Tribunal administratif de Montreuil, 15 novembre 2013, n° 1110696

  • Sociétés·
  • Valeur ajoutée·
  • Titre·
  • Facture·
  • Justice administrative·
  • Charges·
  • Finances publiques·
  • Prestation·
  • Contribuable·
  • Contrepartie

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 15 nov. 2013, n° 1110696
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1110696

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N° 1110696

___________

SOCIETE GROUPE NOCIBE FRANCE

___________

M. Saby

Rapporteur

___________

M. Marmier

Rapporteur public

___________

Audience du 30 octobre 2013

Lecture du 15 novembre 2013

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil

(10e chambre)

19-04-02-01-04-09

19-06-02-08-03

C

Vu la requête, enregistrée le 9 décembre 2011, présentée pour la société Groupe Nocibé France, société par actions simplifiée, dont le siège est XXX à XXX, par Me Mesa ; la société Groupe Nocibé France demande au tribunal :

1°) le rétablissement des déficits initialement déclarés au titre de l’exercice clos en avril 2006 ;

2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008 ;

3°) la décharge des retenues à la source mises à sa charge au titre de l’exercice clos en avril 2006 ;

4°) qu’il soit mis à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les études nécessaires à la réalisation de l’opération d’acquisition de titres ont été réalisées pour son compte et dans son intérêt par les sociétés Charterhouse et X Y et le cabinet Ashurst, alors même qu’elle était, sur une partie de la période, en cours de création ; que le service ne conteste pas la réalité des prestations en cause ; que la seule circonstance que son actionnaire, le fonds d’investissement Charterhouse, ait bénéficié de l’opération d’acquisition de titres ne suffit pas à considérer qu’elle-même n’en a retiré aucun intérêt ; que sur le plan comptable, les frais d’acquisition de titres sont l’accessoire direct des titres dont ils permettent l’acquisition conformément à l’avis du comité d’urgence du conseil national de la comptabilité du 21 décembre 2000 et reprise par le BOI n°4 H-1-08 du 4 janvier 2008 ; que les charges liées à ces études et la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces opérations étaient donc déductibles ; qu’en conséquence, aucun profit sur le Trésor ne peut être constaté et aucune retenue à la source ne peut être appliquée ;

Vu la décision par laquelle l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juillet 2012, présenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que les factures correspondent à des prestations préalables à la décision des investisseurs d’acheter les titres et de créer la société Groupe Nocibé France ; qu’à ce titre les charges associées et la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces opérations ne sont pas déductibles ; que si la réalité de la prestation n’est pas mise en doute, la société requérante ne démontre pas l’intérêt qu’elle avait à engager ces frais ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté pour la société Groupe Nocibé France, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que l’administration se méprend sur la chronologie de l’opération ; que la décision d’investir a été prise bien avant le mois d’octobre 2005 ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2012 présenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 février 2013, présenté pour la société Groupe Nocibé France, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er mars 2013 présenté par l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales, qui conclut au rejet de la requête ;

Vu, en date du 13 septembre 2013, l’avis envoyé aux parties, en application des dispositions de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant que l’affaire était susceptible d’être inscrite au rôle de l’audience du 30 octobre 2013 et que la clôture d’instruction était susceptible d’intervenir à compter du 1er octobre 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 30 octobre 2013 :

— le rapport de M. Saby, rapporteur ;

— les conclusions de M. Marmier, rapporteur public ;

— et les observations de Me Gelli pour la société Groupe Nocibé France ;

1. Considérant que la société Groupe Nocibé France a été créée le 23 novembre 2005 à l’initiative du fonds d’investissement Charterhouse en vue d’acquérir, le 9 mars 2006, les titres de la société Danival, société holding détenant les titres du groupe Nocibé ; qu’à la suite de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l’objet, portant notamment sur l’exercice clos le 30 avril 2006, l’administration a réintégré dans les résultats imposables de cet exercice, le montant de prestations de services facturées par les sociétés Charterhouse et X Y et le cabinet Ashurst, au motif que celles-ci avaient été assurées dans l’intérêt de son actionnaire ; que la société Groupe Nocibé France demande le rétablissement des déficits initialement déclarés au titre de l’exercice clos en avril 2006, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008, et la décharge de la retenue à la source opérée sur les revenus réputés distribués à son actionnaire au titre de l’exercice clos en avril 2006 ;

Sur le bien fondé des impositions :

2. Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 39 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du ce code : « Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (…) » ; que si, en vertu des règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d’établir les faits qu’elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci ; qu’il appartient, dès lors, au contribuable, pour l’application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu’il entend déduire du bénéfice net défini à l’article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c’est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l’existence et la valeur de la contrepartie qu’il en a retirée ; que dans l’hypothèse où le contribuable s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de ce que la charge en cause n’est pas déductible par nature, qu’elle est dépourvue de contrepartie, qu’elle a une contrepartie dépourvue d’intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

En ce qui concerne la déduction des charges correspondantes à des factures,

3. Considérant, s’agissant des factures Charterhouse, qu’il résulte de l’instruction que dans le cadre de l’acquisition des titres de la société Nocibé, la société Groupe Nocibé France s’est acquittée de deux factures émises par la société Charterhouse en date du 8 mars 2006 pour une valeur totale de 2 185 119 euros ; qu’il est constant, que la première facture de 1 900 000 euros correspond à une mission menée en interne d’octobre 2005 à mars 2006 relative au rachat des titres, correspondant à la recherche d’investisseurs et l’étude et la revue de la structuration financière, de la structuration juridique et des travaux d’audit de la transaction, que la seconde facture de 280 112 euros est relative à la refacturation pour 238 394 euros d’une étude de la société Bain & Company, correspondant à l’analyse du marché et des hypothèses de performance de Nocibé, et à la refacturation pour 41 718 euros des frais de déplacement des collaborateurs de la société Charterhouse dans le cadre de la mission facturée ;

4. Considérant, s’agissant de la facture X Y, qu’il résulte de l’instruction que dans le cadre de l’acquisition des titres de la société Nocibé, la société Groupe Nocibé France s’est acquittée d’une facture émise par la société X Y en date du 12 mai 2006 pour une valeur de 1 500 000 euros ; qu’il est constant que ce montant a été versé en contrepartie d’une étude ayant donné lieu à la remise d’un rapport le 14 novembre 2005, correspondant à une assistance financière en matière de valorisation de la société, de structuration, planification et négociation de la transaction et ayant permis de déterminer le prix d’achat des titres Danival par la société requérante ;

5. Considérant, s’agissant de la facture du cabinet Ashurst, qu’il résulte de l’instruction que dans le cadre de l’acquisition des titres de la société Nocibé, la société Groupe Nocibé France s’est acquittée d’une facture émise par le cabinet d’avocats Ashurst en date du 21 décembre 2005 pour une valeur de 507 403 euros ; qu’il est constant que ce montant a été versé en contrepartie de la rédaction d’actes juridiques tels que le mémorandum d’investissement, les procès-verbaux d’assemblée et de conseil d’administration, et de la notification de l’opération auprès des autorités de la concurrence ;

6. Considérant, s’agissant de l’ensemble de ces factures, que l’administration ne remet pas en cause la réalité de ces prestations et se borne à constater qu’elles n’auraient été engagées que dans l’intérêt des actionnaires de la société Groupe Nocibé France du fait qu’elles constituaient des dépenses préalables à la décision même de réaliser l’opération d’investissement pour laquelle cette dernière société avait été constituée ; que la seule circonstance que la réalisation de ces prestations aient pu comporter un intérêt éventuel pour les associés de la société requérante ne suffit cependant pas à établir qu’elles auraient été étrangères à l’intérêt propre de la société requérante ; que, dans ces conditions, et alors même que certaines prestations ont débuté avant la date de création de la société et que les banques avaient déjà été contactées dans le cadre d’une précédente opération d’achat de titres, l’administration ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que les prestations facturées par les sociétés Charterhouse et X Y et le cabinet Ashurst n’auraient présenté aucun intérêt pour la société Groupe Nocibé France ; que, dès lors, c’est à tort que l’administration a refusé la déduction des charges relatives à ces factures ;

En ce qui concerne la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les opérations facturées par les sociétés Charterhouse, X Y et Ashurst, et le profit sur le Trésor,

7. Considérant qu’il est constant que la société Groupe Nocibé France a acquitté la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les prestations dont la déduction a été refusée à tort ; qu’ainsi cette taxe avait également le caractère d’une charge déductible, dont la réintégration dans le bénéfice et l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés n’est pas justifiée ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Groupe Nocibé France est fondée à demander le rétablissement des déficits qu’elle a initialement déclarés au titre de l’exercice clos en avril 2006 et la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008, ainsi que celle des retenues à la source mises à sa charge au titre de l’exercice clos en avril 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Groupe Nocibé France et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les déficits initialement constatés par la société Groupe Nocibé France au titre de l’exercice clos en avril 2006 sont rétablis.

Article 2 : Il est prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui ont été réclamés à la société Groupe Nocibé France au titre de la période du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2008.

Article 3 : Il est prononcé la décharge des retenues à la source mises à la charge de la société Groupe Nocibé France au titre de l’exercice clos en avril 2006.

Article 4 : L’Etat versera à la société Groupe Nocibé France une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Groupe Nocibé France et à l’administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l’audience du 30 octobre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Le Goff, président,

M. Saby, conseiller,

Mme Brémeau-Manesme, conseiller,

Lu en audience publique le 15 novembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

O. Saby R. Le Goff

Le greffier,

Signé

XXX

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur, chargé du budget en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Montreuil, 15 novembre 2013, n° 1110696