Tribunal administratif de Nice, 16 octobre 2009, n° 0903521

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Sur la décision

Référence :
TA Nice, 16 oct. 2009, n° 0903521
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 0903521

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE NICE

N°0903521

___________

SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE

___________

M. Y

Juge des référés

___________

Ordonnance du 16 octobre 2009

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Vice-président,

Juge des référés Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal le 23 septembre 2009 sous le n° 0903521, présentée pour la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE, dont le siège social est XXX à Saint-Jeannet (06640), par la SCP Eglie Richters – Malausséna, société d’avocats inscrite au barreau de Grasse ;

La société Domaine de la Palombière demande au juge des référés :

— d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté n° 2009-481 pris conjointement par le préfet et le président du conseil général des Alpes-Maritimes le 23 juillet 2009 et portant fermeture totale provisoire et désignation pour trois mois d’un administrateur provisoire de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Domaine de la Palombière ;

— de condamner le préfet et le département des Alpes-Maritimes, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, à lui verser chacun la somme de 1 500 euros ;

Elle soutient que :

— l’urgence est caractérisée dès lors que la fermeture de l’établissement entraîne des conséquences extrêmement graves pour les résidents, pour le personnel mais également pour la société gestionnaire :

* alors qu’aucun motif de sécurité ou de confort ne peut être invoqué, il existe un réel danger pour les résidents à être déplacés eu égard à leur fragilité physique mais également psychologique ; d’ailleurs, l’administrateur n’a transféré aucun résident, considérant manifestement que ce transfert n’était pas justifié ;

* la fermeture de l’établissement générerait une brutale perte d’emploi pour 46 personnes et l’obligation pour elles de rechercher un nouvel emploi dans un lieu nécessairement éloigné de leur lieu actuel de travail ;

* la fermeture de l’établissement préjudicierait gravement aux intérêts de la société, laquelle a investi plus d’un million d’euros pour demeurer en adéquation avec les critères d’un EHPAD et les exigences qualitatives fixées dans la convention tripartite ; en outre, elle devra supporter le coût du licenciement du personnel compromettant ainsi son équilibre financier ;

— il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* un auteur de la décision litigieuse ne justifie pas de sa compétence ;

* l’administration ne précise pas clairement sur quel fondement juridique l’arrêté litigieux a été édicté ; s’il ressort des termes de cette décision que l’administration s’est fondée sur les dispositions de l’article L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles, la fermeture d’un EHPAD, tant sur ce fondement que sur celui de l’article L. 313-16 du code de l’action sociale et des familles, ne peut être prononcée qu’après une mise en demeure restée infructueuse ou en cas d’urgence ; or, alors que l’urgence de procéder à la fermeture de l’EHPAD n’est manifestement pas caractérisée, aucune mise en demeure ne lui a été adressée de sorte que l’arrêté litigieux est manifestement illégal ;

* sous couvert d’ordonner la fermeture provisoire de l’établissement en raison d’une prétendue urgence, l’arrêté litigieux se borne à donner pour mission à l’administrateur provisoire de mettre en œuvre la mesure de fermeture avec transfert des résidents, sans envisager les mesures à prendre pour permettre une réouverture ultérieure ; un telle décision s’apparente ainsi à une fermeture définitive manifestement contraire aux dispositions de l’article L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles ;

* alors que le maire a seul qualité pour ordonner la fermeture d’un établissement en se fondant sur l’avis consultatif de la commission de sécurité, en application de l’article R. 123-49 du code de la construction et de l’habitation, aucun arrêté de fermeture n’a été pris par le maire de Saint-Jeannet ; dès lors, la décision litigieuse ne pouvait être fondée sur un simple avis défavorable de la sous-commission départementale de sécurité ; en tout état de cause, les trois motifs retenus par ladite commission sont discutables ; en premier lieu, les incertitudes sur le bon fonctionnement du système de désenfumage correspondent à une simple suspicion, au demeurant non fondée, et non à une infraction à des règles de sécurité ; en deuxième lieu, le renouvellement des têtes de détection incendie était en cours et celles-ci ont, depuis lors, été renouvelées ; le troisième grief relatif à la formation du personnel est erroné et n’a été formulé qu’en l’absence de remise des attestations de formation ;

* l’administration a considéré, au regard du prétendu déficit en personnel relevé dans le rapport de contrôle du 9 juillet 2009, que la convention tripartite devait prendre fin en application de ses articles 17 et 18 ; or, il résulte de ces dispositions que la résiliation de la convention ne peut être prononcée qu’après une mise en demeure restée sans effet et, sur demande de l’établissement, à l’issue d’un débat contradictoire visant à régler le litige ; en l’espèce, aucune mise en demeure ne lui a été adressée ni aucune tentative de règlement amiable n’a pu être mise en place ; en tout état de cause, l’effectif de l’établissement est supérieur aux engagements figurant dans ladite convention ;

* le rapport accablant sur lequel est fondé l’arrêté litigieux résulte d’un contrôle inopiné du 9 juillet 2009, auquel ni le gérant ni l’assistante de direction n’ont assisté, et se révèle partiellement entaché d’erreurs ; les personnes présentes n’étaient pas en mesure de fournir tous les éléments de réponse ; toutefois, si la procédure prévue à l’article L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles avait été respectée, ces éléments auraient été immédiatement communiqués ; d’ailleurs, à ce jour, les différents manquements relevés apparaissent soit résolus ou en voie de l’être, soit injustifiés ;

* l’administrateur provisoire fait part, dans sa note d’étape, de scénarios sur le futur de l’établissement qui ne font pas partie de sa mission et ce, alors qu’il fait partie d’une société qui a notamment pour objet la gestion des transactions relatives aux établissement médico-sociaux ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2009, présenté pour le département des Alpes-Maritimes, par Me Pichon de la Selarl d’avocats Cornet – Vincent – Segurel, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il est soutenu que :

— il n’existe pas d’urgence à suspendre cette décision : la société requérante a introduit sa requête deux mois après l’édiction de la décision litigieuse ; elle se borne à faire valoir que la décision litigieuse constitue une atteinte grave et immédiate à ses intérêts en ce qu’elle serait contrainte de cesser son activité, mais n’apporte aucun élément tendant à établir cette allégation ; au demeurant, l’arrêté attaqué ne prononce pas la fermeture définitive de l’établissement mais seulement à titre provisoire de sorte que la gravité des incidences économiques en résultant n’est pas établie ; d’ailleurs, il apparaît que la situation financière de l’établissement était nettement obérée ; cet établissement fait partie d’un groupe dont il n’est nullement établi que ses capacités financières seraient insuffisantes pour éviter la cessation de paiement ; au surplus, compte tenu de la nature et de l’importance des manquements constatés et eu égard à l’intérêt public s’attachant à la protection des personnes âgées dépendantes, la décision litigieuse n’emporte pas de conséquences excessives pour la société requérante ; l’absence de transfert des résidents s’explique par les risques de procéder à ce transfert pendant les périodes de forte chaleur ;

— il n’existe aucun doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte manque en fait ;

* la décision litigieuse a été prise dans le respect des dispositions applicables, à savoir les articles L. 313-16 et L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles ; ces dispositions autorisent la fermeture d’un EHPAD pour non respect des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement mais également au vu de l’ordre public ; qu’en l’espèce ces deux hypothèses se cumulent ;

* le moyen tiré du défaut de mise en demeure manque en fait et en droit : contrairement à ce qui est soutenu, le rapport de la visite de contrôle de 2008 imposait des mesures à prendre et fixait des délais pour ce faire ; l’injonction préalable prévue par les textes a donc bien été adressée à la société requérante ; le rapport de 2009 faisait apparaître des dysfonctionnements déjà constatés en 2008 qui ont donc perdurés ; à cet égard, la circonstance que la société requérante ait fait part de ses observations le 20 novembre 2008 ne saurait, à elle seule, priver la mise en demeure de son effet ; il n’est pas sérieux de soutenir que la visite du 9 juillet 2009 nécessitait une nouvelle mise en demeure alors que les dysfonctionnements avaient déjà été constatés ;

* au regard des dysfonctionnements constatés, la fermeture était justifiée tant sur le fondement de l’article L. 313-16 que sur le fondement de l’article L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles ; alors que les inspections sont réalisées par des personnels assermentés, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l’analyse de l’administrateur provisoire qui, au demeurant, étaye la situation défectueuse de l’établissement ; en outre, la circonstance que postérieurement à l’arrêté contesté, des correctifs seraient en voie d’être adoptés ne saurait remettre en cause sa légalité ; or, en premier lieu, la société requérante ne disposait plus, depuis le 20 mars 2009, d’un médecin coordinateur, ce qui constitue un manquement aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement ; en second lieu, les graves dysfonctionnements relevés préjudiciaient à la santé et à la sécurité des personnes hébergées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2009, présenté par le préfet des Alpes-Maritimes qui conclut au rejet de la requête et au versement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; le préfet des Alpes-Maritimes fait valoir que :

— la société requérante ne peut utilement, pour établir une situation d’urgence, se prévaloir de l’absence de transfert immédiat des pensionnaires et des commentaires de l’administrateur provisoire dans sa note d’étape ; en ce qui concerne les résidents, leur intérêt était de ne pas être transférés dans l’urgence compte tenu des chaleurs de l’été ; au demeurant, pour ces personnes, l’urgence est plutôt d’être transférées dans des structures qui puissent leur assurer une prise en charge adéquate et sans danger ; en ce qui concerne le personnel, les inconvénients résultant pour eux de changer de lieu de travail sont sans influence sur la nécessité de prévenir la santé et la sécurité des résidents ; en outre, aucune information sur le lieu de leur domicile ne figure au dossier ; en ce qui concerne la société requérante, aucun élément ne vient étayer l’allégation de préjudice grave aux intérêts de l’entreprise alors qu’il s’agit d’une mesure de fermeture provisoire ; la limitation apportée par l’arrêté litigieux à l’activité de l’établissement est légalement fondée sur le pouvoir donné à l’administration de préserver la santé et la sécurité des résidents ;

— il n’existe aucun doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

* le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte manque en fait dès lors que sa compétence est fondée sur la délégation donnée par le préfet des Alpes-Maritimes par arrêté du 31 octobre 2008 ;

* contrairement à ce qui est soutenu, l’article 17 de la convention tripartite permet sa résiliation, sans aucune mise en demeure, dès lors que l’établissement ne respecte pas ses engagements ; or, en l’espèce, la société requérante s’était engagée à recruter avant le 31 mars 2008 un certain nombre de personnel soignant diplômé ; or, lors des contrôles du 29 juillet 2008 et du 9 juillet 2009, cet engagement n’était pas respecté ; à cet égard, la société requérante ne conteste pas utilement ce constat ; dès lors, ce sous effectif par rapport aux engagements conventionnels justifie pleinement la mesure de fermeture provisoire attaquée ;

* il ressort des dispositions de l’article L. 313-16 du code de l’action sociale et des familles, que la fermeture d’un établissement peut intervenir tant en considération du non respect des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement qu’au vu de l’ordre public, ces deux hypothèses pouvant se cumuler comme en l’espèce ; les mises en demeure ont bien été envoyées mais la situation s’étant aggravée, il a été décidé conjointement, au regard de l’urgence, de fermer provisoirement l’établissement ;

* l’avis favorable de la commission de sécurité est un élément essentiel pour l’ouverture d’un établissement et le maintien de son autorisation, et un avis défavorable suffit pour le maire ou le préfet par substitution pour prononcer la fermeture de l’établissement ;

* les dysfonctionnements et les manquements ont été notifiés point par point à la société requérante alors que l’établissement continuait à accueillir des personnes âgées dépendantes ; ces dysfonctionnements résultent de vérifications des services de l’Etat et du département ainsi que des services vétérinaires ; il ne suffisait pas à la société requérante d’adresser à l’administration des observations pour rendre caduques les constatations intervenues, il fallait y remédier ; ceux-ci étaient bien de nature à justifier la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L. 313-16 du code de l’action sociale et des familles ;

* les rapports des inspecteurs assermentés font foi jusqu’à preuve du contraire ;

* les buts prétendument intéressés et frauduleux de l’administrateur provisoire et de sa société relèvent d’allégations mensongères ;

Vu, enregistré le 8 octobre 2009, le nouveau mémoire présentée pour la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il est soutenu en outre, que :

— en ce qui concerne l’urgence : si la société requérante a attendu deux mois pour agir et bien que l’arrêté querellé soit exécutoire depuis le 23 juillet 2009, celui-ci n’a toujours pas fait l’objet d’un début d’exécution, ce qui lui laissait le temps de réunir les éléments de fond de nature à étayer son recours ; la décision litigieuse préjudice gravement à ses intérêts au regard de l’importance des investissements effectués depuis 2002 et du préjudice financier résultant de la fermeture de l’établissement ; à cet égard, l’appartenance à un groupe n’est pas de nature à empêcher son dépôt de bilan ; au demeurant, ce groupe doit faire face aux difficultés liées à la fermeture provisoire de deux autres établissements ; cette situation porte une atteinte grave à son image, entamant son crédit au regard des banquiers ; la décision litigieuse est une fermeture définitive puisque rien n’est prévu quant aux modalités de réouverture et que l’établissement ne peut plus recevoir de personnes âgées dépendantes en raison de la résiliation de la convention tripartite ; le département ne conteste pas les motifs d’urgence tirés du licenciement du personnel ; en outre, celui-ci ne peut utilement soutenir que l’absence de transfert des résidents est due aux chaleurs estivales ;

— en ce qui concerne la légalité de la décision litigieuse :

* ni le rapport de contrôle ni l’arrêté querellé ne vise le motif tiré du non respect des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement prévu par l’article L. 313-16 du code de l’action sociale et des familles ; au demeurant, ce texte prévoit une mise en demeure préalable qui n’a pas été effectuée ;

* l’arrêté attaqué a été pris sur le fondement de L. 331-5 du code de l’action sociale et des familles qui impose une injonction préalable sauf urgence ; à cet égard, l’administration ne pouvait se fonder sur la mise en demeure effectuée le 5 novembre 2008 à la suite du contrôle du 29 juillet 2008 ; d’ailleurs, le rapport du 9 juillet 2009 ne porte pas sur les mêmes points ; au surplus, aucune des recommandations formulées dans le rapport de 2008 n’était de nature à justifier une décision de fermeture ; en tout état de cause, à l’époque, il avait été remédié à l’ensemble des dysfonctionnements figurant dans cette mise en demeure, ainsi que l’atteste l’absence de décision de l’administration ; dans ces conditions, cette mise en demeure ancienne ne peut manifestement pas servir de fondement à l’arrêté litigieux, lequel vise expressément l’urgence ; ainsi qu’il a été dit, cette condition d’urgence n’était pas justifiée ;

* aucune mission n’est donnée à l’administrateur provisoire, en méconnaissance de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles ; ainsi, l’arrêté contesté s’apparente à une mesure de fermeture définitive d’autant qu’il met concomitamment fin à la convention tripartite ; or, une mesure de fermeture définitive ne peut être prise en invoquant le seul motif de l’urgence ;

* l’absence momentanée de médecin coordinateur ne peut justifier une mesure de fermeture prise dans l’urgence ; d’ailleurs, eu égard au nombre et à l’importance des dysfonctionnements allégués, en grande partie inexacts ou résolus, il aurait été impossible à l’administrateur d’y remédier en un mois ;

* au cours du contrôle, qui n’a duré que 4 heures, le principe du contradictoire n’a jamais été respecté ;

Vu, enregistrée le 8 octobre 2009, la pièce complémentaire produite pour la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE ;

Vu la pièce produite par la société requérante au cours de l’audience publique du 8 octobre 2009 et soumise au contradictoire ;

Vu l’arrêté attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la requête n° 0903520 enregistrée le 23 septembre 2009, par laquelle la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE demande l’annulation de l’arrêté du 23 juillet 2009 ;

Vu la délégation du Président du tribunal désignant M. Y, président, comme juge des référés ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l’audience publique du 8 octobre 2009 à 14 heures 45 ;

Après avoir lu le rapport et entendu :

— les observations de Maître Eglie Richters, avocat au barreau de Grasse, et de M. Z, gérant, pour la société requérante ;

— les observations de M. X, inspecteur des affaires sanitaires et sociales, pour le préfet des Alpes-Maritimes ;

— les observations de Maître Pichon, avocat au barreau de Paris, pour le département des Alpes-Maritimes ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, que l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) la Palombière situé à Saint-Jeannet, établissement privé à but lucratif appartenant à la société requérante, est autorisé à accueillir des personnes âgées dépendantes en application de la convention tripartite signée avec l’Etat et le département des Alpes-Maritimes le 1er janvier 2008 ; que, le 29 juillet 2008, cet établissement a fait l’objet d’un contrôle dont le rapport a été notifié par courrier du 5 novembre 2008 accompagné d’une mise en demeure de remédier aux dysfonctionnements constatés ; que la société requérante a fait valoir les mesures de corrections prises par courrier daté du 20 novembre 2008, sans que celles-ci n’appellent de décision de l’administration quant à la poursuite de l’activité de l’EHPAD ; que, le 23 juin 2009, l’établissement a fait l’objet d’une visite de la commission de sécurité, laquelle a émis un avis défavorable quant à la poursuite de son activité ; qu’à ce jour, le maire de la commune accueillant la maison de retraite de la Palombière n’a toutefois édicté aucun arrêté de fermeture administrative à ce titre et la contre visite a d’ailleurs donné lieu à un avis favorable en date du 6 octobre 2009 ; que, par ailleurs, un contrôle conjoint des services sociaux de l’Etat et du département a été organisé le 9 juillet 2009, dont le rapport consécutif, établi le 21 juillet 2009, concluait à la fermeture provisoire de l’établissement ; que c’est ainsi que, par arrêté conjoint du 23 juillet 2009, le préfet et le président du conseil général des Alpes-Maritimes ont ordonné la fermeture provisoire de la résidence de la Palombière et ont désigné un administrateur provisoire, pour 3 mois renouvelable, chargé de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des résidents dans l’attente de leur transfert ; que par la présente requête, la société requérante demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de cet arrêté conjoint ;

Sur les conclusions à fin de suspension :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) » ;

Considérant en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles : "Dès que sont constatés dans l’établissement (…) des infractions aux lois et règlements ou des dysfonctionnements dans la gestion ou l’organisation susceptibles d’affecter la prise en charge ou l’accompagnement des usagers ou le respect de leurs droits, l’autorité qui a délivré l’autorisation adresse au gestionnaire de l’établissement (…) une injonction d’y remédier, dans un délai qu’elle fixe (…)/ Cette injonction peut inclure des mesures de réorganisation et, le cas échéant, des mesures individuelles conservatoires (…)/ S’il n’est pas satisfait à l’injonction, l’autorité compétente peut désigner un administrateur provisoire de l’établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois renouvelable une fois. Celui-ci accomplit, au nom de l’autorité compétente et pour le compte de l’établissement ou du service, les actes d’administration urgents ou nécessaires pour mettre fin aux dysfonctionnements ou irrégularités constatés (…)" ; qu’aux termes de l’article L. 313-15 du même code : "L’autorité compétente met fin à l’activité de tout (…) établissement créé, transformé ou ayant fait l’objet d’une extension sans l’autorisation prévue à cet effet./ Lorsque l’activité relève d’une autorisation conjointe de l’autorité compétente de l’Etat et du président du conseil général, la décision de fermeture est prise conjointement par ces deux autorités (…) L’autorité compétente met en œuvre la décision de fermeture dans les conditions prévues aux articles L. 331-5, L. 331-6 et L. 331-7" ; qu’aux termes de l’article L. 313-16 dudit code : "L’autorité qui a délivré l’autorisation (…) prononce la fermeture, totale ou partielle, provisoire ou définitive, d’un service ou établissement dans les conditions prévues aux articles L. 313-17 et L. 313-18 : 1° Lorsque les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement prévues au II de l’article L. 312-1 ne sont pas respectées ; 2° Lorsque sont constatées dans l’établissement (…) et du fait de celui-ci des infractions aux lois et règlements susceptibles d’entraîner la mise en cause de la responsabilité civile de l’établissement (…) ou de la responsabilité pénale de ses dirigeants ou de la personne morale gestionnaire./ Lorsque l’autorité qui a délivré l’autorisation est le président du conseil général et en cas de carence de ce dernier, le représentant de l’Etat dans le département peut, après mise en demeure restée sans résultat, prononcer la fermeture de l’établissement ou du service. En cas d’urgence, le représentant de l’Etat peut, sans mise en demeure adressée au préalable, prononcer par arrêté motivé et à titre provisoire la fermeture totale ou partielle de l’établissement ou du service./ Lorsque l’établissement ou le service relève d’une autorisation conjointe de l’autorité compétente de l’Etat et du président du conseil général, la décision de fermeture de cet établissement ou de ce service est prise conjointement par ces deux autorités (…)" ; que l’article L. 313-17 du code de l’action sociale et des familles dispose : "En cas de fermeture d’un établissement (…), l’autorité qui a délivré l’autorisation prend les mesures nécessaires au placement des personnes qui y étaient accueillies./ Elle peut mettre en œuvre la procédure prévue aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 313-14" ; qu’aux termes de l’article L. 331-5 du même code : "Sans préjudice de l’application des dispositions prévues à l’article L. 313-16 si la santé, la sécurité ou le bien-être moral ou physique des personnes hébergées sont menacés ou compromis par les conditions d’installation, d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement, le représentant de l’Etat enjoint aux responsables de celui-ci de remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus dans le délai qu’il leur fixe à cet effet./ S’il n’a pas été satisfait à l’injonction dans ce délai, le représentant de l’Etat ordonne la fermeture totale ou partielle, définitive ou provisoire, de l’établissement./ En cas d’urgence (…), le représentant de l’Etat peut, sans injonction préalable, prononcer par arrêté motivé et à titre provisoire une mesure de fermeture immédiate" ; qu’aux termes de l’article L. 331-6 dudit code : "En cas de fermeture d’un établissement (…) ordonnée en vertu de l’article L. 331-5, le représentant de l’Etat dans le département prend les mesures nécessaires en vue de pourvoir à l’accueil des personnes qui y étaient hébergées. Il peut également désigner un administrateur provisoire de l’établissement pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois. Cet administrateur accomplit, au nom du représentant de l’Etat dans le département et pour le compte de l’établissement, les actes d’administration nécessaires à son fonctionnement, ainsi que les travaux urgents exigés par la sécurité des personnes hébergées" ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que la fermeture provisoire d’un établissement, que ce soit au titre d’un défaut d’autorisation de fonctionner, au titre de l’ordre public, ou dans les cas visés à l’article L. 313-16 du code précité, peut être décidée en cas d’urgence par le représentant de l’Etat sans que le responsable dudit établissement ait été mis en demeure de prendre les mesures propres à mettre fin aux dysfonctionnements constatés, et donc de présenter des observations en réponse aux griefs formulés contre lui ; que, dans les autres cas, il appartient à l’administration, avant de prononcer la fermeture d’un établissement, de mettre en demeure son responsable de remédier aux insuffisances, inconvénients ou abus qu’elle a constatés ;

Considérant qu’en l’état de l’instruction, sans qu’il soit besoin d’apprécier le fondement juridique de la décision attaquée, le moyen invoqué par la société requérante et tiré de la violation du principe du contradictoire en l’absence d’urgence, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté litigieux ;

Considérant en second lieu, que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies devant lui, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ; que l’urgence s’apprécie objectivement et globalement, à la date à laquelle le juge des référés statue et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce ;

Considérant que la mesure de fermeture provisoire de l’établissement La Palombière, accompagnée du placement de cet établissement sous administration provisoire, fait obstacle à la poursuite de son activité normale, risquant d’entraîner pour elle, à brève échéance, des conséquences graves sur les 46 personnes qu’elle emploie et sur son équilibre financier ; que, compte tenu de l’avis favorable rendu par la commission de sécurité le 6 octobre 2009 et de l’amélioration non contestée des conditions d’organisation et de fonctionnement dudit établissement telle qu’elle résulte de l’action de l’administrateur provisoire depuis l’édiction de l’arrêté litigieux, il n’est pas établi que le maintien en activité de cet établissement sous administration de son gérant serait contraire à l’intérêt public qui s’attache à la protection de la santé, de la sécurité et du bien-être des pensionnaires, dont aucun n’a été transféré à ce jour ; que, par suite, la condition d’urgence, qui doit s’apprécier objectivement en fonction des différents intérêts en présence, doit en l’espèce être regardée comme remplie ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, qu’il y a lieu de suspendre l’arrêté en date du 23 juillet 2009 portant fermeture totale provisoire et désignation pour trois mois d’un administrateur provisoire de l’EHPAD Domaine de la Palombière, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie (…) perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre tant par la société requérante que par le département et le préfet des Alpes-Maritimes ;

O R D O N N E :

Article 1er : L’arrêté n° 2009-481 du 23 juillet 2009 du préfet des Alpes-Maritimes et du président du conseil général des Alpes-Maritimes, portant fermeture provisoire de l’EHPAD La Palombière et désignation d’un administrateur provisoire, est suspendu.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE, le préfet des Alpes-Maritimes et le département des Alpes-Maritimes, au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL DOMAINE DE LA PALOMBIERE, au département des Alpes-Maritimes et au ministre de la Santé et des Sports.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes (direction départementale des affaires sanitaires et sociales).

Fait à Nice, le 16 octobre 2009.

Le Vice-président,

Juge des référés,

A. Y

La République mande et ordonne au ministre de la Santé et des Sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

P/ la greffière en chef,

La greffière,

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Tribunal administratif de Nice, 16 octobre 2009, n° 0903521