Tribunal administratif de Poitiers, 14 mars 2019, n° 1701987

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Sur la décision

Référence :
TA Poitiers, 14 mars 2019, n° 1701987
Juridiction : Tribunal administratif de Poitiers
Numéro : 1701987

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE POITIERS

1701987 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. et Mme F…

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme Z X

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Poitiers
M. Baptiste Henry (2ème chambre) Rapporteur public

___________

Audience du 28 février 2019 Lecture du 14 mars 2019 _________ C+ 26-04-01-01-03 01-03-02 34-02-01-01-005

Vu la procédure suivante :

Par une requête, et un mémoire, enregistrés le 24 août 2017 et le 16 mars 2018, M. et Mme F…, représentés par Me Agostini, demandent au tribunal :

1°) d’annuler les arrêtés du 17 février 2017 et du 29 juin 2017 par lesquels le préfet de la Charente Maritime a approuvé des modifications et suspensions de la servitude de passage des piétons le long du littoral au niveau de la Pointe du Chay sur le territoire de la commune d’Angoulins-sur-Mer ;

2°) d’annuler les décisions rejetant leur recours gracieux dirigé contre l’arrêté du 17 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les observations présentées par le maire d’Angoulins-sur-Mer sont irrecevables ;

- la compétence du signataire des décisions attaquées n’est pas établie ;

- le choix du tracé retenu par l’arrêté du 17 février 2017 n’est pas motivé et ce vice de forme n’a pu être régularisé par l’arrêté modificatif du 29 juin 2017 ;

- l’enquête publique a été conduite sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l’administration qui ne lui sont pas applicables ;



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- le projet était soumis à évaluation environnementale au titre de la rubrique 14 de la nomenclature annexée à l’article R 122-2 du code de l’environnement ;

- le dossier d’enquête publique ne fait pas état de l’organisation d’une concertation préalable à l’enquête publique en méconnaissance de l’article L 121-16 du code de l’environnement ;

- le commissaire-enquêteur a procédé à une visite des lieux sans convoquer les propriétaires concernés en méconnaissance de l’article R 121-21 du code de l’urbanisme ;

- l’arrêté du 17 février 2017 est entaché d’une erreur de droit au regard de l’article L 121-32 du code de l’urbanisme ;

- le tracé retenu porte une atteinte disproportionnée à leur droit de propriété et est donc entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2018 et le 6 juillet 2018, le préfet de la Charente Maritime conclut à titre principal à ce que le tribunal prononce un non lieu à statuer sur la requête et, à titre subsidiaire, au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les travaux ont été réalisés de sorte que la requête a perdu son objet ;

- la requête n’est pas fondée.

Par un mémoire, enregistré le 9 février 2018, la commune d’Angoulins-sur-Mer a présenté des observations.

Un mémoire, présenté pour M. et Mme F…, enregistré le 11 septembre 2018, n’a pas été communiqué.

Par une lettre du 8 février 2019, le tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur l’intérêt que pourrait présenter le maintien temporaire des effets des décisions attaquées, dans l’hypothèse où leur annulation serait prononcée.

Le préfet de la Charente-Maritime a présenté des observations qui ont été enregistrées le 15 février 2019.

La commune d’Angoulins-sur-Mer a présenté des observations qui ont été enregistrées le 15 février 2019.

M. et Mme F… ont présenté des observations qui ont été enregistrées le 20 février

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l’environnement ;

- le code de l’expropriation ;

- le code des relations entre le public et l’administration ;

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X,

- les conclusions de M. Henry, rapporteur public,



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- et les observations de Me A, représentant M. et Mme F…, et de Mme Y, représentant le préfet de la Charente-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 février 2017, modifié par arrêté du 29 juin 2017, le préfet de la Charente-Maritime a approuvé des modifications et suspensions de la servitude de passage des piétons le long du littoral au niveau de la Pointe du Chay, sur le territoire de la commune d’Angoulins-sur-Mer. M. et Mme F… sont propriétaires du terrain cadastré section A n°2858 situé en bordure de la falaise, auquel ils accèdent par un chemin privé. La servitude de passage approuvé par ces deux arrêtés grève une partie de ce terrain et de ce chemin privé. M. et Mme F… demandent au tribunal d’annuler ces deux arrêtés préfectoraux, ainsi que la décision du 28 juin 2017 par laquelle le préfet a rejeté leur recours gracieux présenté le 12 avril 2017, qui doit être regardée comme s’étant substituée à la décision implicite de rejet de ce recours née le 12 juin 2017 du silence gardé pendant un délai de deux mois sur cette demande.

L’exception de non-lieu :

2. Le préfet soutient que les aménagements correspondant aux modifications du tracé de la servitude de cheminement des piétons qu’il a approuvées par les deux arrêtés en litige ont été réalisés. Il indique notamment qu’un portail a été mis en place afin d’interdire l’accès des piétons à la partie du chemin privé desservant le terrain des requérants qui n’a pas été grévée par la servitude. Il doit en conséquence être regardé comme demandant au tribunal de juger qu’il n’y plus lieu de statuer sur la requête.

3. Mais d’une part, les décisions qui modifient, sur le fondement de l’article L 121- 32 du code de l’urbanisme, le tracé ou les caractéristiques de la servitude destinée à assurer le cheminement des piétons le long du littoral sont susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. La circonstance que les travaux qu’elles prévoient ont été exécutés n’est donc pas de nature à priver d’objet le recours exercé à leur encontre. D’autre part, la pose d’un portail ne saurait être regardée comme ayant donné satisfaction aux requérants en cours d’instance dès lors que M. et Mme F… se prévalent d’une atteinte portée à l’ensemble de leur propriété et non à la seule partie de leur chemin privé.

4. Il en résulte que l’exception de non-lieu opposée par le préfet doit être écartée.

La recevabilité des observations présentées par la commune :

5. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de la commune d’Angoulins-sur-Mer a autorisé le maire à intenter toute action en justice au nom de la commune par délibération du 18 juillet 2014. Les observations présentées par le maire, par mémoire enregistré le 9 février 2018, sont en conséquence recevables, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

Les conclusions d’annulation :

6. En premier lieu, l’article L 121-32 du code de l’urbanisme prévoit expressément que l’enquête publique préalable à la modification du tracé de la servitude permettant d’assurer le cheminement des piétons le long du littoral est « effectuée comme en matière



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d’expropriation ». L’article R 121-20 du même code prévoit, quant à lui, que cette même enquête publique « a lieu dans les formes prévues par le chapitre IV du titre III du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration ». En dépit de cette contradiction regrettable, le préfet devait mettre en œuvre l’enquête publique sur le fondement du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, dès lors que les dispositions de l’article L 121-32, de valeur législative, prévalent sur les dispositions de l’article R 121-20 qui n’ont qu’une simple valeur règlementaire. Dès lors que l’enquête publique a été conduite en l’espèce selon les dispositions du code des relations entre le public et l’administration qui ne lui étaient pas applicables, les requérants sont fondés à soutenir que les décisions litigieuses sont intervenues au terme d’une procédure irrégulière.

7. Toutefois, cette circonstance n’a exercé, par elle-même, aucune influence sur le sens des décisions attaquées. Elle n’a pas non plus privé les intéressés d’une garantie, dès lors que les deux procédures ne se distinguent que par l’autorité compétente pour désigner le commissaire enquêteur. Dans ces circonstances, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 121-32 du code de l’urbanisme doit être écarté.

8. En second lieu, l’article R 121-21 du code de l’urbanisme prévoit que : « Le commissaire enquêteur ou la commission d’enquête peut décider de procéder à une visite des lieux. Dans ce cas, le commissaire enquêteur ou le président de la commission avise le maire et convoque sur place les propriétaires intéressés ainsi que les représentants des administrations. Après les avoir entendus, il dresse procès-verbal de la réunion. » Si une telle visite ne constitue qu’une simple faculté pour le commissaire enquêteur, la décision d’y procéder est subordonnée au respect du caractère contradictoire de cette opération.

9. En l’espèce, il ressort de la page 17 du rapport d’enquête que le commissaire enquêteur a procédé seul, et de sa propre initiative, à une visite des lieux avant l’ouverture de l’enquête publique. Il ressort par ailleurs de la page 4 de son avis que le commissaire enquêteur s’est directement fondé sur ses constations lors de cette visite pour estimer que l’état actuel du cheminement « était préoccupant à plusieurs titres » et justifiait à lui seul « l’urgence du projet ». Cette visite des lieux a donc conduit le commissaire enquêteur à porter, dès cet instant, une appréciation sur la nécessité et l’urgence de l’aménagement projeté, quand bien même, ainsi que le fait valoir le préfet, cette visite aurait eu initialement pour seul objet de vérifier la régularité de l’affichage, sur place, de l’avis d’enquête publique. La circonstance, opposée par le préfet, que M. et Mme F… ont pu s’exprimer au cours de l’enquête publique et soumettre leur proposition de tracé alternatif de la servitude de passage des piétons est également sans incidence, dès lors que M. et Mme F… ont été privés de la garantie supplémentaire qui leur est offerte par l’article R 121-21 du code de l’urbanisme, en raison de leur qualité de propriétaires intéressés, de faire valoir sur place, directement auprès du commissaire enquêteur et en présence de l’ensemble des représentants des administrations concernées, leurs observations sur l’atteinte susceptible d’être portée à leur droit de propriété.

10. M. et Mme F… sont par suite fondés à soutenir que cette irrégularité justifie l’annulation de l’ensemble des décisions attaquées.

11. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, et en l’état du dossier, les autres moyens de la requête ne sont pas susceptibles de fonder l’annulation des décisions contestées.



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Les conséquences de l’illégalité de ces décisions :

12. L’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu. Toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif de prendre en considération d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation.

13. Dans ce cadre, le tribunal a invité les parties à présenter leurs observations sur l’intérêt que pourrait présenter le maintien temporaire des effets des décisions attaquées.

14. La modification du tracé de la servitude de passage opérée par les arrêtés attaqués a eu pour objet de remédier à la dangerosité résultant des risques de chute et d’éboulements de la falaise, pour les piétons cheminant le long de celle-ci malgré la présence de panneaux d’avertissement apposés à cet effet et malgré l’absence de tout chemin formalisé. Les aménagements réalisés ont permis de tracer un chemin piétonnier éloigné de la partie dangereuse de la falaise. Une annulation rétroactive immédiate des décisions attaquées porterait une atteinte manifestement excessive à l’intérêt général qui s’attache au maintien de ces aménagements, qui garantissent la sécurité du cheminement des piétons, notamment à l’approche de la belle saison, au regard de l’impact modéré de ces aménagements sur le terrain des requérants. Il y a donc lieu, pour permettre au préfet de la Charente-Maritime de prendre une nouvelle décision dans le respect des règles de procédure applicables, de n’en prononcer l’annulation qu’à compter du 1er octobre 2019, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement.

Les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. et Mme F… au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL DECIDE :

Article 1er : Les arrêtés des 17 février 2017 et 29 juin 2017 ainsi que la décision du 28 juin 2017 sont annulés. Cette annulation prendra effet à compter du 1er octobre 2019 sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme F… au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.



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Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme F… et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera également adressée au préfet de la Charente-Maritime, à la commune d’Angoulins- sur-Mer et au commissaire-enquêteur.

Délibéré après l’audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient : M. Lacassagne, premier conseiller faisant fonction de président, Mme X, premier conseiller, Mme Tadeusz, conseiller,

Lu en audience publique le 14 mars 2019.

Le rapporteur,

Le président,

signé signé

E. X D LACASSAGNE

Le greffier,

signé

G. FAVARD

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