Tribunal administratif de Paris, 19 novembre 2015, n° 1517433

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 19 nov. 2015, n° 1517433
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1517433

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PARIS

N°1517433/7/4

___________

SOCIETE CVC PROJECT

___________

Mme X-Y

Juge des référés

___________

Ordonnance du 19 novembre 2015

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Paris,

Le juge des référés

Vu la procédure suivante :

Par une requête, deux mémoires en réplique et un mémoire en rectification, enregistrés le 24 octobre 2015, le 2 novembre 2015 et le 3 novembre 2015, la société CVC Project, représentée par Me Palmier, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision par laquelle la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France a écarté la candidature de la société CVC Project ;

2°) d’enjoindre à la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France de reprendre la procédure au stade de l’analyse des candidatures ;

3°) à défaut, d’annuler la procédure de publicité et de mise en concurrence ;

4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— sa requête est recevable dès lors que le juge des référés précontractuels, dans le cadre de son contrôle de pleine juridiction, est compétent pour vérifier les motifs de rejet d’une candidature ;

— c’est en méconnaissance de l’article 52 du code des marchés publics que la chambre de commerce et d’industrie a rejeté sa candidature, puisqu’un acheteur public ne peut fonder ce rejet sur le seul motif tiré de ce que la société candidate ne produisait pas, ou pas suffisamment, de références portant sur des marchés analogues ; que la méconnaissance de cette règle a conduit la chambre de commerce et d’industrie à entacher sa décision d’une erreur de droit ; qu’elle motive en effet cette dernière par l’insuffisance des références de la société CVC Project, société nouvellement créée, au regard des prestations à réaliser alors qu’elle devait apprécier l’expérience professionnelle de cette entreprise au regard des autres pièces de son dossier de candidature ;

— c’est également en méconnaissance de l’article 45 du code des marchés publics que la chambre de commerce et d’industrie n’a pas respecté l’obligation que lui impose cet article d’indiquer clairement la liste des documents pouvant être fournis par un candidat comme équivalents aux renseignements ou documents prévus par l’arrêté consolidé du 28 août 2006 et demandés par ce pouvoir adjudicateur ; qu’étant en effet une entreprise nouvellement créée, la société CVC Project n’était objectivement pas en mesure de produire les chiffres d’affaires de ses trois derniers exercices ; que la chambre de commerce et d’industrie n’a pas indiqué dans les documents de la consultation un chiffre d’affaires minimum exigible des candidats ni n’a précisé la liste du ou des documents considérés par elle comme équivalent à la production de cette information ;

— la chambre de commerce et d’industrie a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en rejetant la candidature de la requérante pour absence ou insuffisance des références professionnelles alors que les autres pièces de son dossier de candidature témoignent de son expérience professionnelle ; qu’une entreprise nouvellement créée ne peut, par définition, produire de nombreuses références professionnelles similaires au marché faisant l’objet de la procédure à laquelle elle participe ; qu’il en va de même s’agissant des certifications Qualibat 5313 et Qualibat 5414, mentionnées à l’article 5.2.1 du règlement de la consultation, puisque le délai d’obtention de ces certifications est d’au minimum deux ans ; qu’il en résulte que le pouvoir adjudicateur ne peut exiger d’une entreprise récente la production de certificats de qualification professionnelle équivalents à ceux qu’elle peut exiger d’une société plus ancienne ; que la chambre de commerce et d’industrie ne peut valablement justifier son rejet de la candidature de la société CVC Project par la taille de son effectif, composé de six personnes dont deux cadres, puisque d’après les indications fournies par l’organisme accréditeur Qualibat, organisme auquel se réfère directement le règlement de la consultation, le taille du personnel de l’entreprise n’est pas un critère déterminant d’éligibilité ; que c’est en effet le savoir-faire qui est avant tout valorisé ; que, pour obtenir la qualification Qualibat 5313, le bureau d’études de l’entreprise doit comprendre au moins un ingénieur technicien ayant 6 ans de pratique et deux techniciens aux qualifications entrant dans une échelle déterminée de classification d’une convention collective ; que la société CVC Project comprend un ingénieur ayant 17 ans d’expérience, ce qui justifie la production par l’entreprise d’attestations anciennes, correspondant à une époque où elle n’existait pas encore, mais qui témoignent des aptitudes dudit ingénieur ; que, s’agissant des techniciens de la société, ils disposent de toutes les qualifications nécessaires comme en témoigne leur participation efficace à de précédents projets ; que la chambre de commerce et d’industrie ne peut également reprocher à la société CVC Project de ne pas justifier la réalisation d’installations d’une puissance supérieure à 300 KW alors que de nombreux chantiers réalisés antérieurement à la création de l’entreprise par les différents membres de son personnel témoignent de son savoir faire ; que la capacité financière de l’entreprise est établie par la réalisation d’un premier chiffre d’affaires de 76 200 euros au titre de sa première année d’exploitation, d’un capital social de 15 000 euros, d’une attestation bancaire, d’une attestation de son principal fournisseur ainsi que d’attestations fiscales et sociales ; qu’il résulte de ces éléments que la chambre de commerce et d’industrie ne pouvait valablement contester la capacité économique de la société CVC Project, ce d’autant plus que l’exigence d’un chiffre d’affaires d’un certain montant ne peut être retenue pour une entreprise nouvellement créée ;

— en tout état de cause, aucune substitution de motifs ne serait à même de régulariser ces deux griefs de mal fondement de la décision rejetant l’offre de la société CVC Project.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2015, la chambre de commerce et d’industrie de la région de Paris Ile-de-France, représentée par la SCP Rocheteau & Uzan-Sarano, conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la société CVC Project la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— si la société requérante soutient que la chambre de commerce et d’industrie a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant son offre, cet argument ne saurait toutefois convaincre puisque c’est sur le fondement des différents critères publiés dans l’avis d’appel public à la concurrence du 28 mai 2015 qu’elle s’est fondée pour la rejeter ; que le chiffre d’affaires indiqué au titre de l’année 2014, de 76 200 euros, était insuffisant pour garantir la capacité financière de la société pour un marché d’une valeur supérieure à 400 000 euros ; qu’elle dispose d’un personnel insuffisant, puisque composé de seulement six personnes ; qu’elle ne détient, en outre, aucune des deux qualifications professionnelles requises ni ne justifiait avoir déjà réalisé des travaux d’ampleur et de nature équivalentes ;

— il appartient au pouvoir adjudicateur de vérifier que le soumissionnaire présente bien les garanties professionnelles, techniques et financières minimales qualitativement et quantitativement en rapport avec l’objet du marché ; qu’il dispose alors d’un large pouvoir d’appréciation pour ce faire ; que l’avis d’appel public à la concurrence ainsi que le règlement de la consultation ont indiqué les éléments constitutifs de la candidature et les éléments à produire pour justifier des différentes capacités des candidats à l’attribution du marché ; que ces indications ont été faites de manière objective, non-discriminatoire et proportionnée ;

— s’agissant de sa capacité financière, la société requérante s’est prévalue d’un chiffre d’affaires d’un montant faible par rapport à ses concurrents et dispose d’un capital d’une valeur de 15 000 euros ; que la production d’une simple attestation de bonne tenue de compte établie par un banquier ne suffit à établir ladite capacité financière ; que, vis-à-vis de ses capacités professionnelles et techniques, elle ne dispose que de six personnes et n’a pas justifié de la réalisation complète de travaux de nature et d’importante équivalentes à celles du marché ; qu’elle ne détient pas les certifications Qualibat 5313 et Qualibat 5414 alors que le règlement de consultation les visait explicitement ; que le nombre de références produites est limité et ne justifie pas la réalisation antérieure d’installations de climatisation d’une puissance équivalente à celle faisant l’objet du présent marché ; qu’il en résulte que c’est au terme d’une appréciation globale de ses garanties professionnelles, techniques et financières que la candidature de la société CVC Project a été, sans erreur manifeste d’appréciation, rejetée par la chambre de commerce et d’industrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2015, la société SPIE Ile-de-France Nord-Ouest, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et que soit mise à la charge de la société CVC Project la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— si la société CVC Project soutient que la chambre de commerce et d’industrie ne l’a pas interrogée sur le contenu de son offre, ce moyen est inopérant dès lors qu’il s’agit d’une faculté pour le pouvoir adjudicateur de le faire, d’une part, et que cette société n’a pas été évincée en raison du caractère irrégulier, inacceptable ou inapproprié de son offre mais au regard des déficiences de sa candidature ;

— s’il résulte de l’article 52 du code des marchés publics qu’un pouvoir adjudicateur ne peut refuser l’admission d’un candidat qui n’est pas en mesure de produire de références relatives à l’exécution de marchés de même nature que celui qu’il propose, il ne lui interdit pas de prendre en compte cet élément au stade de l’appréciation des capacités du candidat à exécuter le marché ; que c’est donc sans méconnaître cette disposition que la chambre de commerce et d’industrie a rejeté la candidature de la société CVC Project ;

— la circonstance que l’effectif de cette entreprise atteigne le seuil minimal requis pour l’obtention d’une certification Qualibat n’établit pas pour autant qu’il soit suffisant pour exécuter le marché en cause ; qu’une société nouvelle doit également justifier de sa capacité financière à exécuter le marché objet de sa candidature, ce que ne parvient pas à faire la société requérante à défaut d’avoir produit les documents à même de l’établir ; qu’il résulte des dispositions de l’article 45 du code des marchés publics que lorsqu’un pouvoir adjudicateur exige la détention par le candidat de certificats de qualification professionnelle, celui-ci ne peut s’y soustraire qu’en produisant des éléments de preuve équivalents ; que la société CVC Project n’a fourni aucune pièce justifiant de capacités techniques et professionnelles équivalente aux certificats Qualibat 5313 et Qualibat 5414 ; qu’elle n’a en particulier produit aucun élément démontrant que ses techniciens disposent d’une qualification équivalente à celle exigée pour l’obtention des certificats Qualibat au regard de la convention collective ETAM du bâtiment ; qu’il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d’industrie était tenue de rejeter la candidature de la société CVC Project ; que cette entreprise n’est, en conséquence, pas susceptible d’avoir été lésée par les manquements qu’elle invoque.

Vu les pièces jointes à la requête :

Vu :

— le code des marchés publics ;

— le code de justice administrative ;

— l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs.

Le président du tribunal a désigné Mme X-Y comme juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme X-Y ;

— les observations de Me Palmier pour la société CVC Project ;

— les observations de Me Uzan-Sarano pour la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France ;

— les observations de Me Balladur pour la société SPIE Ile-de-France Nord Ouest.

A l’issue de l’audience, la clôture de l’instruction a été prononcée.

1. Considérant que, par un avis d’appel public à la concurrence publié le 28 mai 2015, la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France a lancé une procédure adaptée pour la passation d’un marché public de travaux portant sur le remplacement du système de production d’eau glacée de son site de Champerret ; que la société CVC Project a présenté sa candidature ainsi qu’une offre ; que sa candidature a été écartée par une décision en date du 19 octobre 2015 ; que, par la présente requête, la société CVC Project demande à titre principal l’annulation de cette décision ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. » ; qu’aux termes de l’article L. 551-2 de ce code : « I. – Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. (…) » ; et que, selon l’article L. 551-10 du même code : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…) » ;

3. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 45 du code des marchés publics : « I.-Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d’évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie. (…) Si le candidat est objectivement dans l’impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l’un des renseignements ou documents prévus par l’arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur » ; qu’aux termes de l’article 1er de l’arrêté du 28 août 2006 susvisé : « A l’appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l’appréciation des capacités des candidats, le pouvoir adjudicateur ne peut demander, en application de l’article 45 du code des marchés publics ou de l’article 17 du décret du 30 décembre 2005 susvisé, que le ou les renseignements et le ou les documents suivants : – déclaration concernant le chiffre d’affaires global et le chiffre d’affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles ; déclaration appropriée de banques ou preuve d’une assurance pour les risques professionnels ; (…) – certificats de qualifications professionnelles. Le pouvoir adjudicateur dans ce cas précise que la preuve de la capacité du candidat peut être apportée par tout moyen, notamment par des certificats d’identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l’opérateur économique à réaliser la prestation pour laquelle il se porte candidat (…) » ; et qu’aux termes de l’article 52 du code des marchés publics : « I. (…) Les candidatures (…) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence, ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne peut justifier l’élimination d’un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d’examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. » ;

4. Considérant, d’autre part, que l’article 5.2.1 du règlement de la consultation intitulé « Eléments constitutifs de la candidature » prévoit : « (…) Capacité économique et financière : « Le chiffre d’affaires global au cours des trois derniers exercices disponibles. Le candidat pourra prouver sa capacité financière par tout autre document considéré comme équivalent par la CCI Paris Ile-de-France s’il est objectivement dans l’impossibilité de produire l’un des renseignements demandés ci-dessus. Capacité professionnelle et capacité technique : – La déclaration indiquant l’effectif du candidat et l’importance du personnel pour l’année en cours ; – La présentation d’une liste des principaux travaux d’importance équivalente en rapport avec l’objet du marché, en cours d’exécution ou effectués au cours des cinq dernières années, indiquant la nature des travaux, le montant, la date et le destinataire public ou privé ; – Des certificats de qualifications professionnelles, la preuve de la capacité du candidat pouvant être apportée par tout moyen, notamment par des certificats d’identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l’opérateur économique à réaliser la prestation pour laquelle il se porte candidat. Les qualifications demandées sont les suivantes : QUALIBAT 5313 : installation thermique (technicité supérieure). / QUALIBAT 5414 climatisation (technicité exceptionnelle). / NB – Dans l’hypothèse où le candidat ferait état de qualifications professionnelles QUALIBA T ou QUALIFELEC, les certificats, en cours de validité, devront être produits. » (…) ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du code des marchés publics que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l’attribution d’un marché public et que cette vérification s’effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus à l’article 1er précité de l’arrêté du 28 août 2006 ; que si les documents ou renseignements exigés à l’appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, les candidats dans l’impossibilité objective de les produire peuvent prouver leur capacité par tous autres documents dont ils disposent pour faciliter leur évaluation ;

6. Considérant que la décision du 19 octobre 2015 écartant la candidature de la société CVC Project est fondée sur les motifs, d’une part, que « le candidat ne justifie pas de garanties financières, de garanties techniques et professionnelles suffisantes » et, d’autre part, que l’entreprise CVC Project « ne dispose pas de références suffisantes au regard des prestations à réaliser » ; que le juge du référé précontractuel ne peut censurer l’appréciation portée par le pouvoir adjudicateur, en application de l’article 52 du code des marchés publics, sur les garanties financières et capacités techniques que présentent les candidats à un marché public, ainsi que sur leurs références professionnelles, que dans le cas où cette appréciation est entachée d’une erreur manifeste ;

7. Considérant, en premier lieu, que la société CVC Project soutient que la chambre de commerce et d’industrie a méconnu l’article 45 du code des marchés publics en n’indiquant pas dans les documents de la consultation la liste des documents considérés comme équivalents pour les candidats dans l’impossibilité objective de produire les chiffres d’affaires de leurs trois derniers exercices ; que toutefois, si l’article 45 du code des marchés publics permet au candidat qui est dans l’impossibilité objective de produire un document prévu par l’arrêté du 28 août 2006 de prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur, il n’impose pas à ce dernier d’en fournir la liste ; que par ailleurs il résulte de l’instruction, et notamment de l’avis d’appel public à concurrence du 28 mai 2015 ainsi que du point 5.2.1 susmentionné du règlement de la consultation que la chambre de commerce et d’industrie que la société requérante pouvait apporter tous les éléments de preuve de son choix susceptibles de démontrer ses capacités financières ; qu’elle a en conséquence produit à l’appui de sa candidature une attestation de son établissement bancaire, la société BRED Banque populaire, témoignant du fonctionnement correct de son compte ouvert le 11 juillet 2014, et une attestation de son principal fournisseur, la société Systemair, qui relève que sa cliente ne présente aucun retard de paiement au 21 septembre 2015 ; qu’elle soutient que sa capacité économique et financière est caractérisée dès lors qu’elle dispose d’un capital social de 15 000 euros, qu’elle a réalisé un chiffre d’affaires de 76 200 euros pour l’exercice 2014, correspondant à sa première année d’exploitation, qu’elle est en mesure de produire toute attestation fiscale ou sociale à même de démontrer qu’elle est à jour du paiement de ses cotisations et impositions et qu’elle dispose d’une attestation de son assureur, la société Millennium Insurance Company, garantissant son activité professionnelle d’installation thermique de génie climatique, pour les chantiers ouverts entre le 20 janvier 2015 et le 19 janvier 2016 ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’analyse des candidatures, que le pouvoir adjudicateur a estimé que le chiffre d’affaires de la société requérante ne lui permettait pas de garantir sa capacité a réaliser un marché estimé à plus de 400 000 euros ; que la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France, qui n’a commis ainsi ni erreur de fait ni erreur de droit a pu, compte tenu des éléments produits, estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que cette entreprise ne présentait pas une capacité économique et financière suffisante eu égard à la valeur du marché ;

8. Considérant, en second lieu, que la société CVC Project soutient que la chambre de commerce et d’industrie, qui a rejeté sa candidature au motif qu’elle ne présentait pas suffisamment de références professionnelles portant sur des marchés de travaux similaires, ne pouvait le faire sur ce seul motif sans entacher ce dernier d’une erreur de droit au regard des dispositions de l’article 52 du code des marchés publics ; que la société CVC Project, pour justifier de ses capacités techniques et professionnelles, a fourni plusieurs attestations de bon déroulement des travaux établis par la société Pantec, le 18 septembre 2015, pour des travaux d’une valeur de 148 456 euros de remplacement de deux groupes d’eau glacée de puissance unitaire de 150kw, et par l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, le 21 septembre 2015, pour les mêmes travaux , par le centre d’imagerie médicale Dueil Labarre, le 4 juin 2015, pour des travaux d’une valeur de 290 000 euros portant sur l’installation de systèmes de climatisation, de chauffage, de ventilation et de plomberie sanitaire et par la société Lavalin, le 4 juin 2015, pour des travaux d’une valeur de 3 900 000 euros portant sur le remplacement de groupes de froids, dry cooler, réseaux de distribution, 250 PAC, 2 CTA et 6 pompes doubles ; que la société CVC Project soutient que, si elle ne dispose pas des certificats Qualibat 5313 et 5414, elle bénéficie d’un effectif suffisant pour les obtenir puisque, bien que composé de six personnes, ce dernier comprend un ingénieur technicien ayant 6 ans de pratique et deux techniciens dont les classifications correspondent aux positions F et E de la convention collective ETAM ; que toutefois la société CVC Project, créée le 16 juillet 2014, ne peut se prévaloir de l’attestation de bon déroulement de travaux en date du 4 juin 2015 pour des travaux d’une valeur de 3 900 000 euros qui se sont déroulés du 15 janvier 2013 au 17 avril 2014, soit à une période antérieure à la date de sa création, qu’elle n’établit pas avoir déjà procédé à l’installation de systèmes de refroidissement d’une puissance équivalente à 600kw et qu’elle n’a pas entamé les démarches nécessaires à l’obtention des certificat Qualibat 5313 et 5414 susmentionnés ; qu’il résulte du rapport d’analyse des candidatures que la chambre de commerce et d’industrie a jugé insuffisantes les capacités professionnelles et techniques de la société CVC Project aux motifs qu’elle dispose d’un effectif insuffisant pour réaliser le marché, qu’elle n’a pas justifié de la réalisation complète, et en son nom propre, de travaux de nature et d’importance équivalentes à celles du marché, qu’elle ne détient pas les qualifications demandées, et que le nombre de références produites ne permet pas de valider sa capacité a réaliser le marché ; que, eu égard à la technicité et l’importance du marché, c’est sans entacher sa décision d’erreur de fait ou de droit et sans erreur manifeste d’appréciation que la chambre de commerce de Paris Ile-de-France a estimé que la société CVC Project ne présentait pas de capacités professionnelles et techniques suffisantes ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société CVC Project n’établit pas que la décision de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France rejetant sa candidature au marché public de travaux portant sur le remplacement du système de production d’eau glacée du site de Champerret est entachée d’irrégularité ; que, par suite, ses conclusions aux fins d’annulation de cette décision, ainsi que de la procédure de passation du marché ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

11. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France, qui n’a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme demandée par la société CVC Project au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société requérante la somme de 1000 euros à verser à la chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France et celle de 1000 euros à la société SPIE Ile-de-France.

ORDONNE

Article 1er : La requête de la société CVC Project est rejetée.

Article 2 : La société CVC Project versera la somme de 1 000 euros à la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France et de 1 000 euros à la société SPIE Ile-de-France Nord-Ouest sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CVC Project, à la chambre de commerce et d’industrie de la région Paris Ile-de-France et à la société SPIE Ile-de-France nord ouest.

Fait à Paris, le 19 novembre 2015.

Le juge des référés,

F. X-Y

La République mande et ordonne au préfet de la région d’Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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