Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 1er octobre 2003, n° 01/05298

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 1re ch., 1er oct. 2003, n° 01/05298
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 01/05298

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTERRE

1re Chambre A

JUGEMENT RENDU LE 01 Octobre 2003

N° R.G. : 01/05298

AFFAIRE

X Y, Z A

C/

D E, S.A. LES PRODUCTIONS DE LA FOURMI, S.A. SOCIETE VIVENDINET PORTAIL MULTI-ACCES, F-G H, S.A. […]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Francine LEVON-GUERIN, Premier vice-président

Evelyne LOUYS, Vice-président

Marie-Christine COURBOULAY, Vice-président

Assistées de Emmanuelle MALPIECE, Greffier

DEMANDEURS

Monsieur X Y

[…]

[…]

Monsieur Z A

[…]

[…]

représentés par Me Corinne LE FLOCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1848

DEFENDEURS

Maître D E

[…]

[…]

représenté par Me Christine MARGUET LE BRIZAULT, avocat au barreau de HAUTS DE SEINE, vestiaire : PN193

S.A. LES PRODUCTIONS DE LA FOURMI

[…]

[…]

Monsieur F-G H

[…]

[…]

S.A. […]

[…]

[…]

représentés par Me Nathalie DREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R234

S.A. SOCIETE VIVENDINET PORTAIL MULTI-ACCES

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Pierre LENOIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 022

DEBATS

A l’audience du 25 Juin 2003 tenue publiquement ;

JUGEMENT

prononcé en audience publique par décision Contradictoire et en premier ressort

X Y et Z A ont réalisé entre le 1er et le 14 mars 2000 un film de démonstration intitulé MAP SFR , produit par la société Les productions de la fourmi, destiné à présenter sous la forme d’un cube défilant les services multi-médias de la société Vivendinet Portail multi-accès , aujourd’hui dénommée Vizzavi France.

Ils ont perçu un salaire de réalisateur et X Y a reçu une somme de 4 224 euros déclarée auprès de l’AGESSA ;

Par contrat du 22 mai 2000 complété par un avenant du 19 septembre 2000 la société productrice a cédé à la société Vizzavi France, moyennant les sommes de 320 000 francs et de 300 000 francs l’ensemble des droits d’auteur dont elle se déclare cessionnaire sur ce produit audiovisuel.

La société La souris verte interactive et son président directeur général, F-G H, également président directeur général de la société productrice, ont procédé auprès de la SACD, respectivement le 1er mars et les 7 mars et 5 mai 2000, au dépôt de manuscrits titrés MAP SFR (concept graphique, scénario, cassette), dont ce dernier se déclare être l’unique auteur.

Estimant que ces intervenants ont commis des actes de contrefaçon à leur détriment en l’absence de cession au producteur de leurs droits d’auteur sur l’oeuvre audiovisuelle MAP SFR qu’ils ont réalisée, X Y et Z A les ont fait assigner par acte du 23 mars 2001, dénoncé le 5 décembre 2002 aux organes de la liquidation judiciaire de la société Les productions de la fourmi.

Aux termes de leurs dernières écritures en date du 24 mars 2003, ils revendiquent le statut d’auteurs et sollicitent l’allocation des sommes de 40 653,08སྒྱ, 10 163,26སྒྱ et de 20 326,54སྒྱ et 5 081,63སྒྱ à chacun d’eux à titre provisionnel à valoir sur la réparation de leurs préjudices patrimonial et moral à définir à dire d’expert et la fixation à ces mêmes sommes des créances qu’ils détiennent sur les sociétés en liquidation .

Ils dénient en effet toute contribution créatrice intellectuelle ou artistique à F-G H qui s’est borné à jouer son rôle de producteur et aux deux sociétés en cause – Les productions de la fourmi et La souris verte interactive – qui ne renversent pas la présomption d’auteur édictée au profit des réalisateurs par l’article L113-7 du Code de la propriété intellectuelle et contestent à la note AGESSA toute valeur de cession de leurs droits d’auteur , de sorte que la contrefaçon est constituée. Ils imputent à faute à Vizzavi France l’exploitation de l’oeuvre litigieuse en l’absence de tout contrôle de la réalité des droits allégués.

Ils font également grief à F-G H et à La souris verte interactive et à la société productrice qui est complice, d’avoir porté atteinte à leur droit moral en s’appropriant leur qualité d’auteur lors des dépôts SACD et craignent que le droit au respect de leur oeuvre ait été méconnu .

Soulignant l’absence de communication de pièces relatives à l’exploitation contrefaisante de l’oeuvre et à ses adaptations, les demandeurs sollicitent l’organisation d’une mesure d’expertise afin de déterminer l’ampleur de leur préjudice – Z A n’ayant rien perçu au titre de l’exploitation et X Y n’ayant reçu qu’une somme de 4 224སྒྱ. Ils rappellent que le coût de production s’est élevé à la somme de 232 042སྒྱ, que les droits d’exploitation ont été acquis pour une somme hors taxe de 300 000 francs et que le coût de l’option sur les droits d’exploitation sur la création graphique s’élève à une somme d’un même montant, ce qui justifie la provision réclamée .

La société La souris verte interactive et F-G H, qui exposent avoir déposé auprès de la SACD, l’une l’oeuvre audiovisuelle, avec description du concept graphique développé dès le 1er mars 2000, l’autre, le scénario et la cassette , le 7 mars et le 5 mai 2000, s’opposent à l’ensemble des demandes dans leurs écritures en date du 7 novembre 2001, dont ils se bornent à réclamer le bénéfice le 5 mars 2002 . Ils font valoir que les demandeurs sont contributeurs techniques en leur qualité de réalisateurs du film et non pas auteurs, n’ayant joué aucun rôle créateur personnel dans la réalisation de l’oeuvre et en particulier du concept graphique du cube en trois dimensions. Ils soutiennent également qu’à supposer que leur soit reconnue la qualité d’auteurs, les demandeurs ont cédé leurs droits au producteur aux termes de la note AGESSA signée le 28 mars 2000 par X Y .

M° D E, mandataire liquidateur de la société Les productions de la fourmi désigné en cours de procédure, s’en rapporte à justice aux termes de ses dernières écritures en date du 25 février 2003, en observant que toute nouvelle créance ne peut être que constatée et fixée en vue de son inscription sur l’état des créances de la société en liquidation .

Dans ses dernières écritures du 3 mars 2003, la société Vizzavi France s’en remet aux arguments développés par les autres défendeurs en soulignant d’une part que les demandeurs ne prouvent pas qu’ils ont effectivement participé à la création intellectuelle de l’oeuvre litigieuse et non pas simplement à sa réalisation matérielle et technique , alors que F-G H justifie de trois dépôts auprès de la SACD, portant sur l’objet litigieux et en contestant d’autre part les actes de contrefaçon allégués mais non démontrés, dès lors que toute exploitation – au demeurant limité à un usage interne, a cessé . Subsidiairement, elle se prévaut de la garantie contractuelle de la société productrice .

Les parties ont sollicité le bénéfice de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile .

L’affaire a été clôturée le 5 mai 2003 et fixée à plaider à l’audience du 25 juin suivant . F-G H et M° D E , es qualité, ont fait déposer leur dossier .

****************

Attendu que le réalisateur, personne physique, est présumé coauteur d’une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration ; qu’il ne peut cependant prétendre à ce statut lorsque son concours est réduit à une pure prestation technique d’exécutant dans la réalisation de l’oeuvre;

Attendu qu’il appartient aux défendeurs qui entendent exclure les demandeurs, salariés en qualité de réalisateurs de l’oeuvre audiovisuelle litigieuse, du cercle des coauteurs, de renverser cette présomption en démontrant qu’ils ne sont intervenus qu’ en qualité d’auxiliaires techniques , sans aucun apport personnel;

Mais attendu que les simples affirmations des défendeurs selon lesquelles le concours des demandeurs s’est limité à la banale mise en oeuvre de prestations techniques sous les directives techniques et créatrices de F-G H, sont contredites par les nombreuses attestations mises aux débats émanant des membres de l’équipe qui présentent des garanties suffisantes permettant d’emporter la conviction du tribunal ;

qu’en effet il résulte de ces témoignages que l’équipe a travaillé sous la seule direction tant technique qu’artistique des demandeurs, responsables de la réalisation du film, -image et son dont ils ont seuls assuré le montage , F-G H n’étant intervenu que pour donner son avis et son aval;

que plus particulièrement en ce qui concerne le graphisme , il est établi que X Y avait conçu dès le 27 février 2000 le cube et le principe de son animation et que la fabrication du cube et ses différentes versions intégrées en post -production ont été élaborées sous ses seules directives;

que de même il est rapporté que les demandeurs ont conçu le scénario et donné seuls des directives de mise en scène et des indications de jeu ;

que dès lors le dépôt, notamment du concept de l’ image déroulante d’un cube à trois dimensions, effectué à l’instigation du commanditaire, le premier jour du tournage (attestation mise au débat par les défendeurs), ne suffisent pas à eux seuls à renverser la présomption légale de titularité de droits d’auteur sur l’oeuvre audiovisuelle dont bénéficie les réalisateurs;

qu’il est ainsi suffisamment justifié des apports créatifs personnels des deux réalisateurs , de sorte que leur prestation répond aux caractéristiques d’une oeuvre de l’esprit dont l’originalité est au demeurant reconnue par les défendeurs ;

Attendu qu’il n’est justifié en l’état d’aucune cession régulière des droits des réalisateurs au producteur, la note AGESSA, si elle atteste du bénéfice de son titulaire du régime de sécurité sociale propre aux auteurs , ne constitue pas un acte de cession répondant aux exigences impératives de la loi en ce domaine ;

Attendu que l’appropriation exclusive des droits d’auteur sur l’oeuvre litigieuse est constitutive de contrefaçon et ouvre droit à réparation du préjudice moral qui sera supportée par les deux déposants ;

Attendu qu’en l’état des écritures de Vizzavi France (page 6 des conclusions du 3 mars 2003), l’usage démonstratif auquel l’oeuvre a servi et qui a au demeurant cessé, n’est pas contredit ;

qu’il s’ensuit qu’en l’absence de preuve d’une diffusion à des fins commerciales de cet outil confronté à l’évolution rapide des techniques et des modes artistiques, le tribunal trouve dans les pièces mises aux débats les éléments permettant d’évaluer aux sommes de 15 000སྒྱ et de 7 000 སྒྱ le préjudice patrimonial subi par chacun des demandeurs et à celle de 5 000སྒྱ leur préjudice moral, sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’expertise ;

Attendu que les demandeurs requièrent du tribunal qu’il fixe les créances des sociétés Les productions de la fourmi et La souris verte interactive, tenues “solidairement” au paiement des dommages et intérêts ; qu’il n’y a lieu cependant d’y procéder qu’en ce qui concerne la première de ces sociétés , aucune procédure collective n’ayant été entreprise contre la seconde, de sorte qu’une condamnation doit être prononcée à l’encontre de cette dernière, tenue in solidum avec les autres défendeurs au paiement indemnitaire ;

Attendu que la société Les productions de la fourmi a conventionnellement déclaré et garantit être cessionnaire des droits d’auteur dans ses rapports avec le ou les créateurs, personnes physiques qui ont participé à la réalisation de l’oeuvre ;

qu’il s’ensuit que le grief adressé à la société Vizzavi, tiré de l’absence de contrôle des droits d’auteur, est dépourvu de pertinence; qu’en outre la société cédante qui n’a pas assuré à la société Vizzavi l’exercice paisible des droits cédés doit la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre au titre de l’exploitation litigieuse de l’oeuvre non libre de droits ;

Attendu que les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile bénéficieront aux demandeurs dans les termes du dispositif ;

P A R C E S M O T I F S

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort ,

Condamne in solidum F-G H, La souris verte interactive et la société Vizzavi France à payer à X Y et à Z A respectivement les sommes de QUINZE MILLE ( 15 000) EUROS et de SEPT MILLE (7 000)EUROS en réparation de leur préjudice patrimonial;

Condamne in solidum F-G H et La souris verte interactive à payer à chacun des demandeurs la somme de CINQ MILLE (5 000)EUROS en réparation de leur préjudice moral;

Fixe aux sommes de QUINZE MILLE(15 000) EUROS et de SEPT MILLE ( 7 000) EUROS les créances respectives de X Y et de Z A sur la société les productions de la fourmi tenue à leur paiement in solidum avec les autres défendeurs ;

Dit que les société les productions de la fourmi sera tenue à garantir Vizzavi des condamnations prononcées à son encontre du chef de sa contrefaçon ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Condamne in solidum les défendeurs à payer à chacun des demandeurs la somme de DEUX MILLE (2 000) EUROS en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;

Condamne in solidum les défendeurs aux dépens .

Fait et Jugé à NANTERRE, le 1er OCTOBRE 2003.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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