Tribunal administratif de Toulouse, 14 décembre 2011, n° 1105032

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulouse, 14 déc. 2011, n° 1105032
Juridiction : Tribunal administratif de Toulouse
Numéro : 1105032

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULOUSE

N° 1105032

___________

M. Z

__________

M. Y

Juge des référés

____________

Ordonnance du 14 décembre 2011

___________

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal administratif de Toulouse

Le juge des référés 54-03-015

C

Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2011, présentée pour M. C Z, demeurant XXX, par Me Roca ; M. C Z demande au juge des référés, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative :

1°) la condamnation de la commune de Balma à lui verser, à titre de provision, une somme de 30 000 euros ;

2°) la mise à la charge de ladite commune d’une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

— qu’en avril 2009, il a découvert la présence, dans le caveau familial, appartenant originairement à sa cousine, Mme Z épouse A, de M. X dont il ignorait tout lien avec sa famille ; que ce dernier n’avait pas le droit d’être inhumé dans la concession familiale en dépit du fait que Mme Z épouse A l’avait institué légataire universel de ses biens dès lors que seuls les descendants du concessionnaire originaire ou leur conjoint ont droit d’être inhumés dans le caveau familial dans la limite des places disponibles et selon l’ordre des décès ; que la commune de Balma a donc délivré une décision d’inhumation sans procéder aux recherches qui s’imposaient à elle ;

— que lorsqu’une personne extérieure à la famille par le sang doit être enterrée dans la concession familiale, il faut l’accord de l’unanimité des héritiers ce qui n’a pas été le cas en l’espèce ; qu’en outre, le caveau familial étant complet, la commune de Balma a donné son autorisation pour faire procéder à la réduction et au mélange de l’ensemble des corps des membres de sa famille afin de pouvoir inhumer le corps de M. X alors qu’aucune autorisation préalable n’avait été sollicitée auprès des membres de la famille ;

— que l’obligation de la commune est non sérieusement contestable dès lors qu’il ressort des différents courriers qu’elle reconnaît avoir commis plusieurs fautes ; que cependant, elle a été dans l’impossibilité totale de les réparer ;

— que cette situation lui est moralement insupportable ; que le fait que les corps de son père et de son grand-père ne soient plus identifiables est un manquement intolérable au respect dû aux morts ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2011, présenté pour la commune de Balma, représentée par son maire en exercice, par Me Pezet, qui conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

— que les exigences afférentes à la représentation de la commune en justice sont satisfaites ;

— que M. Z ne justifie nullement de ses qualités héréditaires de la concession perpétuelle fondée par Mme Z épouse A, alors qu’il doit justifier de son intérêt à agir et qu’il est illégal d’accorder des dommages et intérêts à une personne qui ne possèderait pas la qualité d’héritier ou de successeur du fondateur de la concession ;

— qu’en vertu de l’article L. 2223-13 du code général des collectivités locales, il est possible de soutenir que M. X disposait bien de la qualité de successeur, en tant que légataire universel et en l’absence de descendants directs de Mme Z épouse A, et qu’à ce titre, il pouvait prétendre à un droit d’inhumation dans la concession de cette personne ;

— que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat considèrent que le droit sur une concession funéraire est un droit réel immobilier qui aboutit à conférer au concessionnaire, fondateur de la sépulture, le droit d’en disposer, notamment en désignant les personnes, mêmes étrangères à sa famille naturelle, qui pourraient disposer du droit d’y être inhumé ;

— que M. Z, en n’ayant pas justifié précisément ses qualités héréditaires sur la concession perpétuelle fondée par Mme Z épouse A, et ne pouvant légitiment prétendre à être le seul à détenir un droit d’héritier par le sang, voire être véritablement héritier de cette concession, ne peut justifier d’un quelconque intérêt à agir pour obtenir, à son seul profit, l’allocation de dommages et intérêts pour l’inhumation du corps de M. X et la réduction de corps, opération qui n’est pas réglementée par le code général des collectivités locales ;

— que les réductions des corps ne sont que la conséquence de la consomption des corps après plusieurs années d’inhumation et ne donnent pas lieu à la translation des restes mortels, lesquels demeurent perpétuellement, jusqu’à leur complète disparition, inhumés dans leur sépulture d’origine ;

— que la formulation de la requête présentée par M. Z conduirait le juge des référés à statuer sur un contentieux de pleine juridiction, et à octroyer l’intégralité des dommages et intérêts revendiqués par le requérant, sans justification de son titre, en faisant fi d’une procédure contentieuse au fond ;

— que la demande d’indemnisation de M. Z est largement surévaluée, eu égard aux positions exprimées par les juridictions administratives qui font preuve de retenue dans l’évaluation du montant du préjudice moral en matière d’indemnisation des préjudices subis en cas d’inhumation ou d’exhumation irrégulière ;

— qu’elle est fondée à soutenir que l’appréciation par la juridiction judiciaire de la portée du testament instituant M. X en qualité d’héritier à titre universel de Mme Z épouse A constitue une condition préalable avant toute décision de la juridiction administrative quant à la responsabilité de la commune de Balma, assimilable à une question préjudicielle ;

— qu’elle est prête à indemniser M. Z, s’il justifie de ses qualités héréditaires sur la concession de Mme Z épouse A ; que dans ces conditions, la saisine du juge des référés ne présentait aucun caractère d’urgence impérative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 8 décembre 2011, présenté pour M. Z, qui confirme ses précédentes écritures ;

Il soutient en outre :

— que Mme Z épouse A n’avait aucun descendant direct, tel que cela ressort de la déclaration de succession produite par la commune elle-même ; que lui-même, en qualité de membre de la famille, a qualité pour agir sans qu’il soit besoin de produire un acte de notoriété ;

— que l’objet de la présente instance est de voir indemniser un préjudice moral, qu’il a subi, en qualité de membre de la famille qui a vu un étranger être inhumé dans une concession familiale et qui souffre de la réduction et du mélange des corps de son père et de son grand-père ;

— que la qualité de légataire de M. X ne lui permet pas pour autant de revendiquer une place dans la concession familiale dans la mesure où il n’y a pas de legs spécifique de la concession funéraire ; que l’argumentation développée par la commune de Balma à ce sujet est en contradiction totale avec ce qu’elle lui avait indiqué dans une lettre du 15 juin 2009 ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2011 par laquelle le président du tribunal a désigné M. G-N Y, vice-président, comme juge des référés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Sur la demande de provision :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il peut, même d’office, subordonner le versement de la provision à la constitution d’une garantie. » ;

Considérant que, par arrêté du 19 août 1967, le maire de Balma a accordé à Mme I A, née Z, une concession à perpétuité au cimetière de la commune pour y fonder la sépulture de sa famille ; que, Mme A, décédée en XXX sans descendant direct, a institué M. K X pour légataire universel ; que ce dernier a été inhumé en 2009 dans le caveau où reposait Mme A ; que M. C Z, cousin de Mme I A, ayant découvert peu après la présence du corps de M. X dans le caveau familial et la réduction des corps de membres de sa famille effectuée pour permettre cette inhumation, damande la condamnation de la commune de Balma à lui verser une somme de 30000 € en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait des décisions précitées d’inhumation et de réduction de corps ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Balma :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que MM Blaise Z et G Z, respectivement grand père et père de M. C Z, sont inhumés dans le caveau faisant l’objet de la concession à perpétuité accordée à leur parente Mme I A, née Z ; que, dès lors, même s’il ne résulte pas de l’instruction que le requérant soit l’unique héritier coindivisaire de la concession, il doit être considéré comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’indemnisation des préjudices susmentionnés ;

Sur l’obligation de payer :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales : « Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture ou celle de leurs enfants ou successeurs. » ;

Considérant qu’il est constant que M. K X n’avait pas la qualité de conjoint de Mme I A et n’était pas membre de sa famille ; qu’il n’est ni établi ni même allégué que Mme A ait explicitement manifesté sa volonté que M. X soit inhumé dans la concession dont elle était titulaire ; que , dès lors, même si ce dernier avait la qualité de légataire universel de Mme A, le maire de Balma ne pouvait légalement autoriser son inhumation dans le caveau familial sans s’assurer de l’accord des membres de la famille de Mme A susceptibles d’hériter de la concession ; qu’il n’est pas contesté qu’aucune consultation des membres de la famille concernés, lesquels peuvent être des collatéraux, n’a été entreprise par la commune ; que, par suite, M. Z est fondé à soutenir que l’inhumation de M. X est intervenue dans des conditions irrégulières ; que, dans la mesure où il n’est pas contesté que la réduction des corps de cinq membres de la famille A-Z présents dans le caveau a été effectuée uniquement pour permettre l’inhumation de M. X, cette opération qui constitue la conséquence directe de l’inhumation est elle-même entachée d’illégalité ; qu’il résulte de ce qui précède que l’obligation pour la commune de Balma d’indemniser M. Z des préjudices subis par lui du fait de ces mesures peut être considérée comme non sérieusement contestable ; qu’en revanche, il ne résulte pas de l’instruction que le mélange des restes des défunts dont les corps ont fait l’objet d’une réduction réalisée par les employés d’une société de pompes funèbres ait été effectué sur instruction de la commune ; que M. Z n’est donc pas, en tout état de cause, fondé à rechercher la responsabilité de cette dernière sur ce point ;

Considérant par ailleurs qu’il y a lieu d’évaluer le préjudice moral résultant pour le requérant, à titre principal, de la réduction des corps de certains de ses parents, à la somme minimale non sérieusement contestable de 6000 € et de lui allouer une provision de ce montant ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes dudit article : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Balma une somme de 1200 € au titre des frais exposés par M. Z et non compris dans les dépens ;

ORDONNE :

Article 1er : La commune de Balma est condamnée à verser à M. C Z une provision de 6000 € (six mille euros).

Article 2 : L’Etat versera à M. Z une somme de 1200 € (mille deux cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C Z et à la commune de Balma.

Fait à Toulouse, le 14 décembre 2011

Le juge des référés,

G-N Y

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme :

Le Greffier en chef,

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