Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 19 septembre 2001

  • Article l 711-2 code de la propriété intellectuelle·
  • Apposition de la mention et de l'embleme de vendee·
  • Désignation traditionnelle d'un aperitif regional·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Volonte de profiter des investissments d'autrui·
  • Désignation nécessaire et generique·
  • Attestations et extraits de livres·
  • Numero d'enregistrement 99 768 311·
  • Numero d'enregistrement 1 447 571·
  • Imitation des conditionnements

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Absence d’usage courant sur l’ensemble du territoire national, terme ne figurant pas dans les dictionnaires de langue francaise, variations dans la composition de l’aperitif

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 19 sept. 2001
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : LIBERFREE TROUSSEPINETTE; LA TROUSSEPINETE DE LISE BACCARA RECETTE TRADITIONNELLE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1447571; 99768311
Classification internationale des marques : CL33
Liste des produits ou services désignés : Vins et spiritueux - boissons alcoolisees
Référence INPI : M20010729
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE Christian O est titulaire de la marque n° 1 447 571 LIBERFREE TROUSSEPINETTE, déposée le 29 janvier 1988, renouvelée par déclaration du 2 juillet 1998, servant à désigner les vins et spiritueux, en classe 33. La société MAISON MOURAT exploite sous cette marque un apéritif. Le GIE LASER-LISE BACCARA a déposé le 7 janvier 1999 la marque LA TROUSSEPINETE DE LISE BACCARA RECETTE TRADITIONNELLE pour désigner les boissons alcoolisées de la classe 33. Le 16 avril 1999, Christian O a formé opposition à cette demande d’enregistrement. Cette opposition a été rejetée le 19 octobre 1999. Par acte du 18 novembre 1999, Christian O et la société MAISON MOURAT ont assigné le GIE LASER-LISE BACCARA aux fins de voir constater qu’il a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à leur préjudice. Ils demandent au tribunal de déclarer nul le dépôt n°99 768 311 du 7 janvier 1999, de prononcer des mesures d’interdiction sous astreinte, de destruction et de publication, et de condamner le défendeur à leur payer une somme de 500.000 francs chacun à titre de dommages et intérêts provisionnels, à parfaire par expertise, sollicitent l’exécution provisoire sur le tout ainsi que 30.000 francs chacun par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. Christian O a parallèlement formé le 25 novembre 1999 un recours contre la décision du directeur de l’INPI du 19 octobre 1999. Par arrêt du 30 mai 2000, la Cour d’appel de Bordeaux a sursis à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue sur l’action en annulation engagée devant ce tribunal. Le GIE LASER-LISE BACCARA prie le tribunal aux termes de ses dernières écritures du 6 novembre 2000 de dire que la dénomination « Troussepinète » n’est pas susceptible de protection, de débouter les demandeurs de l’intégralité de leurs prétentions, et de les condamner in solidum à lui payer la somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts en raison de leur comportement fautif, ainsi que celle de 25.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Il soutient que le terme Troussepinète est la désignation générique et usuelle d’une liqueur consommée en Vendée en apéritif, et ce même s’il ne figure pas dans le dictionnaire Larousse. Il estime que ce terme n’est donc pas apte à exercer la fonction distinctive de la marque invoquée, et que sa reprise ne porte pas atteinte aux droits antérieurs de Christian O.

Il conteste l’existence des actes de concurrence déloyale allégués, souligne que la recette traditionnelle qu’il utilise est différente de celle de la société MAISON MOURAT, que l’adjonction de fruits rouges ou blancs ou de pêche est usuelle, et qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les produits en cause. Christian O et la société MAISON MOURAT réitèrent expressément dans leurs dernières écritures du 15 décembre 2000 leurs prétentions initiales, et concluent au rejet de la demande reconventionnelle formée par le GIE LASER-LISE BACCARA. Ils soutiennent que le fait que le terme Troussepinète soit connu d’une partie de la population vendéenne, à le supposer établi, ne suffit pas à lui ôter son caractère distinctif ; qu’un terme n’est générique que s’il est connu par une notable partie du public comme désignant les produits visés au dépôt, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les spécialistes du patois vendéen dont les attestations sont produites n’étant pas représentatifs du public d’attention moyenne. Ils rappellent que la validité de la marque doit s’apprécier à la date du dépôt et en déduisent que les articles et pièces postérieurs à cette date ne sont pas pertinents. Ils font valoir que le défendeur utilise lui-même le terme Troussepinète à titre de marque. Ils estiment que le caractère distinctif d’un signe doit s’apprécier au regard de la langue française ; que le mot Troussepinète qui ne figure dans aucun dictionnaire n’a aucune signification en français et est inconnu du consommateur d’attention moyenne. Ils reprochent par ailleurs au GIE LASER-LISE BACCARA de se placer dans le sillage de la société MAISON MOURAT, aux fins de bénéficier de ses efforts, ainsi qu’en atteste la reprise de la même gamme « fruits rouges », « pêche », « épine noire », et l’apposition sur les bouteilles de l’emblème vendéen et des termes « recette traditionnelle ». Ils indiquent que le défendeur a engagé un ancien collaborateur de la société MAISON MOURAT afin de mieux entamer ses parts de marché.

DECISION I – SUR LA CONTREFAÇON : Attendu que sont dépourvus de caractère distinctif, aux termes de l’article L 711-2 du Code de la propriété intellectuelle, « les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service » ;

Attendu qu’en l’espèce le GIE LASER-LISE BACCARA verse aux débats de nombreuses attestations établissant que le terme troussepinète ou troussepinette désigne traditionnellement en Vendée un apéritif local à base de fruits, feuilles ou noyaux, macérés dans de l’eau de vie et du vin, souvent de fabrication maison, dont la recette peut varier selon les caves ; que ces témoignages n’émanent pas uniquement de spécialistes du patois vendéen, mais de personnes d’âge, d’origine et de profession très diverses : mécaniciens, techniciens, agriculteurs, bouilleurs de crus, transporteurs… ; que le GIE LASER-LISE BACCARA produit également un extrait de l’ouvrage « Coutumes en Vendée », paru en 1989, citant la troussepinète comme une boisson traditionnelle, et en donnant la recette, le tarif des Etablissements Cochin, du mois de janvier 1988, sur lequel figurent les prix du pineau, du cognac, et de la troussepinette de Vendée, ainsi que des cartes postales affranchies en 1987 sur lesquelles figure une recette de troussepinète ; Attendu qu’il n’est pas contesté qu’il n’existe pas d’autre nom pour désigner cet apéritif régional ; que la société MAISON MOURAT indique d’ailleurs elle-même sur ses étiquettes : « Il est de tradition dans nos campagnes vendéennes d’élaborer un apéritif maison à base de vin, de macération de fruits et de plantes : »TROUSSEPINETTE« à servir frais » ; que la dénomination troussepinète apparaît donc comme la désignation nécessaire et générique d’un tel apéritif ; que le fait que cette dénomination ne soit pas d’un usage courant sur l’ensemble du territoire est inopérant, dès lors que le produit qu’elle désigne n’a lui-même qu’un rayonnement régional, et qu’il n’existe pas de terme équivalent susceptible de le désigner ; que le terme troussepinète est bien compris par une large fraction du public concerné, à savoir le public susceptible de consommer cet apéritif vendéen, comme la désignation de ce produit ; qu’est à ce stade sans incidence le fait que ce terme ne figure pas dans les dictionnaires de la langue française ; qu’il importe enfin peu que l’apéritif désigné puisse connaître des variations dans sa composition ; Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la dénomination troussepinète ou troussepinette constituait à la date du dépôt de la marque LEBERFREE TROUSSEPINETTE n°1 447 571 la désignation nécessaire et générique d’un apéritif régional ;

que cette dénomination, prise isolément, n’est pas apte à exercer le pouvoir distinctif de la marque pour un tel produit ; Attendu que le seul point commun entre les marques en cause réside dans l’emploi de cette dénomination, pour un tel apéritif ; que la contrefaçon n’est dès lors pas constituée ; Attendu que les demandeurs seront déboutés de leur demande de nullité, ainsi que des demandes subséquentes ; II – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE : Attendu que la société MAISON MOURAT commercialise de la troussepinette aux noix, aux framboises, à la poire, à la pêche, aux mûres, aux fruits rouges, et aux épines noires ; que la troussepinète de Lise BACCARA peut, au vu des pièces produites, être aux fruits rouges, aux fruits blancs, aux épines noires, au merisier ; que la troussepinète étant traditionnellement à base d’épines noires, ou de fruits, le fait pour le GIE LASER-LISE BACCARA de décliner ces variations, sans reprendre pour autant la gamme de la société MAISON MOURAT, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ; Attendu qu’il ne peut par ailleurs être reproché au défendeur de mentionner « recette traditionnelle » sur ses bouteilles, dès lors qu’il utilise effectivement une telle recette ; que l’apposition de l’emblème de la Vendée, que les demandeurs ne peuvent s’approprier, sur le conditionnement d’une boisson d’origine vendéenne, fabriquée et mise en bouteille en Vendée, au vu des étiquettes produites, n’est pas davantage fautive ; Attendu qu’il n’existe pour le surplus aucune ressemblance entre les conditionnements des produits ; Attendu que le fait pour le GIE LASER-LISE BACCARA d’avoir embauché Bruno RAGER, qui n’était lié en aucune manière à la société MAISON MOURAT, avec laquelle il n’a eu, au vu des pièces produites, que des contacts commerciaux très épisodiques en 1995, n’est pas fautif ; Attendu que la société MAISON MOURAT ne prouve donc pas que le GIE LASER- LISE BACCARA ait cherché à s’approprier son travail et ses investissements ; que la demande en concurrence déloyale sera rejetée ; Attendu que les demandeurs ont pu se tromper de bonne foi sur la portée de leurs droits ;

que la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée ; Attendu qu’eu égard à la nature de la décision la demande d’exécution provisoire est sans objet ; Attendu que l’équité commande d’allouer au GIE LASER-LISE BACCARA la somme de 15.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort ; Déboute Christian O et la société MAISON MOURAT de l’intégralité de leurs demandes ; Déboute le GIE LASER-LISE BACCARA de sa demande reconventionnelle ; Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire ; Condamne in solidum Christian O et la société MAISON MOURAT à payer au GIE LASER-LISE BACCARA la somme de 15.000 francs au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Christian O et la société MAISON MOURAT aux dépens.

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