Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 30 septembre 2003, n° 2001/05200

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  • Intérêt commercial·
  • Invention·
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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch., 30 sept. 2003, n° 01/05200
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 2001/05200
Décision(s) liée(s) :
  • Cour d'appel de Paris, 13 mami 2005
  • 2003/18363
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR7909403
Titre du brevet : Nouveau pigment à base de silice sous forme de bille, procédé pour l'obtenir et application, notamment comme charge renforçante dans les élastomères
Classification internationale des brevets : C09C ; C08K
Référence INPI : B20030156
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Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

3e chambre 3e section N°RG: 01/05200 Assignation du : 02 Mars 2001

JUGEMENT rendu le 30 Septembre 2003

DEMANDEUR Monsieur Jean-Louis R représenté par Me Robert GUILLAUMOND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire L 314

DÉFENDERESSES

Société RHODIA CHIMIE […] représentée par la SCP VERON & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire P 24

Société RHODIA SILICES […] 69660 COLLONGES AU MONT D’OR représentée par la SCP VERON & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire P 24

COMPOSITION DU TRIBUNAL Mme B, Vice-Président, signataire de la décision Mme V A. Vice-Président Mme R, Vice-Président assistée de Catherine MAIN, Greffier, signataire de la décision

DEBATS A l’audience du 26 Mai 2003 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé en audience publique Contradictoire en premier ressort

Faits et procédure

Monsieur R, ingénieur chimiste, a été employé de 1970 à 1996 par la société RHÔNE POULENC CHIMIE, devenue RHODIA CHIMIE. A compter de 1973, il a été affecté à l’usine de Collonges-au-Mont d’Or, spécialisée dans les silices et les silico-aluminates de soude précipités, dans une fonction d’ingénieur technico-commercial au sein du laboratoire développement/application. En 1979, il a été nommé responsable du laboratoire de Recherche et Développement et dirigeait alors une équipe de dix chercheurs. Dans le cadre de ces fonctions, Monsieur R a mis au point un nouveau pigment à base de silice sous forme de bille ainsi qu’un procédé pour l’obtenir qui a donné lieu au dépôt d’une demande de brevet le 13 avril 1979 par la société RHÔNE POULENC avec pour inventeurs désignés Monsieur R à hauteur de 70% et Monsieur C, brevet délivré sous le n° 79 09403 et publié le 2 avril 1982. En 1991, Monsieur R a été détaché de la société RHÔNE POULENC au sein de la société PROCATALYSE, alors filiale de la précédente. Devenu en 1996 salarié de la société PROCATALYSE, il a refusé de signer le reçu pour solde de tout compte qui lui était proposé par la société RHÔNE POULENC au motif qu’il n’avait reçu aucune gratification afférente à l’invention ci dessus énoncée.

La société RHONE POULENC a admis le bien fondé de la demande de Monsieur R et lui a accordé le 29 novembre 1996, une gratification de 43 500 francs, jugée insuffisante par l’intéressé qui a sollicité la communication d’informations sur l’exploitation du brevet en cause. Ne les ayant pas obtenues, Monsieur R a saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Lyon d’une demande d’expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance en date du 6 juillet 1998 qui a désigné Monsieur D en qualité d’expert avec pour mission de : "- Rechercher et indiquer, année par année, site par site, les tonnages de pigments à base de silice précipitée conforme au brevet dont Monsieur R est co-inventeur, produits directement par la société RHODIA, par ses filiales ou par ses licenciés;

-Rechercher et indiquer le chiffre d’affaires qui en est résulté par la commercialisation des produits, qu’elle soit directe ou par l’intermédiaire des filiales ou licenciés;

-Rechercher et indiquer l’ensemble des données permettant d’apprécier la marge brute dégagée de production de pigments à base de silice précipitée et donner un avis sur ladite marge brute;

-Donner son avis sur l’intérêt économique de l’invention." L’expert a déposé son rapport le 20 décembre 1999. Sur la base de celui-ci, Monsieur R a saisi le Conseil de Prud’hommes de Nanterre le 20 juillet 2000 d’une demande en paiement d’une gratification de 57 225 000 F outre 500 000 francs de dommages et intérêts. La société RHODIA ayant soulevé à l’audience de conciliation l’incompétence de la juridiction prud’homale au profit du Tribunal de Grande Instance de PARIS, Monsieur RAY en a pris acte et, par assignation en date du 2 mars 2001, a saisi ce tribunal.

Il demande, sur le fondement de l’article 17 de l’avenant n° 3 de la convention collective des industries chimiques de:

-constater que la société RHODIA a reconnu son droit à rémunération supplémentaire pour sa contribution personnelle à l’invention référencée chez elle R 2708,
- fixer la rémunération supplémentaire qui lui est due à la somme de 9 261 277,80 € (60 750 000 francs) et condamner la société RHODIA CHIMIE à lui payer cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1996, Subsidiairement, et pour le cas où il serait justifié que le bénéfice des brevets déposés en suite de son invention aurait été transférés à la société RHODIA SILICES, il demande condamnation de cette dernière au paiement de la somme ci-dessus indiquée. Il sollicite l’allocation de la somme de 76 224,51 € à titre de dommages et intérêts complémentaires et celle de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile outre la condamnation de la défenderesse aux dépens dont distraction au profit de son conseil et demande d’ordonner l’exécution provisoire. Les sociétés RHODIA concluent au débouté de l’ensemble des demandes. Elles sollicitent l’allocation de la somme de 70 000 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et demandent la condamnation de Monsieur R aux entiers dépens incluant les frais d’expertise sous le bénéfice de l’article 699 du même code. Elles font valoir à titre principal que la gratification de 6 631,53 € (43 500 F) versée à Monsieur R, correspondant à trois mois et demi de son salaire de l’époque, rémunère de façon satisfaisante l’invention qu’il a réalisée dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée dans la mesure où cette rémunération supplémentaire doit rester dans l’ordre de grandeur du salaire et ne peut être proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé, lequel n’est pas connu à la date d’exigibilité de la gratification forfaitaire, c’est à dire au début de l’exploitation. A titre subsidiaire, elles estiment que le demandeur attribue à l’invention une valeur économique excessive en ce que:

- le chiffre d’affaires généré par la vente de silices microperles ne constitue pas en lui même un critère pertinent d’évaluation de l’invention car les sociétés RHODIA ont toujours été parmi les leaders mondiaux dans le domaine de la silice même avant le brevet R 2708; ainsi ne doit être pris en compte que le chiffre d’affaires additionnel généré par l’invention qui représente l’avantage concurrentiel qu’elle a procuré,
- l’invention n’a généré qu’un accroissement très faible des ventes, l’accès à de nouveaux marchés, en particulier celui des pneumatiques n’a pu avoir lieu qu’à la suite des inventions R 3138 en 1983 et surtout R 91 052 en 1991,

— les calculs avancés par Monsieur R pour évaluer le brevet à 130 000 000 F sont inexacts et en tout état de cause ce montant représente la valeur de la branche d’activité en question incluant les actifs immobiliers, industriels et incorporels dont le brevet n’est qu’un des éléments,
- le second mode de calcul fondé sur les redevances n’est .pas davantage pertinent en ce qu’il est fondé sur un taux qu’elles n’auraient jamais accepté de payer,

— le demandeur ne saurait réclamer une rémunération correspondant à 52,5% de la valeur économique créée. Monsieur R développe pour sa part que :

- la société RHODIA n’a jamais respecté ses obligations conventionnelles en ne lui communiquant pas les informations nécessaires à l’appréciation de la valeur de l’invention, informations qui n’ont été obtenues que très partiellement et sans certification par un tiers indépendant pendant le cours de l’expertise et celui de la présente instance,
- l’invention couvre: * d’une part un produit, en l’espèce, des particules de silice sous forme de microbilles présentant, par rapport aux poudres et granulés antérieurement connus, l’avantage majeur d’une dispersibilité homogène et immédiate et en outre l’intérêt d’une absence de poussière à la différence des poudres et d’une plus grande fluidité que les granulés, * d’autre part un procédé d’obtention des microperles, qui, contrairement à ce que soutiennent les défenderesses, ne nécessite pas la mise en oeuvre d’un délitage chimique tel que l’enseigne le brevet R 3138, * enfin, une application comme charge renforçante dans tout élastomère, revendication occultée par la société RHODIA, alors qu’elle lui a précisément permis de se maintenir sur un marché et de la développer en enrayant la décroissance annoncée des ventes de silices traditionnelles.

- l’invention a été mise en oeuvre dès 1980 avec une production sans cesse croissante avant même le dépôt du brevet R 3138, ce qui est relevé par le rapport d’expertise,
- l’invention R 91 052, permettant d’obtenir une silice à haute dispersibilité, qui selon la société RHODIA a seule permis d’accéder à l’important marché du pneumatique au travers des relations commerciales nouées avec la société MICHELIN, n’est développée qu’avec la technologie « microperle » présentée

— la rémunération due au salarié n’est pas fonction de son salaire mais de la valeur de l’invention, laquelle correspond à la valeur économique créée, calculée sur la base de la marge brute réalisée sous déduction des frais commerciaux, administratifs et de recherche et de développement et des amortissements sur ces

derniers qui conduit à un résultat opérationnel dont il convient de soustraire la rémunération des capitaux engagés, soit 132 097 179 F
- ce mode de calcul se trouve confirmé par rapproche de valorisation fondée sur la valeur d’une licence au taux de 5% qui, appliquée à un chiffre d’affaires total sur la période considérée de 2 850 895 020 F aboutit à une valeur de l’invention de 142 544 751 F,
- la prise en comptes des critères définis par la convention collective conduit à appliquer un coefficient modérateur de 25% en relation avec le cadre général de l’invention et un coefficient modérateur de 30% en relation avec la participation personnelle de l’inventeur telle que déclarée au brevet de sorte que la somme due est bien de 60 750 000 francs. L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2003.

Motifs de la décision

Attendu que l’invention objet du brevet R 2708 est une invention de mission, ce qui n’est l’objet d’aucune contestation; Attendu que le brevet dont s’agit a été déposé le 13 avril 1979 et donc sous l’empire de la loi du 2 janvier 1968, laquelle ne prévoyait aucune indemnisation des salariés pour les inventions de service; que la demande de Monsieur R trouve son fondement exclusivement sur l’avenant cadre de la convention collective nationale des industries chimiques en son article 17; Attendu qu’il est de principe que les clauses nouvelles d’une convention collective renégociée se substituent immédiatement aux anciennes clauses; qu’en conséquence, il convient de se référer ici à la rédaction de la convention collective issue de la révision du 18 avril 1985; Attendu que l’article 17 de ce texte est ainsi libellé: " 1. Dans le cas où un ingénieur ou cadre fait une invention ayant trait aux activités, études ou recherches de l’entreprise et donnant lieu à une prise de brevet par celle-ci, le nom du salarié doit être mentionné dans la demande de brevet. Cette mention n’entraîne pas par elle-même de droit de copropriété. 2. Si dans un délai de dix ans consécutif à la prise du brevet, celui-ci a donné lieu à une exploitation commerciale, le cadre dont le nom est mentionné sur le brevet a droit à une rémunération en rapport avec la valeur de l’invention, et ceci même dans le cas où le cadre serait à la retraite ou ne serait plus au service de l’employeur. Cette disposition s’applique également à tout procédé breveté nouveau de fabrication, qui, notoirement appliqué, accroît la productivité de la fabrication à laquelle il s’applique. Le montant de la gratification sera établi forfaitairement en tenant compte du cadre général de la recherche dans lequel s’est placée l’invention, des difficultés de la mise au point pratique, de la contribution personnelle originale de l’intéressé dans

l’individualisation de l’invention elle-même et de l’intérêt commercial de celle-ci L’intéressé sera tenu informé de ces différents éléments. " Attendu qu’il résulte de ce texte que la somme due à l’inventeur salarié a la nature d’une rémunération; que cependant pour fixer le montant de celle-ci, la convention collective ne renvoie pas au salaire versé, de sorte que la société RHODIA n’est pas fondée à soutenir que cette rémunération doit rester dans l’ordre de grandeur du salaire (Cass.com. 21 novembre 2000), mais à la valeur de l’invention; Attendu cependant que la notion de valeur de l’invention ne doit pas être analysée dans cette hypothèse comme une valeur vénale dans la mesure où il ne s’agit pas ici de déterminer le juste prix de l’invention dont le salarié serait dépossédé mais d’une valeur relative destinée à préciser la référence à considérer par opposition précisément au salaire en considération duquel sont habituellement fixées les primes exceptionnelles, afin de faire bénéficier le salarié inventeur d’une gratification particulière liée à l’apport exceptionnel que ses compétences ont fourni à l’entreprise et à la possibilité corrélative d’un développement industriel et commercial qui n’aurait pas pu avoir lieu sans l’invention; Attendu que c’est bien là ce que précise la convention collective lorsqu’elle définit les critères à prendre en compte pour fixer le montant de la rémunération à savoir :

- le cadre général de la recherche dans lequel s’est placée l’invention,
- les difficultés de la mise au point pratique,
- la contribution personnelle originale de l’inventeur,
- l’intérêt commercial de l’invention; Attendu qu’il est dès lors vain de tenter de chiffrer une valeur économique créée pour y apporter ensuite des correctifs ou affecter à chacun des critères conventionnels un coefficient modérateur, ce raisonnement, tel que conduit par le demandeur, aboutissant à déterminer la rémunération comme une fraction du juste prix, notion étrangère à l’indemnisation de l’invention de mission; Attendu qu’en ce qui concerne la date à laquelle il convient de se placer pour évaluer la rémunération supplémentaire, la société RHODIA soutient qu’elle doit avoir lieu à la date d’exigibilité, c’est à dire lors du commencement d’exploitation, de sorte que le chiffre d’affaires réalisé serait indiffèrent; Attendu cependant que la convention collective ne fixe aucune date d’exigibilité de la rémunération due, mais se borne à définir un délai: dix ans, au delà duquel, faute d’exploitation commerciale de l’invention, le droit à rémunération disparaît; Que l’employeur, tenu de fournir au salarié les informations relatives à cette exploitation ne saurait se fonder sur sa propre carence pour prétendre fixer au début de l’exploitation la date d’évaluation de sa dette, laquelle est nécessairement déterminée à la date à laquelle la juridiction saisie est amenée à se prononcer en fonction des éléments d’appréciation connus à ce moment, parmi desquels le chiffre d’affaires, indication indispensable à la mesure de l’intérêt commercial de l’invention. Sur la portée du brevet :

Attendu que le brevet 79 09403 (R 2708) protège « un nouveau pigment à base de silice sous forme de bille, procédé pour l’obtenir et application, notamment comme charge renforçante des élastomères »; Attendu que l’avantage de ce produit dit « microperles » par rapport à la silice en poudre réside dans son caractère non-poussiérant, dans une fluidité que ne présente pas la silice en granulés et meilleure que les produits en poudre et surtout dans une dispersibilité homogène de nature à permettre une incorporation dans le caoutchouc en évitant les risques d’échauffement; Attendu que la société RHODIA n’est pas fondée à minimiser l’intérêt de la dispersibilité du produit objet de l’invention dès lors que cette caractéristique est clairement énoncée dans la description du brevet (p. 1 lignes 13 et 14 et p. 2 lignes 20 et suivantes, p.3, ligne 34 et 35); Attendu qu’il n’est pas contesté que le produit microperles a été fabriqué dans l’usine de Collonges au Mont d’Or et commercialisé dès 1980; Attendu que la société RHODIA soutient que le réel développement des ventes n’est intervenu que grâce à une nouvelle invention permettant un délitage chimique objet d’un dépôt de brevet du 24 novembre 1982, dit R 3138 dont le procédé a été mis en oeuvre industriellement avant cette date; Attendu que le brevet R 2708 enseigne un procédé pour obtenir le produit qui comporte quatre étapes :

- une réaction de précipitation,
- une filtration avec enrichissement en matière sèche,
- un délitage mécanique au moyen d’un dispositif à vis extrudeuse puis à broyeur colloïdal,
- un séchage par atomisation; Attendu qu’il n’est pas contesté que le délitage mécanique est suffisant pour réaliser le produit, cependant la suspension de silice d’un pH supérieur à 4 ne présente pas de stabilité suffisante, inconvénient auquel le nouveau brevet se propose de remédier en complétant le délitage mécanique par un délitage chimique à base d’aluminate de sodium; Attendu qu’il n’est pas établi que ce procédé, qui constitue un perfectionnement par rapport à l’invention R 2708, ait été exploité industriellement dès 1980; que le seul élément probant est constitué par un compte rendu d’activité du laboratoire de contrôle de la société RHODIA qui fait état du « démarrage de rajustement du pH par addition d’aluminate à partir du 6 octobre 1982 », étant observé que s’il est ainsi démontré que ce procédé a été utilisé avant le dépôt du brevet correspondant, c’est seulement dans les quelques semaines précédentes et non deux ans auparavant; qu’en tout état de cause et comme l’a souligné l’expert dans son rapport, les quantités commercialisée dans les années 1983 etl984 sont tout à fait comparables à celles des années 1981 et 1982 soit de l’ordre de 12 ou 13 000 tonnes par an ; Attendu enfin que la revendication 9 du brevet R 2708 couvre une application comme charge renforçante des élastomères, application dont les défenderesses exposent

qu’elle n’a réussi à percer le marché des pneumatiques qu’à compter de 1992, à la suite de la découverte d’un procédé de précipitation particulier, objet du brevet n° 9107859 déposé le 26 juin 1991 et répertorié che z RHODIA sous la référence R 91 052 qui confère à la silice qu’elle soit en poudre en granulé ou sous forme de microperles une haute disponibilité;

Attendu que la courbe de l’évolution des ventes montre qu’en effet une chute des ventes de microperles standard s’est produite en 1990, le marché s’étant trouvé affecté notamment par la perte des clients des pays de l’Est qui utilisaient le produit dans la fabrication de semelles de chaussures en caoutchouc et par le déréférencement du produit chez les fabricants de pneumatiques mais qu’un marché nouveau très porteur dans le domaine des pneumatiques a été trouvé postérieurement grâce au produit à haute dispersibilité au travers d’un accord avec la société MICHELIN; Attendu cependant que la société RHODIA ne conteste pas que le procédé R 91 052 est appliqué conjointement au brevet en litige, l’ensemble de ses publications et documents commerciaux (Actualité Chimique janvier-février 1996, Contact avril 1999) précisant que la « Technologie microperles est idéale pour préserver la haute dispersibilité acquise à l’issue des étapes amont de précipitation et de filtration » alors même que le brevet de 1991 ne vise que les poudres et granulés ; Sur l’intérêt commercial de l’invention : Attendu que les sociétés RHODIA ne sont pas fondées à soutenir que le procédé de l’invention n’a permis a lui seul aucun débouché nouveau pour en déduire qu’elle n’a eu qu’un intérêt commercial limité alors que la lecture des tableaux qu’elle verse aux débats montrant la répartition des ventes de silices sous leurs différentes formes établit que la vente des poudres et granulés a connu une baisse sensible à compter de 1978 qui a duré jusqu’en 1993 et que les tonnages de silices en microperles dit standard ont en revanche augmenté de façon significative jusqu’en 1989-90; qu’il doit être observé que la chute des ventes des poudres de silice a précédé de deux ans Je début de la commercialisation des microperles dont il est dès lors permis de considérer qu’elles ont eu une influence extrêmement positive sur le positionnement de RHODIA en lui permettant d’abord de s’y maintenir puis de développer son chiffre d’affaires; que si les microperles dites standard ont disparu à compter de 1996, la technologie est toujours mise en œuvre à ce jour, couplée avec le procédé « haute dispersibilité » ainsi que ci-dessus relevé; Attendu que les sociétés RHODIA ont réalisé entre 1980 et 1990 un chiffre d’affaires sur le produit issu de l’invention de l’ordre de 727 999 000 francs; que ce chiffre est fondé sur une estimation pour la période comprise entre 1980 et 1987, les défenderesses n’ayant fourni que les tonnages annuels; que pour la période 1991 à 2000, le chiffre d’ affaires s’ établit à 2 121 896 020 F; qu’il convient de préciser qu’il s’agit là de données comptables qui n’ont fait l’objet d’aucune certification;

Attendu qu’il doit encore être précisé que le procédé « microperles » a donné lieu à un dépôt de brevet aux Etats Unis, brevet qui a été délivré le 11 janvier 2000. Sur la mise en oeuvre industrielle : Attendu qu’il n’est pas contesté par le demandeur que RHODIA a engagé des frais de recherche et de développement importants qu’elle indique avoir été de l’ordre de 20 000 000 F par an sur 10 ans sans toutefois en justifier précisément; qu’il convient de noter que la production industrielle de l’invention a débuté dès l’année qui a suivi le dépôt du brevet. Sur le cadre général de la recherche et la contribution personnelle du demandeur. Attendu qu’il est constant que l’ensemble des moyens matériels et humains ont été fournis par la société RHODIA; Attendu que les attestations de MM M et SIGNORET montrent que dès 1976/1977 cette société a confié à une équipe de chercheurs la mission de mettre au point une silice non poussiérante et dispersible dans le but de pénétrer le marché du caoutchouc et plus particulièrement des pneumatiques et que des travaux ont abouti à la mise au point de la silice sous forme de granulés; que les affirmations du demandeur qui indique qu’il n’appartenait pas à cette équipe de recherche lorsqu’il a émis l’hypothèse d’envisager de donner à la silice une forme sphérique, ne sont pas démenties par la défenderesse laquelle, convaincue de l’intérêt de cette idée, lui a confié la responsabilité de la développer; Attendu que le brevet désigne comme inventeurs Monsieur R à hauteur de 70% et Monsieur C son supérieur hiérarchique pour le surplus. Sur la rémunération due à Monsieur R et la demande en dommages et intérêts : Attendu qu’au regard de ces différents éléments, le tribunal dispose d’éléments suffisants pour fixer à 600 000 € le montant de la rémunération du demandeur au titre de l’invention considérée; que cette somme, dont il convient de déduire le montant de 6 631,53 € déjà versé, portera intérêts au taux légal à compter de ce jour ; Attendu que s’agissant d’une rémunération, celle-ci est due par la société qui était l’employeur de Monsieur R en l’occurrence, la société RHÔNE POULENC, actuellement dénommée RHODIA CHIMIE de sorte que la société RHODIA SILICE, exclusivement titulaire d’un droit d’exploitation du brevet en vertu d’un traité d’apport partiel d’actif en date du 30 avril 1999, doit être mise hors de cause. Attendu que le demandeur ne justifie d’aucune faute génératrice d’un préjudice ouvrant droit à indemnisation; qu’il sera dès lors débouté de sa demande en dommages et intérêts, étant précisé que le long délai imposé à Monsieur R pour obtenir le paiement de la somme qui lui est due se trouve compensé par le fait que la juridiction a tenu compte d’une exploitation de son invention sur une période de vingt

et un ans et d’éléments d’appréciation sur la valeur relative de l’invention qui n’auraient pas été connus antérieurement ; Attendu qu’il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, exécution provisoire qui n’est en l’espèce contraire à aucune disposition légale et se trouve justifiée par l’ancienneté du litige. Attendu que le demandeur a engagé pour la présente procédure des frais non taxables dont il serait inéquitable qu’ils restent à sa charge; qu’il lui sera alloué la somme de 30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile; Attendu que la société RHODIA CHIMIE sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, incluant les frais d’expertise, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Par ces motifs

Le Tribunal, Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, Dit que la rémunération due au salarié inventeur dans le cadre de sa mission est fixée par rapport à la valeur de l’invention et non par rapport à son salaire, Dit que la rémunération versée le 29 novembre 1996 par la société RHÔNE POULENC, actuellement dénommée RHODIA CHIMIE est insuffisante, Fixe à 600 000 euros le montant de la rémunération due à Monsieur R au titre de l’invention ayant donné lieu au dépôt du brevet n° 79 09404 du 13 avril 1979 en application de l’article 17 de l’avenant Ingénieurs et Cadres de la Convention Collective des industries chimiques,

Condamne la société RHODIA CHIMIE au paiement de cette somme, sous déduction du montant de 6 631,53 euros déjà versée, Dit que la somme due portera intérêts au taux légal à compter de ce jour, Déboute Monsieur R de sa demande en ce qu’elle est dirigée contre la société RHODIA SILICES,

Le déboute de sa demande en dommages et intérêts,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision, Condamne la société RHODIA à payer à Monsieur RAY la somme de 30 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile,

Condamne la société RHODIA aux entiers dépens, incluant les fiais d’expertise, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 30 septembre 2003, n° 2001/05200