Tribunal administratif de Strasbourg, 16 septembre 2014, n° 1305185

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, 16 sept. 2014, n° 1305185
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 1305185
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 17 mai 2011

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE STRASBOURG

N° 1305185

___________

Société MACHAJO

__________

M. Y

Juge des référés

____________

Ordonnance du 16 septembre 2014

___________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le juge des référés,

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2013, présentée pour la société Machajo, exerçant sous l’enseigne commerciale « Alsace Dépannage », dont le siège est XXX, représentée par son gérant en exercice, par la Selarl Hélians ; la société Machajo demande au juge des référés de condamner l’Etat à lui verser à titre de provision une somme de 176 893 euros, de le condamner au paiement des frais d’expertise, ainsi qu’au versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

La société Machajo soutient que :

— l’obligation non sérieusement contestable résulte de l’illégalité fautive entachant la note de service du 15 mai 2008 émanant de la Direction Départementale de la sécurité publique et attribuant la totalité des enlèvements de véhicules, hors fourrière, au GIE Dépann'68 sur l’ensemble de la circonscription de Mulhouse et l’enlèvement des véhicules mis en fourrière sur l’ensemble de la circonscription ;

— par un jugement du 18 mai 2011 (n° 0805515), le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette note de service du fait de l’attribution de l’enlèvement des véhicules mis en fourrière et ceux hors fourrière à un seul prestataire sans procédure préalable de publicité et de mise en concurrence, en méconnaissance des règles de la commande publique ;

— l’illégalité de cette note, qui a été appliquée pendant plus de trois ans, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

— elle a subi un préjudice résultant de la perte de part de marché, dès lors qu’elle intervenait, antérieurement à l’entrée en vigueur de la note de service, sur tout le secteur couvert par la note de service annulée, et s’est vue privée des parts de marchés correspondant aux enlèvements hors fourrière pendant la période durant laquelle ladite note a été appliquée ;

— ce manque à gagner correspond notamment à la perte de chiffre d’affaires qui aurait résulté du droit d’effectuer des enlèvements ;

— l’expert a considéré que la société Alsace Dépannage aurait bénéficié d’un quart du manque à gagner réalisé, puisqu’elle aurait été un opérateur parmi les trois autres composant le GIE Dépann'68 pour l’attribution des tours de garde, et a individualisé le manque à gagner réalisé hors fourrière en prenant en considération uniquement le chiffre d’affaires des prestations sous-traitées par le GIE, évaluant ainsi le préjudice à 176 893 euros ;

— le lien de causalité entre la faute et le préjudice invoqué ne fait aucun doute, dès lors que l’attribution exclusive des prestations au GIE Dépann'68 a privé directement la société Alsace Dépannage d’une prestation de service qu’elle assumait antérieurement à la mise en œuvre de la note de service annulée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2013, présenté par le préfet du

Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête en référé provision de la société Machajo, et à ce qu’il soit mis à sa charge l’ensemble des frais d’expertise à venir ;

Le préfet du Haut-Rhin soutient que :

— le préjudice allégué peut difficilement être reconnu pour la société Machajo, puisque son activité principale de dépanneur n’était pas directement concernée par la note du directeur départemental de la sécurité publique, les enlèvements de véhicules en fourrière ayant été délégués par la ville de Mulhouse au GIE Dépann'68 en 2007 et la société Machajo n’ayant pas candidaté à l’attribution de cette délégation de service public ; en outre elle ne dispose pas d’un agrément en tant que gardien de fourrière pour l’agglomération mulhousienne ;

— contrairement à ce que soutient la requérante, l’ensemble des enlèvements hors fourrière ne peut constituer la base du préjudice invocable, en ce que la convention de délégation de service public pour l’exploitation de la fourrière automobile de la ville de Mulhouse conclue avec le GIE Dépann'68 dépasse largement la simple mise sous fourrière de véhicules ;

— la société Machajo ne peut donc alléguer d’un préjudice qui résulterait du fait qu’elle ne soit pas titulaire de la délégation de service public susvisée et qu’elle ne détienne pas l’agrément nécessaire pour les mises en fourrière ;

— le préjudice invoqué n’est pas spécial, pouvant être excipé par quasiment l’ensemble des sociétés de dépannage du sud du département ;

— ni la société requérante, ni le rapport d’expertise n’ont mis en évidence de lien de causalité entre la note annulée et le préjudice allégué ; au contraire, les comptes de résultat de la société Machajo démontrent un chiffre d’affaires en progression annuelle constante de plus de 15 % pour les années comprises entre 2005 et 2011 ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 14 février 2014, présenté pour la société Machajo par la Selarl Hélians , qui conclut à la condamnation de l’Etat à lui verser un montant de 176 893 euros à titre de provision, au paiement des frais d’expertise à venir, ainsi qu’au versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— le préfet ne produit aucun élément de nature à infirmer les constatations de l’expert ;

— la provision qu’elle réclame concerne exclusivement l’indemnisation des enlèvements de véhicules n’ayant pas été l’objet d’une prescription de mise en fourrière et qui ne sont pas concernés par la délégation de service public de Mulhouse ;

— contrairement à ce que soutient le préfet, la société Machajo participait, avant l’édiction de la note de service du 15 mai 2008, aux tours de garde de dépannage sur tout le secteur concerné par la note de service annulée ;

— comme développé dans la requête initiale, la faute qui résulte de l’illégalité de la note de service du 15 mai 2008 est établie et est susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat ;

— le préjudice subi est direct et certain, à savoir la perte de chiffre d’affaires résultant de la privation des parts de marché qu’elle détenait auparavant lorsqu’elle exerçait les tours de garde, et ne résulte aucunement du fait qu’elle ne serait pas titulaire de la DSP de Mulhouse ou ne détiendrait pas un agrément fourrière, ce qui n’est pas en soi constitutif d’un préjudice ;

— la Préfecture du Haut-Rhin n’ignorait pas ces éléments, d’autant qu’après l’annulation de la note par le jugement du 18 mai 2011, elle lui a de nouveau confié des tours de garde ;

— il n’était pas nécessaire d’établir l’existence d’un préjudice spécial, puisque le fondement de la responsabilité invoqué est un régime de responsabilité pour faute ;

— le préfet ne produit aucune pièce remettant en cause le chiffrage du préjudice effectué par l’expert, apprécié en fonction du chiffre d’affaires qu’aurait réalisé la société Machajo si elle avait effectué, comme auparavant, une partie des dépannages confiés illégalement au GIE Dépann'68 ;

— l’existence du préjudice subi est indépendante de l’augmentation ou de la diminution du volume d’activité général réalisé par ailleurs par la société sur d’autres secteurs, le préfet ne pouvant soutenir que la société Machajo n’a pas subi de pertes du fait qu’elle a développé d’autres marchés ;

Vu, enregistré le 31 octobre 2013, le rapport d’expertise déposé par M. X ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2013 par laquelle le président du tribunal a désigné M. Y comme juge des référés ;

Vu l’ordonnance en date du 25 mars 2014 fixant la clôture d’instruction au 21 avril 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2013 par laquelle le président du tribunal a désigné comme juge des référés ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code de justice administrative ;

Sur la demande de provision :

1. Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative :

« Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie » ;

2. Considérant que la commune de Mulhouse a confié le 11 mars 2008 au GIE Dépann'68 la gestion de l’enlèvement des véhicules faisant l’objet d’une prescription de mise en fourrière ; que par une note de service en date du 15 mai 2008, le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) a confié au même GIE Dépann'68 l’activité d’enlèvement des véhicules mis en fourrière et celle d’enlèvement des véhicules ne faisant pas l’objet d’une prescription de mise en fourrière hors ville de Mulhouse ; que cette note a été annulée par le Tribunal Administratif de Strasbourg par un jugement du 18 mai 2011 (n° 0805515) pour méconnaissance des obligations découlant du principe de publicité et de mise en concurrence ; que par un courrier en date du 15 juin 2011, la société Machajo a demandé au préfet du Haut-Rhin que l’Etat lui verse une somme de 3 000 000 d’euros en réparation du préjudice subi par elle du fait de l’application de la note du DDSP du 15 mai 2008, qui l’a empêchée d’exercer son activité d’enlèvement de véhicules sur la circonscription mulhousienne ; qu’une décision implicite de refus est née de l’absence de réponse du préfet du Haut-Rhin à cette demande indemnitaire ; qu’une requête en référé a été introduite aux fins de désignation d’un expert devant déterminer les conséquences financières découlant de l’application de la note de service pour la société Machajo (n°1106239) ; que l’expert judiciaire a rendu son rapport le 30 octobre 2013 ; que, se fondant sur les conclusions dudit rapport d’expertise, la société requérante demande au juge des référés de condamner l’Etat à lui verser une provision d’un montant de 176 893 euros ;

3. Considérant que l’illégalité ayant conduit à l’annulation de la note de service du

15 mai 2008 par le Tribunal Administratif de Strasbourg est constitutive d’une faute ; que le fait que la société requérante n’ait pas candidaté à la délégation de service public initiée par la commune de Mulhouse et ne possède pas d’agrément lui permettant d’être gardien de fourrière pour l’agglomération mulhousienne est sans influence sur la solution du litige qui est relatif aux conséquences pécuniaires découlant de l’application de la note de service du DDSP du 15 mai 2008, dont le champ dépasse celui de la délégation de service public précitée ; que la demande porte exclusivement sur l’indemnisation de l’activité hors fourrière ;

4. Considérant que l’expert conclut dans son rapport à l’existence d’un préjudice financier subi par la société Machajo du fait de l’application de la note de service du 15 mai 2008 qui l’a empêchée d’exercer son activité d’enlèvement des véhicules ne faisant pas l’objet d’une prescription de mise en fourrière ; qu’en l’absence de cette note, estime t-il, chacun des trois opérateurs membres disposant d’une part au sein du GIE, « il est évident que (…) la société Machajo aurait été un quatrième opérateur et aurait pu alors réaliser un quart du chiffre d’affaires en sous-traitance de cette période » ; qu’ainsi, la perte du chiffre d’affaires sur la période de mai 2008 à mai 2011, après déduction des charges variables non supportées par la société, s’élèverait, selon l’expert à la somme de 176.893 euros ;

5. Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que si la société requérante, agit bien sur le marché de l’enlèvement des véhicules hors fourrière et a, postérieurement à l’annulation de la note du 15 mai 2008, effectivement repris des tours de garde, il est constant qu’elle l’a fait au coté de nombreux autres opérateurs ; que le fait d’avoir été un acteur actif dans le secteur concerné avant l’édiction de la note de service n’implique pas nécessairement que la société Machajo aurait été la seule société à agir au côté du GIE et aurait réalisé le quart du chiffre d’affaires correspondant ; qu’ainsi, la part de préjudice financier alléguée ne peut être considérée comme certaine ; que, d’autre part et au surplus, l’expert a déterminé le préjudice invoqué en se fondant sur le chiffre d’affaires après déduction faite des seules charges variables, estimées à un taux moyen de 9,60%, sans prendre en compte aucune charge fixe ; que ce mode de détermination de la marge bénéficiaire perdue, qui constitue le seul préjudice indemnisable, ainsi évaluée à 90,04 % du chiffre d’affaires des prestations, ne peut être validé ;

6. Considérant que, compte tenu de ce qui précède, l’existence de l’obligation dont se prévaut la société Machajo est sérieusement contestable ; que, par suite, sa demande tendant au versement d’une provision ne peut être que rejetée ;

Sur la charge des frais d’expertise :

7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, la charge des frais d’expertise, taxés et liquidés à la somme de 8226,43 euros par ordonnance du président du Tribunal en date du

5 août 2014, doit être supportée par la société Machajo ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposé à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Machajo doivent être rejetées ;

O R D O N N E

Article 1er : La requête de la société Machajo est rejetée.

Article 2 : La charge des frais d’expertise, taxés et liquidés à la somme de 8226,43 euros par ordonnance du président du Tribunal en date du 5 août 2014, doit être supportée par la société Machajo.

Articles 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Machajo et au préfet du Haut-Rhin. Copie en sera adressée à M. X, expert, et au ministre de l’intérieur.

Fait à Strasbourg, le 16 septembre 2014

Le juge des référés,

P. Y

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

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