Tribunal administratif de Rennes, 9 novembre 2022, n° 2205371

  • Justice administrative·
  • Centre hospitalier·
  • Urgence·
  • Changement d 'affectation·
  • Santé·
  • Légalité·
  • Suspension·
  • Vaccination·
  • Responsabilité·
  • Pouvoir d'achat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 9 nov. 2022, n° 2205371
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2205371
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 11 novembre 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, Mme B A, représentée par Me Guyon, demande au juge des référés :

1°) de suspendre, en application de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, préférentiellement sur un moyen de légalité interne, l’exécution de la décision de changement d’affectation du 26 septembre 2022 par laquelle le centre hospitalier Guillaume Régnier l’a affectée aux fonctions de cadre de santé à la maison « Les Camélias » au sein de la maison d’accueil spécialisée du Placis-Vert à Thorigné-Fouillard ;

2°) d’enjoindre au centre hospitalier Guillaume Régnier de réexaminer sa situation sous astreinte de 400 € par jour de retard à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le changement d’affectation dont elle est l’objet constitue une sanction déguisée ; il l’éloigne géographiquement de son lieu de travail initial ; il n’est pas justifié par l’intérêt du service et entraine une perte de responsabilité ; elle a donc un intérêt à agir à son encontre ;

— la condition d’urgence est remplie dès lors que la décision en litige préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation personnelle, familiale et professionnelle en provoquant une perte de pouvoir d’achat et de temps en raison de l’éloignement géographique ; une perte de responsabilité en raison de la présence des encadrants et la dégradation de ses conditions de santé ;

— il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, dès lors que :

* elle est entachée d’incompétence sauf à ce que la signataire puisse démontrer être titulaire d’une délégation ;

* elle est entachée d’une insuffisance de motivation ;

* elle constitue une sanction disciplinaire déguisée car elle constitue une mesure de représailles suite à son refus de se soumettre à la vaccination contre la covid 19, aurait dû faire l’objet d’une procédure contradictoire et est entachée d’erreur de droit, méconnait le principe d’égalité, de non-discrimination et porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale ;

* elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ; elle ne poursuit aucun intérêt du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022 à 9 h 49, le centre hospitalier Guillaume Régnier, représenté par la Selarl Houdart et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge Mme A le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier fait valoir que :

— la requête est irrecevable d’une part parce que la décision attaquée n’est pas produite et d’autre part parce qu’elle ne constitue qu’une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours ;

— la condition d’urgence n’est pas satisfaite : son affectation à la MAS du Placis-vert ne porte pas atteinte à sa rémunération et ne complique pas sensiblement ses transports ;

— sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision de changement d’affectation :

— le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision manque en fait ; celui de son absence de motivation manque en droit ; s’agissant d’un simple changement d’affectation, aucune procédure contradictoire n’était nécessaire ; la décision a été prise dans l’intérêt du service et est exempte de tout détournement de pouvoir.

Vu :

— la requête au fond n° 2205370 enregistrée le 21 octobre 2022 ;

— les pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Rémy, premier conseiller, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 4 novembre 2022 :

— les observations de Mme A qui reprend les mêmes termes que les écritures de son avocate, insiste sur le fait qu’elle a été infirmière puéricultrice pendant 30 ans et est présentement cadre de santé au CHGR depuis 3 ans ; ayant été suspendue en raison de son refus initial de subir la vaccination covid elle a été, lors de sa réintégration, changée d’affectation, puis, à la suite d’une seconde suspension, a été à nouveau changée d’affectation. Elle explique qu’elle a reçu le 23 septembre deux courriers émanant de la directrice des soins qui lui indiquait son changement d’affectation ; elle explique également qu’elle est de formation sanitaire et qu’une affectation dans une maison d’accueil spécialisée, quoiqu’elle puisse être donnée à des cadres de santé, n’a pas sa préférence ;

— les observations de Me Tricaud, représentant le centre hospitalier Guillaume Régnier, qui reprend les mêmes termes que les écritures qu’il développe, fait valoir qu’il n’y a aucune urgence et que la requérante a repris le travail depuis la semaine passée à la MAS du Placis-vert et qu’elle n’a subi aucune perte de revenu ni de responsabilité. Il insiste sur le fait que la politique d’ensemble visant à ce que l’encadrement des MAS soit assurée paritairement par des cadres de santé et par des cadres socio-éducatifs est bien documentée et qu’elle n’est en rien représentative d’une sanction. Au contraire, cette affectation comporte certainement plus de responsabilités et suppose d’encadrer plus d’agents que l’affectation qui était celle de la requérante précédemment.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision ou de certains de ces effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

2. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence s’apprécie objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de chaque espèce, et notamment des objectifs d’intérêt public poursuivis par la décision critiquée.

3. Mme A, pour démontrer l’urgence qu’il y aurait à suspendre l’exécution de la décision attaquée, soutient que cette nouvelle affectation entraine une perte de pouvoir d’achat en raison de l’éloignement de son nouveau lieu de travail, qui est à Thorigné-Fouillard et non dans le centre de Rennes, une perte de responsabilité en raison de la présence des encadrants, une perte de temps en raison de l’augmentation de ses temps de transport et une perte de moral en raison de la dégradation de ses conditions de santé. Ni la perte de responsabilité ni l’augmentation de ses temps et coûts de transport ne ressortent des pièces du dossier, et la perte de moral invoquée ne saurait constituer à elle seule l’urgence invoquée, à supposer qu’elle puisse être reliée à ce changement d’affectation. Rien, a fortiori, ne laisse supposer dans ce changement une volonté de sanction dissimulée, l’établissement établissant qu’il cherchait à affecter à la MAS de Thorigné-Fouillard un cadre de santé. Dans ces conditions, à supposer même que cette nouvelle affectation constitue une gêne pour la requérante et ne corresponde pas à ses affinités professionnelles et ses projets de carrière, ce désagrément, qui n’est pas exclusif, comme cela a été confirmé à l’audience par le représentant du centre hospitalier, d’une demande de mutation sur un autre poste, n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une urgence au sens des dispositions précitées. Dès lors, il y a lieu de rejeter, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le bien-fondé des moyens invoqués ni sur la recevabilité de la requête, contestée en défense, les conclusions à fin de suspension de la requête de Mme A.

Sur les conclusions à fin d’injonction sous astreinte :

4. La présente ordonnance, qui rejette les conclusions à fin de suspension de la requête, n’appelle aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction sous astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

5. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent, dès lors, être rejetées.

6. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Guillaume Régnier une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier Guillaume Régnier présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3: La présente ordonnance sera notifiée à Mme B A et au centre hospitalier Guillaume Régnier.

Fait à Rennes, le 9 novembre 2022.

Le juge des référés,

signé

D. RémyLa greffière d’audience,

signé

P. Cardenas

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Rennes, 9 novembre 2022, n° 2205371