Tribunal administratif de Strasbourg, 16 avril 2019, n° 1901892

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Le juge en conclut que « cette méthode aboutit conférer la même valeur à chaque critère en méconnaissance de leur hiérarchie annoncée. Par suite cette méthode de notation est par elle-même de nature à conduire à ce que pour la mise en œuvre du critère « qualité », la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre ». A noter néanmoins que le juge, étrangement, n'annule la procédure qu'à compter de la phase de choix entre les offres finales (ce qui implique a priori que la collectivité réexamine les offres sur la base d'une autre méthode de notation). Avec cette méthode, le …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Strasbourg, 16 avr. 2019, n° 1901892
Juridiction : Tribunal administratif de Strasbourg
Numéro : 1901892

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE STRASBOURG

mcs

REPUBLIQUE FRANÇAISE

N° 1901892

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS SAS ANYWARE SERVICES
M. X

Juge des référés

____________ Le juge des référés,

Ordonnance du 16 avril 2019 ___________

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 mars 2019, 1er avril 2019 et 9 avril 2019, la SAS Anyware Services, représentée par Me Lafay, demande au juge des référés dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’enjoindre au préfet de la région Grand Est de transmettre le rapport de dépôt des offres de la consultation et également de rapporter la preuve que la société Interstis a bien remis le code source intégral de sa solution à la préfecture de région Nouvelle Aquitaine et que cette dernière l’a remis à la préfecture de la région Grand Est ;

2°) d’annuler sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative la procédure de passation de l’accord-cadre ayant pour objet le développement et la maintenance de la plate-forme collaborative Interstis auprès des réseaux professionnels animés par la DRAAF ou la DREAL Gand Est ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable dès lors que, quand bien même elle n’a pas déposé d’offre et a seulement posé trois questions, elle en avait vocation et en a été empêchée et dissuadée ;

- les spécifications techniques du marché sont discriminatoires et méconnaissent ainsi les principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats ; il résulte clairement du DCE et des questions posées que la préfecture a entendu imposer le recours à la seule plateforme « Interstis » qui


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est une solution propriétaire et non un logiciel libre, qui appartient à la société Interstis ; les spécifications font référence explicitement à une marque ; dès lors, en application de l’article 8 du décret du 25 mars 2016, cette spécification technique a eu pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques et une telle atteinte à la concurrence n’est pas justifiée par l’objet du marché ;

- l’article 5 du décret du 25 mars 2016 a été méconnu dès lors que tous les candidats ne disposaient pas des mêmes informations pour élaborer leurs offres au risque sinon de méconnaître l’égalité de traitement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 mars 2019 et 9 avril 2019, le préfet de la région Grand Est , représenté par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce que la société requérante lui verse la somme de 3 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable : la requérante n’a pas été dissuadée de présenter une offre du fait du manquement allégué dès lors qu’il lui a été répondu qu’elle pouvait accéder au logiciel propriétaire avec le code source disponible ; elle pouvait présenter une offre dans la mesure où c’est le cadre technologique qui devait être maîtrisé comme il ressort des pages 12/13 du CCTP et non pas la maîtrise de la plateforme elle-même ; les soumissionnaires devaient seulement faire la démonstration de leur aptitude à maîtriser l’environnement technologique courant et proposer une méthodologie ; l’égalité d’accès aux informations nécessaires a été rétablie ; les délais proposés étaient de nature à permettre de réaliser les prestations d’aménagement à la marge du logiciel ;

- à titre subsidiaire, la requête n’est pas fondée : aucune règle n’empêchait l’Etat d’acquérir un logiciel de plateforme collaborative « propriétaire » et le choix de ce logiciel ne constitue pas une spécification technique de nature à éliminer ou favoriser certains opérateurs techniques ; l’objet du marché en cause ne portait pas sur l’acquisition du logiciel, mais uniquement sur des adaptations de celui-ci à l’environnement de travail propres aux agents de la préfecture de la région Grand Est et à ses partenaires ; de plus, les spécifications techniques du marché n’ont pas eu pour effet de favoriser ou d’éliminer certains opérateurs économiques ; les différentes prestations demandées n’étaient pas rendues plus difficiles ; il apparaît clairement que la société Interstis Partenaires a concédé à la préfecture de région Nouvelle Aquitaine le droit d’utiliser, de faire utiliser, en l’état ou modifiés, de façon permanente et en totalité les résultats du marché.

Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2019, la société Interstis Partenaires conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient que :

- dans le cadre d’un marché passé avec la préfecture de région Nouvelle Aquitaine, elle a cédé à titre permanent et non-exclusif ses droits sur le logiciel Interstis pro dans le cadre du marché RESANA ce qui lui permet l’accès au code source sans limitation des services de l’Etat ;


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- le recours aux tiers pour la maintenance applicative est autorisée et ce, par dérogation à l’article 32 du CCAG TIC, ce qui inclut la maintenance opérationnelle ainsi que les corrections et évolutions du produit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. X pour statuer sur les demandes de référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X, président-désigné,

- les observations de :

Me Lafay, représentant la société Anyware Services,

Me Zimmer, représentant le préfet de la région Grand Est.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : «Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, la délégation d’un service public ou la sélection d’un actionnaire opérateur économique d’une société d’économie mixte à opération unique/ … /Le juge est saisi avant la conclusion du contrat » et aux termes de l’article L. 551-10 du même code : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat … et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué … ».

2. Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 18 février 2019, le préfet de la région Grand Est a lancé une consultation, selon une procédure adaptée en application de l’article 27 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, en vue de conclure un accord-cadre mono-attributaire d’une durée de 24 mois reconductible deux fois pour une durée de 12 mois, ayant pour objet le développement et la maintenance applicative de la plateforme collaborative auprès des réseaux professionnels animés par la DRAAF et la DREAL Grand Est. La date limite de remise des offres était fixée au 11 mars 2019. La société Anywares Services, qui n’a pas présenté d’offre, demande l’annulation de la procédure de passation du marché public en cause.


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Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

3. La spécialité d’une société suffit à établir son intérêt à conclure un contrat et, par suite, à agir sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative sans qu’elle ait à établir qu’elle a été empêchée d’être candidate. Il n’est pas contesté que la société Anyware Services a pour objet social la programmation informatique et qu’elle installe et gère des plateformes collaboratives au profit des administrations publiques et a vocation à exécuter les prestations de services objet du marché. Au surplus, elle a manifesté son intérêt pour le marché en cause dans la mesure où il n’est pas contesté qu’elle a téléchargé le dossier de consultation des entreprises et posé des questions par le biais de la plateforme sans toutefois présenter effectivement une offre. La société requérante présente ainsi un intérêt à conclure le marché envisagé et est, dans ces conditions, recevable à en contester la procédure de passation sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par le préfet de la région Grand-Est ne peut, dès lors, qu’être écartée.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la procédure de passation et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

4. Il résulte de l’instruction que le logiciel « Interstis », logiciel dit « propriétaire », dont il s’agissait, dans l’appel public à concurrence en cause, d’assurer le développement et la maintenance, n’était accompagné, au stade de la remise des offres, ni du code-source, ni même d’une quelconque documentation associée. Ainsi, avant que l’attributaire soit choisi, ce logiciel n’était pas librement et gratuitement accessible, ni modifiable par toute entreprise candidate spécialisée dans la réalisation d’espaces numériques de travail autre que celle qui l’a conçu. Dès lors que les spécifications des documents de consultation imposaient, ce qui n’est pas en soi prohibé dans le cadre du marché de services en cause, un logiciel dit « propriétaire », l’acheteur public n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, garanti, dès avant la phase de consultation, l’accès de tous les candidats aux informations requises relatives aux fonctionnalités du logiciel en vue d’assurer une égalité de traitement entre eux pour qu’ils présentent une offre concurrentielle avec un minimum d’éléments leur permettant, entre autres, d’évaluer la complexité et la volumétrie des codes-sources et ce, nonobstant la circonstance que la présentation d’une offre ne nécessitait pas d’intervenir sur le logiciel lui-même avant l’exécution du marché et que seuls étaient attendus, à ce stade, selon l’administration, une méthodologie, des propositions de qualité des livrables et des délais. Ce faisant, l’administration a nécessairement conféré un avantage à la société Interstis Partenaires, au demeurant seule candidate, selon les affirmations même de l’administration, ayant présenté une offre. Par suite, la procédure en cause est entachée d’un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence par la méconnaissance, notamment, de l’article 5 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et, sans qu’il soit besoin d’enjoindre à l’Etat de produire à l’instance les documents et informations demandées par la requérante, doit être annulée.

5. Dans les circonstances de l’espèce, l’Etat versera une somme de 1 500 euros à la société Anyware Services au titre de l’article L.761-1 du code justice administrative. Par contre, étant la partie perdante, l’Etat ne peut prétendre au versement de la somme qu’il demande à ce même titre.


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O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation de l’accord-cadre d’une durée de 24 mois reconductible deux fois pour une durée de 12 mois lancée par le préfet de la région Grand Est, ayant pour objet le développement et la maintenance applicative de la plateforme collaborative auprès des réseaux professionnels animés par la DRAAF et la DREAL Grand Est est annulée.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à la société Anyware services.

Article 3 : La demande du préfet de la région Grand Est au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Anyware Services, au préfet de la région Grand Est et à la société Interstis Partenaires.

Fait à Strasbourg, le 16 avril 2019.

Le juge des référés,
M. X

La République mande et ordonne au préfet du Bas-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour copie conforme, La greffière,

Z-A B

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