Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 4 avril 2001, n° 2001/01654

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 4 avr. 2001, n° 01/01654
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2001/01654
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 31 octobre 2001
  • 2001/11992
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Référence INPI : B20010280
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3e chambre 1re section

JUGEMENT rendu le 04 Avril 2001

№RG : 01/01654

DEMANDERESSE S.A. STEIN HEURTEY Z.AI du Bois de l’Epine 91130 RIS-ORANGIS représentée par Me DENIS-SIMON CHEMLA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire J02S

DEFENDERESSE Société NIPPON STEEL CORPORATION 673 Otemachi 2 Chôme Chiyoda-Ku TOKYO 100 JAPON représentée par Me Pierre COUSIN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E.0255

COMPOSITION DU TRIBUNAL Mme B, Vice-Président M. PAUL-LOUBIERE, Juge Mme FARTHOUAT-DANON, Juge assistée de Monique BRINGARD, Greffier

DEBATS A l’audience du 28 Février 2001 tenue publiquement

JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort

La société STEIN HEURTEY est spécialisée dans la construction de fours industriels, et plus particulièrement de fours pour lignes de galvanisation et de recuit pour la fabrication d’aciers spéciaux destinés à l’industrie automobile.

Elle collabore depuis 25 ans avec la société NIPPON STEEL CORPORATION qui lui a concédé, par contrats du 25 août 1978 et du 13 février 1980, renouvelés les 20 janvier 1989 et 25 avril 1990, une licence de conception, fabrication et vente de deux « technologies'' lui appartenant, intitulées »CAPL« et »CGL Fumace".

La société STEIN HEURTEY expose:

- qu’en 1993, la société autrichienne VAS, intéressée par l’acquisition d’une ligne CAPL, l’a interrogée sur la possibilité d’améliorer le procédé de refroidissement de l’acier, assuré par un procédé dit HCJC, consistant dans la projection d’un mélange gazeux contenant 5% d’hydrogène à une certaine température, une certaine vitesse et une certaine distance.

- qu’elle a interrogé la société NIPPON STEEL CORPORATION sur la possibilité d’augmenter la vitesse de refroidissement jusqu’à 100°c par seconde, ainsi que le client le lui demandait,
- que la société NIPPON STEEL CORPORATION lui a répondu le 23 juin 1995 que cela lui paraissait impossible,
- qu’elle a indiqué à son donneur de licence, dans une télécopie du 3 juillet 1995, qu’elle pensait qu’une augmentation du pourcentage de H2 pouvait avoir un effet considérable sur la vitesse de refroidissement,
- qu’elle a conçu un procédé permettant d’atteindre la vitesse de refroidissement recherchée, reposant principalement sur l’augmentation très importante du volume d’hydrogène dans le mélange gazeux,
- que la société NIPPON STEEL CORPORATION, qui a reconnu en diminuant le taux de licence qu’elle était à l’origine du procédé dénommé H2 HCJC, a néanmoins cru devoir déposer le 26 décembre 1995 une demande de brevet japonais couvrant ce procédé, et le 26 août 1996, une demande de brevet européen et de brevet PCT.

C’est dans ces conditions que la société STEIN HEURTEY, après y avoir été autorisée par ordonnance du 9 janvier 2001, a assigné, par acte du 11 janvier 2001, la société NIPPON STEEL CORPORATION à jour fixe devant ce tribunal, aux fins de voir dire que cette dernière s’est frauduleusement appropriée les informations transmises par elle, de voir ordonner le transfert à son profit de la demande de brevet européen n° 96 927 9082, de voir dire qu’ell e est seule titulaire de l’invention objet de la demande japonaise n° 96 0205220 et du b revet américain n° 5 885 382, et de voir en conséquence condamner la défenderesse à procéder aux formalités nécessaires au transfert à son profit de cette demande et de ce brevet. Elle demande en outre que la défenderesse sort condamnée à lui restituer les fruits provenant de l’exploitation des demandes et titres susvisés, et à lui payer la somme de 1.000.000 de francs à titre de dommages et intérêts, sollicite la publication de la décision à intervenir, sa transcription au registre national des brevets, l’exécution provisoire, ainsi que l’allocation d’une somme de 300.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les écritures signifiées par la société NIPPON STEEL CORPORATION les 26 et 28 février 2001, par lesquelles celle-ci soulève l’incompétence de la présente juridiction, en application de la clause compromissoire contenue dans le contrat du 20 janvier 1989, et subsidiairement, conclut à l’irrecevabilité et au rejet des demandes de la société STEIN HEURTEY, sollicitant la condamnation de cette dernière à lui verser 500.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et 300.000 francs sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu les conclusions de la société STEIN HEURTEY en date du 28 février 2001, tendant à voir rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la défenderesse, et réitérant pour le surplus expressément ses demandes initiales,

Attendu que par contrat du 20 janvier 1989, faisant suite aune convention du 25 août 1978, la société NIPPON STEEL CORPORATION a concédé à la société STEIN HEURTEY une licence non exclusive d’exploitation « des inventions décrites et revendiquées dans les brevets et de la technologie de CAPL en vue de la conception, fabrication, construction et vente de toute CAPL sur le territoire »;

qu’il est rappelé au préambule de ce contrat, sounds au droit japonais, que la société NIPPON STEEL a apporté au cours de l’exécution de la précédente convention deux améliorations majeures à la technique concédée, l’une de ces améliorations étant « la CAPL type H-GJC »,

que l’article 8 du contrat détermine les conditions dans lesquelles les améliorations développées par une des parties, et les inventions ayant un lien direct avec la technologie concédée pourront être exploitées par l’autre partie, en distinguant les « Innovations révolutionnaires » de celles qui ne le sont pas; que l’article 8-1 s’applique au « cas où Nippon Steel mettrait au point des améliorations et/ou inventions ayant un rapport direct avec la technologie CAPL », l’article 8-2 étant afférent au cas où ces perfectionnements seraient mis au point par Stein Heurtey;

qu’il est par ailleurs stipulé à l’article 20 "20.1 Tout litige ou différence d’opinion concernant le présent contrat sera réglé à l’amiable dans la mesure du possible par consultation et consentement mutuel. 20.2 Si les parties aux présentes ne parviennent pas à conclure un accord commun, le problème sera soumis à un arbitrage constitué de trois arbitres sans recours aucun à une décision judiciaire. 20.3 L’arbitrage mentionné à l’alinéa 20.2 ci-dessus sera tenu à Tokyo conformément aux règlements de conciliation et d’arbitrage prévus par la Chambre de Commerce Internationale et les deux parties aux présentes seront liées par la décision ainsi prise ";

Attendu que la société NIPPON STEEL CORPORATION soutient que cette clause doit recevoir application, la société STEIN HEURTEY fondant sa demande sur un manquement aux obligations résultant de l’article 8 du contrat; que la question de la portée de cet article et de sa violation relève bien de la compétence du tribunal arbitral, et ce même si le contrat est expiré, les faits incriminés s’étant produit alors qu’il était encore en vigueur; que l’article 3 du « Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions sur le droit à l’obtention du brevet européen » en date du 5 octobre 1973 est sans application en l’espèce, le brevet européen ayant été délivré le 22 novembre 2000 ;

qu’elle en déduit, les questions relatives à la propriété d’un brevet étant arbitrables, que la présente juridiction est incompétente;

Attendu que la société STEIN HEURTEY réplique que la demande est fondée non sur le contrat, mais sur les dispositions de l’article L 611-8 du Code de la propriété

intellectuelle; que le litige échappe donc au champ d’application de la clause compromissoire, qui au demeurant ne peut produire effet, le contrat étant expiré; qu’en tout état de cause la question soumise au tribunal relève de l’ordre public et ne peut être confiée à un tribunal arbitral;

qu’elle estime en conséquence le tribunal compétent, en application de l’article 3 du Protocole du 5 octobre 1973, qui a selon elle une portée générale, et, en tout état de cause, de l’article 14 du Code civil;

Attendu, cela étant exposé, que la société STEIN HEURTEY fonde ses demandes sur l’article L 611-8 du Code de la propriété intellectuelle, qui dispose : « Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l’inventeur ou ses ayants cause, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré »;

qu’elle soutient que la société NIPPON STEEL CORPORATION s’est appropriée frauduleusement les informations qu’elle lui a communiquées le 10 juillet 1995, dans le cadre d’échanges contractuels, et a déposé les brevets dont la propriété est revendiquée en violation de ses obligations conventionnelles, et plus précisément de l’article 8 du contrat liant les parties, qui selon elle lui imposait de déclarer à son partenaire toute amélioration de la technologie concédée, et attribuait à la partie qui les avait développées la propriété de ces améliorations;

qu’elle invoque bien des manquements de la défenderesse à ses engagements contractuels;

Attendu qu’il n’est pas contesté que le procédé dit "H2- HGJC, dont la demanderesse revendique la paternité, constitue une amélioration de la technologie CAPL concédée ;

Attendu que la question de savoir qui peut être considéré comme ayant, au sens de l’article 8, mis au point cette amélioration conçue pendant le cours du contrat de licence, qui en est propriétaire, et de déterminer si la défenderesse a manqué à ses obligations contractuelles en procédant aux dépôts de brevet critiqués, s’analyse bien en un litige relatif au contrat au sens de l’article 20 susvisé;

Attendu que les litiges relatifs à la propriété d’un brevet peuvent, à l’exception de ceux concernant les inventions de salariés, être soumis à l’arbitrage;

Attendu qu’il importe par ailleurs peu que le contrat soit expiré, les violations alléguées, qu’il est demandé d’examiner, et les dépôts contestés ayant été réalisés alors qu’il était encore en vigueur;

Attendu que l’article 3 du Protocole du 5 octobre 1973 est relatif aux actions intentées contre le titulaire d’une demande de brevet européen ; qu’il est sans application en l’espèce, la décision de délivrance du brevet européen étant antérieure à l’introduction de la procédure;

Attendu que le litige soumis au tribunal concerne donc le contrat du 20 janvier 1989, et relève de la compétence du tribunal arbitral institué par l’article 20 dudit contrat;

qu’il convient dès lors de se déclarer incompétent pour connaître des demandes;

Attendu que la société STEIN HEURTEY a pu se méprendre de bonne foi sur la portée de la clause compromissoire contenue au contrat;

que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société NIPPON STEEL CORPORATION sera rejetée;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de cette dernière les frais irrépétibles qu’elle a du engager pour la défense de ses droits; que la société STEIN HEURTEY sera condamnée à lui payer la somme de 25.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Se déclare incompétent pour connaître des demandes; Renvoie les parties à mieux se pourvoir; Déboute la société NIPPON STEEL CORPORATION de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Condamne la société STEIN HEURTEY à payer à la société NIPPON STEEL CORPORATION la somme de 25.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Condamne la société STEIN HEURTEY aux dépens, et autorise Maître COUSIN à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l’avance, en application des dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

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