Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre section 03, 25 juin 2002

  • Divulgation au public dans une emission de television·
  • Article l 335-3 code de la propriété intellectuelle·
  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Creation et fabrication du modèle contrefaisant·
  • Participation à la creation du modèle original·
  • Inspiration d'un style ancien geometrique·
  • Appréciation au regard des ressemblances·
  • Commercialisation de l'article litigieux·
  • Empreinte de la personnalité de l'auteur·
  • Faits distincts des actes de contrefaçon

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. sect. 03, 25 juin 2002
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20020111
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société PHILIPPE RULLIERE JOAILLIER qui a pour objet la création, la fabrication et la commercialisation de bijoux de haute joaillerie a créé au début de l’année 2000 un modèle de bague dénommé « PRIMA », caractérisé notamment par la combinaison de diverses figures géométriques et la disposition des pierres précieuses, modèle qui figurait sur le catalogue présenté à la clientèle de la société lors de l’inauguration de la boutique qu’elle a ouverte au mois de mai 2000 Place Vendôme. Mlle Karen P qui avait participé à la création de ce modèle en tant que maquettiste a donné sa démission le 14 septembre 2000. Ayant appris que le même modèle aurait été présenté par le bijoutier P accompagné de Mlle P, lors d’une émission de la série « Capital » sur M6 consacrée à la bijouterie joaillerie, la société PHILIPPE RULLIERE JOAILLIER a été autorisée le 4 janvier 2001 à pratiquer le 16 Janvier 2001 une saisie-contrefaçon au siège de la société PELLEGRIN à Marseille. Par actes du 6 février 2001, la société PHILIPPE RULLIERE a assigné devant ce tribunal la société PELLEGRIN & Fils et Mlle Karen P pour entendre avec exécution provisoire, outre le prononcé des mesures habituelles d’interdiction et de publication :

- Constater que la société PELLEGRIN et Mlle P ont commis des actes de contrefaçon de ses droits d’auteur en reproduisant les combinaisons du modèle de bague original dénommé PRIMA dont elle est la créatrice et ont commis des actes de concurrence déloyale à son encontre,
- Condamner solidairement la société PELLEGRIN et Mlle P à lui verser la somme de 300.000 F à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 30.000 F en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Les défendeurs soutiennent que :

- ce tribunal est incompétent dès lors que les faits de contrefaçon allégués se déroulent à Marseille qui est aussi le domicile du défendeur, Sur le fond :

- la bague PRIMA n’est pas protégeable au regard du droit d’auteur car il existe de nombreuses antériorités notamment dans les années 1940/1950 et car les différentes caractéristiques revendiquées ne sont pas originales, le pavage de brillants sur le côté et dans les échancrures descendantes ainsi que la grosse pierre centrale étant déjà connus dans des modèles de bagues préexistants,
- la bague réalisée par la société PELLEGRIN n’est pas la copie servile de la bague PRIMA et ne reproduit pas les combinaisons revendiquées au titre de la protection du droit d’auteur puisque ni la forme, ni les couleurs, ni le dessin du modèle PRIMA ne sont reproduits car le modèle argué de contrefaçon est constitué de deux anneaux séparés en leur sommet par un petit saphir de 3 carats debout, orné de part et d’autre de brillants sertis à grains alignés en rangées géométriques, une ligne de brillants sertis épousant les

deux côtés des anneaux et le godron sertissant la bague ayant une forme de trapèze ; Subsidiairement sur le quantum du préjudice :

- seul un modèle unique destiné à l’usage personnel de Mme P a été fabriqué et il n’a jamais été mis en vente et n’a donc pu entraver la commercialisation du bijou dont la contrefaçon est alléguée. Les défendeurs qui concluent au débouté des demandes principales, sollicitent à titre reconventionnel la condamnation de la société RULLIERE à leur verser la somme de 400.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 20.000 F sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. Dans ses dernières écritures la société RULLIERE réplique que :

- le tribunal de céans est compétent dès lors que l’émission présentant la bague contrefaisante a été diffusée et reçue à PARIS,
- le modèle créé par la société RULLIERE est protégeable et constitue une oeuvre originale par la combinaison nouvelle d’éléments connus dès lors qu’il se définit comme suit et qu’il ne s’agit pas de revendiquer la protection d’un genre :

- bague de forme chevalière, la pierre du centre sertie demi-clos par deux joncs saillants parallèles formant les deux côtés d’un rectangle dont les deux petits côtés sont ouverts et supporté par un motif de pierre de forme triangulaire se prolongeant le long du corps de la bague, ce motif étant légèrement concave ; les joncs saillants se prolongeant sur le pourtour de la bague ; les deux côtés de la bagues étant ornés de deux rangs de diamants sertis pavés,
- la bague P constitue comme le confirme le procès-verbal de saisie-contrefaçon la copie quasi-servile de ce modèle par la reprise des éléments combinés dans la bague RULLIERE,
- les modèles invoqués à titre d’antériorité qui ne comportent pas la combinaison des éléments revendiqués ne peuvent être opposés valablement pour détruire la nouveauté du modèle RULLIERE,
- le préjudice subi ne résulte pas uniquement d’une éventuelle commercialisation mais surtout de la dépréciation du modèle original issu d’investissements et de recherches dont a profité indûment la société PELLEGRIN. La société RULLIERE conclut donc au bénéfice de son exploit introductif d’instance.

DECISION I – SUR LA COMPETENCE DE CE TRIBUNAL : Dès lors que le critère invoqué par la demanderesse pour rattacher la présente demande à la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris repose sur le lieu de diffusion de l’émission de M6 dans laquelle apparaît la dite bague, s’appliquent les

dispositions de l’article L 335.3 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel : « (Toute)… diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une oeuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, … » constitue une contrefaçon. En conséquence, dès lors que l’émission « CAPITAL » de la chaîne M6 dans laquelle est apparue la bague arguée de contrefaçon a été diffusée à partir de et à PARIS, l’exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Marseille doit être rejetée, le présent tribunal étant le lieu de commission de la contrefaçon alléguée. II – SUR LA TITULARITE DES DROITS DE LA DEMANDERESSE : La société RULLIERE justifie être l’auteur de la bague dont la contrefaçon est invoquée par la production de la commande de fabrication portant le n° 478 et accompagnée de la photo de la bague litigieuse ainsi que par la production d’une plaquette de bijoux RULLIERE et d’articles de presse parus dans « DREAMS » d’octobre 2000 et « JOYCE » de janvier 2001 attribuant la paternité de cette bague au bijoutier RULLIERE. III – SUR LE CARACTERE PROTEGEABLE DE LA BAGUE « PRIMA » : La bague dont la contrefaçon est invoquée dénommée « PRIMA » se caractérise selon les propres déclarations du demandeur par :

- une forme chevalière,
- une pierre centrale sertie demi-clos par deux joncs saillants parallèles formant les deux côtés d’un rectangle dont les deux petits côtés sont ouverts et supportés par un motif de pierre de forme triangulaire se prolongent le long du corps de la bague.

- ce motif étant légèrement concave,
- les joncs saillants se prolongeant suer le pourtour de la bague,
- les deux côtés de la bague sont ornés de deux rangs de diamants sertis pavés. Pour contester l’originalité de cette bague, les défendeurs invoquent à titre d’antériorité des modèles de bagues créés dans les années 1940/1950 qui présentent une grosse pierre au centre de deux anneaux géométriques qui s’éloignent l’un de l’autre en approchant du sommet de la bague et prennent alors une forme aplatie laissant apparaître un rectangle dans lequel s’insère une pierre volumineuse. S’il n’est pas contestable que la bague PRIMA s’est inspirée de cette géométrie des années 1940/1950 lors de sa création, il n’en demeure pas moins que la combinaison particulière réalisée par le bijoutier RULLIERE et notamment la forme choisie du rectangle dans lequel sont sertis des diamants ainsi que la reprise de ce sertissage de diamants sur le dessus de la bague, constitue une oeuvre originale dont les modèles invoqués à ce titre ne sont aucunement une antériorité. Il en est de même des modèles du catalogue PELLEGRIN 2000 et plus particulièrement du modèle 9 page XXIV, qui comporte deux anneaux beaucoup plus épais et aucun sertissage de diamants.

Dès lors que la combinaison des éléments ci-dessus décrits pour caractériser la bague « PRIMA » exprime la personnalité de son auteur et par là même son originalité, il convient de dire que le modèle « PRIMA » est protégeable au titre du droit d’auteur. IV – SUR LA CONTREFAÇON : Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon et du dessin de la bague arguée de contrefaçon que celle-ci se caractérise par :

- un double anneau ajouré dans sa partie inférieure,
- des pavages de diamants sur les côtés latéraux de l’anneau et entourant la pierre,
- deux joncs saillants parallèles fermant les deux côtés d’un rectangle,
- des pavages de diamants sur les deux profils supérieurs des joncs,
- une pierre centrale sertie de diamants aux deux extrémités. Ainsi la bague arguée de contrefaçon reproduit :

- le double anneau ajouré dans sa partie inférieure et comportant des pavages de diamants sur les côtés latéraux entourant la pierre de la bague PRIMA
- les pavages de diamants sur les deux profils supérieurs des joncs, peu important que dans la bague arguée de contrefaçon, une seule rangée de diamants au lieu de deux soit reproduite,
- les deux joncs saillants parallèles fermant les deux côtés d’un rectangle dans lequel s’insère la pierre. S’il n’est pas contestable, s’agissant d’une autre pierre précieuse, que ni la forme, ni la taille, ni la couleur de la pierre sertie ne sont reproduites dans la bague P qui est réalisée avec un saphir bleu de forme ovale disposé debout de 3 carats 77, alors que la bague PRIMA a été conçue avec un saphir jaune de 12 carats de forme ovale disposé couché, ce qui accentue l’impression de rectangle, la contrefaçon qui s’apprécie au regard des ressemblances et non des différences de détail est avérée. En effet, la combinaison des mêmes éléments de sertissage et de pavages de diamants sur une pierre précieuse inscrite dans un double jonc formant chevalière, conduit à la même impression d’ensemble des deux bagues, la bague P constituant une simple déclinaison de la bague « PRIMA » en fonction des contraintes techniques liées au choix d’une pierre précieuse différente. En conséquence, la société PELLEGRIN en créant et en fabriquant un modèle de bague reproduisant les caractéristiques du modèle original de la société RULLIERE et Melle KAREN P en dessinant ce modèle alors qu’elle avait précédemment dessiné le modèle « PRIMA », ces deux parties en diffusant ce modèle sur la chaîne M6, ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la demanderesse. V – SUR LA CONCURRENCE DELOYALE : La société RULLIERE qui ne démontre pas l’existence de faits distincts de ceux qui sont reprochés au titre de la contrefaçon, sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts

pour concurrence déloyale d’autant qu’il n’est pas établi que le modèle contrefaisant ait été commercialisé. VI – SUR LES MESURES REPARATRICES : La société PELLEGRIN et Melle Karen P seront condamnées in solidum à payer à la société RULLIERE compte tenu de l’atteinte portée à son droit moral d’auteur, la somme de 15.250 euros en réparation de ce préjudice. Compte tenu de l’absence de commercialisation de la bague contrefaisante qui a été créée en un exemplaire unique destiné à l’épouse du bijoutier P, mais qui a cependant été divulguée au public par le biais de l’émission « Capital » de la chaîne M6, la société PELLEGRIN et Melle P seront condamnées in solidum à verser à la société RULLIERE la somme de 7.625 euros en réparation de son préjudice patrimonial. Il sera fait droit aux mesures d’interdiction et de publication comme suit au présent dispositif. L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire et apparaît nécessaire en l’espèce et il y a lieu de l’ordonner. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société RULLIERE les frais irrépétibles de la procédure et la société PELLEGRIN et Melle P seront condamnées in solidum à lui verser la somme de 4.573 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : Le tribunal, Statuant publiquement, Par jugement contradictoire et en premier ressort,
- Rejette l’exception d’incompétence soulevée au profit du Tribunal de grande instance de Marseille et se déclare compétent,
- Dit que la bague « PRIMA » créée par le bijoutier RULLIERE constitue une oeuvre originale protégeable au titre du droit d’auteur,
- Dit qu’en créant un modèle de bague diffusé dans l’émission « Capital » consacrée à la bijouterie-joaillerie sur la chaîne M6 et reproduisant les caractéristiques de la bague « PRIMA », la société PELLEGRIN et Melle Karen P ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société PHILIPPE RULLIERE,
- Condamne la société PELLEGRIN et Melle P in solidum à payer à la société RULLIERE la somme de 15.250 euros en réparation de son préjudice moral,

— Condamne la société PELLEGRIN et Melle P in solidum a payer à la société RULLIERE la somme de 7.625 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
- Interdit à la société PELLEGRIN et à Melle P de fabriquer et de commercialiser la bague contrefaisante et ce sous astreinte de 152, 50 euros par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement ; ,
- Ordonne la publication du dispositif du présent jugement dans deux journaux ou revues au choix de la demanderesse et aux frais des défenderesses sans que le coût total d’insertion n’excède la somme de 9.150 euros HT,
- Ordonne l’exécution provisoire,
- Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
- Condamne in solidum la société PELLEGRIN et Melle P à payer à la société RULLIERE la somme de 4.573 euros sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,
- Condamne in solidum la société PELLEGRIN et Melle P aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile par Maître F GREFFE et ce pour les dépens dont il a fait l’avance et pour lesquels il n’a pas reçu de provision.

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