive au regard des dispositions de l’article R. 3113-2 du code de la commande publique et, en l’absence de dérogation, expresse et justifiée, prévue au moment de la préparation de la procédure, elle est source

d’une illégalité ;

. en troisième lieu, la subvention de fonctionnement d’un montant total de 99 428 000 euros pour la totalité de la durée du contrat, ne remplit pas les conditions cumulatives posées par la jurisprudence de la CJUE (24 juillet 2003 affaire c-280/00 Altmark Trans Gmbh) car, d’une part, elle couvre près de 100% des coûts du personnel de la SEMOP et qui concernent des fonctions sans lien direct avec la mise en œuvre d’une mission de service public, d’autre part, les modalités de mise en œuvre de cette subvention, qui ne sont pas clairement décrites au contrat, n’ont pas un caractère objectif et transparent et, enfin, une seule offre ayant reçue par la région, la procédure n’a pas permis une mise en concurrence effective telle l’impose la CJUE; la subvention en cause a donc le caractère d’une aide d’Etat non validée par la Commission européenne, interdite par la législation en vigueur ; en quatrième lieu, certains des travaux prévus, figurant en annexe 16 et 25 au contrat, qui

.

définissent de nouveaux partis d’aménagement, notamment s’agissant du projet de voie ferroviaire au lieu du cône de vue initialement prévu à l’étude d’impact, ne sont pas compatibles avec l’article II-4-1 du contrat selon lequel le concessionnaire doit s’attacher à respecter les engagements et mesures définis par l’étude d’impact dans le dossier de

l’enquête publique et par les différents arrêtés d’autorisation obtenus, et alors que les évolutions éventuelles du projet ne doivent pas conduire à des modifications substantielles comparativement au dossier d’enquête publique, sauf en cas de nécessité absolue justifiée par des impératifs techniques ;

. en cinquième lieu, les travaux ne prennent pas en compte la préservation de la biodiversité de la zone Natura 2000 dont le projet est limitrophe, ni les risques d’impact négatif sur la qualité des eaux de la lagune Bages-Sigean, relevé le 16 mai 2017 par l’Ifremer dans un avis qui n’a pas été joint au dossier de l’enquête publique et dans l’avis de la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale (MRAE) ou celui de l’Agence Française de la


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Biodiversité qui demande un renforcement des mesures d’évitement, de réduction et de compensation, alors que le contrat ne prévoit aucune obligation pour le concessionnaire en cas de dégradations de la qualité du milieu lagunaire, ce qui induit que leurs coûts seront à charge de la région ; en sixième licu, ces aménagements, et le trafic maritime ainsi permis, vont aggraver les émissions de gaz à effet de serre en violation des objectifs de l’accord de Paris du 12 décembre 2015 et de leur déclinaison à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, dont le

Conseil d’Etat a rappelé l’effectivité des obligations mises à la charge de l’Etat (CE 19 novembre 2020 et 1er juillet 2021 commune de Grand Synthe et autres n° 427 301); en septième lieu, le contrat ne régit pas les conditions de stockage, dans les nouvelles installations portuaires, en vue de l’importation de substances telles de l’hydrogène, des hydrocarbures ou des ammonitrates, ce qui constitue un important risque d’accident grave; et il en va de même de la gestion combinée de ces risques et de ceux lié aux sites SEVESO proches des lieux de débarquement, mis en exergue dans l’enquête publique par le directeur du SDIS de l’Aude, lequel relève l’insuffisance des moyens d’intervention du port, notamment en remorquage et en moyens nautiques équipés de lances et pompes de grand débit que le département n’est pas en mesure d’acquérir ; en outre, la suspension de l’exécution du contrat n’aurait pas de conséquence gravement préjudiciable pour le service public portuaire, dont le fonctionnement actuel perdurerait, le contrat de concession prévoyant au surplus des solutions transitoires, l’article I.1.2 prévoyant l’hypothèse d’une suspension, et l’article VI.8 la reprise en régie.

Par deux mémoires enregistrés les 30 juin et 8 juillet 2021, la région Occitanie, représentées par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants soient respectivement condamnés à lui verser la somme de 500 euros sur le fondement de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérants n’ont respectivement aucun intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- l’urgence n’est pas établie ;

- aucun des moyens n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du contrat.

Par un mémoire enregistré le 30 juin 2021, la société d’économie mixte à opération unique Port-La-Nouvelle (SEMOP), représentée par Me Bergès, conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants soient condamnés à lui verser la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les requérants n’ont respectivement aucun intérêt leur donnant qualité pour agir;

- l’urgence n’est pas établie ;

- aucun des moyens n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du contrat.

Vu les autres pièces du dossier et notamment la requête au fond.



Vu:

- le code de la commande publique.

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président du tribunal désignant Monsieur A Z, vice président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 8 juillet 2020: le rapport de M. Z, juge des référés ; et les observations de Me Leguevaques pour les requérants, de Me Cabanes pour la région Occitanie et de Me Bergès pour la société d’économie mixte à opération unique Port

La-Nouvelle (SEMOP).

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce que suit :

1. Par une délibération du 19 avril 2019, la commission permanente du conseil régional de la région Occitanie a approuvé le recours à une concession de service public, attribuée à une société d’économie mixte à opération unique, pour l’aménagement, la gestion, l’exploitation et le développement du port de Port-La Nouvelle. Et, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 30 septembre 2019 au BOAMP et au JOUE, la Région a lancé une consultation visant,

d’une part, à sélectionner les opérateurs économiques, actionnaires de la société d’économie mixte à opération unique Port-La-Nouvelle (SEMOP) à créer, et, d’autre part, à attribuer, à cette SEMOP, le contrat de concession. Après analyse des candidatures, la commission de délégation de service public de la Région n’a admis qu’un seul des trois candidats à présenter une offre : le groupement d’entreprises composé de DEME Concessions NV, Euroports Group B.V., EPICO & EPICO Co-Investment Platform, QAIR France SAS et la Chambre de Commerce et

d’Industrie de l’Aude, qui ont choisi de constituer ensemble la société Nou Vela. Le 11 décembre 2020, la commission permanente du conseil régional a notamment approuvé la création de la SEMOP, désigné la société Nou Vela en qualité de co-actionnaire de la SEMOP, approuvé les termes du Contrat de Concession et autorisé la présidente de la Région à signer le Contrat de Concession avec la SEMOP dont la collectivité détient 34% du capital pour une durée de concession fixée à quarante ans. Et le contrat de concession, dont les requérants demandent la suspension de l’exécution sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a été notifié le 12 mars 2021 à la SEMOP.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…)».


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3. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonnée le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par les requérants, si les effets de celle-ci sur la situation de ces derniers où le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, d’une part, que le capital social de la SEMOP étant de 1 000 000 euros, il n’incombe, en l’état, à la Région, qui détient 34% des parts, de n’engager que la somme de 340 000 euros pour sa capitalisation. D’autre part, si le contrat de concession prévoit que la Région versera d’importantes subventions à la SEMOP, que les requérants évaluent à 160 621 000 euros sur la durée du contrat au titre de la subvention

d’investissement, celle-ci ne représentera que 8 199 026 euros à verser en 2021, dont 6 136 320 euros l’ont déjà été, et 38 782 064 euros à verser en 2022, ce qui correspond à respectivement

0,22 % et 1,04 % du budget annuel primitif de la Région pour 2021 et 2022. S’agissant de la subvention d’exploitation, d’un montant total de 90 428 000 euros selon l’estimation non contestée des requérants, destinée à compenser les obligations mises à la charge du concessionnaire au titre de ses missions de service public, son versement ne débutera qu’à compter de 2026. Par suite, et nonobstant la circonstance, à la supposer même opérante, qu’il est prévu à l’article I.12.2 du contrat qu’en cas d’annulation, la région versera une indemnité au concessionnaire, il n’est pas établi que le contrat de concession en cause risque, à court ou à moyen terme, d’affecter de façon substantielle les finances de la Région..

5. En deuxième lieu, Il ressort des pièces du dossier que les travaux prévus au contrat de concession sont chronologiquement programmés selon trois phases. S’agissant des travaux prévus lors de la phase 1, qui s’échelonnent en quatre étapes, le démarrage de l’étape 1 de la phase 1 a eu lieu, non pas dans le cadre de la présente concession mais dans celui d’un marché public de travaux notifié le 10 juillet 2019 sous maîtrise d’ouvrage de la Région. En ce qui concerne l’étape n° 2, qui correspond à d’importants aménagements dont le caractère irréversible admis en défense par la SEMOP, sa mise en oeuvre nécessite préalablement le dépôt, en juillet 2021, d’un permis de construire avec une date prévisionnelle d’obtention fixée au 1er janvier 2023 selon le planning annexé au contrat, et pour une date contractuelle de début des travaux arrêtée au mois de mars 2024. Ne demeurent, pour un démarrage proche, prévu au

1er janvier 2022, mis à part les sondages de génie civil et les approvisionnements en matériaux, les opérations de dragage du bassin portuaire qui débutent le 1er septembre 2022 et s’étalent jusqu’au 21 novembre 2024, et, à compter du 27 décembre 2022, pour les plus importants, la création du quai polyvalent P4/P5 et l’exécution de remblayages pour la construction du futur

< petit môle » du 1er mai 2023 au 1er mai 2024. Par suite, il n’est pas établi que les travaux susceptibles d’être engagés de façon imminente auraient un caractère irréversible.

6. Il résulte de ce qui précède que la mise en œuvre du contrat de concession en litige ne peut être regardée comme constitutive d’une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.


7. Par conséquent il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête aux fins de suspension, sans qu’il soit besoin de se prononcer, d’une part, sur les fins de non-recevoir opposées par la région Occitanie et par la SEMOP, d’autre part, sur l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du contrat.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il n’y a pas lieu de mettre à la charge de la région Occitanie et de la SEMOP, qui ne sont pas les parties perdantes, une somme en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, en revanche il y a lieu de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros à verser respectivement à la région Occitanie et à la SEMOP au titre de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er: La présente requête de Mme AE-AL et autres est rejetée.

Article 2 : Les requérants verseront, en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros respectivement à la région Occitanie et à la SEMOP.

Article 3 La présente ordonnance sera notifiée, d’une part, à Mmes AM AE AL, X-AN AO AP AQ, B C, D E, F G, H I, J K, L M, MM. Y-AG AH, N O, P Q, R S, AC AD, T U, Y AI AJ, V W, AA AB, l’Association Amis de la terre France,

l’association Développement durable en Corbière et Minervois, l’association Rames BTP,

l’association Génération écologie, l’association La France insoumise, la Confédération paysanne de l’Aude, Europe écologie les verts Languedoc-Roussillon, d’autre part, à la région Occitanie et à la société d’économie mixte à opération unique Port-La-Nouvelle (SEMOP).

Fait à Montpellier, le 9 juillet 2021.

Le juge des référés, La greffière,

l e f a u

s E. Z C. Touzet


7

La République mande et ordonne au préfet de l’Aude en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier, le 9 juillet 2021.

La greff e

M I N I S T R A C. Totzet T

MONTPELLIER IK

DE MO

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