Tribunal administratif de Paris, 12 novembre 2014, n° 1309229

  • Inspecteur du travail·
  • Associations·
  • Famille·
  • Autorisation de licenciement·
  • Mère·
  • Aide·
  • Dialogue social·
  • Justice administrative·
  • Autorisation·
  • Formation professionnelle

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Paris, 12 nov. 2014, n° 1309229
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1309229
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Paris, 6 avril 2014

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1309229,1317222

___________

ASSOCIATION POUR L’AIDE AUX MERES DE FAMILLE

___________

Mme X

Rapporteur

___________

Mme Dorion

Rapporteur public

___________

Audience du 28 octobre 2014

Lecture du 12 novembre 2014

___________

66-07-01-04-01

01-09-01-02-01

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris

(3e Section – 3e Chambre)

Vu I°), sous le n° 1309229, la requête, enregistrée le 1er juillet 2013, présentée pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, dont le siège est XXX à XXX, par Me Le Barbier ; l’Association pour l’aide aux mères de famille demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 27 mai 2013 par laquelle l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement de Mme Y ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que l’inspecteur du travail a commis une erreur de fait et une erreur manifeste d’appréciation dès lors que les faits reprochés à Mme Y, à savoir un comportement agressif réitéré à l’égard de la présidente de l’association et des salariées, sont établis, qu’ils sont fautifs et suffisamment graves pour justifier son licenciement ;

— que l’inspecteur du travail a commis une erreur de droit en considérant que ces faits avaient un lien avec le mandat de l’intéressée ;

— que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 décembre 2013, présenté pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2013, présenté pour Mme Y, par la SCP Masse-Dessin, Thouvenin, Coudray, qui conclut au rejet de la requête et demande, en outre, de mettre à la charge de l’association requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient:

— à titre principal, que la requête est irrecevable en l’absence de qualité pour agir de la présidente de l’association et en l’absence de timbre fiscal ;

— à titre subsidiaire, qu’aucun des moyens invoqués par la requérante n’est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2014, présenté pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, qu’elle s’est acquittée du paiement du timbre fiscal et que la présidente de l’association avait qualité pour agir en application de l’article 9 des statuts de l’association ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2014, présenté par le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir:

— à titre principal, que les conclusions dirigées contre les décisions de l’inspecteur du travail des 8 et 27 mai 2013 sont irrecevables dès lors qu’il a, par sa décision du 19 novembre 2013, annulé la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013, qui confirmait celle du 8 mai 2013 ; que c’est à bon droit qu’il a considéré que la demande d’autorisation de licenciement de l’association était entachée d’un défaut de qualification justifiant son rejet ;

— à titre subsidiaire, que les conclusions dirigées contre la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013 sont irrecevables ; que c’est à bon droit qu’il a considéré que la demande d’autorisation de licenciement de l’association était entachée d’un défaut de qualification justifiant son rejet ; que la décision de l’inspecteur du travail du 8 mai 2013 est illégale en raison de sa connexité avec celle du 27 mai 2013 ;

Vu II°), sous le n° 1317222, la requête, enregistrée le 4 décembre 2013, présentée pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, dont le siège est situé XXX à XXX, par Me Le Barbier ; l’Association pour l’aide aux mères de famille demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 19 novembre 2013 par laquelle le ministre chargé du travail a rapporté sa décision implicite née le XXX rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du 27 mai 2013 de l’inspecteur du travail, a annulé la décision de l’inspecteur du travail et a refusé d’autoriser le licenciement de Mme Y ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le ministre a commis une erreur de droit en retenant que la demande de licenciement ne contenait pas la caractérisation du motif retenu par l’employeur ; qu’un projet de licenciement avait été joint à la demande d’autorisation de licenciement et que ce dernier précisait les raisons qui avaient conduit à envisager le licenciement de Mme Y ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2014, présenté pour l’Association pour l’aide aux mères de famille qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2014, présenté pour Mme Y, par la SCP Masse-Dessin, Thouvenin, Coudray, qui conclut au rejet de la requête et demande, en outre, de mettre à la charge de l’association requérante la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient:

— à titre principal, que la requête est irrecevable en l’absence de timbre fiscal ;

— à titre subsidiaire, qu’aucun des moyens invoqués par la requérante n’est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 octobre 2014, présenté pour l’Association pour l’aide aux mères de famille, qui maintient ses conclusions par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, qu’elle s’est acquittée du paiement du timbre fiscal ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2014, présenté par le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir:

— à titre principal, que les conclusions dirigées contre les décisions de l’inspecteur du travail des 8 et 27 mai 2013 sont irrecevables dès lors qu’il a, par sa décision du 19 novembre 2013, annulé la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013, qui confirmait celle du 8 mai 2013 ; que c’est à bon droit qu’il a considéré que la demande d’autorisation de licenciement de l’association était entachée d’un défaut de qualification justifiant son rejet ;

— à titre subsidiaire, que les conclusions dirigées contre la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013 sont irrecevables ; que c’est à bon droit qu’il a considéré que la demande d’autorisation de licenciement de l’association était entachée d’un défaut de qualification justifiant son rejet ; que la décision de l’inspecteur du travail du 8 mai 2013 est illégale en raison de sa connexité avec celle du 27 mai 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 octobre 2014 sous le n° 1317222, présentée pour Mme Y ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 octobre 2014 ;

— le rapport de Mme X ;

— les conclusions de Mme Dorion, rapporteur public ;

— les observations de Me Le Barbier, pour l’Association pour l’aide aux mères de famille ;

— et les observations de Me Crusoé, pour Mme Y ;

1. Considérant que les requêtes n° 1309229 et 1317222 présentées pour l’Association pour l’aide aux mères de famille présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

2. Considérant que Mme Y a été recrutée le 9 mai 2000 par l’Association pour l’aide aux mères de famille en qualité de technicienne de l’intervention sociale et familiale ; qu’elle est investie des fonctions de conseillère prud’homme et détient un mandat de déléguée du personnel suppléante ; que le 7 février 2011, la directrice de l’association a saisi l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licenciement de Mme Y « pour cause réelle et sérieuse » aux motifs que du fait des « activités personnelles » de cette salariée, ses absences causaient « un déséquilibre insupportable dans l’organisation du travail » et que Mme Y avait manqué à son obligation de loyauté et s’était rendue coupable d’insubordination caractérisée ; que par décision du 7 avril 2011, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement, décision confirmée sur recours hiérarchique par le ministre chargé du travail le 14 octobre suivant ; que par un jugement du 23 octobre 2012, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision précitée de l’inspecteur du travail ; que par un arrêt du 7 avril 2014, la Cour administrative d’appel de Paris a confirmé ce jugement ; que le 7 février 2013, la directrice de l’association a saisi l’inspecteur du travail d’une nouvelle demande d’autorisation de licenciement de Mme Y « pour cause réelle et sérieuse » pour des faits différents, survenus en 2012, tenant à un comportement menaçant et agressif envers la présidente de l’association au cours des réunions du comité d’entreprise des 23 octobre et 19 décembre 2012 ainsi qu’un trouble au repos des salariées de la halte garderie le 18 décembre 2012 ; que par décision du 27 mai 2013, l’inspecteur du travail a refusé d’autoriser le licenciement ; que, par une décision du 19 novembre 2013, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rapporté sa décision implicite née le XXX rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision du 27 mai 2013 de l’inspecteur du travail, a annulé la décision de l’inspecteur du travail et a refusé d’autoriser le licenciement de Mme Y ; que l’association requérante demande l’annulation des deux décisions du 27 mai et 19 novembre 2013 ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par Mme Y :

3. Considérant que Mme Y fait valoir que, faute de production par l’association requérante du timbre afférent à la contribution pour l’aide juridique prévue à l’article 1635 bis Q du code général des impôts alors applicable, les requêtes sont irrecevables ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l’Association pour l’aide aux mères de famille s’est acquittée de cette contribution ;

4. Considérant que contrairement à ce que soutient Mme Y, la présidente de l’Association pour l’aide aux mères de famille avait qualité pour présenter la requête n° 1317222 en application de l’article 9 des statuts de l’association ;

5. Considérant que les fins de non-recevoir opposées par Mme Y doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du 19 novembre 2013 du ministre du travail :

6. Considérant qu’en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l’intérêt de l’ensemble des salariés qu’ils représentent, d’une protection exceptionnelle ; qu’aux termes de l’article R. 2421-10 du code du travail : "La demande d’autorisation de licenciement d’un délégué du personnel, d’un membre du comité d’entreprise ou d’un membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l’inspecteur du travail dont dépend l’établissement qui l’emploie (…) La demande énonce les motifs du licenciement envisagé (…)" ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à l’employeur de déterminer, dans sa demande d’autorisation de licenciement, la nature du licenciement envisagé en indiquant si ce licenciement est justifié par un motif économique, par un motif disciplinaire, par l’inaptitude physique du salarié ou par l’impossibilité de maintenir le contrat de travail ainsi que les faits sur lesquels il se fonde pour permettre à l’inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte-tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’Association pour l’aide aux mères de famille a indiqué, dans son courrier du 7 mars 2013, qu’elle saisissait l’inspecteur du travail d’une demande d’autorisation de licencier Mme Y « pour cause réelle et sérieuse » en raison de « la gravité [des] faits survenus depuis l’automne 2012 » ; que ce courrier, qui présentait les faits reprochés à la salariée, insistait sur leur gravité et faisait référence à des décisions juridictionnelles relatives à des procédures de licenciement pour faute disciplinaire, renvoyait en outre à un projet de lettre de licenciement joint dans lequel il était plus précisément reproché à Mme Y des « actes fautifs », à savoir d’avoir un comportement menaçant et agressif envers la présidente de l’association au cours des réunions du comité d’entreprise des 23 octobre et 19 décembre 2012 et d’avoir troublé le repos des salariées de la halte garderie le 18 décembre 2012 ; que, par suite, la demande d’autorisation de licenciement doit être regardée comme justifiée par un motif disciplinaire énoncé de manière suffisamment précise ; que dès lors que la demande d’autorisation de licencier Mme Y était motivée, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a commis une erreur de droit en retenant que la demande de licenciement ne procédait pas à la qualification du licenciement sollicité et en censurant pour cette raison la décision du 27 mai 2013 de l’inspecteur du travail ; que pour ce motif, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la décision en date du 19 novembre 2013 du ministre chargé du travail doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013 :

8. Considérant qu’il est reproché à Mme Y, d’une part, un comportement menaçant et agressif envers la présidente de l’association au cours des réunions du comité d’entreprise des 23 octobre et 19 décembre 2012 et, d’autre part, d’avoir troublé le repos des salariées de la halte garderie le 18 décembre 2012 en cherchant à venir à leur rencontre alors qu’elles auraient souhaité déjeuner tranquillement ; qu’ainsi que l’a relevé l’inspecteur du travail dans sa décision du 27 mai 2013, ces faits, qui se sont tous déroulés dans l’exercice de ses fonctions représentatives, présentent un lien avec les mandats exercés par Mme Y ; qu’au surplus, il ressort des pièces versées au dossier que, par un jugement du 10 décembre 2013, le Conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt a condamné l’employeur de Mme Y à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination ; que, dès lors que la demande d’autorisation de licencier Mme Y présentait un lien avec ses mandats, l’inspecteur du travail était tenu de refuser un tel licenciement ; qu’il en résulte que tous les moyens invoqués par l’association requérante à l’encontre de la décision du 27 mai 2013 sont inopérants et ne peuvent qu’être écartés ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’association requérante n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail du 27 mai 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’en ce qui concerne la requête enregistrée sous le n° 1317222, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat une somme au titre des frais exposés par l’association requérante et non compris dans les dépens ;

11. Considérant qu’en ce qui concerne la requête enregistrée sous le n°1309229, il y a lieu de mettre à la charge de l’Association pour l’aide aux mères de famille, partie perdante, le versement à Mme Y d’une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par l’intéressée et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, les conclusions présentées sur ce même fondement par l’association requérante ne peuvent qu’être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 19 novembre 2013 du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des deux requêtes présentées par l’Association pour l’aide aux mères de famille est rejeté.

Article 3 : L’Association pour l’aide aux mères de famille versera à Mme Y la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens dans l’instance correspondant à la requête enregistrée sous le n°1309229.

Article 4: Le présent jugement sera notifié à l’Association pour l’aide aux mères de famille, au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, et à Mme Z Y.

Délibéré après l’audience du 28 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Jardin, président,

Mme X, premier conseiller,

M. Grondin, conseiller,

Lu en audience publique le 12 novembre 2014.

Le rapporteur, Le président,

J. X C. JARDIN

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Paris, 12 novembre 2014, n° 1309229