Tribunal de grande instance d'Évry, 8e chambre, 30 novembre 2017, n° 16/04139

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Sur la décision

Référence :
TGI Évry, 8e ch., 30 nov. 2017, n° 16/04139
Juridiction : Tribunal de grande instance d'Évry
Numéro(s) : 16/04139

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

d’EVRY

8e Chambre

MINUTE N°

DU : 30 Novembre 2017

AFFAIRE N° : 16/04139

NAC : 30Z

Jugement Rendu le 30 Novembre 2017

AFFAIRE :

S.C.I. LA FERME DU Z

C/

Maître X ès qualités de liquidateur

de la SARL TMG RESTAURATION

ENTRE :

S.C.I. LA FERME DU Z, dont le siège social est sis 58 boulevard de la Guyane – 94160 SAINT-MANDE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal,

représentée par Maître Isabelle NOACHOVITCH-FLOQUET de la SCP FLOQUET/NOACHOVITCH, avocat au barreau de l’ESSONNE postulant, Me C DUFFOUR de la SCP D.D.A AVOCATS, avocat au barreau de PARIS plaidant

DEMANDERESSE

ET :

Maître B C X, mandataire judiciaire, demeurant […], ès qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION, ayant son siège social 54 Avenue Aristide Briand 91550 Z A POSTE,

représenté par Me Florence HENOUX du Cabinet FOURNIER-HENOUX, avocat au barreau de l’ESSONNE plaidant

DEFENDEUR

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Sandrine LABROT, Vice-Présidente, siégeant à Juge Rapporteur avec l’accord des avocats ;

Magistrats ayant délibéré :

Président : Sandrine LABROT, Vice-Présidente,

Assesseur : Lucie FONTANELLA, Vice-Présidente,

Assesseur : Stéphanie COUSIN-RIMONTEIL, Juge,

Greffier lors des débats : Annie JUNG-THOMAS, Greffier.

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 1er juin 2017 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 07 Septembre 2017 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 9 novembre 2017 prorogé au 30 Novembre 2017,

JUGEMENT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,

Contradictoire et en premier ressort.

* *

*

EXPOSE DU LITIGE

La SCI LA FERME DU Z a acquis de la SOCIETE LA FERME par acte notarié en date du 30 avril 2010 différents biens immobiliers situé à Z A POSTE ([…].

Une partie des locaux était loué à la SARL TMG RESTAURATION, selon bail commercial consenti par l’ancien propriétaire le 1er octobre 1999 à compter du 1er juillet 1999, pour une durée de 9 ans, moyennant un loyer de 14.500 francs HT par mois, soit 2.210,51 euros.

Le locataire a demandé le renouvellement de son bail le 17 janvier 2011.

Les parties ne sont pas parvenues à un accord quant au montant du loyer du bail renouvelé.

C’est dans ces conditions que selon exploit d’huissier en date du 19 décembre 2012, la SCI LA FERME DU Z a fait assigner la SARL TMG RESTAURATION devant le tribunal de grande instance d’EVRY aux fins de voir le tribunal :

— dire et juger que le loyer du bail consenti à la locataire devait être fixé à compter du 17 janvier 2011 à la somme de 37.615,68 euros conformément à l’évolution de l’indice INSEE du coût de la construction,

— nommer tel expert en travaux afin de constater les travaux à réaliser dans les lieux loués,

— donner tous les éléments au tribunal pour trancher le problème de savoir quels sont les travaux incombant au propriétaire et ceux incombant au locataire compte tenu des conditions prévues au bail,

— condamner la SARL TMG RESTAURATION à payer la taxe foncière tel que prévu au bail et sur la base du rapport établi par le géomètre soit au paiement de la somme de 5.418,11 euros (taxe foncière 2010, 2011 et 2012),

— ordonner l’exécution provisoire,

— condamner la locataire à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 20 novembre 2014, le tribunal de grande instance d’EVRY a notamment :

déclaré irrecevable la demande en fixation du loyer du bail renouvelé formée par la SCI LA FERME DE Z,

débouté la SCI DE LA FERME DU Z de sa demande de paiement de la taxe foncière,

débouté la SARL TMG RESTAURATION de sa demande de déconsignation de la somme de 10.080,44 euros,

avant dire droit ordonné une expertise, et désigné Monsieur Y pour y procéder, aux fins notamment d’examiner les désordres allégués, indiquer et évaluer les travaux pour y remédier, donner son avis sur les travaux relevant de l’article 606 du code civil et fournir tous éléments sur les préjudices accessoires,

ordonné le retrait du rôle jusqu’au dépôt du rapport d’expertise,

sursis à statuer sur les autres demandes,

réservé les dépens,

ordonné l’exécution provisoire.

Par ordonnance rendue le 19 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de VERSAILLES, saisi par la mairie de Z A POSTE, a commis Monsieur D E-F pour procéder à une expertise de l’ensemble immobilier, lequel a déposé son rapport le 26 mai 2015.

Monsieur Y a, quant à lui, déposé son rapport le 1er décembre 2015.

Par jugement rendu le 4 janvier 2016, le tribunal de commerce d’EVRY a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SARL TMG RESTAURATION et nommé Maître X, ès-qualités de liquidateur.

L’affaire a été rétablie au rôle par ordonnance du juge de la mise en état en date du 31 mai 2016.

Par conclusions en réponse en date du 3 novembre 2016, la SCI LA FERME DU Z demande au tribunal de :

— voir constater que pour l’essentiel les dommages à l’immeuble concernaient le 1er étage de celui-ci, lequel est exclu de la relation contractuelle,

— voir en tout état de cause constater que les locaux ont été isolés dans des conditions ne contrariant pas l’exploitation et ce conformément au constat dressé par l’expert lui-même,

— voir ainsi déclarer Maître X, ès-qualités, irrecevable et en tout cas mal fondé en toutes ses demandes à caractère indemnitaire,

— voir encore le déclarer irrecevable et en tout cas mal fondé en ses demandes indemnitaires en considération de l’absence de lien causal entre l’éventuelle défaillance du bailleur dans le cadre du traitement de l’entretien de l’immeuble et la baisse du chiffre d’affaires, voir l’absence de vente du fonds, ces conséquences étant liées aux caractéristiques des lieux,

Subsidiairement,

— voir dire et juger que la perte d’exploitation est inexistante (pas de régression du bénéfice) et que la valeur du fonds reste nulle (faute de proposition reçue par Maître X) et voir Maître X déclaré mal fondé en ses demandes indemnitaires,

Plus subsidiairement,

— voir constater en tout état de cause que la valeur du fonds ne saurait dépasser 50% du montant du chiffre d’affaires moyen des 3 derniers exercices, soit la somme de 187.500 euros,

Recevant la SCI LA FERME DU Z en sa demande reconventionnelle,

— voir condamner Monsieur X, ès-qualités, à rembourser :

* le montant des loyers consignés, soit la somme de 47.576,88 euros (attestation spéciale),

* le montant des loyers dus à compter de l’ouverture de la procédure collective, au visa de l’article L145-17 soit la somme de 21.858,96 euros,

— voir constater que la créance du bailleur représente :

* pour la période antérieure au jugement déclaratif 47.576,88 + 26.931,60 = 74.508,48 euros,

* le montant des loyers postérieurs au jugement déclaratif soit la somme de 21.858,96 euros,

— soit au total la somme de 96.367,44 euros,

— voir en cas de condamnation de la SCI LA FERME DU Z à titre de dommages et intérêts, ordonner la compensation entre cette somme et toute dette indemnitaire dont le bailleur pourrait éventuellement se trouver tenu,

— voir condamner Maître X, ès-qualités, au visa de l’article L145-17 du code commerce, au paiement de la somme de 100.000 euros au titre des réparations locatives minimales à effectuer dans les lieux loués en considération de l’état de restitution de ceux-ci,

— voir condamner Maître X, ès-qualités, au paiement d’une indemnité de 5.000 euros en remboursement des frais non taxables en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— voir ordonner l’exécution provisoire,

— voir condamner Maître X, ès-qualités, aux dépens.

Elle indique :

1 – sur la recevabilité de la demande aujourd’hui introduite

la SARL TMG RESTAURATION a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce d’EVRY en date du 4 janvier 2016,

Maître X, désigné ès-qualités de liquidateur, a déclaré renoncer à la poursuite du bail par courrier du 19 avril 2016,

il n’est donc plus question aujourd’hui de la détermination des travaux, de leur consistance et de leur répartition puisque le bail est résilié par l’initiative unilatérale de Maître X, ès-qualités, sous la forme de la lettre du 19 avril 2016,

l’action se résume donc aujourd’hui en une action strictement indemnitaire : elle est donc sans lien direct avec la demande d’origine ce qui la rend irrecevable au visa de l’article 4 du code de procédure civile,

2 – sur la faute revendiquée

la SARL TMG RESTAURATION revendique la faute du bailleur dans le cadre de l’acquittement de ses obligations contractuelles et notamment en termes d’entretien de l’immeuble et affirme que cette faute est en lien causal avec une perte d’exploitation suivie d’une déclaration de cessation des paiements,

or les clauses du bail prévoient que toutes les réparations, même celles visées à l’article 606 du code civil, sont à la charge exclusive du preneur,

c’est dans ce contexte que l’expertise a été ordonnée,

l’expert indique :

* les gros travaux de l’article 606 concernant la couverture du bâtiment ancien ont été réalisés en 2006,

* si l’expert précise que le ravalement du bâtiment du fond est à refaire, il précise néanmoins qu’un ravalement sommaire à la peinture coûte 5.760 euros, qu’un ravalement à l’outil avec échafaudage coûte 20.160 euros, le premier relevant des menus travaux et le second relevant de l’appréciation du tribunal,

* s’agissant du bâtiment sur rue et cour, l’expert considère que le crépis est dans un état d’adhérence ne montrant aucun désordre, que les fissures peuvent être traitées par de menus travaux et que le ravalement est un travail de nettoyage qui n’est pas une grosse réparation,

* l’expert considère que le changement des menuiseries extérieures n’est pas une grosse réparation,

* pour le toit terrasse du bâtiment sur rue, il chiffre la réparation à 48.800 euros et la qualifie de grosse réparation,

* s’agissant les murs intérieurs, il considère qu’il ne s’agit pas de grosses réparations tout en indiquant que le remplacement des dalles de plafond tachées dans la salle des banquets pourrait être imputé au bailleur,

l’expert considère que les grosses réparations ne concernent que la toiture du bâtiment sur rue et la reprise d’une loggia sur façade cour, le tout pour 53.016 euros, les autres travaux ne procédant pas de l’obligation du bailleur,

le mauvais état de l’immeuble ne procède donc pas de la carence du bailleur, sauf pour la toiture du bâtiment en retour, le reste ressortant de la carence du locataire,

les arrêtés municipaux ne concernent que la situation du 1er étage (ancien hôtel) donc sans lien avec l’exploitation du fonds de commerce situé au rez-de-chaussée,

l’expert précise que l’immeuble ne présente aucun péril imminent, que pour des raisons de sécurité, il convient d’isoler le chantier du 1er étage,

3 – sur la faute du preneur

la SARL TMG RESTAURATION a adopté un comportement hostile à l’installation d’un locataire au 1er étage, alors que l’immeuble a toujours été destiné à l’usage de restaurant au rez-de-chaussée et d’hôtel au 1er étage, que la société TMG n’a que le rez-de-chaussée dans son lot, qu’elle a cependant annexé certains locaux du 1er étage quand ils étaient vides et envahi le parking de l’hôtel et des parties extérieures communes,

d’ailleurs, après la conclusion du bail au bénéfice de la société SCHORAN le 15 juillet 2014 pour les locaux du 1er étage, la société TMG a contrarié la réalisation des travaux de réhabilitation de l’hôtel,

un procès-verbal de constat d’huissier du 13 octobre 2015 confirme l’occupation illicite et exclusive de certains locaux du 1er étage par la société TMG, ce qui génère un préjudice au locataire du 1er étage,

en outre, alors que le jugement du 20 novembre 2014 avait autorisé la société TMG à consigner les loyers à la caisse des dépôts jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande relative aux travaux, la société TMG a cessé de consigner à compter de mars 2014,

4 – sur l’absence de lien causal entre la perte d’exploitation et la déclaration de cessation des paiements d’une part et la prétendue faute du bailleur d’autre part

même si l’expert a pointé une carence du bailleur dans la réalisation des travaux d’étanchéité du toit du bâtiment sur rue, il précise que cela n’a jamais interdit ni même contrarié l’exploitation,

la baisse du chiffre d’affaires et l’état de cessation des paiements restent donc sans lien avec cette situation,

à l’inverse, le preneur s’est montré défaillant dans le cadre de ses obligations contractuelles en interdisant l’exploitation du 1er étage dont il dénonçait pourtant l’absence d’entretien,

c’est Maître X lui-même qui a résilié le bail alors qu’il vient dire que la résiliation procède du comportement du bailleur et de sa faute,

5 – sur le préjudice

contrairement à ce qu’elle affirme, la société TMG n’a rien perdu en termes de bénéfice de 2011 à 2014,

Maître X a fixé la valeur du fonds à 374.405 euros alors même qu’il n’a reçu aucune offre, le fonds n’ayant aucune valeur marchande du fait de son implantation géographique et des caractéristiques internes des lieux qui sont surdimensionnés,

6 – sur les demandes reconventionnelles de la SCI DE LA FERME DU Z

la consignation des loyers n’a plus lieu d’être puisque l’expertise est rendue et que le bail est résilié donc les loyers doivent être déconsignés et versés au bailleur, soit la somme de 47.576,88 euros,

la société TMG doit en outre les loyers de mars à décembre 2014, soit 26.431,60 euros,

de plus la dette locative a couru du 4 janvier 2016, date du jugement déclaratif, au 23 juin 2016, soit sur 6 mois pour constituer une créance de la liquidation, soit 21.858,96 euros,

en fin, la remise en état des locaux représente à minima la somme de 100.000 euros.

Par conclusions n°2 en date du 30 décembre 2016, Maître X, ès-qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION demande au tribunal de :

— dire que sont de grosses réparations incombant au bailleur :

* la réfection complète du toit au-dessus du grill et de la salle de banquet ainsi que des loggias, d’une valeur de 53.016 euros TTC,

* les remises en état du toit fuyard d’une valeur de 500 euros TTC,

* le ravalement du bâtiment ancien estimé à 20.160 euros TTC,

— constater que la SCI LA FERME DE Z n’a réalisé aucun des travaux lui incombant et a laissé dépérir le local commercial dans lequel était exploité le fonds de commerce de la SARL TMG RESTAURATION,

— dire que la SCI LA FERME DE Z a engagé sa responsabilité à l’égard de la société TMG RESTAURATION,

— la condamner à réparer les préjudices subis par la société TMG RESTAURATION, représentée par Maître X, ès-qualités,

— condamner la SCI LA FERME DE Z à payer à Maître X, ès-qualités :

* la somme de 181.785 euros à titre de dommages et intérêts pour perte d’exploitation,

* la somme de 374.405 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du fonds de commerce,

— débouter la SCI LA FERME DE Z de ses demandes,

— autoriser Maître X, ès-qualités, à obtenir de la caisse des dépôts et consignations le décaissement de la somme de 47.576,88 euros en application de l’exception d’inexécution ou subsidiairement en compensation de la réparation des préjudices subis et dus par la SCI LA FERME DU Z,

— ordonner l’exécution provisoire,

— condamner la SCI LA FERME DU Z à payer à Maître X, ès-qualités, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux dépens, avec distraction au profit de son conseil.

Il indique :

1 – sur les désordres affectant l’immeuble objet du bail

l’expert a constaté :

* sur le ravalement : le tribunal appréciera si le ravalement, qui nécessite en l’espèce de piocher l’enduit existant et de le refaire en totalité, constitue une grosse réparation et si la différence de prix (14.400 euros TTC) entre un ravalement au pinceau et un ravalement à l’outil est imputable au preneur,

* sur le changement des menuiseries : ce n’est pas une grosse réparation,

* toit terrasse su bâtiment sur rue : c’est une grosse réparation dont le coût est estimé à 40.800 euros TTC, de même que l’étanchéité de la loggia, qui est urgente, pour 12.216 euros TTC,

* assainissement des murs intérieurs et réfection des peintures : ce n’est pas une grosse réparation,

* escalier d’accès à la cave : la mise en sécurité n’est pas une grosse réparation,

* les dalles du plafond dans la salle de banquet : les taches constituent une réparation qui intervient par carence du bailleur à assurer l’étanchéité du toit (500 euros TTC),

l’expert conclut que sont à la charge du bailleur la réfection complète du toit au-dessus du grill et de la salle de banquet ainsi que les loggias pour 53.016 euros TTC et les remises en état du toit fuyard pour 500 euros TTC,

il laisse à l’appréciation du tribunal le ravalement du bâtiment ancien (20.160 euros TTC),

le contrat de bail signé le 1er octobre 1999 mentionne que l’état général du bâtiment exigeant une reprise complète que le bailleur entend effectuer dans les 5 ans, les grosses réparations jusqu’à la réalisation des dits travaux restant à la charge du bailleur,

par courrier du 19 avril 2016, Maître X a notifié au bailleur la résiliation du bail, étant dans l’impossibilité de trouver un repreneur en raison de l’état des locaux,

c’est le défaut de réalisation des grosses réparations par le bailleur qui n’a pas permis l’exploitation du fonds dans les conditions du bail,

donc le bailleur sera condamné à effectuer ces grosses réparations,

2 – sur la responsabilité du bailleur dans la perte d’exploitation du preneur

le preneur a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 4 janvier 2016 car il n’a pu poursuivre son exploitation en raison des nombreux manquements du bailleur à ses obligations contractuelles,

l’état de délabrement des locaux et la défaillance fautive du bailleur ont contraint le preneur à déposer le bilan,

d’ailleurs, la mairie a rendu un arrêté de péril des locaux,

dès la conclusion du bail, le bailleur savait qu’il devait réaliser de gros travaux et il ne les a pas effectués,

le bailleur n’a pas suivi les préconisations de l’expert qui a défini les grosses réparations,

par contrat du 15 juillet 2014, le bailleur a donné à bail à la société SCHORAN les locaux du 1er étage pour l’exercice d’une activité d’hôtellerie restauration,

cette société a commencé de gros travaux mais ils n’ont pas été faits dans les règles de l’art et la société a déserté les lieux en octobre 2014, laissant les lieux dans un état portant atteinte à la sécurité de la société TMG RESTAURATION,

cela a amené la mairie a saisir le tribunal administratif, lequel a nommé un expert pour examiner le bâtiment,

l’expert a conclu en indiquant qu’il faillait isoler à très bref délai de façon parfaite le chantier du 1er étage du reste de l’immeuble, vérifier les appuis des linteaux du 1er étage et effectuer à la suite les travaux confortatifs nécessaires, évacuer les gravois laissés sur le plancher,

à court terme, l’expert a préconisé de procéder au désossement des pièces de bois des planchers et de la charpente de la toiture pour examiner leur état et faire les travaux confortatifs nécessaires, remanier la couverture de l’extension sud-est du bâtiment ancien et réaliser sur la toiture terrasse du bâtiment de liaison une étanchéité conforme aux règles de l’art ou équiper ce bâtiment d’une toiture classique,

le bailleur s’est volontairement abstenu de réaliser ces travaux, ce qui a conduit à la liquidation du preneur et la résiliation du bail,

de plus, la mairie de Z a pris un arrêté de péril ordinaire le 31 août 2015,

il est donc établi que le bailleur a engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l’article 1147 du code civil ancien, et que ses fautes ont causé de multiples préjudices au preneur,

le bailleur a tenté de couvrir ses fautes en délivrant au preneur un commandement visant la clause résolutoire non pas pour défaut de paiement des loyers mais pour de prétendues violations du bail,

3 – sur le préjudice du preneur

il est constitué par :

* la perte d’exploitation résultant de la dégradation des locaux du fait fautif du bailleur : 181.785 euros,

* la perte du fonds de commerce estimé à 374.405 euros,

en ce qui concerne la déconsignation des loyers, il appartient au bailleur de saisir le JEX,

les sommes déjà consignées doivent être versées entre les mains de Maître X,

dans le cas contraire, ces sommes se compenseront avec les préjudices subis par le preneur.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 1er juin 2017.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes

Attendu que la SCI LA FERME DE Z soutient que Maître X, ès-qualités, est irrecevable en ses demandes, sur le fondement de l’article 4 du code de procédure civile au motif dans ses conclusions en ouverture de rapport du 23 mai 2016, Maître X ne présente que des demandes indemnitaires qui sont sans lien direct avec l’assignation d’origine ;

Attendu cependant que dans ses conclusions, Maître X, ès-qualités, ne fait que reprendre à son compte les conclusions du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur Y qui définit les grosses réparations incombant au bailleur ; que le liquidateur présente des demandes indemnitaires liées au fait que le bailleur n’aurait pas réalisé les dites réparations lui incombant ; que dans ces conditions, les demandes de Maître X, ès-qualités, sont recevables ;

Sur les fautes revendiquées du bailleur

Attendu que Maître X, ès-qualités, soutient que le bailleur a commis des fautes notamment en ne réalisant pas les grosses réparations de l’immeuble lui incombant, ces fautes ayant précipité la liquidation judiciaire de la SARL TMG RESTAURATION ;

Attendu que les parties sont en désaccord que la qualification des travaux à réaliser sur l’immeuble et sur le fait de savoir qui aurait dû ou doit les exécuter, ainsi que sur le fait de savoir si l’état de délabrement du bâtiment est la cause de la liquidation judiciaire de la SARL TMG RESTAURATION ;

Attendu que Monsieur Y, expert judiciaire, a rendu son rapport le 1er décembre 2015 ; qu’il indique :

sur le ravalement du bâtiment du fond :

* l’enduit est vétuste, le ravalement est à refaire avec retour au support, tant pour l’aspect que pour la sécurité en raison de chutes de matériaux ;

* les ravalements sont de menus travaux lorsqu’ils sont constitués de raccords localisés et de peinture mais dans le cas présent il faudra piocher l’enduit existant et le refaire en totalité,

* ce sont des travaux plus importants pour cause d’économies et malfaçons commises dans les années 60,

* le tribunal appréciera si ce type de ravalement constitue une grosse réparation,

sur le ravalement sur rue et cour du bâtiment grill et banquets : ce ravalement constitue exclusivement un travail de nettoyage et peinture qui n’est pas une grosse réparation,

sur le changement des menuiseries extérieures : ce n’est pas une grosse réparation,

[…]

* en dépit de réparations anciennes, le toit est toujours fuyard d fait du non entretien mais surtout du mauvais état du matériau lui-même,

* la réfection est une grosse réparation,

* il doit être réalisé une étanchéité de la loggia sur façade cour, ce qui est une grosse réparation urgente,

assainissement des murs intérieurs et réfection des peintures du bâtiment ancien : ce n’est pas une grosse réparation mais un travail d’entretien ou d’adaptation à l’usage du local,

escalier d’accès à la cave : sa mise en sécurité n’est pas une grosse réparation,

les dalles de plafond tachées dans la salle des banquets : il ne s’agit pas d’un entretien mais de la carence du bailleur à assurer l’étanchéité du toit,

Attendu qu’au final, l’expert qualifie de grosses réparations la seule réfection complète du toit au-dessus du grill et de la salle de banquets ainsi que les loggias ; qu’il laisse à l’appréciation du tribunal le ravalement du bâtiment ancien ;

Attendu que le bail d’origine signé le 1er octobre 1999 entre la SCI LA FERME, aux droits de laquelle vient la SCI LA FERME DE Z, et la SARL TMG RESTAURATION prévoit que :

conditions générales : « Toutes les réparations à faire aux biens loués pendant la durée du bail, qu’il s’agisse de réparations locatives ou d’entretien ou même des grosses réparations visées à l’article 606 du code civil, sont à la charge exclusive du preneur. »,

conventions spéciales : « Toutes les grosses réparations intérieures et extérieures, réfections de quelque nature qu’elles soient, tant intérieures qu’extérieures, seront à la charge exclusive du preneur, le loyer ayant été fixé compte tenu de cet engagement.

Néanmoins, l’état général du bâtiment exigeant une reprise complète que le bailleur entend effectuer dans les cinq ans à venir, il est expressément convenu que jusqu’à la réalisation desdits travaux, toutes les grosses réparations resteront à la charge du bailleur… » ;

Attendu qu’il est établi que le bailleur d’origine a pris en charge en 2006 la réfection de la couverture du bâtiment ancien du fond, endommagé par la tempête de 1999, pour la somme de 96.720 euros TTC ;

Attendu cependant qu’il n’est pas démontré que des travaux de reprise complète du bâtiment aient été réalisés par le bailleur, conformément aux stipulations du bail ; qu’au contraire il est établi par le constat d’huissier du 6 novembre 2011 et le rapport TAUZIN du 28 mai 2012 que l’immeuble se dégradait peu à peu, que ce soit au niveau des ravalements, des façades ou des toitures ; que l’expert judiciaire indique également les infiltrations au niveau du toit et des loggias résultent de la carence du bailleur qui n’a pas assuré l’étanchéité du toit ;

Attendu en outre qu’il est également établi que les niveaux du 1er étage (hors assiette du bail de la SARL TMG RESTAURATION) ont été donnés à bail à un tiers qui a établi un projet architectural en attente d’autorisation de travaux pour l’aménagement de chambres d’hôtel, au-dessus des locaux de la SARL TMG RESTAURATION ; que les démolitions ont commencé par quelques cloisons et surtout la dépose des fenêtres et porte-fenêtres sur balcons du bâtiment sur rue ; qu’ainsi les baies et fenêtres sont largement ouvertes à l’air et à l’eau au-dessus de la salle des banquets ; que le locataire du 1er étage a quitté les lieux sans terminer les travaux ; que ces travaux non terminés ont aggravé l’état de délabrement de l’immeuble ;

Attendu qu’il résulte de ces éléments que la SCI LA FERME DU Z a commis une faute contractuelle en ne réalisant pas les réparations nécessaires et en laissant le bâtiment se dégrader ;

Attendu cependant qu’il appartient à la SARL TMG RESTAURATION, qui sollicite l’indemnisation de ses préjudices, de démontrer leur lien de causalité avec la faute du bailleur, à savoir que les fautes de la SCI LA FERME DU Z sont la cause de sa déconfiture ;

Attendu qu’à l’examen des comptes de la preneuse depuis 2012, il apparaît que ses résultats d’exploitation sont restés relativement stables, soit :

chiffre d’affaires 2012 : 375.405 euros,

chiffre d’affaires 2013 : 381.247 euros,

chiffre d’affaires 2014 : 366.563 euros ;

Attendu que le fait que Maître X ne soit pas parvenu à présenter un plan de redressement ou de cession ne suffit pas à caractériser un lien de causalité entre la déconfiture de la SARL TMG RESTAURATION et les fautes du bailleur ;

Attendu que la SARL TMG RESTAURATION ne produit aucun autre élément susceptible de démontrer que les fautes du bailleur sont la cause de ses difficultés d’exploitation ; que ses demandes de dommages et intérêts pour perte d’exploitation et perte de fonds de commerce seront donc rejetées ;

Sur le sort des loyers consignés

Attendu que par ordonnance de référé en date du 11 septembre 2012, confirmée par arrêt de la cour d’appel de PARIS en date du 5 juin 2014, la SARL TMG RESTAURATION a été autorisée à consigner le montant des loyers entre les mains de la caisses des dépôts et consignations jusqu’à la fixation du loyer du bail renouvelé ;

Attendu qu’aucun loyer n’a été fixé ;

Attendu que les échéances de septembre 2012 à mars 2014 ont été consignées par la SARL TMG RESTAURATION ; qu’elle a cessé toute consignation à compter du mois de mars 2014 ;

Attendu que la SARL TMG RESTAURATION a été placée en liquidation judiciaire par décision du 4 janvier 2016 ;

Attendu qu’il convient donc d’ordonner la déconsignation des loyers consignés au profit de la SCI LA FERME DE Z, ces sommes étant dues au bailleur au titre des loyers ;

Attendu qu’en outre, la SARL TMG RESTAURATION est redevable des loyers de mars 2014 au au 23 juin 2016, date de la remise des clés des locaux par Maître X, ès-qualités ;

Attendu qu’il convient en conséquence de fixer au passif de la liquidation de la SARL TMG RESTAURATION les loyers antérieurs à la liquidation du 4 janvier 2016, soit la somme de 74.508,48 euros, et de condamner la SARL TMG RESTAURATION à payer à la SCI LA FERME DU Z les loyers postérieurs à la liquidation, soit la somme de 21.858,96 euros ;

Sur la demande au titre des réparations locatives

Attendu que la SCI LA FERME DE Z sollicite la condamnation de Maître X à lui payer la somme de 100.000 euros au titre des réparations locatives minimales à effectuer dans les lieux loués ; qu’il prétend que les lieux ont été dévastés, tous les éléments démontés et les locaux rendus dans un état inacceptable ;

Attendu cependant qu’aucun état des lieux n’est produit aux débats ; que le tribunal n’est donc pas en mesure de déterminer si des dégradations affectent bien les locaux et dans l’affirmative si elles sont le fait du locataire ;

Attendu que dans ces conditions, la demande de la SCI LA FERME DE Z à ce titre sera rejetée ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que l’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Maître X, ès-qualités, à payer à la SCI LA FERME DE Z la somme de 1.000 euros à ce titre ;

Attendu que Maître X, ès-qualités, sera condamné aux dépens, avec distraction au profit de l’avocat qui en a fait la demande ;

Attendu que la nature de l’affaire justifie le prononcé de l’exécution provisoire;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Déclare les demandes de Maître B C X, ès-qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION, recevables ;

Déboute Maître B C X, ès-qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION, de ses demandes indemnitaires ;

Ordonne la déconsignation des loyers consignés à la caisse des dépôts et consignations au profit de la SCI LA FERME DE Z ;

Fixe au passif de la liquidation de la SARL TMG RESTAURATION les loyers antérieurs à la liquidation judiciaire du 4 janvier 2016, soit la somme de soixante quatorze mille cinq cent huit euros et quarante huit cents (74.508,48 euros) ;

Condamne la SARL TMG RESTAURATION, représentée par son liquidateur, à payer à la SCI LA FERME DU Z les loyers postérieurs à la liquidation judiciaire, soit la somme de vingt et un mille huit cent cinquante huit euros et quatre vingt seize cents (21.858,96 euros) ;

Condamne Maître B C X, ès-qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION, à payer à la SCI LA FERME DE Z la somme de mille euros (1.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Maître B C X, ès-qualités de liquidateur de la SARL TMG RESTAURATION, aux dépens, avec distraction au profit de l’avocat qui en a fait la demande ;

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties.

Ainsi fait et rendu le TRENTE NOVEMBRE DEUX MIL DIX SEPT, par Sandrine LABROT, Vice-Présidente, assistée de Annie JUNG-THOMAS, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Tribunal de grande instance d'Évry, 8e chambre, 30 novembre 2017, n° 16/04139