Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre 1re section, 21 décembre 2023, n° 23/14720

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, 3e ch. 1re sect., 21 déc. 2023, n° 23/14720
Numéro(s) : 23/14720
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 26 décembre 2023
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Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS [1]

[1] Le :

Copies délivrées à : Me WILLEMANT #J106 (exécutoire), Me NERI #J25 (exécutoire)

3ème chambre

1ère section

N° RG 23/14720

N° Portalis 352J-W-B7H-C3JQA

N° MINUTE :

Assignation du :

30 octobre 2023

JUGEMENT SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FOND

rendu le 21 décembre 2023

DEMANDERESSES

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS

[Adresse 2]

[Localité 3]

S.A. GROUPE CANAL+

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentées par Me Richard WILLEMANT de la SELARL WILLEMANT LAW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0106

DÉFENDERESSES

Société GOOGLE IRELAND LIMITED

[Adresse 4],

[Adresse 4]

[Localité 6] (IRLANDE)

Société GOOGLE LLC

[Adresse 1] [Localité 5]

[Localité 5] (ETATS-UNIS)

représentées par Me Alexandra NERI du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025, avocat postulant & Me Sébastien PROUST du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025, avocat plaidant

Décision du 21 décembre 2023

3ème chambre 1ère section

N° RG 23/14720

N° Portalis 352J-W-B7H-C3JQA

MAGISTRAT

Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente,

assistée de Madame Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 04 décembre 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 21 décembre 2023.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe

Contradictoire

En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Groupe Canal + et la société d’édition de Canal Plus (ci-après SECP) sont des entreprises de communication audiovisuelle exploitant plusieurs chaînes de télévision, accessibles au public français, majoritairement par abonnement payant. Elles sont notamment spécialisées dans la diffusion en direct et en différé de programmes sportifs, dont le championnat de France de rugby masculin professionnel de 1ère division à XV, dit “TOP14” et les championnats de football dénommés “Premier league” et “ Ligue des champions”.

Les sociétés Google Ireland limited et Google LLC (ci-après “les sociétés Google”) sont des fournisseurs de services de moteur de recherche en ligne via le moteur de recherche “Google”.

Les droits d’exploitation audiovisuelle du TOP 14 sont détenus par la Ligue Nationale de Rugby, laquelle les a cédés à titre exclusif aux sociétés Groupe Canal + et SECP, pour la diffusion de l’événement sur le territoire français, à l’exception de la finale de ce championnat qui pourra également être diffusée par France Télévisions.

Les droits d’exploitation audiovisuelle de la Premier League sont détenus par la Football Association Premier League (ci après “FAPL”), organisatrice de l’évènement, laquelle les a cédés à titre exclusif au Groupe Canal +, pour la diffusion de l’ensemble du championnat en direct en France et à Monaco. En revanche, elle n’a cédé ces droits qu’à titre non-exclusif pour Andorre, le Luxembourg, la Suisse, la Nouvelle Calédonie, la Guyane française, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, La Réunion, Mayotte, Maurice, Madagascar, Guadeloupe, Haiti, Martinique, St Pierre et Miquelon, St Barthélemy, St Martin et la Guyane. La diffusion s’opère sur les chaînes de la SECP.

Les droits d’exploitation audiovisuelle de la Ligue des Champions sont détenus par l’Union of european football associations (ci après “UEFA”), organisatrice de l’évènement, laquelle les a cédés à titre exclusif à la société Groupe Canal Plus pour 34 matchs disputés au cours des semaines de matchs 1 à 17 de l’évènement. Le certificat fournit précise que la société Groupe Canal + choisit prioritairement à la société beIN, également titulaire d’un droit exclusif sur cette évènement, un match chaque mardi et un chaque mercredi sur lequel elle exercera son propre droit exclusif. Ces droits sont valables en France et dans ses territoires d’Outre-mer.

La société Groupe Canal+ et la SECP exposent que de nombreux sites internet accessibles depuis la France diffusent de manière quasi-systématique, gratuitement, en streaming et en direct entre autres les matchs de multiples compétitions, notamment de rugby et football.

Les sites concernés sont accessibles par les noms de domaine suivants :

hesgoal.name

footybite.cc

footybite.io

pirlotv.app

reddit-soccerstreams.com

redditsoccerstreams.tv

streameast.gg

volokit.to

totalsportek.ac

soccerstreamlinks.com

socceron.name

primasport.one

lacasadeltikitaka.net

realbitsport.com

streamcheck.link

1stream.soccer

bestsolaris.com

streameast.top

radamel.icu

headlines.footballstreams.top

headlines.nfllivestream.top

hitstreams.live

whaaatads.g2afse.com

extrafiled.com

sportskart.click

maxiplay.xyz

tarjetarojatvlive.net

tvhd.capshd.xyz

footybite.tv

hesgoal.today

pirlotv.buzz

redditsoccerstreams.org

rsoccerstreams.net

soccerstreams.football

soccerstreamshd.com

totalsporteks.net

sportsurge.app

redditsoccerstreams.xyz

hesgoals.top

hdmatch.club

bitestreams.net

Décision du 21 décembre 2023

3ème chambre 1ère section

N° RG 23/14720

N° Portalis 352J-W-B7H-C3JQA

livesoccer.sx

streamcheck.link

1stream.soccer

radamel.icu

watch.soccerlive.app

headlines.nfllivestream.top

catchystream.com

headlines.totalsportek.soccer

reddit.soccerstreamshd.com

streameast.top

fapxy.info

1l1l.to

livetv681.me

livetv683.me

livetv684.me

livetv685.me

directatvhd.com

sportsbay.sx

pirlotvonline.site

rugbystreams.me

volkastream.net

jokerguide.com

streamonsport3.sbs

paktech2.com

stitichsports.com

cdn.livetv695.me

cdn.livetv.sx

tvfutbol.info

sportbay.fr

ntv.capshd.xyz

tarjetarojadirectatv.net

rugby.jokerguide.com

hesgoalguide.com

jokeristhebest.live

poscitech.click

nolive.me

hoca4u.com

olahdplay.xyz

ddhwebcast4k.xyz

voodc.com

ntv.tutvlive.site

tarjetarojatvlive.net

latestupdatespk.com

sharecast.ws

abolishstand.net

Dûment autorisées par une ordonnance du 20 octobre 2023, la société Groupe Canal+ et la SECP ont, par actes d’huissier délivrés le 30 octobre 2023, fait assigner, selon la procédure accélérée au fond, les sociétés Google, devant le Président du tribunal judiciaire de Paris, siégeant à l’audience du 21 novembre 2023 à 15 heures 30, en vue d’obtenir la mise en oeuvre, par cette dernière, en sa qualité de fournisseur de services de moteur de recherche en ligne, des mesures propres à empêcher l’accès par leurs utilisateurs à ces sites à partir du territoire français et à faire cesser les atteintes aux droits de leurs membres.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 1er décembre 2023, le groupe Canal + et la SECP demandent au tribunal, au visa des articles L. 333-10 du code du sport, L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle et 481-1 du code de procédure civile, de :

— JUGER recevables et bien fondées leurs demandes en vue de prévenir de nouvelles atteintes grave et irrémédiables au droit d’exploitation audiovisuelle et aux droits voisins dont elles sont respectivement titulaires sur le championnat de football dénommé “Premier League” ou “EPL” organisé par la Football Association Premier League, sur le championnat de France de rugby masculin professionnel de 1ère division à XV, dénommé “Top 14” et sur le championnat de football dénommé “Ligue des champions” ou “UCL” organisé par l’UEFA ;

En conséquence,

— ORDONNER aux sociétés Google de mettre en œuvre toutes mesures de déréférencement propres à empêcher l’apparition sur le service du moteur de recherche “Google” de tout résultat en réponse à une requête émanant d’internautes à partir du territoire français, pointant vers les sites internet identifiés, y compris toute URL comportant les noms de domaine des sites litigieux, suivants accessibles à partir des noms de domaine et sous-domaines suivants, et ce pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition “EPL”, jusqu’à la date de fin de la saison 2023/2024, actuellement fixée au 19 mai 2024 : [noms de domaine listés précedemment n°1 à 28]

— ORDONNER aux sociétés Google de mettre en œuvre toutes mesures de déréférencement propres à empêcher l’apparition sur le service du moteur de recherche “Microsoft bing” de tout résultat en réponse à une requête émanant d’internautes à partir du territoire français, pointant vers les sites internet identifiés, y compris toute URL comportant les noms de domaine des sites litigieux, suivants accessibles à partir des noms de domaine et sous-domaines suivants, et ce pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition “UCL”, jusqu’à la date de fin de la saison 2023/2024, actuellement fixée au 1er juin 2024 : [noms de domaine listés précedemment n°29 à 53]

— ORDONNER aux sociétés Google de mettre en œuvre toutes mesures de déréférencement propres à empêcher l’apparition sur le service du moteur de recherche “Microsoft bing” de tout résultat en réponse à une requête émanant d’internautes à partir du territoire français, pointant vers les sites internet identifiés, y compris toute URL comportant les noms de domaine des sites litigieux, suivants accessibles à partir des noms de domaine et sous-domaines suivants, et ce pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition “TOP 14”, jusqu’à la date de fin de la saison 2023/2024, actuellement fixée au 29 juin 2024 : [noms de domaine listés précedemment n°54 à 86]

— ORDONNER aux sociétés Google de mettre en oeuvre toutes mesures de déréférencement propres à empêcher l’apparition sur le service du moteur de recherche “Google” de tout résultat en réponse à une requête émanant d’internautes à partir du territoire français, pointant vers les sites internet non encore identifiés à la date du jugement à intervenir, sur la base des données d’identification de ces sites qui leur seront, le cas échéant notifiés par l’ARCOM, conformément à l’article L. 333-10 III du code du sport, et ce selon les modalités déterminées par l’ARCOM;

— DIRE que les sociétés Google devront informer, sans délai, les sociétés Groupe Canal + et SECP, par l’intermédiaire de leurs conseils, de la réalisation des mesures ordonnées à l’égard des sites identifiées précités et, le cas échéant, des difficultés qu’elles rencontreraient ;

— DIRE qu’elles devront informer les sociétés Google de toute modification de la date de fin de la saison 2023/2024 des compétitions “EPL”, “UCL” et “TOP 14”, auxquelles les mesures ordonnées prendront fin ;

— RAPPELER que, pendant toute la durée des mesures ordonnées, les sociétés Groupe Canal + et SECP pourront communiquer à l’ARCOM les données d’identification de tout service de communication au public en ligne qui n’était pas été identifié à la date du jugement à intervenir, diffusant illicitement la compétition “EPL”, “UCL” et/ou “TOP 14”, ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de la compétition “EPL”, “UCL” et/ou “TOP 14” et ce aux fins de mise en œuvre des pouvoirs conférés à l’ARCOM par les articles L. 333-10 III et L. 333-11 du code du sport ;

— DIRE qu’aux fins d’actualisation des mesures ordonnées ou en cas de difficulté dans la mise en œuvre des mesures ordonnées à l’encontre des sites identifiés ou des sites non encore identifiés à la date du jugement à intervenir, elles pourront en tout état de cause saisir le Président du Tribunal judiciaire de Paris, sur requête ou en référé ;

— RAPPELER que le jugement à intervenir est de droit exécutoire à titre provisoire ;

— DIRE n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— DIRE que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 décembre 2023, les sociétés Google demandent au tribunal, au visa des articles L. 333-10 du code du sport, L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle et 481-1 du code de procédure civile, de :

— DIRE ET JUGER qu’à l’exception du site , les sites visés par les demandes de la société Groupe Canal + de la SECP, ont fait l’objet de mesures de déréférencement d’ores et déjà effectives ;

— JUGER que la demande de mesures de déréférencement à l’encontre des sites ci-dessous ( ne figure pas dans la liste) est sans objet et partant, irrecevables : […]

— DIRE ET JUGER que le site ne porte pas atteinte aux droits revendiqués par la société Groupe Canal + et la SECP ;

— DIRE ET JUGER que les demandes de la société Groupe Canal + et la SECP sont mal fondées ;

— DEBOUTER la société Groupe Canal + et la SECP de leurs demandes, fins et conclusions ;

— DIRE que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

A l’issue de l’audience de plaidoiries du 04 décembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 21 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la qualité à agir

Aux termes de l’article L. 333-10 du code du sport, “[…] 2° L’entreprise de communication audiovisuelle, dans le cas où elle a acquis un droit à titre exclusif, par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle, sur une compétition ou manifestation sportive, que cette compétition ou manifestation sportive soit organisée sur le territoire français ou à l’étranger, dès lors que ce droit est susceptible de faire l’objet ou fait l’objet de l’atteinte mentionnée audit premier alinéa.” peut saisir le président du tribunal judiciaire dans les conditions posées à l’alinéa premier de ce même article.

1/ Par délégation du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Fédération Française de Rugby (FFR), la Ligue nationale de rugby détient les droits exclusifs de diffusion audiovisuelle et de retransmission du Top 14, conformément à l’article L.132-1 du code du sport, à ses statuts et à une convention conclue avec la FFR.

La Ligue nationale de rugby atteste avoir cédé aux sociétés Groupe Canal + et SECP, à titre exclusif, les droits de transmission et retransmission du TOP14, à l’exception de la finale de ce championnat qui pourra également être diffusée gratuitement par France Télévisions.

La Ligue nationale de rugby a précisé que cette cession valait pour l’ensemble du territoire français comprenant la France métropolitaine, mais aussi les collectivités, départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

2/ L’UEFA détient les droits exclusifs de diffusion audiovisuelle et de retransmission de la Ligue des champions.

L’UEFA atteste avoir cédé ces droits à la société Groupe Canal + à titre exclusif les droits de transmission et retransmission de la Ligue des champions pour 34 matchs disputés au cours des semaines de matchs 1 à 16 de l’évènement. Le certificat fournit précise que la société Groupe Canal + choisit prioritairement à la société beIN, également titulaire d’un droit exclusif sur cette évènement, un match chaque mardi et un chaque mercredi sur laquelle elle exercera son propre droit exclusif. Ces droits sont valables en France et dans ses territoires d’Outre-mer.

3/La FAPL détient les droits exclusifs de diffusion audiovisuelle et de retransmission de la Premier League.

La FAPL atteste avoir cédé ces droits au Groupe Canal + pour la diffusion de l’ensemble du championnat en direct à titre exclusif pour la France métropolitaine et Monaco, et à titre non exclusif pour Andorre, le Luxembourg, la Suisse, la Nouvelle Calédonie, la Guyane française, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, La Réunion, Mayotte, Maurice, Madagascar, Guadeloupe, Haiti, Martinique, St Pierre et Miquelon, St Barthélemy, St Martin et la Guyane .

En outre, les sociétés Groupe Canal + et SECP sont titulaires du droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle sur les programmes diffusés sur les chaînes : Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Canal+ Family, Canal+ Séries et Canal+ Décalé.

En conséquence, la société Groupe Canal + et la SECP sont recevables en leurs demandes.

II- Sur les atteintes aux droits

Aux termes de l’article L. 333-10 du code du sport, issu de la loi n°2021-1382 du 25 octobre 2021, “I.-Lorsqu’ont été constatées des atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle prévu à l’article L. 333-1 du présent code, au droit voisin d’une entreprise de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le programme concerné est constitué d’une manifestation ou d’une compétition sportive, ou à un droit acquis à titre exclusif par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle d’une compétition ou manifestation sportive, occasionnées par le contenu d’un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives […]”.

Concernant le site accessible par le nom de domaine , il ressort des procès verbaux de constat dressés le 23 août 2023 (pièce Canal n°41, p. 192 et suivantes) et le 29 août 2023 (pièce Canal n°42 p. 188 et suivantes) que ce site, après redirection depuis le nom de domaine , donnait accès aux matchs Braga c. Panathianaikos et Panathianaikos c. Braga de la Ligue des champions.

La présente juridiction a d’ores et déjà constaté, dans trois jugements rendus le 19 septembre 2023 (enregistrés au rôle du tribunal sous les numéros de RG n°23/11391, 22/11396 et 23/11385) que les sites accessibles depuis l’ensemble des adresses litigieuses diffusaient des compétitions sur lesquelles le groupe Canal + et la SECP disposent d’un droit exclusif d’exploitation et/ou de droits voisins. Le même constat est fait en l’espèce.

En effet, les sites litigieux ont pour objectif principal la diffusion de compétitions sportives, notamment de rugby et de football, sur une partie au moins desquelles la société groupe Canal + et la SECP jouissent d’un droit exclusif d’exploitation et/ou un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle.

Ils donnent accès à des données, qui ne sont pas des correspondances privées. Il s’agit donc de services de communication au public en ligne.

Il est, par ailleurs, observé que, bien que les sites énumérés soient majoritairement accessibles en langue anglaise, leur usage est néanmoins aisé pour des utilisateurs francophones.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les différents sites accessibles par les noms de domaine susvisés portent des atteintes graves et répétées aux droits des sociétés demanderesses sur les compétitions sportives EPL, UCL et TOP 14, au moyen d’un service dont l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives.

***

Il est ainsi démontré de manière suffisamment probante que les sites litigieux permettent aux internautes d’accéder, sans autorisation, à des manifestations et compétitions sportives sur lesquelles la société Groupe Canal + et la SECP détiennent des droits exclusifs d’exploitation audiovisuelle et/ou un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle. Sont ainsi établies des atteintes graves et répétées au sens de l’article L. 333-10 du code du sport, ces atteintes étant commises au moyen de différents services dont l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives.

Contrairement à ce qu’affirment les sociétés Google, le fait que le site accessible par le nom de domaine ne semble plus diffuser d’images portant atteinte aux droits des sociétés Canal + est sans incident sur les atteintes graves et répétées qui ont été constatées durant la saison 2023/2024 du championnat UCL et qui justifient un blocage de ce site jusqu’à la fin de la compétition en cause.

La société Groupe Canal + et la SECP sont donc fondées à solliciter la prescription de mesures propres à prévenir ou faire cesser la violation de leurs droits sur les championnats EPL, UCL et TOP 14.

III- Sur les mesures sollicitées

Aux termes de l’article L. 333-10 du code du sport “afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable à ces mêmes droits, le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.

II.-Le président du tribunal judiciaire peut notamment ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de douze mois, de toutes mesures proportionnées, telles que des mesures de blocage ou de retrait ou de déréférencement, propres à empêcher l’accès à partir du territoire français à tout service de communication au public en ligne, identifié ou qui n’a pas été identifié à la date de ladite ordonnance, diffusant illicitement la compétition ou manifestation sportive ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de la compétition ou manifestation sportive. Les mesures ordonnées par le président du tribunal judiciaire prennent fin, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, à l’issue de la diffusion autorisée par le titulaire du droit d’exploitation de cette compétition ou de cette manifestation.

Le président du tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure de publicité de la décision, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’il désigne, selon les modalités qu’il précise.”

Les conditions posées par l’article L. 333-10 du code du sport étant remplies, il sera fait droit aux demandes selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision étant relevé qu’il n’apparaît pas disproportionné de laisser un délai au fournisseur de services de moteur de recherche en ligne de trois jours maximum suivant la signification de la présente décision, pour mettre en œuvre la mesure de blocage ordonnée, le délai de trois jours étant décompté ici conformément aux dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile.

Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés dans la liste annexée au présent jugement, et permettant l’accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte-tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s’étendront à tous les sous-domaines associés à un nom de domaine mentionné dans cette liste.

De plus, les demanderesses sollicitent le blocage de toute URL comportant les noms de domaines des sites litigieux. Une telle mesure serait disproportionnée aux atteintes constatées et entraînerait un fort risque de blocage de sites ne portant pas atteinte aux droits des sociétés Canal +. Cette demande sera rejetée.

Par ailleurs, le fait que la défenderesse ait d’ores et déjà procédé au déréférencement de la majeure partie des noms de domaine litigieux, à réception de l’assignation, est sans effet sur le prononcé des mesures sollicités. La présente décision permet en effet d’assurer que les mesures mises en oeuvre seront proportionnées, en les encadrant d’une temporalité strictement limitée aux droits des sociétés demanderesses.

Selon l’article L. 333-10 du code du sport in fine, “III.-Pour la mise en œuvre des mesures ordonnées sur le fondement du II portant sur un service de communication au public en ligne non encore identifié à la date de l’ordonnance, et pendant toute la durée de ces mesures restant à courir, le titulaire de droits concerné communique à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification du service en cause, selon les modalités définies par l’autorité.

Lorsque les agents habilités et assermentés de l’autorité mentionnés à l’article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle constatent que le service mentionné au premier alinéa du présent III diffuse illicitement la compétition ou la manifestation sportive ou a pour objectif principal ou parmi ses objectifs principaux une telle diffusion, le président de l’autorité ou, en cas d’empêchement, tout membre du collège de l’autorité désigné par lui notifie les données d’identification de ce service aux personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II afin qu’elles prennent les mesures ordonnées à l’égard de ce service pendant toute la durée de ces mesures restant à courir.

En cas de difficulté relative à l’application du deuxième alinéa du présent III, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux services de se justifier. Sans préjudice d’une telle demande, le président du tribunal judiciaire peut être saisi, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure propre à faire cesser l’accès à ces services.

IV.-L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adopte des modèles d’accord que les titulaires de droits mentionnés au I, la ligue professionnelle, l’entreprise de communication audiovisuelle ayant acquis un droit à titre exclusif et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes mentionnées au même I sont invités à conclure. L’accord conclu entre les parties précise les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour faire cesser d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou compétition sportive et la répartition du coût des mesures ordonnées sur le fondement du II.”

Les mesures concernant les services non encore identifiés doivent être demandées à l’ARCOM selon les modalités rappelées ci-dessus et au dispositif de la présente décision, laquelle est exécutoire par provision, tandis que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

CONSTATE l’existence d’atteintes graves et répétées aux droits exclusifs de diffusion des compétitions dites “Premier League”, “Ligue des champions” et “TOP 14” (2023/2024) dont sont titulaires la société Groupe Canal + et la Société d’édition de Canal plus, commises au moyen de différents services de communication en ligne, dont l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions sportives ;

ORDONNE en conséquence aux sociétés Google Ireland limited et Google LLC, de mettre en oeuvre, au plus tard dans un délai de trois jours suivants la signification de la présente décision, toutes mesures propres à empêcher, jusqu’à la date du dernier match du championnat de la “Premier League” 2023/2024 actuellement fixée au 19 mai 2024, l’accès aux sites identifiés ci-dessus n°1 à 28, ainsi qu’aux sites non encore identifiés à la date de la présente décision, à partir du territoire français, y compris dans les collectivités, départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs internautes sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le déréférencement des sites accessibles par les noms de domaine et des sous-domaines associés dont la liste figure dans le tableau annexé à la présente ordonnance au format CSV exploitable et faisant partie de la minute ;

ORDONNE en conséquence aux sociétés Google Ireland limited et Google LLC, de mettre en oeuvre, au plus tard dans un délai de trois jours suivants la signification de la présente décision, toutes mesures propres à empêcher, jusqu’à la date du dernier match du championnat de la “Ligue des champions” 2023/2024 actuellement fixée au 1er juin 2024, l’accès aux sites identifiés ci-dessus n°29 à 53, ainsi qu’aux sites non encore identifiés à la date de la présente décision, à partir du territoire français, y compris dans les collectivités, départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs internautes sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le déréférencement des sites accessibles par les noms de domaine et des sous-domaines associés dont la liste figure dans le tableau annexé à la présente ordonnance au format CSV exploitable et faisant partie de la minute ;

ORDONNE en conséquence aux sociétés Google Ireland limited et Google LLC, de mettre en oeuvre, au plus tard dans un délai de trois jours suivants la signification de la présente décision, toutes mesures propres à empêcher, jusqu’à la date du dernier match du championnat du “TOP 14” 2023/2024 actuellement fixée au 29 juin 2024, l’accès aux sites identifiés ci-dessus n°54 à 86, ainsi qu’aux sites non encore identifiés à la date de la présente décision, à partir du territoire français, y compris dans les collectivités, départements et régions d’outre-mer, ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, et/ou par leurs internautes sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le déréférencement des sites accessibles par les noms de domaine et des sous-domaines associés dont la liste figure dans le tableau annexé à la présente ordonnance au format CSV exploitable et faisant partie de la minute ;

PRECISE que le délai de trois jours maximum prévus ci-dessus sera décompté conformément aux dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile ;

ORDONNE à la société Groupe Canal + et à la Société d’édition de canal plus d’informer les sociétés Google Ireland limited et Google LLC de toute modification de la date du dernier match des compétitions dites “Premier League”, “Ligue des champions” et “TOP 14” (2023/2024), à laquelle les mesures ordonnées prendront fin ;

DIT que les sociétés Google Ireland limited et Google LLC devront informer la société Groupe Canal + et la Société d’édition de Canal plus de la réalisation de ces mesures et, le cas échéant, des difficultés qu’elles rencontreraient ;

DIT qu’en cas de difficultés d’exécution dans la mise en place des mesures de déréférencement ou pour les besoins de l’actualisation des sites visés, la partie la plus diligente pourra saisir la juridiction, en référé ou sur requête ;

DIT que les sociétés Google Ireland limited et Google LLC pourront, en cas de difficultés en référer au président du tribunal judiciaire statuant en référé, le cas échéant à heure indiquée, afin d’être autorisées à lever la mesure ;

DIT que la société Groupe Canal + et la Société d’édition de Canal plus devront indiquer au fournisseur de services de moteur de recherche en ligne les noms de domaine dont elles auraient appris qu’ils ne sont plus actifs ou dont l’objet a changé afin d’éviter les coûts de déréférencement inutiles;

RAPPELLE que pendant toute la durée des présentes mesures, la société Groupe Canal + et la Société d’édition de Canal plus pourront communiquer à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification de tout service de communication au public en ligne qui n’a pas encore été identifié à la date de la présente décision, diffusant illicitement les matchs des compétitions dites “Premier League”, “Ligue des champions” et “TOP 14” (2023/2024), ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de matchs des compétitions dites “Premier League”, “Ligue des champions” et “TOP 14” (2023/2024), aux fins de mise en œuvre des pouvoirs conférés à cette autorité par les articles L. 333-10 III et L. 333-11 du code du sport ;

REJETTE les autres demandes;

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision.

Fait et jugé à Paris le 21 décembre 2023

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Tribunal Judiciaire de Paris, 3e chambre 1re section, 21 décembre 2023, n° 23/14720