Tribunal administratif de Toulon, 22 avril 2016, n° 1301985

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 22 avr. 2016, n° 1301985
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 1301985

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULON

N° 1301985

___________

COMMUNE DES ARCS-SUR-ARGENS

___________

Mme Allais

Rapporteur

___________

Mme Thielen

Rapporteur public

___________

Audience du 1er avril 2016

Lecture du 22 avril 2016

___________

39-06-01

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Toulon

(2e chambre)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2013 et des nouveaux mémoires enregistrés les 11 décembre 2014 et 25 septembre 2015, la commune des Arcs-sur-Argens, représentée par Me Campolo, demande au Tribunal :

1°) de condamner in solidum M. X, le bureau de contrôle APAVE, la compagnie Generali Iard et la société Batiremi à lui verser une somme totale de 84 052,39 euros toutes taxes comprises au titre de la réfection des désordres affectant le restaurant scolaire de l’école Z A ;

2°) de mettre à la charge solidaire de ces mêmes personnes les frais d’expertise ainsi qu’une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

— la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la société Generali Iard ;

— le rapport de l’expert, y compris son avenant, est opposable ;

— les désordres affectant la cuisine du restaurant scolaire ont pour origine le non respect des règles de pose des cloisons telles que prévues au cahier des clauses techniques particulières ;

— le maître d’œuvre, le bureau de contrôle, la société ayant procédé à la pose des cloisons ainsi que son assureur sont solidairement responsables de ces dommages ;

— elle est fondée à réclamer une somme totale de 84 052,39 euros en réparation des préjudices subis.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2013, la société Generali Iard conclut à titre principal à ce que le Tribunal décline sa compétence pour statuer sur les conclusions dirigées à son encontre, à titre subsidiaire à sa mise hors de cause et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de la commune des Arcs-sur-Argens la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— à titre principal, l’examen des conclusions formulées à son encontre suppose de faire application d’un contrat de droit privé conclu avec la société Batiremi, et ressortit par conséquent à la compétence du juge judiciaire ;

— à titre subsidiaire, sa responsabilité ne saurait être recherchée dès lors que les activités à l’origine des désordres n’ont pas été déclarées par son assurée.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2014 et un nouveau mémoire enregistré le 27 août 2014, M. X conclut à ce que sa responsabilité ne soit engagée que pour moitié, à ce que l’APAVE, la société Batiremi et la compagnie Generali Iard le relèvent de la condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mis à la charge de la commune des Arcs-sur-Argens, de l’APAVE, de la société Batiremi et de son assureur les dépens de l’instance ainsi qu’une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— les conclusions du rapport d’expertise étant contradictoires, elles sont dépourvues d’utilité pour résoudre le litige ;

— l’avenant au rapport d’expertise est intervenu en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;

— la commune est en partie responsable de la survenance des dommages, du fait de l’inadaptation des produits et moyens utilisés pour le nettoyage du carrelage.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 juillet 2014, l’Apave Sudeurope SAS conclut à titre principal à sa mise hors de cause, à titre subsidiaire à ce que la société Batiremi, la compagnie Generali Iard et M. X la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et en tout état de cause à ce que soient mis à la charge de la commune des Arcs-sur-Argens, de la société Batiremi, de l’assureur de cette dernière et de M. X les dépens de l’instance ainsi qu’une somme de 3 500 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— il n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ;

— l’avenant au rapport d’expertise ne peut pas être pris en compte par le Tribunal dès lors qu’il est intervenu après le terme de la mission de l’expert, et sans possibilité pour les intéressés de présenter des observations ;

— la commune des Arcs-sur-Argens est responsable au moins en partie de la survenance des désordres, compte tenu de l’inadéquation des produits et méthodes de nettoyage ;

— elle a en outre tardé à agir en justice, circonstance qui a pu entraîner une aggravation de ces désordres ;

— si sa responsabilité devait être engagée, la société Batiremi, son assureur et M. X devraient la garantir.

La clôture de l’instruction est intervenue le 28 octobre 2015.

Les parties ont été informées le 10 février 2016, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que la réception des travaux étant intervenue et les réserves ayant été levées, les rapports contractuels entre la commune des Arcs-sur-Argens, la société Batiremi, M. X et l’APAVE ont pris fin en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage et que dès lors, et en l’absence de conclusions tendant à la mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement, ou à la recherche de la responsabilité pour faute commise à l’occasion de la réception elle-même ou dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des acomptes, les conclusions de la commune présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle sont vouées au rejet.

Par un mémoire enregistré le 12 février 2016, la commune des Arcs-sur-Argens a présenté des observations en réponse au moyen relevé d’office.

Par un mémoire enregistré le 18 février 2016, l’Apave Sudeurope SAS a présenté des observations en réponse au moyen relevé d’office.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2016, M. X a présenté des observations en réponse au moyen relevé d’office.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— l’ordonnance du 9 mai 2012 prescrivant une expertise ;

— le rapport d’expertise établi par M. Y, déposé au greffe du Tribunal le 21 mai 2013 ;

— l’ordonnance du 5 septembre 2013 par laquelle le président du Tribunal a taxé les frais de l’expertise réalisée par M. Y.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Allais,

— les conclusions de Mme Thielen, rapporteur public,

— et les observations de Me Baudino, pour la commune des Arcs-sur-Argens.

1. Considérant que la commune des Arcs-sur-Argens a constaté en 2005 des désordres dans la cuisine centrale du restaurant scolaire de l’école Z A consistant en des défauts d’étanchéité ; que les travaux de réalisation de cette cantine avaient débuté le 26 décembre 2001, et avaient été réceptionnés le 2 décembre 2002, l’ensemble des réserves ayant été levé le 28 mars 2003 ; que le Tribunal a, à la demande de la commune des Arcs-sur-Argens, prescrit une expertise par une ordonnance du 9 mai 2012 et accordé une provision d’un montant de 80 000 euros en réparation de ses préjudices ; que, par la présente requête, la commune des Arcs-sur-Argens demande au Tribunal de condamner in solidum M. X, maître d’œuvre, la société Batiremi, entrepreneur chargé du gros œuvre, ainsi que la compagnie Generali Iard, assureur de ce dernier, à lui verser une somme de 84 052,39 euros correspondant au montant des travaux de réfection des désordres affectant le restaurant scolaire ;

Sur l’exception d’incompétence de la juridiction administrative pour statuer sur les conclusions dirigées contre la compagnie Generali Iard :

2. Considérant qu’il n’appartient qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l’appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative ; qu’il en résulte que la compagnie Generali Iard, liée à la société Batiremi par un contrat de droit privé, est fondée à soutenir que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de l’ensemble des conclusions dirigées à son encontre en sa qualité d’assureur du constructeur chargé du gros œuvre ;

Sur le litige principal :

En ce qui concerne la régularité des opérations d’expertise :

3. Considérant que l’expert désigné par le Tribunal a remis son rapport au greffe de ce dernier le 21 mai 2013, et a transmis ensuite un avenant à ce rapport le 7 juin 2013 ; que si M. X et l’APAVE contestent la régularité des opérations d’expertise motif pris, d’une part, de la violation du principe du contradictoire et d’autre part, de la contradiction entre les conclusions du rapport et celles de son avenant, toutefois, il résulte de l’instruction que les parties ont été invitées le 17 juin 2013 par le Tribunal à présenter leurs observations sur l’avenant déposé par l’expert, et que cet avenant a été rédigé à la demande du Tribunal, pour faire suite à une demande d’éclaircissement ; qu’ainsi, et alors que la contradiction des conclusions du rapport et de l’avenant ne ressort pas des pièces du dossier, M. X et l’APAVE ne sont pas fondés à contester la régularité des opérations d’expertise ;

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de la responsabilité contractuelle :

4. Considérant que la réception étant l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve et mettant fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage, elle interdit au maître de l’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation ; qu’en outre, la réception des travaux ne fait pas obstacle à ce que le maître d’ouvrage recherche la responsabilité de ses cocontractants pour d’éventuelles fautes commises à l’occasion de la réception elle-même ou dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des acomptes ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la commune, s’appropriant les conclusions de l’expert, n’invoque que des manquements de ses cocontractants à leurs obligations contractuelles, de conseil notamment s’agissant de M. X et de l’APAVE, non pas à l’occasion de la réception des travaux ou dans le contrôle des situations de travaux servant au calcul des sommes à verser, mais au cours de la seule réalisation de ces travaux, s’agissant tout particulièrement d’un défaut de pose des cloisons en carrobric ; que la commune n’invoque pas davantage la garantie de parfait achèvement ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 1° du jugement, les travaux ont cependant été réceptionnées avec réserves le 2 septembre 2002, lesquelles ont été levées le 28 mars 2003 ; que les rapports contractuels entre les parties ayant pris fin à cette date s’agissant de la réalisation de l’ouvrage, ainsi que cela résulte de ce qui a été dit au point 4°, la commune des Arcs-sur-Argens n’est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de ses cocontractants à raison des manquements de ces derniers à leurs obligations qu’elle invoque ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la commune des Arcs-sur-Argens présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de l’entreprise Batiremi, de M. X et de l’APAVE doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre de la garantie décennale :

7. Considérant qu’il résulte des principes régissant la responsabilité des constructeurs que les désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible engagent leur responsabilité, même s’ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ;

8. Considérant qu’à supposer que la commune des Arcs-sur-Argens ait entendu rechercher la responsabilité de la société Batiremi, de M. X et de l’APAVE sur le fondement des principes régissant la responsabilité des constructeurs exposés au point ci-dessus, elle ne met toutefois pas le Tribunal en mesure de statuer sur le bien-fondé de telles conclusions, dès lors qu’elle se borne à alléguer que les désordres affectant la cuisine centrale du restaurant de l’école Z A sont de nature à menacer sa solidité et la rendre impropre à sa destination ; qu’ainsi, et alors que la commune requérante se borne, à l’appui de ses conclusions, à exposer que les constructeurs ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité, se plaçant dans une logique différente de celle de la garantie décennale des constructeurs qui repose quant à elle sur une présomption d’imputabilité, la responsabilité des constructeurs ne saurait davantage être recherchée sur le terrain de la garantie décennale ;

Sur les litiges incidents :

9. Considérant qu’en conséquence du rejet des conclusions de la commune des Arcs-sur-Argens, les conclusions présentées par M. X et l’APAVE, tendant à être garantis des condamnations prononcées à leur encontre sont dépourvues d’objet ; qu’il n’y a par suite pas lieu d’y statuer ;

Sur la charge des dépens :

10. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge définitive de la commune des Arcs-sur-Argens les frais de l’expertise taxés et liquidés à la somme de 13 243, 10 euros par l’ordonnance du 5 septembre 2013 ;

Sur la charge des frais exposés et non compris dans les dépens :

11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à chaque partie la charge des frais non compris dans les dépens qu’elle a exposé ;

DECIDE :

Article 1er : L’ensemble des conclusions dirigées contre la société Generali Iard est rejeté comme porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune des Arcs-sur-Argens est rejeté.

Article 3 : Les conclusions d’appel en garantie ainsi que celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. X et l’APAVE Sudeurope SAS sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Generali Iard tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les frais de l’expertise taxés et liquidés pour un montant de 13 243,10 euros (treize mille deux cent quarante-trois euros et dix centimes) sont mis à la charge de la commune des Arcs-sur-Argens.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la commune des Arcs-sur-Argens, à l’APAVE Sudeurope SAS, à M. X, à la société Batiremi et à la compagnie Generali Iard.

Délibéré après l’audience du 1er avril 2016, à laquelle siégeaient :

M. Privat, président,

Mme Bontoux, premier conseiller,

Mme Allais, conseiller.

Lu en audience publique le 22 avril 2016.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

A. Allais J-M. Privat

La greffière,

Signé

E. Perroudon

La République mande et ordonne au préfet du Var, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier.

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