Tribunal administratif de Montreuil, 8ème chambre, 22 septembre 2022, n° 2101567

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 8e ch., 22 sept. 2022, n° 2101567
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2101567
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 30 septembre 2022

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2022, M. C J B, représenté par la SELAS Dadi – avocats, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de certificat de résidence, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence « vie privée et familiale » dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre subsidiaire et dans les mêmes conditions de délai et d’astreinte, de réexaminer sa situation ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S’agissant du refus de séjour :

— la décision est insuffisamment motivée et est entachée d’un défaut d’examen de sa situation individuelle ;

— une erreur de fait sur sa situation professionnelle a été commise ;

— le préfet a commis une erreur de droit dans l’examen de sa durée de présence en France ;

— le 1) de l’article 6 de l’accord franco-algérien a été méconnu ;

— une erreur manifeste d’appréciation a été commise.

S’agissant de l’obligation de quitter le territoire français :

— la décision est insuffisamment motivée et est entachée d’un défaut d’examen de sa situation individuelle ;

— l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a été violé et une erreur manifeste d’appréciation a été commise.

S’agissant de l’interdiction de retour sur le territoire français :

— la décision est insuffisamment motivée ;

— elle est dépourvue de base légale ;

— le III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a été méconnu et une erreur manifeste d’appréciation a été commise.

S’agissant de la décision fixant le pays de destination :

— le signataire est incompétent ;

— la décision est dépourvue de base légale.

La procédure a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n’a pas produit de mémoire.

Par courrier du 4 juillet 2022, les parties ont été informées, conformément aux dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que le tribunal était susceptible, d’une part, de fonder son jugement sur un moyen d’ordre public tiré de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu le champ d’application de la loi en se fondant sur les dispositions alors en vigueur de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour examiner la possibilité de régulariser l’intéressé, de nationalité algérienne, au titre de l’admission exceptionnelle au séjour et, d’autre part, de procéder d’office à une substitution de base légale entre les dispositions de l’article précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et le pouvoir général de régularisation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Caron-Lecoq,

— et les observations de Me Chauvin-Madeira, substituant Me Walther et représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. C J B, ressortissant algérien né le 5 janvier 1966 à Bouandas a déclaré être entré en France le 15 septembre 2009. Il demande au tribunal l’annulation de l’arrêté du 22 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de certificat de résidence, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans.

Sur les moyens communs :

2. En premier lieu, s’agissant du refus de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis mentionne notamment, en droit, l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur, et, en fait, la situation personnelle, familiale et professionnelle en France de l’intéressé, notamment l’absence d’insertion et de perspective professionnelle. Si M. B fait valoir être professionnellement intégré, la motivation d’une décision s’apprécie indépendamment du bien-fondé des motifs retenus. S’agissant de l’obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis fait référence à l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur. Le requérant entrant dans le champ d’application du 3° du I de cet article, alors en vigueur, il résulte des dispositions du dixième alinéa du même article, que l’obligation de quitter le territoire français n’avait pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, dont il a été dit précédemment qu’elle était suffisamment motivée. S’agissant de l’interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de deux ans, la décision en litige mentionne, en droit, le quatrième alinéa du III de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur. Elle précise, en fait, l’examen de la situation de l’intéressé au regard du huitième alinéa de ce même article, lequel mentionne les quatre critères dont l’autorité compétente doit tenir compte pour décider de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français à l’encontre de l’étranger soumis à l’obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation des décisions en litige doit être écarté.

3. En second lieu, il ne ressort ni des termes des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ni des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n’aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant, lequel ne démontre pas avoir transmis au préfet les éléments relatifs à sa situation personnelle et professionnelle. Par suite, les moyens tirés du défaut d’examen particulier de la situation de M. B doivent être écartés.

Sur les moyens propres :

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. En premier lieu, les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s’appliquent, ainsi que le rappelle l’article L. 111-2 du même code alors en vigueur, « sous réserve des conventions internationales ». En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d’une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s’installer en France. Dès lors, les dispositions de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens. Toutefois, si l’accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d’admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n’interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Ainsi, il lui appartient, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé, l’opportunité d’une mesure de régularisation.

5. Il ressort de ce qui a été dit au point précédent que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour rejeter la demande d’admission exceptionnelle au séjour présentée par M. B.

6. Lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur un autre texte ou fondement légal que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l’excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du fondement légal sur lequel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l’office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d’avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

7. En l’espèce, la substitution de base légale envisagée n’a pas pour effet de priver M. B des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et le préfet dispose du même pouvoir d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur. M. B n’a pas présenté d’observation suite au courrier susvisé du 4 juillet 2022 l’informant, notamment, de ce que le tribunal était susceptible de procéder à une telle substitution de base légale. Dans ces conditions, il y a lieu de substituer d’office le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet pour régulariser, en opportunité, la situation de tout étranger à l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur, pour fonder le refus de délivrance d’un titre de séjour.

8. Si M. B se prévaut d’une longue durée de présence en France, il n’a pas exécuté une précédente mesure d’éloignement. En outre, sa vie familiale est établie en Algérie où résident son épouse et leurs cinq enfants. Ainsi, en dépit de son intégration professionnelle, dont la stabilité n’est d’ailleurs établie qu’à compter de septembre 2016, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir de régularisation. Le préfet aurait pris la même décision s’il n’avait pas, par erreur, relevé l’absence d’insertion et de perspective professionnelle du requérant et estimé que ce dernier ne pouvait se prévaloir de la durée de sa résidence en France antérieurement à l’expiration du délai qui lui avait été imparti pour exécuter la mesure d’éloignement prise à son encontre le 13 mars 2012.

9. En deuxième lieu, lorsqu’il est saisi d’une demande de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour sur le fondement de l’une des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou d’une stipulation d’un accord bilatéral, le préfet n’est pas tenu, en l’absence de dispositions expresses en ce sens, d’examiner d’office si l’étranger peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d’une autre disposition de ce code ou d’une autre stipulation de cet accord, même s’il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l’intéressé.

10. En l’espèce, M. B n’établit pas avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations du 1) de l’article 6 de l’accord franco-algérien visé ci-dessus. Par suite, il ne saurait utilement soulever le moyen tiré de la méconnaissance de cet article.

En ce qui concerne les autres décisions litigieuses :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision qui lui refuse la délivrance d’un certificat de résidence au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation des autres décisions litigieuses.

12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 8, le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en édictant à l’encontre du requérant une obligation de quitter le territoire français et une interdiction de retour sur le territoire français.

13. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B n’est pas fondé à exciper de l’illégalité de la décision qui lui fait obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision lui faisant interdiction de retourner en France.

14. En quatrième lieu, par deux arrêtés nos 2020-1515 du 31 juillet 2020 et

2020-2175 du 2 octobre 2020, publiés au bulletin d’informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis respectivement les 31 juillet 2020 et 5 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à Mme Anne-Laure Forêt, directrice des migrations et de l’intégration, ainsi qu’en cas d’absence ou d’empêchement de celle-ci à M. Bajy Riahi, chef du bureau de l’accueil et de l’admission au séjour, et, en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci, à Mme Séverine Neyrinck, en charge des refus de séjour et des interventions, à l’effet de signer notamment les décisions fixant le pays vers lequel sera éloigné un étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de Mme Neyrinck, signataire de la décision contestée fixant le pays à destination duquel l’intéressé sera éloigné, doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 22 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Il s’ensuit que ses conclusions aux fins d’annulation de cet arrêté et, par voie de conséquence, celles aux fins d’injonction assorties d’astreinte ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l’audience du 8 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Gauchard, président,

Mme Caron-Lecoq, conseillère,

M. Breuille, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.

La rapporteure,

Signé

C. Caron-Lecoq

Le président,

Signé

L. GauchardLa greffière,

Signé

S. Jarrin

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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