Tribunal administratif de Versailles, 6 décembre 2019, n° 1806803.

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Emmanuelle Féna-lagueny, Avocat Counsel En Droit Fiscal · CMS Bureau Francis Lefebvre · 2 juin 2022

La déductibilité des intérêts afférents à des transactions financières intragroupe est devenue, au fil des années, un enjeu financier majeur pour les groupes. Analyse des difficultés pratiques rencontrées par les entreprises et des réponses apportées récemment tant par la jurisprudence que par l'administration. La position de l'administration et de la jurisprudence sur la détermination d'un taux d'intérêt de pleine concurrence n'a pas toujours été d'une extrême clarté. Le paysage s'est toutefois grandement éclairci ces dernières années avec une série de décisions très remarquées rendues …

 

GFD Avocats · 23 avril 2021

Vous trouverez ci-dessous les principales nouveautés impactant le calcul du résultat fiscal pour les exercices clos en 2020. 1. Supplément d'apport résultant de l'émission d'ABSA Les actions à bons de souscription d'actions (ABSA) non cessibles séparément constituent des valeurs mobilières qui, lors de leur émission par une société, réunissent en un même instrument financier des actions de cette société et la faculté d'acquérir des actions supplémentaires de cette même société, pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixés à l'avance. Le Conseil d'Etat a confirmé …

 

CMS Bureau Francis Lefebvre · 28 janvier 2021

Plusieurs décisions récentes rendues par la Cour administrative d'appel de Paris et le Conseil d'Etat sur la justification du caractère normal du taux d'intérêt d'emprunts intragroupes laissent entrevoir une éclaircie pour les contribuables dans un contexte jurisprudentiel jusqu'alors plutôt sombre. La preuve du taux de marché, qui semblait impossible à rapporter devant le juge de l'impôt, serait-elle enfin devenue possible ? En application des dispositions de l'article 212 I-a du Code général des impôts (CGI), les intérêts de prêts intragroupes sont déductibles dans la limite du taux de …

 
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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, 6 déc. 2019, n° 1806803.
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 1806803.
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 3 avril 2019

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE VERSAILLES

vg

1607393, 1806803 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SAS WHEELABRATOR GROUP

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme Z X

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Versailles
Mme Juliette Amar-Cid (7ème chambre) Rapporteur public

___________

Audience du 21 novembre 2019 Lecture du 6 décembre 2019 _________ 19-04-02-01-04-081 C

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête n° 1607393, et six mémoires, enregistrés les 27 octobre 2016, 5 mai 2017, 19 septembre 2017, 12 juillet 2018, 8 février 2019, 25 septembre 2019 et 22 octobre 2019, la SAS Wheelabrator group, représentée par Me Rontani et Me Foucher, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, à concurrence d’un montant total, en droits et intérêts de retard, de 538 320 euros et de prononcer le rétablissement des déficits constatés au titre de l’exercice 2009 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le service a méconnu son obligation de loyauté, dès lors qu’il s’était engagé, par écrit, à la suite du recours hiérarchique en date du 13 février 2014, à suivre l’avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires du département de l’Essonne ;

- le service a méconnu la dialectique de la preuve ; s’il appartient au contribuable de démontrer le caractère non excessif du taux d’intérêt payé, d’une part, en application des dispositions du I de l’article 212 du code général des impôts, aucune obligation de produire une offre de prêt spécifiquement consentie par un établissement de crédit à la société emprunteuse



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n’est prévue, condition qui ne figure d’ailleurs dans aucun texte de loi ; d’autre part, l’administration doit présenter au juge ses propres éléments de comparaison en réponse à sa propre démonstration ;

- le taux prévu au 3° du 1. de l’article 39 du code général des impôts ne constitue pas un taux de pleine concurrence dès lors qu’il est le résultat de la moyenne des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit ou sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans ; en l’espèce, le taux d’intérêt de 7,41 %, prévu par la convention d’emprunt conclue avec la société Wheelabrator Technologies UK Ltd en décembre 2008, est le reflet direct du taux d’intérêt consenti par un pool bancaire, le 4 septembre 2008, à la société Hamlet holding II APS, actionnaire indirect de l’exposante ; dans le cadre de ce financement, par définition consenti à des conditions de marché, elle devait payer un taux d’intérêt effectif correspondant à des taux variables majorés de différentes primes, en conformité avec les pratiques de marché en matière de financements bancaires ; le taux d’intérêt qu’elle a payé, converti en taux fixe, est calculé par référence directe à ce taux bancaire, majoré d’un « spread » (écart de crédit) de 50 points de base ;

- elle est fondée à se référer aux taux pratiqués par des sociétés tierces pour des emprunts obligataires afin d’apporter la preuve que le taux d’intérêt consenti par la société Wheelabrator Technologies UK Ltd n’est pas supérieur à celui qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues ; en l’espèce, la méthode appliquée par le cabinet A B pour justifier du taux consenti en décembre 2008 s’appuie sur les instruments utilisés par les banques, permettant de déterminer le risque commercial et le risque financier ; elle produit des comparaisons fiables avec des entreprises ayant emprunté sur le marché obligataire sur la même période, en se référant au « spread » pour les emprunteurs notés « B + » selon la cotation réalisée avec l’outil « Capital + » de Standard &Poor’s ; les taux d’intérêts des emprunts obligataires souscrits entre le 8 octobre et le 8 décembre 2008 étaient des taux de marché qu’auraient pu, dans des conditions analogues, consentir des établissements ou organismes financiers indépendants.

Par cinq mémoires en défense, enregistrés les 16 mars 2017, 25 mai 2018, 5 février 2019, 8 octobre 2019 et 29 octobre 2019, le directeur du contrôle fiscal d’Ile-de-France conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés n’est fondé.

II. Par une requête n° 1806803, et quatre mémoires, enregistrés les 28 septembre 2018, 16 janvier 2019, 8 février 2019, 25 septembre 2019 et 22 octobre 2019, la SAS Wheelabrator Group, représentée par Me Rontani et Me Foucher, demande au tribunal, par les mêmes moyens que ceux soulevés dans la requête n° 1607393 :

1°) de prononcer la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, à concurrence d’un montant total, en droits et intérêts de retard, de 589 441 euros et de prononcer le rétablissement des déficits constatés au titre de l’exercice 2015 à hauteur de 2 551 087 euros ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Par quatre mémoires en défense, enregistrés les 26 novembre 2018, 6 février 2019, 8 octobre 2019 et 29 octobre 2019, le directeur du contrôle fiscal d’Ile de France conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs que ceux développés dans la requête n° 1607393.

Vu le jugement du 4 avril 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, avant de statuer sur les requêtes de la société Wheelabrator, a décidé, en application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre les dossiers au Conseil d’Etat en lui soumettant la question suivante : « Pour l’application des dispositions du a du I de l’article 212 du code général des impôts, qui donne la possibilité à une entreprise de déroger à la limite prévue par les dispositions du 3° du 1 de l’article 39 du même code, un contribuable est-il fondé à soutenir qu’il peut apporter la preuve que le taux d’intérêt consenti par une société liée n’est pas supérieur à celui qu’il aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, en se référant aux taux pratiqués par des sociétés tierces pour des emprunts obligataires ? ».

Vu l’avis, enregistré sous les numéros 429426 et 429428, rendu par le Conseil d’Etat le 10 juillet 2019.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X,

- les conclusions de Mme Amar-Cid, rapporteur public,

- et les observations de M Y, inspecteur divisionnaire des finances publiques, représentant le directeur du contrôle fiscal d’Ile de France.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 1607393 et n° 1806803, présentées pour la SAS Wheelabrator Group, présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. La SAS Wheelabrator Group, qui a pour activité principale la conception, la fabrication, l’achat, la vente et la distribution de toutes machines industrielles, et qui est détenue à 100 % par la société de droit britannique Wheelabrator Technologies Ltd, a fait l’objet de deux vérifications de comptabilité qui ont porté respectivement sur les périodes du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l’issue desquelles des rectifications lui ont été notifiées, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, à raison de la remise en cause partielle de la déductibilité de charges financières exposées pour l’acquisition de la société Disa Industrie AG. La SAS Wheelabrator Group demande au tribunal de prononcer la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie de ce chef, au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2013, 2014 et 2015 ainsi que le rétablissement de déficits au titre des exercices 2009 et 2015.



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Sur les conclusions aux fins de décharge :

3. Le I de l’article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : « Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise liée directement ou indirectement au sens du 12 de l’article 39 sont déductibles : a) dans la limite de ceux calculés d’après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 de l’article 39 ou, s’ils sont supérieurs, d’après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (…). ». Aux termes de l’article 39 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (…) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans (…) ». En vertu du 12 de ce même article, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d’une même tierce entreprise.

4. La société danoise Hamlet Holding II APS, société tête du groupe Wheelabrator et actionnaire indirect de la société requérante, a acquis, le 4 septembre 2008, la totalité des titres de la société Disa Holding II A/S afin de former le nouveau groupe « Norican Group ». Cette acquisition a été financée par un prêt « senior » comprenant plusieurs tranches et consenti le 1er septembre 2008 par un pool bancaire. Dans le cadre de la restructuration des sociétés du groupe Norican, la SAS Wheelabrator Group a acquis, le 3 décembre 2008, auprès de la société de droit britannique Wheelabrator Technologies Ltd, sa société mère, les titres de la société Disa Industrie AG au moyen d’un prêt d’un montant de 28 100 000 euros au taux de 7,41 % pour une durée de sept ans, supérieur aux taux de référence définis au 3° du 1. de l’article 39 du code général des impôts, qui s’élevaient à 6,21 % en 2008, 4,81 % en 2009, 3,82 % en 2010, 3,99 % en 2011, 2,79 % en 2013 et 2014 et 2,15 % en 2015. L’administration fiscale a remis en cause le caractère déductible des charges financières induites par cette opération à hauteur de la fraction des intérêts versés à la société Wheelabrator Technologies Ltd excédant, selon elle, les taux fixés par le 3° du I de l’article 39 du code général des impôts, au titre des exercices 2010, 2011, 2013, 2014 et 2015 en litige.

5. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 3 que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d’une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d’une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d’une durée initiale supérieure à deux ans ou, s’il est plus élevé, au taux que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues.



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6. Le taux que l’entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s’entend, pour l’application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence.

7. Ce taux ne saurait, eu égard à la différence de nature entre un emprunt auprès d’un établissement ou organisme financier et un financement par émission obligataire, être celui que cette entreprise aurait elle-même été susceptible de servir à des souscripteurs si elle avait fait le choix, pour se financer, de procéder à l’émission d’obligations plutôt que de souscrire un prêt.

8. L’entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d’apporter cette preuve par tout moyen. A ce titre, pour évaluer ce taux, elle peut le cas échéant tenir compte du rendement d’emprunts obligataires émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

9. Il résulte de l’instruction que, dans le cadre de la procédure de rectification, le conseil de la SAS Wheelabrator Group a réalisé, en octobre 2016, une étude attribuant, en premier lieu, une note de crédit applicable à l’intéressée, sur la base de ses comptes sociaux au 31 décembre 2008 et selon une méthodologie de l’agence de notation Standard & Poor’s utilisant l’outil Capital IQ, et déterminant en second lieu, un taux de crédit applicable en 2008. L’administration conteste la validité de l’étude ainsi réalisée, au motif d’une part, que le classement auquel prétend la société ne résulte nullement d’une notation effectuée de manière spécifique en fonction d’une situation particulière par des agences spécialisées mais de l’utilisation d’un logiciel de scoring, et d’autre part, que la société ne justifie pas que les sociétés ayant donné lieu à l’étude présentent des conditions économiques comparables à la sienne. Toutefois, selon l’étude fournie qui prend en compte le risque commercial à travers des éléments qualitatifs et le risque financier dans la détermination de la probabilité du défaut de la société, la requérante a ainsi obtenu une note de crédit de B+, correspondant à un risque de défaut important et au caractère très spéculatif d’un placement pour le prêteur. Le taux d’intérêt servi au titre du prêt intra-groupe a ensuite été comparé avec les taux pratiqués entre le 8 octobre et le 8 décembre 2008 pour des emprunts obligataires émis en euros sur une durée de sept ans par des entreprises du secteur industriel ayant un profil de risque comparable ou un risque de défaut sensiblement inférieur, à partir de la base de données éditée par le groupe Bloomberg, plus particulièrement les taux de rendement agrégés des obligations émises sur le marché au jour le jour en fonction de la devise, de leur maturité et du risque de crédit de l’emprunteur. L’étude ainsi réalisée a conclu que l’intervalle interquartile de taux d’intérêts appliqués pour des transactions financières comparables au prêt au titre de la même période était compris entre 8,17 % et 9,85 % avec une médiane située à 9,31 %, le taux de 7,41 % litigieux se situant ainsi bien en dessous des taux de marché obligataire. Contrairement à ce que se borne à affirmer l’administration, n’ont d’incidence sur le caractère probant de ces taux ni le fait que la société requérante n’ait pu produire d’offre de prêts datant de 2008, présentant les mêmes caractéristiques et émanant d’organismes indépendants, ni le recours à une étude menée a posteriori selon le modèle mentionné ci-dessus. Par suite, la société Wheelabrator Group démontre que le taux d’intérêt de l’emprunt litigieux ne présentait pas un caractère excessif au regard du rendement des emprunts obligataires émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables à la sienne.



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10. En outre, la société requérante soutient qu’un emprunt obligataire aurait constitué la seule alternative à un prêt intra-groupe, dans le contexte de crise de liquidités majeure sur les marchés financiers de la fin de l’année 2008. Elle fait valoir que le prêt « senior » consenti par un pool bancaire à la société Hamlet Holding II APS, le 1er septembre 2008, a été modifié à la fin de l’année 2009, dans le sens d’une augmentation de 0,50 % de la marge, à la suite de la crise financière et face à la dégradation de l’environnement économique, de telle sorte que le taux effectif payé par le groupe était de 6,56% en 2009, 6,67% en 2010 et 6,97% en 2011, puis de 7,45% en 2012 et a continué d’augmenter de 0,72% jusqu’en 2015. Elle indique, sans être sérieusement contestée, qu’en tant que petite société industrielle, perçue comme ayant un profil de risque élevé et ce d’autant plus que le montant du prêt était significatif par rapport à sa taille, une banque n’aurait accepté de lui consentir un prêt qu’à la condition d’une prime de risque importante. L’administration se borne à indiquer, dans ses dernières écritures, que l’étude menée a posteriori ne proposerait pas une comparabilité suffisante et que la société n’aurait présenté aucun élément relatif à la détermination du taux pratiqué dans le cadre du prêt intra-groupe. Dans ces conditions et en l’état de l’instruction, la société Wheelabrator Group apporte la preuve qui lui incombe que l’émission obligataire aurait pu constituer une alternative réaliste au prêt intragroupe contracté auprès de la société Wheelabrator Technologies Ltd.

11. La société Wheelabrator Group est dès lors fondée à obtenir la décharge des compléments d’imposition en litige et le rétablissement des déficits demandé.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, s’agissant des deux requêtes, de mettre à la charge de l’Etat une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Wheelabrator Group et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La société Wheelabrator Group est déchargée, en droits et intérêts de retard, des suppléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, au titre des exercices clos en 2010, 2011, 2013, 2014 et 2015. Les déficits constatés au titre des exercices clos en 2009 et en 2015 sont rétablis.

Article 2 : L’Etat versera à la société Wheelabrator Group une somme totale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.



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Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Wheelabrator Group et au directeur du contrôle fiscal d’Ile-de-France.

Délibéré après l’audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

Mme D, président, Mme Millié, premier conseiller, Mme X, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 décembre 2019.

Le rapporteur, Le président,

Signé

Signé
M. X C. D

Le greffier,

Signé

V. Gourgues

La République mande et ordonne au ministre de l’action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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