Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 24 octobre 2000

  • 1) action en contrefaçon sur le fondement du droit moral·
  • Article l 113-1 code de la propriété intellectuelle·
  • Société exploitante non partie à l'instance·
  • Combinaison d'éléments du domaine public·
  • Personne morale non partie à l'instance·
  • Entreprise de vente par correspondance·
  • Exploitation par la personne morale·
  • Réparation du préjudice commercial·
  • Declinaison en plusieurs couleurs·
  • Reproduction des caracteristiques

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 24 oct. 2000
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20000112
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE M. Jérôme GRUET est créateur d’accessoires de mode et diffuse ses créations par le biais de la société NAHIKU EURL, société dont il est le gérant. Par acte du 22 avril 1999, M. G assigne la société LA REDOUTE aux fins de constatation judiciaire de la contrefaçon de son modèle de sac TRANSAT pour lequel il revendique la protection au titre des droits d’auteur en raison de son caractère original et d’indemnisation. Aux termes de ses dernières conclusions du 23 juin 2000, M. G demande au tribunal de :

- dire que le sac cabas « Transat » constitue une création originale dont il est l’auteur ;

- dire que la REDOUTE s’est rendu coupable de contrefaçon en commercialisant des sacs cabas dénommés « soft grey » qui reproduisent sa création ;

- condamner la société LA REDOUTE à lui payer la somme de 347.976 francs au titre de la réparation de son préjudice patrimonial et celle de 200.000 francs en réparation du préjudice moral ou à titre subsidiaire, désigner un expert pour donner les éléments permettant d’évaluer le préjudice subi et lui allouer une somme de 200.000 francs à titre d’indemnité provisionnelle,
- interdire, sous astreinte la poursuite des actes illicites,
- condamner la société LA REDOUTE à lui payer la somme de 25.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et ce sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de la publication de la décision à intervenir. La société LA REDOUTE plaide :

- l’irrecevabilité à agir de M. G qui ne démontre pas être l’auteur du sac « transat », cette création ayant été divulguée sous le nom de la société NAHIKU E.U.R.L ;

- le défaut d’originalité du sac « transat » qui empêche sa protection au titre du droit d’auteur ;

- le caractère fantaisiste du montant de la réparation sollicité qui ne saurait dépasser la somme de 5000 francs. Aussi, la société LA REDOUTE conclut au débouté des demandes et à l’allocation d’une somme de 30.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

M. G réplique aux moyens de défense de la société LA REDOUTE et maintient ses prétentions.

DECISION Le tribunal relève que l’assignation a été délivrée au nom de M. G, personne physique et non en sa qualité de gérant et unique associé de l’EURL NAHIKU ; que dès lors cette société n’est pas présentement en la cause. I – SUR LA QUALITE D’AUTEUR DE M. JEROME GRUET : L’article L.113-1 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. Par ailleurs, il est constant qu’une personne morale ne peut être investie à titre originaire des droits d’auteur que dans le cas où une oeuvre collective, créée à son initiative est divulguée sous son nom. En l’espèce, le tribunal relève :

- que l’oeuvre dont s’agit, un sac cabas appelé « sac transat », n’est pas une oeuvre collective ;

- qu’il ressort des extraits des magazines versés aux débats (PRIMA et MARIE-FRANCE d’août 1998, FEMME ACTUELLE de mai 1998, VOGUE USA de mars 1998 et VOGUE FRANCE de mars 1998, de la revue japonaise JALFIC de décembre 1998 et COSMOPOLITAN de juillet 1997) que ce sac a été divulgué sous le nom de Jérôme G et qu’il n’est pas contesté par ailleurs par le demandeur que ce sac est exploité par l’EURL NAHIKU dont M. G est le gérant et l’unique associé comme cela ressort du Kbis produit, ce qui explique la mention de cette société dans le dépôt de l’enveloppe Soleau du 19 août 1997 et dans certains des magazines produits. Dans ces conditions, et en application des principes évoqués ci-avant, il y a lieu de considérer que M..Jérôme G a qualité présentement pour agir en réparation de l’atteinte à son droit moral sur l’oeuvre précitée. Compte-tenu de l’absence en la présente instance de l’EURL NAHIKU, le demandeur est irrecevable en ses demandes de réparation du préjudice commercial subi consécutivement aux faits argués de contrefaçon. II – SUR L’ORIGINALITE DU SAC CABAS « TRANSAT » :

Il est constant que pour bénéficier de la protection du droit d’auteur une oeuvre doit être originale, c’est-à-dire être empreinte de la personnalité de son auteur. Le sac « transac » tel qu’il ressort du dessin figurant dans l’enveloppe Soleau et de la description qui l’accompagne est un sac en coton avec un traitement d’imperméabilisation, rectangulaire, avec un fond rigide, deux anses passant dans des oeillets à travers la partie supérieure du sac, une bande en « gros grain » cousu au milieu du sac dans son sens vertical, le sac étant en couleur naturelle « lin » et la bande en couleur (rouge ou bleu) ; Ce sac a été décliné suivant les photographies et leurs légendes reproduites dans les différents magazines versées aux débats en 12 autres couleurs (fond gris/bande jaune ; fond bleu/bande marron, fond rouille/bande jaune etc…) avec des anses en cuir. Le tribunal relève que la combinaison de la matière (le coton) du motif (la bande en gros- grain vertical) des couleurs opposées du fond et de la bande pour réaliser un sac estival de ville démontre un effort personnel de création et de recherche esthétique ; que si les éléments du sac « transat » pris isolément ne sont pas protégeables car appartenant au domaine public, leur combinaison est originale ; que d’ailleurs, la société LA REDOUTE est incapable de fournir un modèle de sac reprenant cette combinaison se contentant d’affirmer la banalité de la forme en cause sans l’établir. Dans ces conditions, le tribunal considère que le sac « transat » de M. G bénéficie de la protection du droit d’auteur. III – SUR LA CONTREFAÇON : Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 24 mars 1999 que la REDOUTE commercialisait à cette date un sac dénommé « sac cabas SOFT GREY » reprenant les caractéristiques du sac « transat » à savoir un sac en toile de coton rectangulaire avec un fond rigide, des poignées en cuir naturel passant à travers des oeillets et comportant sur l’une des faces visibles une bande verticale de couleur (écru rayé bleu ou écru rayé framboise). Dans ces conditions, il apparaît que la société LA REDOUTE a porté atteinte aux droits d’auteur de M. GRUET en commercialisant, sans l’autorisation de celui-ci, ce sac « soft grey » qui constitue une reproduction illicite du sac « transat » de celui-ci. IV – SUR LES MESURES REPARATRICES : Pour faire cesser les actes illicites, il y a lieu d’interdire la poursuite de ceux-ci dans les conditions définies au présent dispositif. La commercialisation des sacs contrefaisants à un prix bien moindre dans une société de grande distribution comme LA REDOUTE a incontestablement dévalorisé le modèle de

sac « transat » qui comme le démontre les magazines précités est destiné à une clientèle de produits haut de gamme. Dans ces conditions, le tribunal estime que l’atteinte au droit moral de M. G est justement réparé par l’allocation d’une somme de 80.000 francs. Il n’y a pas lieu à expertise dès lors que la société exploitante du modèle en cause, seule recevable à solliciter la réparation de son manque à gagner n’est pas partie à l’instance. Eu égard à la nature de l’affaire, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision pour faire cesser les actes de contrefaçon. L’équité commande d’allouer à M. G, la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par ailleurs et à titre de dommages et intérêts complémentaires, il y a lieu d’autoriser la publication de la présente décision dans les conditions définies ci-après. PAR CES MOTIFS, le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Dit que le sac cabas dénommé « transat » dont M. G est l’auteur est une création originale et bénéficie de la protection du droit d’auteur ; Dit que la société LA REDOUTE en commercialisant un sac appelé « SOFT GREY » qui reproduisent les caractéristiques du sac « transat » a commis des actes de contrefaçon et porté atteinte au droit moral de M. G sur celui-ci, Condamne la société LA REDOUTE à payer à M. G la somme de 100.000 francs en réparation de l’atteinte aux droits moraux de celui-ci, Autorise la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues au choix de M. G et aux frais de la société LA REDOUTE et ce, dans la limite de 30.000 francs HT par insertion, Ordonne l’exécution provisoire, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne la société LA REDOUTE à payer à M. G, la somme de 20.000 francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux dépens qui comprendront les frais de la saisie-contrefaçon.

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