Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 6 février 1998

  • Lettre dans un ovale assorti de pointes a chaque extremite·
  • Reproduction du modèle sur des catalogues et imprimes·
  • Modèles non vises dans l'acte introductif d'instance·
  • Saisies-contrefaçon multiples chez les distributeurs·
  • Procédure engagee anterieurement par les defendeurs·
  • Mode de fermeture et texture du carton différents·
  • Declinaison des modèles precedents du defendeur·
  • 1) modèle argue de contrefaçon straight jacket·
  • Reproduction des caracteristiques essentielles·
  • Numero d'enregistrement 946 518 et 951 214

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 6 févr. 1998
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE;MARQUE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : DM/034653;946518;951214;621035;94531192
Classification internationale des marques : CL09;CL18;CL25;CL28
Classification internationale des dessins et modèles : CL16-06
Liste des produits ou services désignés : Lunettes de soleil
Référence INPI : D19980186
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société de droit italien KILLER LOOP fabrique des lunettes de soleil qu’elle distribue en FRANCE. Elle est titulaire de l’enregistrement international numéro 621.035 du 16 juin 1994 sous priorité italienne du 25 mars 1994, d’une marque figurative représentant la lettre K dans un ovale assorti de pointes à chaque extrémité pour désigner des produits des classes 9, 18, 25 et 28 notamment des lunettes. La société KILLER LOOP est aussi titulaire du modèle international désignant la FRANCE numéro DM 034653 déposé le 8 novembre 1995 revendiquant la priorité d’un dépôt de modèle italien du 1er juin 1995. La société OAKLEY Inc. dessine, fabrique et commercialise aux ETATS-UNIS et dans le monde, des lunettes de soleil. Ces lunettes sont importées et distribuées en FRANCE, par la société OAKLEY EUROPE. La société OAKLEY est propriétaire d’une marque figurative constituée d’un ovale placé a l’horizontale, déposée à l’INPI, le 1er août 1994, enregistrée sous le numéro 94.531.192 notamment pour désigner des lunettes de soleil. Les 2 et 3 septembre 1996, la société KILLER LOOP a été autorisée par les Présidents des Tribunal de Grande Instance de PARIS et BOBIGNY à faire procéder à des saisies- contrefaçon dans les locaux de la société OAKLEY EUROPE et des magasins GRAND OPTICAL et SOLARIS. Les opérations de saisie ont eu lieu les 12 et 13 septembre 1996. Par exploits du 25 septembre 1996, la société KILLER LOOP a fait assigner les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, constater la nullité de la marque n 94.531 192 déposée frauduleusement par la société OAKLEY, la contrefaçon de la partie française de sa marque internationale n 621 035, la contrefaçon de son modèle DM 034653 et la commission d’actes de concurrence déloyale par les deux sociétés ainsi appelées à la cause. Elle réclame, outre des mesures d’interdiction et de publication, la condamnation in solidum des sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E à lui payer la somme de 1.500.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation des agissements précités. Elle sollicite, de plus, l’allocation d’une de 100.000 francs sur le fondement de l’article 700 du N.C.P.C. Les sociétés défenderesses relèvent que le Tribunal a déjà statué sur la contrefaçon de la partie française de la marque internationale n 621.035 et sur les agissements de concurrence déloyale invoqués dans le cadre d’une procédure engagée à leur initiative.

Elles produisent le jugement rendu le 31 octobre 1996 qui a débouté les parties de leurs demandes réciproques en nullité et radiation de marque et en contrefaçon de leurs marques respectives et qui a écarté les demandes fondées sur des agissements de concurrence déloyale. Elles estiment non fondée la demande en contrefaçon de modèle présentée par la société KILLER LOOP, leur modèle STRAIGHT JACKET n’étant qu’une déclinaison de leur précédent modèle EYE JACKET déposé antérieurement à celui de la demanderesse. Reconventionnellement, elles entendent obtenir la condamnation de leur adversaire au paiement à chacune d’une somme de 500.000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la dissimulation aux magistrats ayant autorisé les saisies-contrefaçon de l’existence d’une procédure déjà engagée devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS et de l’exécution de ces saisies qui doivent être considérées comme abusives Elles souhaitent voir publier le jugement de ce chef et obtenir une somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles. A 1'examen du dépôt de modèle DM 034653 produit par la société KILLER LOUPS, les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E estiment que le modèle 2 (présenté en 2.1, 2.2 et 2.3)et le modèle 5 (figures 5.1, 5.2 et 5.3) constituent respectivement des contrefaçons de ses propres modèles à savoir NORTHSIDE déposé à l’INPI sous le n 946518 le 7 décembre 1994 sous priorité américaine du 9 novembre 1994 et E-WIRE déposé à l’INPI le 30 janvier 1995 sous le n 951214 sous priorité américaine du 2 novembre 1994. Elles demandent la condamnation de la société KILLER LOOP à leur régler à chacune la somme de 1.000.000 francs et l’annulation partielle du dépôt du modèle incriminé. Par conclusions du 15 octobre 1997, la société KILLER LOOP souhaite se voir donner acte par le Tribunal de ce qu’elle renonce à son action en contrefaçon de marque. Elle maintient ses autres prétentions. Par ailleurs, elle considère la demande des défenderesses portant sur les modèles 2 et 5 de son propre dépôt irrecevables par application de l’article 70 du Nouveau Code de Procédure Civile. Enfin, elle sollicite le rejet des demandes reconventionnelles de ses adversaires.

DECISION I – SUR LA CONTREFAÇON DE LA MARQUE N 621.035 :

Attendu que la société KILLER LOOP a, par conclusion du 15 octobre 1997, renoncé à ses demandes relatives à la contrefaçon de sa marque n 621.035 par la marque OAKLEY n 94.531.192 ; qu’il convient de lui en donner acte ; II – SUR LA CONTREFAÇON DU MODÈLE 1 DU DÉPÔT 034653 PAR LE MODÈLE STRAIGHT JACKET : Attendu que le modèle n 1 de la société KILLER LOOP constituée d’une monture monobloc présente une apparence galbée design ; Attendu que les branches de lunettes sont pour partie en caoutchouc recourbées à une extrémité pour épouser le contour de l’oreille et pour l’autre partie en plastique coupée de manière verticale à l’autre extrémité afin de souligner la césure entre la partie centrale de la monture et le commencement des branches ; Attendu que l’étrier nasal est concave ; Attendu que la forme des verres est ellipsoidale pour le bord extérieur et droit pour le bord intérieur des lunettes ; Attendu que les défenderesses contestent la nouveauté de ce modèle dont les caractéristiques essentielles se retrouvent dans les modèles antérieurs de la gamme de lunettes JACKET à savoir le modèle EYE JACKET et le modèle TRENCH COAT introduits respectivement sur le marché en 1994 et 1995 ; Attendu qu’elles prétendent que l’évolution actuelle des lunettes tendrait vers des optiques de forme plus rectangulaires comme dans leur gamme de lunettes ZERO diffusée en 1994 et 1995 ; qu’ainsi leur modèle STRAIGHT JACKET s’inscrirait dans ce phénomène ; Attendu qu’elles soutiennent que, de ce fait, le modèle de la demanderesse ne pourrait être protégé ; Attendu que le modèle de la société KILLER LOOP se différencie des modèles EYE STRAIGHT et TRENCH COAT cités à titre d’antériorités par plusieurs éléments, les dimensions et la forme des verres qui ont un bord intérieur droit et une allure plus compacte et moins effilée ; que ces éléments lui confèrent une physionomie propre et originale ; Attendu que, par rapport aux modèles de la gamme ZERO, le modèle de la société KILLER LOOP présente un étrier nasal qui est partie intégrante de la lunette dont les verres ne sont pas dissociés ce qui est totalement différent de ce modèle même si ce dernier comporte des verres dont le bord intérieur tend à être droit ; Attendu qu’ainsi, même si certains éléments composant le modèle déposé pouvaient antérieurement avoir été utilisés par d’autres fabricants de lunettes, leur combinaison par la société KILLER LOOP apparaît nouvelle et empreinte d’un effort créatif ;

Attendu que son modèle est donc protégeable ; Attendu que les sociétés OAKLEY Inc ET OAKLEY E ne peuvent soutenir que leur modèle n’est qu’une déclinaison des modèles précédents, les modèles des gammes JACKET et ZERO ayant des caractéristiques distinctes et un style différent ; Attendu que le modèle STRAIGHT JACKET reproduit les éléments essentiels du modèle de la société KILLER LOOP à savoir la structure monobloc de la monture encerclant deux verres ayant un bord extérieur ellipsoidal et un bord intérieur droit avec une découpe similaire de l’étrier nasal, des branches composées de deux parties caoutchouc et plastique avec une même césure entre le commencement de la monture et les branches ; Attendu que le modèle STRAIGHT JACKET présente ainsi, bien que son étrier nasal soit bombé, la même esthétique d’ensemble que le modèle déposé par la société KILLER LOOP ; Attendu que la société OAKLEY Inc en fabriquant le modèle STRAIGHT JACKET et la société OAKLEY EUROPE en commercialisant ce modèle ont commis des actes de contrefaçon du modèle n 1 figurant au dépôt n DM 034653 effectué par la société KILLER LOOP ; Attendu que la diffusion de catalogues et d’imprimés reproduisant ledit modèle n’est pas démontrée, les responsables des magasins dans lesquels les saisies-contrefaçon ont été effectuées ayant déclaré ne pas disposer de documentation relative au modèle incriminé ; que le Tribunal ne saurait retenir d’actes de contrefaçon de ce chef ; III – SUR LES ACTES DE CONCURRENCE DÉLOYALE : Attendu que la société KILLER LOOP reproche aux sociétés défenderesses de commercialiser leurs lunettes dans des emballages noir et argent similaires à ceux qu’elle utilise depuis 1993 pour la commercialisation de ses propres produits ; que le choix de tels emballages caractériserait les agissements de concurrence déloyale desdites sociétés ; Attendu que l’utilisation des couleurs noire et argent par les sociétés en cause paraît plus relever de l’exploitation d’un phénomène de mode que de la volonté d’imiter un concurrent ; Attendu qu’en outre, les emballages de carton noir des sociétés OAKLEY et KILLER LOOP ne peuvent être confondus ; que leurs dimensions, leur mode de fermeture et la texture du carton, lisse ou plissé selon l’emballage, sont différents ; qu’au surplus, ils supportent la marque de chacune des sociétés ; Attendu que les actes de concurrence déloyale ne sont pas établis ; que la demande de la société KILLER LOOP de ce chef est rejetée ; IV – SUR LES MESURES RÉPARATRICES :

Attendu que les procès-verbaux de saisie-contrefaçon permettent de confirmer la commercialisation du modèle litigieux sans qu’aucun élément comptable ne permette de déterminer l’ensemble des ventes de ce modèle réalisées ; Attendu que toutefois, le Tribunal constate qu’ils sont vendus dans des boutiques appartenant à une chaîne de vente d’optique comme GRAND OPTICAL ; que la diffusion a pu être, de ce fait, conséquente ; Attendu que les actes de contrefaçon portent atteinte aux droits privatifs détenus par la société KILLER LOOP sur son modèle ; qu’ils lui causent, en outre, un préjudice commercial tenant à la confusion engendrée entre les deux modèles ; Attendu que les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E sont donc condamnées in solidum à payer à la société KILLER LOOP la somme de 100.000 francs ; Attendu que le Tribunal fait droit aux mesures de publication à titre de dommages et intérêts complémentaires et d’interdiction dans les conditions visées au dispositif du jugement ; V – SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES PRÉSENTÉES PAR LES SOCIÉTÉS OAKLEY INC ET OAKLEY E : Attendu que les sociétés défenderesses considèrent que la société KILLER LOOP a commis une faute en n’avisant pas les magistrats appelés à statuer sur ces requêtes en saisie-contrefaçon de l’existence de la procédure antérieure engagée par elles à son encontre ; Attendu qu’elles estiment, au surplus, qu’une seule saisie-contrefaçon était suffisante et qu’il n’était pas nécessaire de procéder à des saisies-contrefaçon chez des opticiens clients ; que selon elles, ces mesures ont été sollicitées pour les discréditer auprès de ces derniers ; Attendu que les requêtes en saisie-contrefaçon présentées par la société KILLER LOOP portaient sur une marque déposée ; que la procédure engagée par les sociétés OAKLEY antérieurement ne l’empêchait pas de solliciter de telles mesures ; que, le fait que les saisie aient eu lieu chez des distributeurs n’est pas répréhensible dès lors que cela permettait d’établir la réalité de la distribution des lunettes modèle STRAIGHT JACKET marquées OAKLEY ; Attendu qu’il ne peut être imputé à la société KILLER LOOP, une faute dans l’exercice de ses droits ; Attendu qu’il convient de rejeter les prétentions des deux sociétés OAKLEY de ce chef ;

Attendu que ces dernières ont aussi présenté une demande en contrefaçon de modèles au vu du dépôt effectué par leur adversaire ; qu’elles considèrent que les modèles 2 et 5 du dépôt DM 034653 sont des copies des modèles NORTHSIDE et E WIRE ; Attendu que la demande reconventionnelle n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant ; Attendu qu’en l’espèce, les demandes initiales concernaient la marque déposée par chacune des parties et la contrefaçon du modèle n 1 du dépôt DM 034653 de la société KILLER LOOP par le modèle STRAIGT JACKET ; que les demandes ne concernaient aucun autre modèle ; Attendu que la demande reconventionnelle des sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E n’est pas un moyen de défense ; qu’elle tend à élargir le débat à des modèles qui n’étaient pas visés dans l’acte introductif d’instance et qui sont indépendants et différents de ceux objets du débat initial ; Attendu que le Tribunal considère donc que la demande des sociétés défenderesses relatives à ces modèles ne se rattachent pas par un lien suffisant aux demandes originelles de la société KILLER LOOP ; que les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E sont déclarées irrecevables en leur demande reconventionnelle ; Attendu que l’exécution provisoire du jugement doit être prononcée du chef de la mesure d’interdiction ; Attendu que l’équité commande d’allouer à la société KILLER LOOP la somme de 20.000 francs sur le fondement de l’article 700 du N.C.P.C ; Attendu que succombant les sociétés défenderesses doivent supporter les dépens de l’instance ; PAR CES MOTIFS : Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort :

-Donne acte à la société KILLER LOOP de ce qu’elle renonce à sa demande en contrefaçon de marque présentée à l’encontre des sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E ;

-Dit que la société OAKLEY Inc en fabriquant et la société OAKLEY EUROPE en commercialisant et distribuant le modèle de lunettes STRAIGHT JACKET ont commis des actes de contrefaçon du modèle n 1 figurant au dépôt DM 034653 effectué par la société KILLER LOOP ;

-Leur interdit la poursuite de ces agissements sous astreinte de 1.000 francs par infraction constatée à compter de la signification du jugement ;

— Déclare se réserver la liquidation de l’astreinte ;

-Condamne in solidum les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E à payer à la société KILLER LOOP la somme de 100.000 francs en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de modèle ;

-Autorise la société KILLER LOOP à faire publier le dispositif du jugement en entier ou par extraits dans trois journaux ou revues de son choix aux frais in solidum des défenderesses sans que le coût total d’insertion dépasse 60.000 francs H.T ;

-Déboute la société KILLER LOOP de sa demande au titre de la concurrence déloyale ;

-Déboute les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

-Les déclare irrecevables en leur demande reconventionnelle en contrefaçon des modèles NORTHSIDE et E WIRE par les modèles n 2 et 5 du dépôt DM 034653 effectué par la société KILLER LOOP ;

-Prononce l’exécution provisoire du chef de la mesure d’interdiction ;

-Condamne in solidum les sociétés OAKLEY Inc et OAKLEY E à verser à la société KILLER LOOP la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles ;

-Les condamne in solidum aux dépens qui seront recouvrés par Maître T conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau code de Procédure Civile.

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