Tribunal administratif de Rennes, 5ème chambre, 12 décembre 2022, n° 2100971

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, 5e ch., 12 déc. 2022, n° 2100971
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2100971
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 14 octobre 2021, N° 20NT00419
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 février et 12 novembre 2021, Mme G C épouse A, Mme E D épouse B et le syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère, représentés par Me Halna du Fretay, demandent au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet du Finistère a autorisé la SCEA Arcadie à exploiter une superficie de 26 hectares 77 ares 73 centiares de terres incultes ou sous-exploitées à Moëlan-sur-Mer ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— ils justifient d’un intérêt à agir ;

— la requête n’est pas tardive ;

— l’arrêté litigieux est entaché d’un défaut de base légale en ce qu’il est pris sur le fondement d’une délibération du conseil départemental du 22 juin 2017 arrêtant l’état des fonds des parcelles susceptibles d’une remise en valeur qui a été annulée par le tribunal administratif, annulation confirmée par la cour administrative d’appel de Nantes ;

— il méconnaît l’article L. 125-5 du code rural et de la pêche maritime ;

— il méconnaît l’article L. 125-6 du même code ;

— il méconnaît l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’il porte une atteinte manifeste au droit de propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2021, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable ;

— les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code rural et la pêche maritime ;

— l’arrêt n° 20NT00419 du 15 octobre 2021 de la cour administrative d’appel de Nantes ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme F ;

— les conclusions de M. Desbourdes, rapporteur public ;

— les observations de Me Halna du Freitay, représentant Mmes C et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 22 juin 2017, le conseil départemental du Finistère a arrêté la liste des parcelles qui, en application des articles L. 125-5 et suivants du code rural et de pêche maritime, sont susceptibles de faire l’objet d’une remise en valeur. Par un courrier du 25 septembre 2019, le préfet du Finistère a informé Mme A et Mme B de l’inclusion dans cette liste de parcelles dont elles sont propriétaires à Moëlan-sur-Mer et leur a demandé de faire connaître leurs intentions quant à cette mise en valeur. Devant le silence gardé par les intéressées, le préfet du Finistère a constaté leur renonciation à mettre en valeur les parcelles par un arrêté du 31 juillet 2020. Par l’arrêté litigieux du 9 décembre 2020, il a autorisé la SCEA Arcadie à exploiter ces parcelles.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. Mme A et Mme B justifient, en leur seule qualité de propriétaire, d’un intérêt leur donnant qualité à agir à l’encontre de l’arrêté litigieux accordant à une société une autorisation d’exploitation emportant droit à bail à ferme sur des parcelles leur appartenant, quand bien mêmes elles pourraient être regardées comme ayant renoncé à exploiter elles-mêmes ces parcelles.

3. Par ailleurs, eu égard à l’objet du syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère, relatif à l’étude et à la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des propriétaires privés ruraux, ce syndicat justifie d’un intérêt à agir contre la décision litigieuse.

4. Enfin, la requête a été enregistrée le 23 février 2021, soit dans le délai de deux mois francs suivant la publication de l’arrêté litigieux, intervenue le 24 décembre 2020. La fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit donc être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :

5. Aux termes de l’article L. 125-5 du code rural et de la pêche maritime : « Le conseil départemental, de sa propre initiative ou à la demande du préfet ou de la chambre d’agriculture ou d’un établissement public de coopération intercommunale, charge la commission départementale d’aménagement foncier, sur la base de l’inventaire des terres considérées comme des friches prévu à l’article L. 112-1-1, de proposer le périmètre dans lequel il serait d’intérêt général de remettre en valeur des parcelles incultes ou manifestement sous-exploitées depuis plus de trois ans sans raison de force majeure. () / Lorsque le périmètre a été arrêté en application de l’alinéa précédent ou des dispositions de l’article L. 121-14, la commission communale ou intercommunale d’aménagement foncier dresse l’état des parcelles dont elle juge la mise en valeur agricole, pastorale ou forestière possible ou opportune. () / Le conseil départemental arrête cet état après avis de la commission départementale d’aménagement foncier. Il est révisé tous les trois ans et publié dans les communes intéressées. / Un extrait est notifié pour ce qui le concerne à chaque propriétaire et, s’il y a lieu, à chaque titulaire du droit d’exploitation. / La notification par le préfet de l’extrait vaut mise en demeure dans les conditions prévues à l’article L. 125-3. Lorsque l’identité ou l’adresse du propriétaire ou des indivisaires n’a pu être déterminée, les dispositions de l’article L. 125-2 sont appliquées. / Le préfet procède, en outre à une publicité destinée à faire connaître aux bénéficiaires éventuels la faculté qui leur est offerte de demander l’attribution d’une autorisation d’exploiter. Si une ou plusieurs demandes d’attribution ont été formulées, le préfet en informe le propriétaire et, dans les zones de montagne, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. ». Aux termes de l’article L. 125-3 du même code : « Si l’état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste a été reconnu et que le fonds en cause ne fait pas partie des biens dont le défrichement est soumis à autorisation, le propriétaire et, le cas échéant, le titulaire du droit d’exploitation sont mis en demeure par le préfet de mettre en valeur le fonds. / Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la mise en demeure, le propriétaire ou le titulaire du droit d’exploitation fait connaître au préfet qu’il s’engage à mettre en valeur le fonds inculte ou manifestement sous-exploité dans un délai d’un an ou qu’il renonce. L’absence de réponse vaut renonciation. () / Lorsque le propriétaire et, le cas échéant, le titulaire du droit d’exploitation ont fait connaître qu’ils renonçaient ou lorsque le fonds n’a pas effectivement été mis en valeur dans les délais prévus au présent article, le préfet le constate par une décision prévue dans un délai défini par décret. / La décision prévue à l’alinéa précédent est notifiée au propriétaire, aux demandeurs qui doivent confirmer leur demande en adressant un plan de remise en valeur et, en zone de montagne, à la société d’aménagement foncier et d’établissement rural. ». Enfin, aux termes de l’article L. 125-6 du même code : « Lorsque le propriétaire et, le cas échéant, le titulaire du droit d’exploitation ont renoncé expressément ou tacitement à exploiter le fonds, ou lorsque celui-ci n’a pas effectivement été mis en valeur dans les délais prévus à l’article L. 125-3, le préfet le constate par décision administrative dans un délai déterminé par décret. / Le préfet peut dès lors attribuer, après avis de la commission départementale d’orientation de l’agriculture, l’autorisation d’exploiter à l’un des demandeurs ayant présenté un plan de remise en valeur. () ».

6. Il résulte de ces dispositions, d’une part, que la décision d’autoriser un tiers à exploiter des parcelles dont l’état d’inculture ou de sous-exploitation manifeste a été reconnu ne peut être prise qu’après une mise en demeure, demeurée sans réponse, du préfet à leur propriétaire de les mettre en valeur, et d’autre part, que cette mise en demeure trouve sa base légale dans la délibération par laquelle le conseil départemental fixe, en application des dispositions de l’article L. 125-5 précité, la liste des parcelles susceptibles de faire l’objet d’une mise en valeur. Il en résulte que l’illégalité de la délibération arrêtant cette liste est de nature à entacher d’illégalité la mise en demeure adressée aux propriétaires, et les décisions prises en conséquence d’une mise en demeure non suivie d’effets.

7. Par un arrêt n° 20NT00419 du 15 octobre 2021, la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé l’annulation de la délibération du 22 juin 2017 par laquelle le conseil départemental du Finistère a fixé l’état des parcelles incultes ou manifestement sous-exploitées susceptibles d’être remises en valeur. Cette annulation implique l’annulation, par voie de conséquence, de l’arrêté du 9 décembre 2020, qui n’aurait pu être légalement pris en l’absence de cette délibération, la circonstance que les arrêtés par lesquels le préfet du Finistère a estimé que Mme C et Mme B devaient être regardées comme ayant renoncé à mettre en valeur les parcelles leur appartenant seraient devenus définitifs étant sans incidence.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C, Mme B et le syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère sont fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 9 décembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu de de mettre à la charge de l’Etat une somme totale de 500 euros à verser à Mme A, Mme B et au syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L’arrêté du 9 décembre 2020 du préfet du Finistère est annulé.

Article 2 : L’Etat versera à Mme A, à Mme B et au syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère, la somme globale de 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au syndicat départemental de la propriété privée rurale du Finistère, représentant unique des requérants, à la SCEA Arcadie et au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie du présent jugement sera adressée au préfet du Finistère.

Délibéré après l’audience du 28 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Gosselin, président,

Mme Pottier, première conseillère,

Mme Gourmelon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2022.

La rapporteure,

signé

V. FLe président,

signé

O. Gosselin

La greffière,

signé

E. Douillard

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Textes cités dans la décision

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