Tribunal administratif de Nancy, 30 juin 2009, n° 0800200

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Sur la décision

Référence :
TA Nancy, 30 juin 2009, n° 0800200
Juridiction : Tribunal administratif de Nancy
Numéro : 0800200

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NANCY

N°0800200

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

M. I-J X

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

M. Guérin-Lebacq

Rapporteur

___________

Le Tribunal administratif de Nancy

M. L’Hôte

Rapporteur public (1re Chambre)

___________

Audience du 9 juin 2009

Lecture du 30 juin 2009

___________

60-01-04

C

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2008, présentée pour M. I-J X, demeurant XXX à Neuves-Maisons (54230), par Me Kipffer ; M. X demande au Tribunal de condamner le Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle à lui verser :

1°) en réparation du préjudice résultant de la perte de revenus professionnels, les sommes de : 96 258 euros au titre de l’année 1991, 115 994 euros au titre de l’année 1992, 119 384 euros au titre de l’année 1993, 119 774 euros au titre de l’année 1994, 119 844 euros au titre de l’année 1995, 123 664 euros au titre de l’année 1996, 123 979 euros au titre de l’année 1997, chacune de ces sommes étant majorée des intérêts légaux à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au titre de laquelle elle est demandée, et assortie de la capitalisation des intérêts ;

2°) en réparation du préjudice résultant de l’aménagement d’un nouveau cabinet de radiologie, la somme de 152 450 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 1er janvier 1992 et assortie de la capitalisation des intérêts ;

3°) en réparation du préjudice résultant des conséquences de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy en date du 2 décembre 1997, la somme de 159 004 euros ;

4°) en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de développer sa carrière professionnelle, la somme de 100 000 euros ;

5°) en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence, la somme de 50 000 euros ;

6°) de mettre à la charge du Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

— que le conseil départemental de l’ordre a commis une faute en refusant de lui reconnaître la possibilité de revenir sur sa décision de se retirer de la société civile personnelle (S.C.P.) qu’il formait avec le docteur Y ;

— que cette faute a eu pour conséquence de conduire la cour d’appel de Nancy à prononcer son retrait de la S.C.P. dans un arrêt du 7 mars 1991 ;

— que le conseil départemental de l’ordre a commis une faute en inscrivant la S.C.P. Y dans des conditions irrégulières ;

— que ces manœuvres ont eu pour effet de l’évincer sans être indemnisé pour ses parts laissées dans la S.C.P. ;

— que la S.E.L.A.R.L. « docteur B Y F » succédant à la S.C.P. Y a été inscrite au tableau dans des conditions également irrégulières, constituant une faute du conseil départemental de l’ordre ;

— que le caractère irrégulier des décisions d’inscription a été confirmé par le Conseil national de l’ordre des médecins dans une décision du 6 juillet 2006 ;

— que le conseil départemental de l’ordre a commis des irrégularités fautives afin que la cession de la clientèle du cabinet nancéien de la S.C.P. Y à l’un des membres du conseil ne soit pas remise en cause ;

— que les fautes commises par le conseil départemental de l’ordre sont de nature à engager sa responsabilité ;

— que l’obligation de quitter ses locaux professionnels et de reconstituer une clientèle a entraîné pour lui une perte de revenus sur les années 1991 à 1997, préjudice dont le montant doit être évalué au vu de ses revenus de 1990, soit 167 694 euros ;

— que l’aménagement d’un nouveau cabinet de radiologie lui a causé un préjudice de 152 450 euros ;

— que l’inscription irrégulière de la S.C.P. puis de la S.E.L.A.R.L. du docteur Y a permis à celui-ci d’obtenir la condamnation de son ancien associé au titre d’une prétendue clause de non réinstallation statutaire, lui causant un préjudice de 159 004 euros ;

— que les irrégularités commises par le conseil départemental de l’ordre lui ont fait perdre une chance de développer son activité professionnelle, lui occasionnant un préjudice évalué à 100 000 euros ;

— que sa vie professionnelle et familiale a été fortement perturbée par le conflit l’opposant au docteur Y, qui trouve son origine dans les inscriptions irrégulières effectuées par le conseil départemental de l’ordre, lui causant un préjudice évalué à 50 000 euros ;

Vu la demande d’indemnisation adressée au Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle et son avis de réception ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2008, présenté pour le conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle, par Me Barthélémy qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. X en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

— que l’organisation des conditions d’exercice de la S.C.P. dans le cadre de la tentative de conciliation du 13 mars 1990 n’est constitutive d’aucune faute et n’a eu aucune influence sur la décision de la cour d’appel de Nancy du 7 mars 1991 ;

— que si l’illégalité, constatée par le conseil national de l’ordre, des décisions d’inscription des 6 mars 1992 et 3 novembre 1995 est susceptible de mettre en cause sa responsabilité, il convient de se placer au 6 mars 1992 pour en apprécier les conséquences dommageables ;

— que l’impossibilité pour le requérant de poursuivre son activité professionnelle résulte de sa propre décision et de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy et n’est en rien imputable aux décisions d’inscription adoptées par le conseil départemental de l’ordre, qui n’ont pas eu pour effet de priver le requérant d’exercer la médecine ;

— qu’à supposer qu’elles aient eu pour effet de réduire les revenus du requérant, il conviendrait de soustraire le montant de ces revenus de celui de l’indemnité demandée ;

— que le préjudice résultant de l’aménagement d’un nouveau cabinet n’est pas imputable aux décisions d’inscription du conseil départemental de l’ordre mais au choix du requérant de se retirer de la S.C.P. ;

— que la condamnation du requérant au vu d’une clause de non réinstallation est sans lien avec les décisions d’inscription adoptées par le conseil départemental de l’ordre ;

— que le préjudice tiré de la perte de chance et le préjudice moral sont également imputables à la seule décision du requérant de se retirer de la S.C.P. qu’il formait avec le docteur Y ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 mai 2009, présenté pour M. X qui, concluant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens, demande, en outre, à ce que le Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle soit condamné à lui verser une somme de 313 045 euros en réparation du préjudice résultant des conséquences de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy en date du 2 décembre 1997 ;

Il soutient, en outre :

— que le conseil départemental a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en refusant d’appliquer sa décision, en date du 13 décembre 1991, de fermer le cabinet secondaire du docteur Y ;

— que cette faute a eu pour conséquences la condamnation du docteur X pour violation d’une clause de non-réinstallation, par arrêt de la cour d’appel de Nancy du 2 décembre 1997, et l’impossibilité pour lui de retrouver une partie de sa clientèle ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2009, présenté pour le conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre :

— qu’il ne pouvait assurer lui-même l’exécution forcée de sa décision de fermer le cabinet secondaire du docteur Y, alors que celui-ci avait fait appel de ladite décision devant le conseil national ;

— que les conclusions indemnitaires sont sans rapport avec la décision dont s’agit ;

Vu la lettre en date du 25 mai 2009, informant les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d’être fondée sur un moyen soulevé d’office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 mai 2009 :

— le rapport de M. Guérin-Lebacq, conseiller,

— les conclusions de M. L’Hôte, rapporteur public,

— et les observations de Me Kipffer, pour le requérant, et de Me Barthélémy, pour le Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X, exerçant la profession de médecin F au sein de la S.C.P. X-Y exploitant deux cabinets à Nancy et à Neuves-Maisons, a informé son associé M. Y qu’il se retirait de la société par lettre du 18 novembre 1989, puis a contesté ce retrait ; que, par un arrêt du 7 mars 1991, la cour d’appel de Nancy a jugé que le retrait de M. X était irrévocable et avait eu son plein effet à la date du 1er juillet 1990 ; que, par une décision du 13 décembre 1991, le conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle a ordonné au docteur Y de précéder à la fermeture du cabinet secondaire situé à Neuves-Maisons ; qu’à la demande de M. Y, le conseil départemental de l’ordre, par une décision du 6 mars 1992, a rayé la S.C.P. X-Y du tableau de l’ordre et lui a substitué la S.C.P. Y, puis, par une seconde décision du 3 novembre 1995, a rayé la S.C.P. Y et lui a substitué la S.E.L.A.R.L. du docteur B Y ; que M. X soutient que la responsabilité du conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle est engagée à son égard en raison des fautes que l’instance ordinale aurait commises en lui refusant de revenir sur sa décision de retrait, en procédant à l’inscription des sociétés de son ancien associé au tableau de l’ordre dans des conditions irrégulières et en refusant d’assurer l’exécution de sa décision de fermer le cabinet de Neuves-Maisons ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

Considérant que si le conseil départemental de l’ordre participe à l’exécution d’une mission de service public, les décisions prises pour l’accomplissement de cette mission, et les actions en responsabilité engagées à raison des fautes commises dans leur adoption et leur exécution, ne ressortissent à la compétence de la juridiction administrative que pour autant que ces décisions constituent l’exercice d’une prérogative de puissance publique ; que M. X soutient que le conseil départemental de l’ordre aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité dans le cadre de la mission de conciliation diligentée le 13 mars 1990 en vue d’organiser, jusqu’à son départ, l’activité professionnelle des deux associés au sein de la S.C.P. ; que, toutefois, si les décisions prises par le conseil départemental de l’ordre, visant à prévenir les risques de conflits entre les deux médecins dans l’intérêt des patients, relèvent, de ce fait, d’une mission de service public, elles ne comportent pas l’exercice d’une prérogative de puissance publique ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation du conseil départemental de l’ordre à raison des fautes qu’il aurait commises dans le cadre de sa mission de conciliation doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;

Sur le surplus des conclusions à fin de condamnation du conseil départemental de l’ordre :

Considérant, en premier lieu, qu’à supposer que le conseil départemental de l’ordre ait commis des irrégularités fautives en procédant à l’inscription des deux sociétés du docteur Y au tableau de l’ordre, il résulte de l’instruction que les préjudices allégués par M. X sont la conséquence directe de sa décision de se retirer de la S.C.P. X-Y à la date du 1er juillet 1990 confirmée, comme il a été dit plus haut, par un arrêt de la cour d’appel de Nancy devenu définitif ;

Considérant, en second lieu, que, si M. X affirme que le conseil départemental a commis une faute en refusant d’assurer l’exécution forcée de sa décision du 13 décembre 1991 ordonnant au docteur Y de fermer son cabinet de Neuves-Maisons, il résulte de l’instruction que cette décision a fait l’objet d’un recours par ce dernier devant le conseil national qui s’est prononcé le 25 janvier 1992 ; qu’ainsi, le conseil départemental faute de disposer du pouvoir d’ assurer l’exécution forcée d’une de ses décisions contestées devant l’instance ordinale supérieure, la faute alléguée n’est pas établie ; qu’en outre, et de façon surabondante, à supposer que le conseil départemental de l’ordre ait commis une faute dans l’exécution de sa décision, cette faute serait dépourvue de tout lien avec, d’une part, la prétendue perte de clientèle et, d’autre part, l’indemnité à laquelle M. X a été condamné par la cour d’appel de Nancy le 2 décembre 1997 du fait de sa réinstallation prématurée à Neuves-Maisons ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à demander la condamnation du conseil départemental de l’ordre ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. X ne peut qu’être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. X une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par le Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au même titre ;

Sur l’amende pour recours abusif :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 741-12 du code de justice administrative : « Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros » ; qu’en l’espèce, la requête de M. X présente un caractère abusif ; qu’il y a lieu de le condamner à payer une amende de 1 200 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions à fin de condamnation du conseil départemental de l’ordre à raison des fautes qu’il aurait commises dans le cadre de sa mission de conciliation sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : M. X versera au Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle une somme de 1 200 euros (mille deux cent euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : M. X est condamné à payer une amende de 1 200 euros (mille deux cent euros).

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. I-J X et au Conseil départemental de l’ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle.

Copie en sera adressée pour information à Me Kipffer, à Me Barthélémy, au ministre de la santé et des sports et au trésorier-payeur-général de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l’audience du 9 juin 2009, à laquelle siégeaient :

M. Richer, président,

Mme Guidi, conseiller,

M. Guérin-Lebacq, conseiller.

Lu en audience publique le 30 juin 2009.

Le rapporteur, Le président,

J.-M. GUERIN-LEBACQ D. RICHER

Le greffier,

F. A

La République mande et ordonne au préfet de Meurthe-et-Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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