CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 14PA03829

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 19 mars 2012 ( n° 10PA01680
CAAP, 15 octobre 2013, n° 11PA02545
CE, 17 avril 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, n° 374179
Conseil d'Etat du 11 juin 2003, Région Nord-Pas-de-Calais et autres, nos 242483, 247275, 247276

Texte intégral

14PA03829
Région Nord-Pas-de-Calais
Séance du 15 juin 2015
Lecture du 26 juin 2015
CONCLUSIONS de Mme Vrignon, Rapporteur public
Il s’agit de l’ultime étape – du moins l’espérons-nous – d’une déjà bien longue affaire.
A compter du 1er janvier 2002, les régions ont été chargées de l’organisation des services ferroviaires régionaux de voyageurs[1]. Ce transfert de compétence a ouvert droit à une compensation financière pour les régions, devenues « autorités organisatrices des transports collectifs d’intérêt régional ». Les modalités de cette compensation sont fixées aux articles L.1614-8-1 et L.1614-1 à L.1614-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Versée sous forme de dotation générale de décentralisation, ladite compensation est constituée :
- du montant de la contribution pour l’exploitation des services transférés ;
- du montant de la dotation complémentaire nécessaire au renouvellement du parc du matériel roulant affecté aux services transférés ;
- du montant de la dotation correspondant à la compensation des tarifs sociaux mis en œuvre à la demande de l’Etat.
L’arrêté du 8 août 2002 fixant le montant de la compensation allouée aux régions en contrepartie du transfert de compétences en matière de transport collectif d’intérêt régional a ainsi fixé le droit à compensation initial de la région Nord-Pas-de-Calais à 108 705 997 euros, ainsi décomposé :
- 59 261 789 euros au titre de l’exploitation des services (montant calculé sur la base de données en valeur 2000, actualisé en valeur 2002) ;
- 19 428 881 euros au titre du matériel roulant (montant calculé sur la base de données en valeur 2000, non actualisé) ;
- 30 015 328 euros au titre de la compensation des tarifs sociaux (montant établi sur la base de données en valeur 2001, non actualisé).
Cet arrêté a été annulé, à la demande de la région Nord-Pas-de-Calais, en tant qu’il fixait la compensation allouée à celle-ci, par un jugement du Tribunal administratif du 1er février 2010. Le tribunal a écarté les moyens par lesquels la région contestait les modalités de calcul de chacune des composantes de la dotation, mais a en revanche considéré que l’Etat aurait dû revaloriser en valeur 2002 la dotation complémentaire relative au matériel roulant et celle relative aux tarifs sociaux. Ce jugement, qui n’a donc que très partiellement fait droit à la demande de la région, a été confirmé par votre Cour, par un arrêt rendu le 19 mars 2012 (n°10PA01680), devenu définitif.
Par arrêté du 24 juin 2013, le montant de la compensation allouée à la région à été fixé à 111 410 065 euros en valeur 2002, décomposé de la façon suivante :
- 59 261 789 euros au titre de l’exploitation des services (montant calculé sur la base de données en valeur 2000, actualisé en valeur 2002) ;
- 20 911 730 euros au titre du matériel roulant (montant calculé sur la base de données en valeur 2000, actualisé en valeur 2002) ;
- 31 236 546 euros au titre de la compensation des tarifs sociaux (montant établi sur la base de données en valeur 2001, actualisé en valeur 2002).
La Région Nord-Pas-de-Calais, considérant que le montant de la compensation ainsi arrêté n’était toujours pas celui auquel elle était en droit de prétendre, a de nouveau saisi le Tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 24 juin 2013 mais également d’une demande indemnitaire, en réparation des préjudices subis en raison du retard avec lequel l’Etat lui a versé les sommes auxquelles elles pouvait prétendre dès 2002.
Elle a également saisi le tribunal d’un référé provision, tendant au versement d’une somme de 29,78 millions d’euros correspondant au versement de la différence entre le montant de la contribution revalorisée, fixée par l’arrêté du 24 juin 2013, et le montant perçu, pour la période 2002-2011. Le juge des référés a fait droit à cette demande, par ordonnance du date du 31 octobre 2014, en relevant que cette différence s’élevait à 32,91 millions d’euros, que l’Etat n’avait à ce jour versé que 3,13 millions d’euros, et que la créance n’était pas sérieusement contestable.
En revanche, le recours pour excès de pouvoir et la demande indemnitaire ont été rejetés, par un jugement du 1er juillet 2014, dont la région relève appel devant nous, en renouvelant sa demande d’annulation de l’arrêté, ainsi que sa demande de versement de la somme de 118 042 383 euros, décomposée comme suit :
- 74,6 M€ au titre de la sous-évaluation initiale de la dotation complémentaire pour le renouvellement en matériel roulant ;
- 34,74 M€ au titre de la compensation des charges induites par la réforme du régime de retraite des agents de la SNCF ;
- 8,7 M€ en réparation du préjudice prétendument subi par la région, dont 5,7 M€ en raison de la sous-évaluation de la dotation « matériel roulant » et 3 M€ en raison du retard pris par l’Etat dans l’exécution du jugement du TAP du 1er février 2010.
1. En premier lieu, comme vient de le juger le Conseil d’Etat, confirmant un arrêt de votre Cour, aucune compensation n’était due au titre de la réforme du régime des retraites de la SNCF (CE, 17 avril 2015, Région Nord-Pas-de-Calais, n° 374179, B ; et CAAP, 15 octobre 2013, n° 11PA02545).
C’est donc à bon droit que le tribunal a, en tout état de cause, rejeté les conclusions de la Région tendant au versement d’une somme de 34,74 M€ à ce titre.
2. En deuxième lieu, comme l’explique X Y dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 11 juin 2003, Région Nord-Pas-de-Calais et autres, nos 242483, 247275, 247276, « l’article R. 1614-110 du CGCT (…) a prévu les modalités suivantes pour le calcul de la dotation de l’Etat correspondant à la charge de renouvellement des matériels roulants :
- Sont regardés comme affectés aux services transférés à chaque région les matériels effectivement utilisés au cours de l’année 2000 pour les besoins de ces services.
- La durée de vie des matériels est fixée à trente ans, de sorte que la dotation annuelle pour 2002 correspond à un trentième de la valeur de renouvellement du parc régional. Cette valeur de renouvellement est fixée à 1.677.000 € pour une caisse autotractée et 1.143.000 € pour une voiture tractée. Ces sommes ont été fixées au vu des prix d’acquisition constatés au cours des cinq années précédant le transfert de compétence. Pour les matériels à deux étages, ces montants sont forfaitairement majorés de 25%. En outre, pour tenir compte de ce que les matériels sont fréquemment l’objet de remises à niveau au cours de leur exploitation, les sommes sont majorées de 15%. Enfin, pour lisser l’effet des différences d’âge des matériels d’une région à l’autre, les montants des dotations aux amortissements concernant le parc existant sont déduits des sommes prises en considération pour le remplacement ».
S’agissant du calcul des dotations individualisées de chaque région, et c’est toujours X Y qui parle, « les auteurs du décret ont entendu assimiler une locomotive et un wagon du parc actuel à une caisse autotractée du parc renouvelé. Le principe n’est guère critiquable dès lors que ce sont effectivement ces seconds matériels qui seront acquis au fur et à mesure des remplacements. Les régions requérantes objectent, cependant, que les locomotives tractent plusieurs wagons, souvent trois ou quatre, et que le mode de calcul du coût de remplacement des différentes catégories de matériels actuels par assimilation aux deux seules catégories futures conduirait à une minoration de ce coût. Il nous semble cependant que cette critique n’a pas de prise sur des dispositions qui se bornent à fixer la valeur unitaire des matériels qui vont être acquis par les régions pour remplacer le parc actuel. Le vice allégué ne pourrait, le cas échéant, résulter que de décisions d’application de ces dispositions, par lesquelles les autorités de l’Etat n’assureraient pas la compensation effective de la charge des remplacements nécessaires (…) ».
C’est précisément ce que la région Nord-Pas-de-Calais soutient en l’occurrence. Elle reproche plus précisément à l’Etat de ne pas avoir pris en compte, d’une part, l’insuffisance et l’obsolescence du parc de locomotives qui lui a été transféré en 2002 et, d’autre part, le fait que les locomotives et voitures tractées constituant le parc utilisé en 2000 sont désormais systématiquement remplacées par des caisses autotractées. Selon elle, la compensation devait se faire en partant de l’hypothèse que toutes les voitures tractées seront remplacées par des voitures autotractées. Ainsi, il ne s’agissait pas seulement, comme proposé par l’Etat, de valoriser le « couple » formé par une locomotive et une caisse tractée au prix d’une voiture autotractée, mais de valoriser les autres caisses tractées au prix d’une caisse autotractée. Dans un second temps, la région a en outre fait valoir que la contenance des caisses autotractées utilisées par la région était moindre que celle des caisses tractées et que le rapport devait être légèrement supérieur à 1 pour 1 afin d’assurer l’équivalence en nombre de places assises. D’après les calculs effectués par ses soins, cela imposerait, dans son cas, le remplacement des caisses tractées par un nombre supérieur de 10 % du nombre de caisses autotractées.
Toutefois, cette argumentation n’est pas pertinente dès lors qu’elle part de l’hypothèse, qui n’est pas celle qui a été retenue par le législateur puis par le pouvoir réglementaire, d’un remplacement intégral du parc des matériels roulants utilisés en 2000 par des caisses autotractées. Le fait même qu’une valeur de renouvellement ait été fixée pour les caisses tractées montre bien qu’au début des années 2000, seul un remplacement partiel a été envisagé. Ainsi, comme l’ont souligné à juste titre les premiers juges, « il est constant que, dans la région Nord – Pas-de-Calais, comme, du reste, sur l’ensemble du territoire, le remplacement du matériel roulant est systématiquement assuré par l’acquisition de caisses autotractées, ce que les dispositions de l’article R. 1614-110 ont anticipé, ces trains autotractés pouvant, toutefois, être d’une capacité différente selon le nombre de matériels qu’ils ont vocation à remplacer et intégrer entre les deux cabines de conduite une ou plusieurs caisses spécifiques ; qu’ainsi, si les voitures tractées n’ont plus vocation à être remplacées à l’identique, leur valorisation peut, néanmoins, être utilement opérée, conformément aux termes des dispositions de l’article R. 1614-110, pour déterminer le coût d’acquisition des nouveaux trains autotractés ».
Le ministre de l’intérieur, indique, à ce titre, avoir mis en oeuvre une méthode de valorisation du parc existant comptabilisant, pour une locomotive et une caisse tractée, une caisse autotractée, selon le principe dont X Y indiquait qu’il n’était « guère critiquable », et avoir majoré ce résultat de 15 % pour tenir compte, en particulier, de l’incompatibilité des voitures tractées et des caisses autotractées, ainsi que la contenance inférieure de ces dernières par rapport aux locomotives et caisses tractées qu’elles sont amenées à remplacer.
En se plaçant dans l’hypothèse maximaliste d’un remplacement intégral des caisses tractées par des caisses autotractées, puis en intégrant dans son calcul une augmentation de 10 % du nombre de matériels tractés, non conforme aux dispositions de l’article R. 1614-110, la région Nord-Pas-de-Calais n’apporte pas la preuve qui lui incombe que, compte tenu de l’état des matériels qui lui ont été transféré en 2002, la méthode de valorisation utilisée par le ministre serait, en ce qui la concerne, entachée d’erreur d’appréciation.
C’est donc à bon droit, et sans entacher son jugement de contradictions de motifs ni faire peser sur la région une part excessive de la charge de la preuve, que le tribunal a écarté ce moyen.
3. Vous pourrez en revanche en troisième lieu, faire partiellement droit à la demande indemnitaire de la région.
Ce que la région demande, c’est la réparation des préjudices qu’elle a subis en raison de la faute commise par l’Etat en lui attribuant annuellement, depuis 2002, une dotation inférieure au montant auquel elle pouvait légalement prétendre et, en conséquence, en la privant des sommes auxquelles elle pouvait prétendre.
Compte tenu de ce qui précède, cela ne peut concerner que le défaut d’actualisation, par l’arrêté du 8 août 2002, mais pas la sous-évaluation, hors actualisation, résultant des modalités de calcul des composantes de la dotation allouées au titre du matériel roulant et au titre de la compensation des tarifs sociaux. Autrement dit, la région n’est fondée à demander que la réparation des préjudices résultant pour elle de l’illégalité du calcul effectué en 2002, puis du retard pris à corriger celui-ci par l’arrêté du 14 juin 2013.
Elle a évalué ce préjudice en appliquant les intérêts au taux légal aux sommes qui lui étaient dues à ce titre depuis 2002, au regard de la compensation finalement opérée en 2013. Le taux légal est utilisé ici comme méthode de calcul d’une somme demandée à titre principal, et non pas comme l’accessoire d’une telle demande. Le préjudice est évalué à hauteur de ce que les sommes qui n’ont, à tort, pas été versées, auraient pu rapporter si elles avaient été placées en bons du Trésor. Cette méthode nous semble tout à fait pertinente en l’occurrence. C’est donc à tort que le tribunal a considéré que ces conclusions consistaient en une demande de versement des intérêts à taux légal à laquelle il ne pouvait faire droit, en application de l’article 1153 du code civil, qu’à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable adressée par la région à l’Etat le 4 septembre 2013.
Vous devrez donc annuler le jugement, sur ce point, et condamner l’Etat à verser à la région Nord-Pas-de-Calais une somme, qui doit être calculée en appliquant, année par année, entre le 8 août 2002 et le 24 juin 2013, le taux d’intérêt légal sur les sommes qui étaient dues au regard de la compensation finalement opérée en 2013. Il conviendra de déduire de cette somme, le cas échéant, les sommes que l’Etat aurait déjà versées à ce titre.
Les intérêts au taux légal, cette fois-ci en application de l’article 1153 du code civil, seront dus sur la somme ainsi calculées, à compter de la date de réception par l’Etat de la demande du préalable du 4 septembre 2013.
Vous pourrez mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros à verser à la région Nord-Pas-de-Calais en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Tel est le sens de nos conclusions.
----------------------- [1] En en tant qu’il fixait la compensation allouée à la région Nord-Pas-de-Calais, a été annulé vertu de l’article 21-1 de la loi n° 82-11 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.

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