Tribunal de commerce de Paris, 15e chambre, 5 octobre 2001

  • Catalogues et depliants anciens comportant les modèles·
  • Au surplus, demandeur fournisseur des defendeurs·
  • Information de la profession et de la clientele·
  • Volonte de s'inscrire dans le sillage d'autrui·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Combinaison, graphisme, disposition·
  • Éléments pris en considération·
  • Atteinte à l'image de marque·
  • Expertise tardive inopérante·
  • Exploitation sous son nom

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 15e ch., 5 oct. 2001
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20010195
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société OBER créée en 1973 est spécialisée dans la création, la fabrication et la commercialisation des vêtements sous sa marque. Elle se prévaut de droits de création sur deux modèles de pantalon pour femmes dénommés « HORSE » et « GILDA ». Faisant grief à SELECTA et ZEPLIN de commercialiser des modèles semblables aux siens OBER :

- achetait le 9 juin 2000 deux pantalons chez SELECTA et a requis le même jour un huissier de justice pour procéder à des opérations de constat,
- saisissait le 29 juin suivant le commissaire de police de Montrouge, aux fins d’une une saisie-contrefaçon au siège de ZEPLIN, qui a donné lieu à un procès-verbal de saisie en date du 22 juin 2000,
- et qualifiait les modèles en cause de « de contrefaçon quasi-servile », jusque et y compris sur les étiquettes également protégées. OBER qui se plaint également de concurrence déloyale et parasitaire. C’est dans ces circonstances de droit et de fait qu’est née la présente instance. Par acte du 20 juillet 2000, OBER assigne SELECTA et ZEPLIN devant le Tribunal de céans et demande de : constater que OBER est titulaire des droits de création sur les modèles de pantalon « HORSE » et « GILDA » et des étiquettes apposées sur lesdits modèles, en vertu des dispositions des Livres I et III du CPI, constater que les deux sociétés commercialisent des modèles contrefaisants, juger qu’elles se sont livrées à des actes de contrefaçon, et à des actes de concurrence déloyale et parasitaire, condamner en conséquence conjointement et solidairement SELECTA et ZEPLIN à payer à OBER la somme provisionnelle de 300.000F à titre de DI et nommer tel expert qu’ il plaira au Tribunal de désigner, avec pour mission d’évaluer le surplus des DI, ordonner à titre de supplément de DI, la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux du choix de OBER aux frais conjoints et solidaires se SELECTA et ZEPLIN, pour un coût unitaire qui ne saurait être inférieur à 30.000F HT, ordonner l’exécution provisoire, condamner conjointement les défenderesses au paiement de 30.000F au titre de l’article 700, ainsi qu’en tous les dépens. Par conclusions en réponse du 9 février 2001, SELECTA et ZEPLIN demandent de débouter OBER en toutes ses demandes, fins et conclusion de lui faire injonction de produire l’acte de cession de droits d’auteur répondant aux conditions de l’article L 131-3 du CPI et en tout état de cause de : dire et juger que les articles commercialisés par OBER sont dépourvus d’originalité, d’une part, et que les mentions portées sur les étiquettes sont génériques, En conséquence constater que SELECTA et ZEPLIN . ne se sont pas rendues coupables d’actes de contrefaçon dans la mesure où les articles ne sont pas susceptibles d’être protégés par le CPI, . ne se sont pas rendues coupables d’actes de concurrence déloyale. A TITRE SUBSIDIAIRE, si le Tribunal devait entrer en voie de condamnation, pour SELECTA, constater que le CA généré par la vente de 20 pièces n’a été que de

3.000F, dire que ce préjudice est dérisoire et le ramener à de plus justes proportions, en ce qu’il n’a procuré que ladite somme. Pour ZEPLIN que le chiffre d’affaires généré par la vente de 26 pièces n’a été que de 5.954F et ramener également le préjudice à de plus justes proportions.

- condamner en tout état de cause OBER à payer 40.000F au titre de l’article 700 du NCPC, ainsi qu’aux entiers dépens. Par conclusions en réplique du 1er juin 2001, OBER demande que SELECTA et ZEPLIN soient déboutées de l’intégralité de leurs demandes et que lui soit adjugé l’entier bénéfice de son exploit introductif d’instance, tandis que dans de nouvelles conclusions régularisées à l’AJR du 14 septembre 2001, les défenderesses réitèrent leurs précédentes écritures SUR LA CONTREFACON ET LA CONCURRENCE DELOYALE OBER soutient qu’elle est titulaire des droits de création sur :

- le modèle nommé HORSE figurant dans le catalogue automne/hiver 94/95 et se caractérisant par des découpes particulières rapportées sur le bas des jambes, par deux poches avant et une poche arrière, l’ensemble ayant une configuration distincte et reconnaissable. Sur ces pantalons sont posées deux étiquettes, l’une à l’intérieur de couleur grise, l’autre à l’extérieur avec notamment pour inscription « ligne ville femme city wear », dans des combinaisons particulières de couleur ;

- le modèle « GILDA », figurant dans le catalogue 1993, caractérisé par cinq poches dont deux cavalières avant, l’une comportant une poche de plus petite dimension, deux poches arrières surpiquées, avec une double surpiqûre horizontale, ainsi que deux étiquettes cartonnées à l’arrière du pantalon, selon un graphisme et des inscriptions particulières. Ces modèles constituent des créations protégées par les dispositions des livres I et III du CPI, ainsi que les étiquettes caractérisées par leurs mentions, le graphisme, leurs couleurs et leurs combinaisons. OBER ayant constaté que SELECTA et ZEPLIN mettaient en vente des modèles qui en constituent la contrefaçon, ont procédé à des achats dans le premier magasin et fait procéder à une saisie contrefaçon dans le deuxième ; étant précisé que ZEPLIN, cliente d’OBER, s’est procurée les modèles contrefaisants chez SELECTA Ces faits s’accompagnent d’une concurrence déloyale car les modèles incriminés sont de mauvaise qualité et vendus à des prix inférieurs à ceux d’OBER avec qui ils se confondent, compte tenu de la servilité de la contrefaçon et des étiquettes. OBER verse aux débats les modèles de pantalons en cause et réclame 300.000F au titre du préjudice né de ces agissements. SELECTA et ZEPLIN rétorquent que les modèles présentés ne présentent pas des caractéristiques d’originalité lui permettant de revendiquer la protection : le modèle GILDA est un jean banal, les cinq poches dont la petite à l’avant (appelée poche-ticket) et deux poches arrières surpiquées des plus communes composent la majorité des jeans, la plus célèbre marque étant LEVI’S, on notera aussi un modèle de 1990 de la SARL CHIPIE.

Au surplus SELECTA et ZEPLIN n’ont commercialisé qu’un faible nombre des jeans dont elle ne peut revendiquer la paternité, ni démontrer une originalité. le modèle HORSE a des découpes sur le bas des jambes classiques que l’on retrouve largement sur de nombreux pantalons dits de cavalier, comportant deux poches avant dites cavalières. Tout comme il est courant de trouver une fausse poche plaquée arrière maintenue par un bouton. Cette combinaison est aussi dépourvue d’originalité. En outre il est fallacieux de dire que les produits seraient de mauvaise qualité. Les modèles en cause sont réalises dans des tissus de coton de bonne qualité, mais dans un tissage différent.

- quant aux étiquettes, OBER qui se prévaut de droits d’auteur n’en apporte pas la preuve ; en tout état de cause « s’il est indéniable que les étiquettes apposées sur les produits commercialisés par SELECTA sont inspirées des étiquettes diffusées par OBER, les défenderesses n’ont pas entendu créer une confusion au sein de la clientèle », les étiquettes sont de couleurs différentes, la marque OBER n’est pas reprise, et les termes city wear ou country sont de formulation courante. Sur la concurrence déloyale, l’argument de mauvaise qualité a déjà été réfuté et aucune comparaison n’est livrée par OBER ; mais on relèvera sur le PV de saisie du 22 juin qu’il est fait état « d’un présentoir ou se trouvent parmi deux jeans OBER type GILDA facturés 219F, quinze pantalons sans marque dont l’un est facturé 259F ». Enfin on constatera qu’aucune saisie n’a été effectuée chez SELECTA, que le constat sur deux pantalons achetés a été effectué à l’extérieur des locaux, et qu’il n’y a pas de notion de prix de vente de produits OBER. Elle conteste le fait et estime en tout état de cause que le préjudice commercial d’OBER est dérisoire. OBER précise sur la titularité des droits, qu’il est constant en vertu de la jurisprudence, que toute société qui commercialise sous son nom les modèles qu’elle revendique est présumée investie des droit d’auteur y afférents, sans qu’il soit besoin de démontrer qu’il s’agit d’une oeuvre collective ou qu’il y a eu bénéfice d’une cession de droits.

DECISION I – SUR LA DEMANDE EN PRINCIPAL

Attendu que les personnes morales peuvent évoquer ab initio des droits de propriété intellectuelle sur des oeuvres de l’esprit, que les actes de possession de la personne morale qui les exploite sous son nom, font présumer la titularité des droits par cette personne à l’égard des tiers, Attendu que OBER a versé aux débats des catalogues ou dépliants anciens sous le nom de la société, en particulier ceux comportant les modèles HORSE et GILDA ;

Qu’elle démontre qu’elle les commercialise sous son nom, qu’elle est parfaitement recevable à agir en contrefaçon et que sa demande est recevable, Attendu que OBER a clairement décrit les modèles de pantalons et d’étiquettes en cause, et les a versés aux débats, Attendu que les modèles achetés ou saisis chez les défenderesses sont sur la quasi totalité des points semblables à ceux de OBER on distinguera le modèle GILDA qui ressemble à d’autre modèles de jeans largement diffusés, et le modèle HORSE dont la coupe et la poche arrière triangulaire est originale, et dont l’antériorité n’est pas remise en cause par un autre modèle produit car non daté, Attendu cependant que les étiquettes de OBER ont dans leur graphisme et leur présentation une originalité, et dont les défenderesses reconnaissent que celles apposées sur les produits commercialisés par SELECTA en « sont inspirées », Attendu que si chaque élément pris isolément ne peut être qualifié de tout à fait original, leur combinaison, l’assemblage, l’aspect général, le contenu et la disposition des étiquettes témoignent dans leur ensemble de l’empreinte et de la personnalité de leur auteur sur le résultat final, et qu’en définitive c’est de l’ensemble dont on s’est inspiré pour les modèles concernés, Attendu en outre, sur la concurrence déloyale, que la vente des produits OBER et des autres, que la présentation des modèles dans un même magasin, voire mélangés avec les articles incriminés, alors qu’ils ont des apparences peu différentes, sont de nature à tromper un consommateur d’attention moyenne, Attendu que ce faisant les défenderesses se sont inscrites délibérément dans le sillage de OBER qu’elles ont toujours par ailleurs comme fournisseur, Le Tribunal dira que les défenderesses se sont livré à des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale. II – SUR LE PREJUDICE Attendu qu’il ressort du procès-verbal de saisie que 117 articles ont été achetés par ZEPLIN à SELECTA, sans autre indication que « pantalons 100% coton suivant facture du 4 octobre 1999 », Attendu qu’il en restait en stock 91, 26 auraient été vendus au prix moyen de 229F, Attendu que par ailleurs SELECTA déclare avoir acheté le 15 juin 360 pantalons femmes, dont il prétend en avoir vendu 20 au prix de 150F Attendu que, dans ses écritures, OBER n’apporte, ni des preuves, ni même des présomptions que la diffusion des modèles contrefaisants aurait pu porter sur des quantités plus significatives et, qu’en tout état de cause, une expertise tardive serait inopérante, Attendu que OBER s’il a subi un préjudice commercial n’a pas rapporté la preuve d’une forte baisse de ses ventes en 1999 ou en 2000 et n’a fourni aucune donnée d’ordre général sur ses résultats,

Attendu que les agissements de SELECTA et de ZEPLIN portent préjudice à l’image d’OBER, le Tribunal usant de son pouvoir d’appréciation fixera à 100.000, 00 francs les dommages et intérêts et condamnera in solidum les défenderesses à les payer. III – SUR LES AUTRES DEMANDES SUR LA PUBLICATION Attendu qu’il convient de porter à la connaissance de la profession et de la clientèle les présents faits Le Tribunal ordonnera la publication du dispositif du présent jugement dans deux journaux sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 15.000F HT déboutant pour le surplus. SUR L’EXECUTION PROVISOIRE Attendu que le Tribunal l’estime nécessaire, vu la nature de l’affaire, il y a lieu de l’ordonner, à l’exception des mesures de publication et avec une garantie sous forme de caution bancaire SUR L’ARTICLE 700 DU NCPC ET LES DEPENS Attendu que OBER a dû, pour faire reconnaître ses droits, exposer des frais, non compris dans les dépens, qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ; Qu’il est justifié de lui allouer par application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile une indemnité de 15.000F, déboutant pour le surplus. Les défenderesses qui succombent supporteront les dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort : Dit que la SARL SELECTA et la SARL ZEPLIN se sont rendues coupables d’actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire, sur les modèles de pantalons et d’étiquettes de la société OBER, Condamne conjointement et solidairement les défenderesses à payer à la SA OBER à titre de dommages et intérêts la somme de 15.244, 90 Euros soit 100.000, 00 francs, Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans deux journaux au choix d’OBER et aux frais conjoints et solidaires des défenderesses, sans que le coût de chaque insertion puisse dépasser 2.286, 74 Euros soit 15.000, 00 francs HT, Ordonne l’exécution provisoire, avec constitution d’une garantie bancaire, à l’exception des mesures de publication. Condamne conjointement et solidairement les SARL SELECTA et ZEPLIN à payer à la SA OBER 2.286, 74 Euros soit 15.000, 00 francs sur le fondement de l’article 700 du NCPC, Déboute pour le surplus des demandes, Dit inutiles, inopérantes et mal fondées toutes conclusion ou demandes plus amples ou contraires des parties.

Condamne conjointement et solidairement les SARL SELECTA et ZEPLIN en tous les dépens, dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 37, 81 Euros soit 248, 05 francs TTC (APP : 12, 56, AFF : 18, 70, EMOL : 178, 20 TVA : 38, 59).

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