Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 4 novembre 2003, n° 02/09796

  • Action à l'encontre de la personne physique-directeur·
  • Responsabilité du titulaire du nom de domaine·
  • Reroutage vers un site internet concurrent·
  • Volonté de tirer un avantage financier·
  • Atteinte à la dénomination sociale·
  • Nouvelle entité partie au litige·
  • Adjonction de la marque consors·
  • Responsabilité de l'hébergeur·
  • Titularité du nom de domaine·
  • Transfert du nom de domaine

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 4 nov. 2003, n° 02/09796
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 02/09796
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CORTAL ; CONSORS
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : 1240595 ; 737741
Classification internationale des marques : CL01 ; CL02 ; CL03 ; CL04 ; CL06 ; CL07 ; CL08 ; CL09 ; CL10 ; CL11 ; CL12 ; CL13 ; CL14 ; CL15 ; CL16 ; CL17 ; CL18 ; CL19 ; CL20 ; CL21 ; CL22 ; CL23 ; CL24 ; CL25 ; CL26 ; CL27 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL34 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42
Référence INPI : M20030714
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Texte intégral

En 1984, le Groupe PARIBAS a fondé la société BANQUE CORTAL qui exerce sous le nom commercial CORTAL une activité bancaire par téléphone en Europe.
La société CORTAL est titulaire de la marque CORTAL déposée le 11 juillet 1983 et enregistrée sous le n° 1 240 595 pour désigner notamment des services financiers.
La société CONSORS DISCOUNT BROKER AG (ci-après CONSORS) ayant comme nom commercial CONSORS est un leader européen de la bourse sur internet , présent en
France, en Allemagne , en Espagne, en Suisse et en Italie. Elle est titulaire de la marque internationale visant la France CONSORS déposée le 23 mars 2000 sous le n° 737 741 désignant les services financiers.
Le 29 avril 2002, la société BNP PARIBAS a acquis la société CONSORS. Cette acquisition a été officiellement annoncée le même jour et la presse économique a annoncé dès le lendemain que la nouvelle entité se dénommerait CORTALCONSORS.
Ayant découvert que le nom de domaine « CORTALCONSORS.net » avait été enregistré le 30 avril 2002 par une personne dénommé « JONES » et que ce nom de domaine était rerouté vers le site FIMATEX , concurrent direct de CORTAL et CONSORS et après des recherches, les sociétés CORTAL et CONSORS ont assigné le 24 juin 2002 la société
DOTSTER Inc, la société DOMAINREDIRECT Inc,la société Webmoney Informatics, M. C et la société Indialinks Web Hosting and Services en responsabilité , en contrefaçon et en indemnisation.
Suite aux indications données par la société DOTSTER , les sociétés CORTAL et
CONSORS ont assigné le 13 août 2002 M. Y aux mêmes fins. M. Y plaide l’irrecevabilité des demandes formées à son encontre, le déposant du nom de domaine en cause étant la société de droit américain AKENIX Inc dont il est le directeur, qui a acquis de bonne foi le nom de domaine litigieux à la société DOTSTER ; en renonçant à leur demande à l’encontre de la société DOTSTER, les demanderesses sont devenues irrecevables à l’encontre de la société AKENIX Inc. M. Y relève également que le reroutage litigieux qui amenait l’internaute sur une page d’annonce FIMEX sans possibilité d’accéder aux produits de cette société, a été interrompu dès le 17 juillet 2002 soit presqu’un mois avant son appel en cause, qu’aucun site n’a été ouvert sous le nom de domaine « cortalconsors.net », que cette adresse dans un domaine de seconde catégorie n’a jamais été exploitée commercialement et n’a pas été enregistrée sur les annuaires ou les moteurs de recherche; que dès lors aucun risque de confusion avec les marques opposées n’est possible et ce, d’autant qu’aucun produit n’était proposé et que le nom de domaine était différent des deux signes déposés.
En tout état de cause, M. Y oppose l’absence de tout préjudice justifié.
Aussi, M. Y conclut au débouté des demandes et à titre reconventionnel réclame l’allocation d’une somme de 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une même indemnité en application de l’article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile .
Les société CORTAL et CONSORS répliquent aux moyens de défense et dans leurs dernières écritures du 6 mars 2003 demandent au tribunal de:
- dire que M. Y G , titulaire du nom de domaine "CORTALCONSORS.
Net« en enregistrant ce nom et en le présentant sur les registres comme »noms de domaine à vendre, vente de nom de domaine par courrier électronique uniquement" et en le reroutant vers le site FIMATEX.com a commis des actes de contrefaçon des marques
CORTAL et CONSORS au sens de l’article L 716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;
- dire que par de tels actes M. Y G a également porté atteinte à la dénominations sociale et aux noms commerciaux des sociétés CORTAL et CONSORS,
- dire que M. Y G a commis des actes de concurrence déloyale,
- dire que ces mêmes actes de contrefaçon, atteintes aux dénominations sociales et aux noms commerciaux et actes de concurrence déloyale ont été commis par les sociétés
DOMAINREDIRECT Inc, Webmoney Informatics,Indialinks Web Hosting and Services et par M. C,
- interdire la poursuite de ces actes illicites sous astreinte,
- condamner solidairement M. Y G et la société DOMAINREDIRECT
Inc,Webmoney Informatics,Indialinks Web Hosting and Services et par M. C à payer à chaque demanderesse la somme de 150.000 Euros au titre de la contrefaçon de marque et celle de 100.000 Euros au titre de l’atteinte à leur dénomination sociale et nom commercial,
- ordonner la publication sur la page d’accueil du site de DomaineDirect Inc d’un encart informant les internautes du jugement à intervenir et dans cinq journaux ou périodiques aux frais des défendeurs succombants,
- ordonner à M. Y G de procéder à ses frais au transfert du nom de domaine contrefaisant au profit de la société CORTAL,
- condamner solidairement ces mêmes défendeurs à payer à la société CORTAL la somme de 15000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure
Civile et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
Les sociétés DORSTER, DOMAINREDIRECT WEBMONAY INFORMATICS,
INDIALINKS WEB HOSTING AND SERVICES et M. C régulièrement assignés à
Parquet Etranger n’ont pas constitué avocat.

I – sur les faits:
Il ressort :
- du PV de constat de Maître A, huissier de justice, en date du 6 juin 2002 :
- qu’en tapant à partir du moteur de recherche YAHOO l’adresse « cortalconsors.net », l’internaute arrive automatiquement sur la page d’accueil du site FIMATEX; qu’en cliquant encore sur l’adresse « fimatex.fr » reproduite sur cette page, l’intemaute se retrouve alors sur le portail d’informations « fimatex » qui proposent des services bancaires (bourse, investissements);
- que l’adresse « cortalconsorts.net » était enregistrée chez le registrar DOTSTER par un certain Johns dont l’adresse électronique est "achatdomaine@yahoo.com";que l’hébergeur du site correspondant était à l’adresse « domaineredirect.com »,laquelle était enregistrée par la société Webmoney Informatics située à Bombay dont le contact administratif et technique était M. C de la société IndiaLinks Web hosting and Services également située à Bombay;
- d’une recherche WHOIS du 18/6/2002 que le nom de domaine « CORTALCONSORS .NET » était enregistré chez DOTSTER dans le registre des « domaine à vendre uniquement par e-mail »;
- du certificat établi par la société DOTSTER qu’en fait le titulaire du nom de domaine « cortalconsors.net » était M. Y dont l’adresse électronique était "Gajan 75 @yahoo.fr";
- du courrier du 17 juillet 2002 de M. C qu’il exerçait l’activité de reroutage des noms de domaine incluant l’activité d’hébergement gratuit ; c’est un dénommé Gajan dont l’adresse électronique est "gajan75@yahoo.fr« qui a enregistré les services de reroutage de »cortalconsorts.net« vers »Fimatex.fr"; M. C suspendait ce reroutage compte-tenu de la mise en demeure adressée.
II – sur la recevabilité des demandes à l’encontre de M. Y G:
Si effectivement dans la lettre du 16 juillet 2002 de la société DOTSTER, il est indiqué que le nom de domaine litigieux est enregistré au nom de M. Y G avec mentionnée comme organisation la société Akenix Inc, il n’en demeure pas moins :
- que le reroutage des internautes sur le site « fimatex.fr » a été réalisé au nom de la seule personne de M. Y G avec son adresse électronique personnelle ,
- que M. Y G dans son courrier du 14 août 2002 écrit qu’il a pris « la décision de renoncer à l’ensemble de (ses )droits sur le nom de domaine »cortalconsors.net",
- qu’enfin aucun élément n’est produit pour établir l’activité réelle de la société AKENIX depuis sa création en 2000 .
Au vu de tous ces éléments, le tribunal considère que M. Y G est bien seul titulaire du nom de domaine en cause. M. Y G prétend que l’abandon des poursuites à l’encontre de la société
DOTSTER rend les demandes à son encontre irrecevables dès lors que c’est la société
DOTSTER qui lui a vendu cette adresse.
Il y a lieu de relever que la recherche Whois précitée fait bien apparaître la société
DOTSTER comme le « registrar » et non comme le titulaire initial du nom de domaine;
que cette qualité est également établie par les conditions du contrat liant le réservataire du nom de domaine à cette société; que dès lors l’abandon de toutes demandes à son encontre ne saurait rendre les demandes irrecevables à l’encontre de M. Y G, ce dernier n’étant pas l’ayant-droit de la société DOTSTER.
III – sur la qualification des faits :
Ainsi qu’indiqué ci-avant, M. Y G avait réservé le nom de domaine « cortalconsorts.net » et avait sollicité le reroutage des internautes de cette adresse à l’adresse « fimatex.fr » qui proposait des services bancaires et ce, afin de faire pression sur les sociétés CORTAL ou CONSORS pour l’acquisition de ce nom de domaine.
La société CORTAL justifie être titulaire d’une marque dénominative CORTAL déposée le 11 juillet 1983, régulièrement renouvelée et enregistrée sous le n° 1240595 pour désigner notamment des services d’assurances et de finances.
L’article L. 713-3 b)du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.
Le tribunal considère qu’en application de l’article précité l’enregistrement et l’exploitation du nom de domaine « cortalconsorts.net » pour offrir à l’internaute via un reroutage sur le site « fimatex.fr » des produits financiers constituent des actes de contrefaçon, l’internaute voulant s’informer sur les produits offerts par la société
CORTAL et ayant entendu parler d’une nouvelle entité créée par celle-ci risquant de prendre les produits de FIMATEX pour ceux de la société CORTAL.
En revanche, le tribunal considère qu’il n’y a pas de risque de confusion avec la marque
CONSORS de la société CONSORS dès lors qu’il n’est pas établi qu’en cherchant « Consors » sur un moteur de recherche, il soit proposé à l’internaute le site « cortalconsors.net ».
Enfin, seule la nouvelle entité « cortalconsors » pourrait être fondée à prétendre à une atteinte à sa dénomination sociale et à son nom commercial par la reproduction à l’identique de ce terme pour offrir des services portant à confusion avec ceux relevant de son activité. En l’absence de présence à la présente instance de cette entité, les sociétés
CORTAL et CONSORS qui ne justifient pas utiliser la dénomination « cortalconsors » comme nom commercial, seront déboutées de leurs demandes de ce chef.
Les sociétés CORTAL et CONSORS n’articulant aucun grief au soutien de leurs demandes en concurrence déloyale , celles-ci sont rejetées.
IV – sur les responsabilités: M. Y G en qualité de titulaire de nom de domaine et de donneur d’ordre du reroutage est responsable des actes de contrefaçon précités.
La société DOMAINREDIRECT la société INDIALINKS ,la société Webmoney informatics et M. C, qui ont hébergé le site de M. Y et rerouté les internautes sur une autre adresse de nom de domaine sans vérifier que celui-ci avait un quelconque droit sur le site final, ont commis également des actes de contrefaçon en fournissant les moyens de celle-ci.
V – sur les mesures réparatrices:
Il est fait droit à la mesure d’interdiction dans les conditions définies au présent dispositif.
Compte-tenu de la mauvaise foi de M. Y G, qui par des manoeuvres frauduleuses (réservation d’un nom de domaine sous un faux nom, mise en vente de ce nom de domaine tout en reroutant les internautes vers un site concurrent des acquéreurs éventuels du dit nom de domaine) a essayé d’obtenir la vente aux sociétés demanderesses du nom de domaine en cause, il y a lieu d’ordonner le transfert de celui-ci à la société
CORTAL.
Eu égard à l’atteinte portée à la marque CORTAL dont la renommée pour des services bancaires est établie par les pièces produites aux débats , il y a lieu d’allouer à la société
CORTAL une somme de 30.000 Euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon. Cette indemnité sera supportée in solidum par l’ensemble des co-auteurs sus-visés.
Compte-tenu de l’interruption du reroutage par les sociétés indiennes dès le 17 juillet 2000, il n’y a pas lieu à publication sur le site de la société DOMAINEREDIRECT Inc de la présente décision.
En revanche, à titre de dommages et intérêts complémentaires qui seront supportés par le seul M. Y G , il y a lieu d’autoriser la publication du dispositif de la présente décision dans trois journaux ou revues au choix de la société CORTAL dans la limite de 5000 Euros HT par insertion.
Compte-tenu de l’ancienneté du litige, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.
L’équité commande d’allouer en outre à la société CORTAL la somme de 5000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,le Tribunal statuant publiquement, en premier ressort et par décision réputée contradictoire,
Dit que M. Y G en réservant le nom de domaine « cortalconsorts.net » et en donnant l’ordre de reroutage de celui-ci vers le site « fimatex.fr » proposant des services financiers, les sociétés DOMAINREDIRECT,WEBMONEY INFORMATICS,
INDIALINKS WEB HOSTING AND SERVICES et M. C en fournissant les moyens d’un tel reroutage ont commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque
CORTAL n° 1 240 595 au détriment de la société CORTAL , propriétaire de celle-ci,
Ordonne à M. Y G de procéder auprès de la société DOTSTER, registrar, aux formalités de transfert du nom de domaine « cortalconsorts.net » au profit de la société CORTAL dans le délai de un mois après la signification de la présente décision et ce, sous astreinte de 150 Euros par jour de retard passé ce délai,
Interdit la poursuite de l’utilisation par les défendeurs succombants de l’utilisation de la dénomination « cortalconsorts » pour désigner des services financiers et ce , sous astreinte de 1500 Euros par infraction constatée passé la signification de la présente décision,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ainsi ordonnées,
Condamne in solidum la société DOMAINEREDIRECT, la société WEBMONEY
INFORMATES, la société INDIALINKS WEB HOSTING AND SERVICES , M. C et M. Y G à payer à la société CORTAL la somme de 30.000 Euros à titre de dommages et intérêts,
Autorise la publication du présent dispositif dans 3 journaux ou revues au choix de la société CORTAL et aux frais de M. G dans la limite de 5000 Euros HT par insertion,
Condamne in solidum la société DOMAINEREDIRECT, la société WEBMONEY
INFORMATICS, la société INDIALINKS WEB HOSTING AND SERVICES , M. C et M. Y G à payer à la société CORTAL la somme de 5000 Euros en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,
Ordonne l’exécution provisoire,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne in solidum la société DOMAINEREDIRECT, la société WEBMONEY
INFORMATICS, la société INDIALINKS WEB HOSTING AND SERVICES , M. C et M. Y G aux dépens,
Fait application de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de la SEP
GUERLAIN, et ARMENGAUD ,avocat,pour la part des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 4 novembre 2003, n° 02/09796