Tribunal de grande instance de Bordeaux, Chambre civile 01, 14 mai 2002

  • Volonte de profiter du succes de l'emission radiophoniquue·
  • Article l 112-1 code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 112-4 code de la propriété intellectuelle·
  • Article l 712-6 code de la propriété intellectuelle·
  • Importance de sa part d'audience sur le marché·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Numero d'enregistrement 3 052 778·
  • Notoriete de la station de radio·
  • Revendication de propriété·
  • Combinaison de deux mots

Résumé de la juridiction

Personnage fictif, mister blague, destine notamment aux chaines de radio, television, internet et tout autre support mediatique

usage anterieur par le demandeur de la denomination (mister blague) comme nom d’un personnage fictif jouant le role de mascotte ou du moins de personnage d’identification

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Jurisprudence / Signes distinctifs / PLA TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BORDEAUX1ère chambre civle, 14 mai 2002SARL Rire et chansons c/ SARL ATOLL

 
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Sur la décision

Référence :
TGI Bordeaux, ch. civ. 01, 14 mai 2002
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bordeaux
Publication : PIBD 2002 750 III-439
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : MISTER BLAGUE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 3052778
Classification internationale des marques : CL35; CL38; CL41
Référence INPI : M20020392
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société parisienne « RIRE ET CHANSONS » exploite sous cette dénomination une radio à vocation humoristique et musicale. Par acte du 14 février 2001 elle a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX la société ATOLL dont le siège social est situé à Le Tourne (33) aux fins de voir dire et juger qu’en déposant la marque « MISTERBLAGUE » et le nom de domaine « MISTERBLAGUE.COM » celle-ci a commis une fraude à ses dépens. La société « RIRE ET CHANSONS » demande :

- de voir ordonner à la société ATOLL de faire procéder à ses frais au transfert de la marque « MISTER BLAGUE » ainsi que du nom de domaine « MISTERBLAGUE.COM » à son profit, et ce sous astreinte de 10 000 FF par jour de retard à l’issue d’un délai de 10 jours après la signification du jugement à venir
- de voir dire et juger qu’elle même pourra faire procéder à ces transferts en cas d’inaction du défendeur
- d’obtenir la condamnation de la société ATOLL à lui payer une indemnité de 100 000 FF à titre de dommages et intérêts, outre 50 000 FF au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Selon des conclusions signifiées le 15 octobre 2001 elle a renouvelé ses demandes initiales et, y ajoutant, a sollicité qu’il soit dit et jugé que l’utilisation de la marque « MISTERBLAGUE » constitue également un acte de contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit aux dépens de la société « RIRE ET CHANSONS ». Elle demande donc :

- qu’interdiction soit faite à la société ATOLL d’utiliser la dénomination « MISTERBLAGUE » et ce sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée – que le transfert de marque et du nom de domaine soit effectué dans les conditions précisées lors de l’assignation, l’astreinte étant toutefois portée à 2 000 Euros par jour de retard.

- qu’à défaut la nullité de la marque « MISTERBLAGUE » soit prononcée et que radiation soit faite du nom de domaine « MISTERBLAGUE.COM ».

- que la société ATOLL soit condamnée à lui verser une somme de 100 000 Euros à titre de dommages et intérêts
- que la publication de la décision dans trois journaux ou revue au choix de la société « RIRE, ET CHANSONS » soit ordonnée
- qu’exécution provisoire de la décision soit faite
- que la société ATOLL soit condamnée à lui verser une somme de 10 000 Euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. La société « RIRE ET CHANSONS » explique que depuis le mois de mars 2000 un animateur intervient toutes les heures sur les ondes de la radio qu’elle exploite pour raconter une histoire drôle. Celui-ci se fait connaître sous le nom de « MISTER BLAGUE ». Il animait déjà la station radiophonique mais de façon moins systématique intervenant épisodiquement. Son passage est donc désormais quotidien et horaire. La société en demande indique qu’elle a découvert que le 5 juin 2000 la société ATOLL a déposé auprès de l’INTERNIC le nom de domaine « MISTERBLAGUE.COM » et que

d’autre part le 18 septembre de la même année cette société a déposé à l’INPI, à titre de marque, la dénomination « MISTERBLAGUE » dans les classes 35, 38 et 41 pour désigner un personnage fictif, MISTER BLAGUE, destiné notamment aux chaînes de radio, télévision, internet et tout autre support médiatique. Elle soutient donc que ce faisant la société ATOLL a agi en fraude de ses droits au sens de l’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle. Elle affirme en effet qu’en faisant un usage régulier de la dénomination « MISTER BLAGUE » pour désigner un personnage de ses programmes, la société RIRE ET CHANSONS a acquis des droits sur celle-ci. Par suite, en déposant la dénomination « MISTERBLAGUE », la société ATOLL a agi en fraude de ses droits, en s’appropriant un vocable dont elle ne pouvait pas ignorer l’usage antérieur par la station radiophonique en raison d’une audience incontestable. Cette démarche traduit une volonté de s’approprier à bon compte le nom d’un personnage réputé de radio pour en tirer profit au détriment de son utilisateur antérieur et seul auteur. Elle avance également qu’en déposant la dénomination « MISTERBLAGUE » et en en faisant usage la société ATOLL a, en plus de la fraude, commis des actes de contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit, lui causant un préjudice distinct. Elle fait valoir en effet qu’en élaborant ce personnage sous le nom de « MISTER BLAGUE » elle a fait oeuvre créatrice au sens de l’article L 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, expliquant que l’association du mot anglais « mister » et du mot français « blague » revêt un caractère original qui lui confère la qualité d’oeuvre au sens de l’article précité, et dont l’utilisation par un tiers ne peut que constituer une atteinte au droit d’auteur. La société RIRE ET CHANSONS demande donc que soient appliquées les sanctions en matière de fraude et contrefaçon, soit le transfert des enregistrements à son profit, l’interdiction de tout usage de la dénomination par la société ATOLL et l’octroi de justes dommages et intérêts. Par conclusions signifiées le 15 novembre 2001 la société ATOLL s’oppose à toutes les demandes exprimées et reconventionnellement entend que la société RIRE ET CHANSONS soit condamnée à lui verser une somme de 15 300 Euros pour procédure abusive, 22 900 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée à sa marque par cette même société et qu’interdiction lui soit faite sous astreinte de 2 300 Euros par jour de retard, d’utiliser la dénomination MISTER BLAGUE tant sur son site internet que sur l’antenne de S.A. station radio. Atoll réclame par ailleurs une somme de 6 100 Euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Elle expose que le site créé propose à ses visiteurs, un répertoire d’histoires drôles, des photographies à vocation humoristique et des liens avec d’autres sites. Pour distinguer ce

site sur un plan graphique, la société ATOLL a imaginé un personnage fictif au visage hilare et ainsi, au regard de ses caractères, la dénomination Mister Blague s’est imposée pour le désigner. C’est dans ce contexte qu’elle a décidé de déposer cette dénomination pour le site internet mais également la marque après s’être assurée que celle-ci était disponible. Elle soutient avoir faire oeuvre créatrice en ayant fait appel à un graphiste pour la représentation du personnage Mister Blague et en concluant de nombreux accords de partenariat pour une diffusion de son site novateur sur la toile. Elle conteste donc le raisonnement de la société RIRE ET CHANSONS qui allègue d’une fraude au sens de l’article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, soutenant d’une part que cette société ne justifie d’aucun droit sur la dénomination « MISTER BLAGUE » son simple usage ne pouvant selon elle lui conférer un quelconque titre, et d’autre part qu’en l’absence d’une démonstration de malignité ou de volonté de s’accaparer la réputation d’une dénomination connue par elle imputable à la société ATOLL, la société en demande est non fondée à faire toute réclamation sur l’argument juridique invoqué. Par ailleurs elle dénie tout caractère original à la dénomination litigieuse, ce qui par conséquent lui ôte toute possibilité de se voir reconnaître oeuvre de l’esprit selon les critères de l’article L 112-1 du code de la propriété intellectuelle. La société ATOLL entend donc obtenir des dommages et intérêts en réparation d’une action en justice dépourvue selon elle de tout fondement, et qui démontrerait une volonté parasitaire de s’approprier une marque et un nom de domaine. Elle souhaite également voir sanctionner l’utilisation abusive de la dénomination « MISTER BLAGUE » par la station de radio qui intervient en violation des droits détenus par la société ATOLL, sur la marque qu’elle a déposée en septembre 2000 L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 novembre 2001.

DECISION I – - SUR LA FRAUDE : L’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que « si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. »

Ce texte suppose donc que celui qui se prévaut de droits sur la marque, entend faire valoir l’usage antérieur qu’il en a fait, de telle sorte que celle-ci a vocation à être sa propriété alors même qu’aucun enregistrement n’a été effectué. Ainsi et contrairement à ce que soutient le défendeur, le simple usage peut conférer des droits sur une dénomination, un signe, dépourvu d’enregistrement. Toutefois cet usage pour avoir de tels effets doit revêtir un caractère d’antériorité et de publicité qui le rattache à celui qui le revendique. En l’espèce le dossier de presse remis dans le cadre de la procédure par la société RIRE ET CHANSONS, démontre qu’en mars 2000 celle-ci a entendu au sein de ses émissions radiophoniques, accroître la place d’un personnage qu’elle avait antérieurement utilisé sur ses ondes, soit le dénommé « Mister Blague ». Il s’agit d’un personnage qui régulièrement sur l’antenne raconte une histoire drôle. Jusqu’au début de l’année 2000 celui-ci intervenait de manière impromptue dans le programme. Dès le mois de mars « Mister Blague » donnait rendez-vous à l’auditeur à chaque fin d’heure. Le but manifeste était de fidéliser le public de la station. Ainsi lorsque la société ATOLL a créé et enregistré son site internet puis la marque MISTERBLAGUE, cela faisait plusieurs mois que RIRES ET CHANSONS faisait intervenir le personnage « Mister Blague »et plus de trois mois que ce dernier était devenu le rendez-vous obligé des auditeurs. L’antériorité au dépôt de la marque en litige de cet usage est incontestable. Par ailleurs des pièces versées aux débats, il s’établit que la notoriété de la station de radio RIRE ET CHANSONS est manifeste, sa part d’audience sur le marché, d’une importance certaine pour une station non généraliste, démontrant un taux de pénétration conséquent dans le public. Par suite le personnage Mister Blague, qui semble jouer le rôle de mascotte de l’antenne, ou tout au moins de personnage d’identification, ne peut que revêtir le même caractère notoire. La société RIRE ET CHANSONS par ces éléments démontre donc que par un usage antérieur et notoire elle a acquis des droits sur la dénomination en litige. Pour autant les éléments de l’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle doivent être tous réunis pour que l’action du demandeur soit fondée. Il s’agit dès lors, les droits de la société RIRE ET CHANSONS sur la dénomination « Mister Blague » ayant été établis, de démontrer que la société Atoll a agi en fraude de ceux-ci.

La notoriété et l’audience de la station radiophonique n’est plus à prouver. Celle de son personnage fétiche non plus. La société ATOLL qui a entendu se spécialiser dans la diffusion d’histoires drôles ne pouvait qu’avoir connaissance de l’usage antérieur de la dénomination « Mister Blague » utilisée par une antenne de radio dont la vocation est identique. Elle ne peut donc pas valablement soutenir que « Mister Blague » revêtait un caractère confidentiel, faisant de lui un personnage banal, usuel, voire un « non personnage », qui ôterait par la même tout caractère frauduleux dans le choix de la dénomination pour le site Internet et la marque. Il convient au contraire de dire qu’en s’appropriant le nom de ce héros radiophonique à la notoriété désormais établie, la société ATOLL a entendu profiter commercialement du succès de l’émission, rapportant ainsi la preuve du caractère frauduleux de sa démarche. Dès lors la société RIRE ET CHANSONS est en droit de réclamer la propriété de la dénomination « MISTER BLAGUE » enregistrée par la société ATOLL en fraude de ses droits. Le transfert de la propriété de la marque « MISTER BLAGUE » devra donc être opéré par application de l’article L 712-6 du Code de la Propriété Intellectuelle qui a pour objet de pouvoir exercer ce droit de revendication de propriété, et interdiction sera faite à la société ATOLL d’en faire usage. Par ailleurs la société RIRE ET CHANSONS est bien fondée à réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi né de la fraude de ses droits dont la conséquence s’est traduite dans la préemption illicite des retombées commerciales d’une innovation radiophonique dont elle était seule créatrice. Une somme de 5000 Euros sera donc allouée en guise de dommages et intérêts. II – SUR LA CONTREFAÇON DE L’OEUVRE DE L’ESPRIT : L’article L 112-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que ce même code protège les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. C’est sur ce fondement que la société RIRE ET CHANSONS entend obtenir les mêmes mesures d’interdiction que pour la fraude outre des dommages et intérêts. A cet égard, doit être considéré comme oeuvre de l’esprit le nom d’un personnage revêtant un caractère original et comportant l’empreinte de la personnalité de son auteur. En l’espèce l’association de deux mots de langue anglaise et française revêt un caractère original en ce sens que Mister, soit monsieur en anglais, est censé précéder un nom propre alors qu’en l’espèce c’est un nom commun, voire presque argotique qui lui succède.

D’autre part la réunion quelque peu incongrue des deux vocables témoigne à l’évidence d’une volonté de recherche comique qui souligne la personnalité de son créateur. Mister Blague doit donc être protégé par le droit d’auteur. Constitue donc une contrefaçon d’une oeuvre de l’esprit au sens de l’article L 112-4 du Code de la Propriété Intellectuelle l’emprunt in extenso de la dénomination MISTER BLAGUE. La société RIRE ET CHANSONS est donc fondée à solliciter l’interdiction de son utilisation par tout tiers et notamment par la société ATOLL, à quelque titre que ce soit et à réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi, né de cet usage abusif susceptible de créer une confusion notamment pour l’utilisateur du site intemet créé par la société en défense. Une somme de 5000 Euros sera là encore allouée en guise de dommages et intérêts. III – SUR LES AUTRES DEMANDES : Les demandes reconventionnelles de la société ATOLL pour procédure abusive et atteinte à la marque « MISTERBLAGUE » sont infondées dès lors qu’il a été fait droit à la demande principale de la société RIRE ET CHANSONS. L’exécution provisoire doit être prononcée en raison de la nature de l’espèce. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société RIRE ET CHANSONS le montant des frais irrépétibles engagés à l’occasion de cette instance. Une somme de 1.500 Euros lui sera accordée. PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, Statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, Dit qu’en déposant la marque « MISTER BLAGUE » n° 3 052 778 et le nom de domaine « MISTERBLAGUE.COM », la société ATOLL a agi en fraude des droits de la société RIRE ET CHANSONS sur la dénomination Mister Blague. Ordonne à la société ATOLL de faire procéder à l’INPI au transfert de la marque « MISTERBLAGUE » n° 3 052 778 et par l’INTERNIC au transfert du nom de domaine MISERBLAGUE.COM" au profit de la société RIRE ET CHANSONS sous astreinte de 2.000 Euros (deux mille Euros) par jour de retard à l’issue d’un délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision.

Dit que la société RIRE ET CHANSONS pourra faire procéder à ces transferts par l’INPI et par l’INTERNIC en cas d’inaction de la société ATOLL. Fait interdiction à la société ATOLL de faire usage de la dénomination « MISTER BLAGUE » à quelque titre que ce soit sous astreinte de 2.000 Euros (deux mille Euros) par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement. Ordonne la publication du présent jugement dans trois journaux ou revues au choix de la société RIRE ET CHANSONS et aux frais de la société ATOLL dans la limite de 3.000 Euros (trois mille Euros). Condamne la société ATOLL à payer à la société RIRE ET CHANSONS la somme de 10.000 Euros (dix mille Euros) à titre de dommages et intérêts. Condamne la société ATOLL à payer à la société RIRE ET CHANSONS la somme de 1.500 Euros (mille cinq cents Euros) en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Condamne la société ATOLL aux entiers dépens. .

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