Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 5 septembre 1997

  • Application de la loi du 31 décembre 1964·
  • Tromperie sur l'origine geographique·
  • Préjudice commercial devalorisation·
  • Numero d'enregistrement 1 602 282·
  • Nom geographique, nom de commune·
  • Appréciation à la date du dépôt·
  • Notoriete de la commune·
  • Appellation d'origine·
  • Caractère deceptif·
  • Signe appropriable

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Fabrication des produits a saint tropez ou par un commercant de saint tropez ou selon une recette particuliere a saint tropez ou a sa region (non)

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 5 sept. 1997
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Publication : PIBD 1997 643 III-620
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : SAINT-TROPEZ;LA PIZZA DE ST TROPEZ
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1602282
Classification internationale des marques : CL30
Liste des produits ou services désignés : Pizzas surgelees
Référence INPI : M19970491
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La commune de SAINT TROPEZ est titulaire de la marque dénominative « SAINT- TROPEZ » déposée le 2 MARS 1992 et enregistrée sous le numéro 408122 pour désigner des produits relevant de toutes les classes. Monsieur V indique être titulaire :

- de la marque « la PIZZA de St TROPEZ », déposée le 18 AOUT 1980 sous le n 571821, enregistrée sous le n 1147224 et renouvellée le 9 juillet 1990 sous le n 1602282 pour désigner, en classe 30, des pizzas surgelées.

- de la marque semi-figurative « la PIZZA de ST TROPEZ » « VALAIS », déposée le 31 AOUT 1994 et enregistrée sous le n 94335085 pour désigner des pizzas surgelées. Il indique avoir donné licence de ces marques à la société VALAIS PRODUCTION. La commune de SAINT TROPEZ a, le 20 décembre 1993 fait constater par M C, Huissier de justice, qu’étaient offertes à la vente dans un magasin parisien des pizzas dont les emballages portaient la mention « la PIZZA de ST TROPEZ », avec en dessous « VALAIS », puis « cuite au feu de bois » et en bas le dessin d’un port avec le long des quais des maisons. Au dos en partie basse, figurait la mention « Valais production SA route d’Aix en Provence 84120 PERTUIS FRANCE » La commune de SAINT TROPEZ a, le 24 février 1995, assigné Monsieur V et la société VALAIS PRODUCTION afin de faire juger que l’apposition des marques « la PIZZA de ST TROPEZ » sur le conditionnement des pizzas surgelées fabriquées par la société VALAIS PRODUCTION en un lieu autre que la commune de SAINT TROPEZ, contrevient aux dispositions des lois du 28 juillet 1824, 1 AOUT 1905 et 26 MARS 1930. Elle demande par conséquent au tribunal d’annuler les marques enregistrées sous les numéros 1602282 et 94535085 et de condamner solidairement les défendeurs à lui payer une somme de 1 000 000 francs à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 30 000 francs sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de procédure Civile. Monsieur V et la société VALAIS PRODUCTION s’opposent aux demandes et sollicitent une somme de 20 000 francs au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Ils font valoir que la validité de la marque « la PIZZA de ST TROPEZ », doit être examinée au seul regard de la loi du 31 décembre 1964 et ne peut être contestée ; qu’en effet la marque est fantaisiste car elle évoque une origine sans être trompeuse sur l’origine du produit ; que le consommateur ne peut sérieusement établir un lien entre le lieu de fabrication du produit et des caractéristiques propres au produit tenant au nom géographique utilisé ; que la marque est purement fantaisiste, ni la ville ni la région n’étant réputées pour la fabrication de pizza ; qu’elle ne peut créer de confusion pour un

consommateur moyen quant aux qualités propres du produit et à son origine. Ils ajoutent que la demanderesse ne justifie d’aucun préjudice. La commune de SAINT TROPEZ maintient et développe les termes de son assignation. Elle expose qu’en adaptant le nom de SAINT TROPEZ, les défendeurs s’approprient un nom régi par le droit public, unique et indisponible, trompent le consommateur sur l’origine du produit et s’emparent du patrimoine commun des entreprises implantées sur la commune. Elle ajoute que « l’indication d’un nom d’origine » est déceptive car inexacte, et descriptive, et que l’adoption comme marque, pour un produit que l’origine et les habitudes de consommation lient à la saison estivale, du nom notoire de ST TROPEZ ne peut être considéré comme un choix arbitraire ; qu’en outre, par l’association de son nom à un produit de grande consommation, elle se voit imposer une image peu valorisante ; qu’enfin, les dispositions des articles L 213-1 et L 121-1 du Code de la Consommation doivent conduire le tribunal à ordonner à la société VALAIS de modifier ses emballages, les modifications effectuées sur demande de la DGCRF n’apparaissant pas satisfaisantes. Monsieur V et la société VALAIS soutiennent que la commune de SAINT TROPEZ n’est ni recevable ni fondée à invoquer dans son assignation des textes abrogés, puis dans ses écritures postérieures des dispositions du Code de la consommation étrangères au droit des marques et insusceptibles de fonder une demande en annulation de marque. Ils soutiennent que la marque querellée ne peut être déceptive car le nom géographique : Saint Tropez est arbitraire par rapport aux produits désignés : pizzas surgelées ; qu’au surplus, l’indication du lieu de fabrication de ses produits sur les emballages remplit la fonction d’information du consommateur. Ils demandent reconventionnellement au tribunal de prononcer la nullité de la marque « SAINT TROPEZ » déposée par la commune de SAINT TROPEZ le 2 MARS 1992 et subsidiairement d’annuler cette marque « pour tous les produits alimentaires visés au dépôt n 1147224 et les produits alimentaires susceptibles de créer une confusion dans l’esprit du public avec les produits alimentaires visés audit dépôt. » Après radiation le 9 MAI 1996, puis rétablissement sur demande de la commune de SAINT TROPEZ, l’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 1996.

DECISION Il est justifié de l’enregistrement n 1147224 d’une marque semi figurative « la PIZZA de ST TROPEZ » avec dessin d’un four en activité et celui d’un petit port de pêcheurs dans une ville basse, déposée le 18 AOUT 1980. Il n’est pas constesté que cette marque ait été renouvellée le 9 juillet 1990 sous le n 1602282.

N’est versée aux débats qu’une demande d’enregistrement d’une marque semi-figurative « la PIZZA de ST TROPEZ », « VALAIS », avec dessin, déposée le 31 AOUT 1994 sous le n 17343. Il n’est pas établi que cette marque ait été enregistrée. Il n’est pas contesté que la société VALAIS PRODUCTION exploite la marque semi- figurative pour désigner des pizzas surgelées. La société VALAIS PRODUCTION est établie à Pertuis (84120) dans le Vaucluse, où elle fabrique les pizzas vendues sous la marque « la PIZZA de ST TROPEZ ». Elle précise que depuis 1993, elle fait figurer, à la demande de la DGCCRF formulée « pour renseigner le consommateur sur la véritable origine du produite, sur la face principale de l’emballage de ses pizzas, la mention : »fabriqué à Pertuis. Vaucluse« . La validité de la marque n 1147224 doit être examinée au regard de la loi du 31 décembre 1964 en vigueur lors de son dépôt le 18 AOUT 1980. Cette loi précise en son premier article que le nom géographique est un signe susceptible de constituer une marque valable. La commune de Saint Tropez n’est pas fondée à soutenir qu’un nom de commune ne peut faire l’objet d’une appropriation à titre de marque. Pour être valablement utilisé comme marque, le nom géographique ne doit pas, pour les produits désignés, constituer une appellation d’origine, ni une indication de provenance, et doit présenter en lui-même un caractère distinctif. La dénomination »la PIZZA de St TROPEZ« désigne des pizzas surgelées. Elle se compose du mot »pizza« , terme nécessaire pour désigner le produit visé au dépôt et du mot »Saint Tropez« , nom d’une commune particulièrement connue. Ces deux mots sont reliés par la préposition »de« . La dénomination »la PIZZA de St TROPEZ« n’est pas une appellation d’origine protégée par la loi, car la pizza n’est pas un produit d’origine tropézienne, et ne possède pas de caractères spécifiques dûs à des facteurs naturels ou humains propres à Saint Tropez. L’article 3 de la loi du 31 décembre 1964 interdit les marques »qui comportent des indications propres à tromper le public« et l’article 28 de la même loi réprime l’usage d’une marque portant des indications propres à tromper l’acheteur sur l’origine de l’objet désigné ». Le nom de Saint Tropez est celui d’une ville du sud de la France particulièrement connue sur l’ensemble du territoire. La renommée et le prestige de cette ville sont tels que la marque « la PIZZA de St TROPEZ » évoque dans l’esprit de la plus grande partie du public la ville de Saint Tropez, et donc un nom géographique, et non un terme de fantaisie.

S’il n’est pas établi que la commune de Saint Tropez soit spécifiquement connue du public pour une activité de fabrication et de commercialisation de pizza, ni que les pizzas soient fabriquées à Saint Tropez selon un procédé ou une recette spécifique ou originale, il n’est pas contesté que la pizza soit un plat associé, du fait de son origine italienne, à des régions méditerranéennes. Le fait que la préposition « de » relie dans la marque incriminée le mot « pizza » descriptif du produit désigné, au mot « Saint Tropez », insuffisant à lui-seul pour indiquer une provenance, est susceptible, du fait de la renommée attachée à la ville de Saint Tropez, de conduire le public à établir un lien de provenance ordinaire entre Saint Tropez et le produit visé au dépôt de la marque, et à penser que la pizza surgelée commercialisée sous cette marque est fabriquée à Saint Tropez ou par un commerçant de Saint Tropez ou selon une recette particulière à cette ville ou à sa région. La clientèle pouvant établir un lien entre la dénomination « la PIZZA de St TROPEZ » et le produit visé au dépôt de la marque, cette dénomination apparaît, lorsqu’elle est utilisée par une entreprise qui n’a aucun rapport avec la région de St Tropez, de nature à tromper le public sur l’origine du produit désigné. Sur les mesures réparatrices : Il sera fait droit à la demande de la commune de Saint Tropez tendant à l’annulation de la marque semi-figurative « La PIZZA de SAINT TROPEZ », déposée le 18 AOUT 1980, enregistrée sous le n 1147224 et renouvelles le 9 juillet 1990 sous le n 1602282 pour désigner, en classe 30, des pizzas surgelées. La commune de Saint Tropez ne justifiant pas de l’enregistrement de la marque « la PIZZA de SAINT TROPEZ », « VALAIS », avec dessin, déposée le 31 AOUT 1994 sous le n 17343, ne peut qu’être déboutée de sa demande tendant à l’annulation de cette marque. La commune de Saint Tropez soutient que le préjudice que lui causent les agissements des défendeurs résulte tant de la banalisation de son nom et de la nature des produits vendus par la société VALAIS, que de la gêne apportée au développement commercial de sa ville par l’appropriation de son nom par un tiers. Le préjudice commercial invoqué, n’est pas justifié et la nature des produits commercialisés par la société VALAIS n’apparaît pas susceptible de dévaloriser l’image de la commune. La fausse indication de provenance, inhérente à la marque annulé, a causé à la demanderesse un préjudice qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 50 000 francs. Sur les autres demandes :

Compte tenu des développements qui précèdent, Monsieur V devra être débouté de sa demande tendant à l’annulation de la marque « SAINT-TROPEZ » déposée le 2 MARS 1992 par la commune de Saint Tropez. L’équité conduit à allouer à la demanderesse une somme de 12 000 francs en remboursement forfaitaire des frais exposés. PAR CES MOTIFS : Le Tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort ; Prononce la nullité de l’enregistrement, de la marque « la PIZZA de St TROPEZ », déposée par Monsieur V le 18 AOUT 1980 sous le n 571821, enregistrée sous le n 1147224 et renouvellée le 9 juillet 1990 sous le n 1602282 pour désigner, en classe 30, des pizzas surgelées. Condamne in solidum Monsieur V et la société VALAIS PRODUCTION à payer à la commune de SAINT TROPEZ la somme de 50 000 francs à titre de dommages et intérêts et la somme de 12 000 francs en application de l’article du 700 Nouveau Code de procédure Civile. Déboute la commune de SAINT TROPEZ du surplus de sa demande. Déboute Monsieur V et la société VALAIS PRODUCTION de toutes leurs demandes. Dit qu’en ce qui concerne la nullité de la marque, le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis sur réquisition du greffier à l’INPI pour inscription au registre national des marques. Condamne in solidum Monsieur V et la société VALAIS PRODUCTION aux dépens.

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