CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02769

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : 22 mai 2009 M. B N° 301 186
CAAB 26 juillet 2012 M. O P S T précité
CAAL 2 janvier 2014, Conseil régional de l' ordre des architectes d'Auvergne, n° 12LY02827
CAAP 18 décembre 2012 Association Accomplir N° 12PA01087
CE 10 décembre 2012 Société Lyonnaise des eaux 355 127 B
CE 11 mai 2011 SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE N° 331 153 B
CE 19 février 2010 M. A 322 407
CE 19 juin 2013 SCI Ugari 347 346 B
CE, 21 février 2011, Société Ophrys n° 337349
CE, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n° 335 033
CE 23 juillet 2010 M. F ( N° 326544
CE 23 juillet 2010 M. F N° 326 544
CE 24 juin 2011 Ministre de l' écologie N° 347 720
CE 25 octobre 1996 Association Estuaire-Ecologie 169 557
CE 28 janvier 2013 B Syndicat mixte Flandre Morinie N° 358 302
CE 29 octobre 2004 Sueur 269 814
CE 30 octobre 1992 A Ministre des affaires étrangères N° 140 220
CE 9 décembre 1988 Ville d'Amiens N° 97 746
CE le 16 juin 2008 ( n° 301 115
TA Montpellier 26 février 2010 Dillenschneider N° 0803471

Texte intégral

N° 13PA02766
N° 13PA02769
N° 13PA02770
Association Justice dans la cité
Séance du 14 mars 2014
Lecture du 3 avril 2014
CONCLUSIONS de M. ROUSSET, Rapporteur public 1) Depuis de nombreuses années, les usagers et professionnels de la justice parisienne ont pu constater que, l’inadaptation et l’exigüité des locaux du palais de justice de Paris, qui abrite sur l’ile de la Cité, notamment, la cour de cassation, la cour d’appel et le tribunal de grande instance de Paris, ne permettaient plus d’accueillir, dans des conditions satisfaisantes, les 15 000 personnes qui le fréquentent quotidiennement.
a) Après avoir examiné, puis abandonné pour des raisons tant techniques que financières, le projet d’un redéploiement sur place des différentes juridictions, la décision a été prise par l’Etat de construire un nouveau palais de justice au sein duquel serait installé, principalement, le TGI de Paris et de réaffecter les locaux libérés sur l’ile de la cité, à la Cour d’appel et à la Cour de cassation.
Dans ce but, a été créé, par le décret n°2004-161 du 18 février 2004, un établissement public national dénommé Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) chargé, sous la tutelle du garde des sceaux, de concevoir et faire construire le nouveau palais de justice.
b) Parallèlement, l’association « La Justice dans la Cité », qui vous saisi aujourd’hui et qui défend, à l’inverse, le projet d’un réaménagement de l’actuel palais de justice et de son extension dans les bâtiments prochainement libérés de l’Hôtel Dieu, a été constituée dans le but de s’opposer au transfert du TGI de Paris hors de l’ile de la Cité.
Le 31 janvier 2007, elle a formé contre la décision du ministre de la justice refusant d’abroger le décret du 18 février 2004 créant l’EPPJP un recours, qui sera rejeté par le CE le 16 juin 2008 ( n° 301 115).
c) Au mois de mars 2007, le premier ministre a décidé que le nouveau palais de justice serait implanté sur le site Tolbiac- Chevaleret dans le 13° arrondissement.
Cette décision est toutefois restée lettre morte, le gouvernement ayant renoncé à engager une épreuve de force avec la ville de Paris hostile à cette localisation.
d) Le 29 avril 2009, le Président de la République a annoncé, à l’occasion d’un discours sur le Grand Paris que « la cité judiciaire s’installerait aux Batignolles ».
L’annonce a été confirmée par le garde des sceaux qui a fait savoir par un communiqué du 23 novembre 2009 que suite à la cession du terrain par la SNCF et après accord du conseil de Paris, le futur TGI serait aménagé dans la ZAC des Batignolles .
Le décret du 18 février 2004, portant création de l’EPPJP a, en conséquence, été modifié par le décret n° 2010-43 du 12 janvier 2010.
L’article 2 du décret, dans sa nouvelle rédaction, confie ainsi à l’établissement public la « mission de concevoir et réaliser le projet de construction du nouveau tribunal de grande instance de Paris » et son article 3 modifié, l’autorise pour la réalisation de cette mission à « Négocier, conclure et gérer des contrats de partenariat dans les conditions prévues par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 (…) ».
En 2009-2010, l’EPPJP a fait réaliser l’évaluation préalable prescrite par l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004 afin d’examiner si les conditions requises pour réaliser le nouveau palais de justice, dans le cadre d’un contrat de partenariat public privé (PPP), étaient remplies .
Au vu des conclusions positives de cette étude et après que la mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP) a rendu le 5 février 2010 un avis favorable , l’EPPJP a décidé de recourir à un contrat de partenariat sur le fondement de l’ordonnance du 17 juin 2004.
Un avis d’appel public à la concurrence publié au JOUE le 3 juin 2010 et au BOAMP le 5 juin 2010, a ainsi lancé une procédure de dialogue compétitif en vue de confier au futur attributaire du contrat de partenariat, le financement, la conception, la construction, l’entretien, la maintenance et le gros entretien/ renouvellement du nouveau palais de justice de Paris ainsi que la fourniture des fluides, le nettoyage et la gestion des prestations d’accueil et de sécurité incendie.
e) Par deux délibérations du 3 février 2012, le conseil d’administration de l’EPPJP :
- a, d’une part, choisi la société Arelia (émanation du groupement ayant la société Bouygues comme mandataire) comme attributaire du contrat de partenariat ;
- et d’autre part, approuvé le contenu du contrat et autorisé son directeur général à le signer.
Précisons que l’annexe 7 de la convention définit le programme fonctionnel et architectural du bâtiment qui a vocation à accueillir sur le site des Batignolles, le TGI mais également les 20 TI d’arrondissement et le TP de Paris.
La notice descriptive du projet du partenaire est jointe à l’annexe 15 et le calendrier de l’opération à l’annexe 16.
Le 15 février 2012, la convention a été signée avec la société Arelia, au nom et pour le compte de l’État, par le directeur général de l’EPPJP .
L’avis d’attribution nous apprend que le contrat est entré en vigueur le 15 février 2012, que le palais de justice devra être réalisé en 57 mois, que la convention prendra fin 27 ans après la prise de possession de l’ouvrage par la personne publique et que le cout total de l’opération pour l’Etat serait d’ 1 666 536 495 euros HT.
Le 15 février 2012, ont également été signés au nom de l’Etat, par le secrétaire général du ministère de la justice, d’une part, un acte d’acceptation de la cession, par la société Arelia, à un pool bancaire représentée par la société générale, de la créance irrévocable née du contrat de partenariat et, d’autre part, un accord autonome définissant les conditions d’indemnisation d’ Arélia par l’Etat en cas d’annulation contentieuse du contrat.
f) Par une première requête, enregistrée sous le N° 13pa02769, l’association « La Justice dans la Cité » et M. X font appel du jugement n° 12 06 417 du 17 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l’annulation des deux délibérations du 3 février 2012 du conseil d’administration de l’EPPJP et de la décision du 15 février 2012 de son directeur général .
Par une deuxième requête, enregistrée sous le N° 13pa02766, l’association « La Justice dans la Cité » et M. X font appel du jugement n° 12 08 605 du 17 mai 2013, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 15 février 2012 du secrétaire général du ministère de la justice acceptant, au nom de l’Etat, la cession par la société Arelia de la créance née du contrat de partenariat.
Enfin, par une troisième requête, enregistrée sous le N° 13pa02770, l’association « La Justice dans la Cité » et M. X font appel du jugement n° 12 09 054 du 17 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 15 février 2012 du secrétaire général du ministère de la justice signant avec le partenaire et le pool bancaire l’ accord autonome définissant les conditions d’indemnisation d’ Arélia en cas d’annulation du contrat.
Ces trois requêtes, que vous pourrez joindre, donneront lieu à des conclusions communes.
Rappelons également que ces affaires, déjà appelées lors de l’audience du 14 janvier dernier de la 4°chambre, ont été radié du rôle afin de permettre leur examen par la formation plénière de votre Cour.
g) Pour finir, précisons qu’ alors que la nouvelle garde des sceaux avait fait part, en juillet 2012, de son opposition au projet, le Premier ministre, a finalement confirmé, le 10 janvier 2013, le choix d’implantation du nouveau TGI dans la ZAC Clichy Batignolles.
Cette décision a été attaquée par l’association « La Justice dans la Cité » devant le TAP qui , par un jugement du 19 décembre 2013, a rejeté, comme irrecevable, son recours.
2) Avant toutes choses, vous devrez vous interroger sur la régularité des trois jugements, qui vous sont déférés.
Dans ces affaires, le tribunal a en effet considéré que l’association « La Justice dans la Cité » et M. X étaient dépourvus d’intérêt pour agir et a, par conséquent, rejeté leurs demandes comme irrecevables.
Les requérants le contestent et sollicitent, par suite, l’annulation de ces trois jugements qu’ils estiment irréguliers.
2-1) Rappelons, au préalable, qu’en matière d’excès de pouvoir, l’intérêt pour agir s’apprécie en confrontant, à la date de saisine du juge, l’intérêt que le requérant revendique à l’appui de ses conclusions et l’objet de la décision dont il sollicite l’annulation.
Soulignons, également, qu’ il ne suffit pas que le demandeur démontre que l’acte attaqué l’ affecte d’une façon quelconque , il faut encore qu’il justifie qu’il le fait de manière suffisamment spéciale, directe et certaine pour lui donner intérêt à en contester la légalité ( pour une synthèse de cette jurisprudence qualifiée par R Chapus « d’extraordinairement abondante et nuancée » voyez R Chapus Dr du Cx adm N° 563 et s et fasc « Intérêt pour agir » rédigé par Y de Chaisemartin au repértoire contentieux administratif Dalloz.
S’agissant des associations, la jurisprudence admet dans des conditions particulièrement libérales leur intérêt à agir.
Comme le rappelle René Chapus « le CE (…) a donné aux administrés et aux citoyens un moyen de défendre tout intérêt de leur choix : il leur suffit de se constituer en association ( et deux personnes y suffisent ) et de lui assigner pour mission la sauvegarde de ce qui leur tient à cœur ». ( R Chapus Dr du Cx adm N° 567).
Pour autant, l’intérêt à agir d’une association n’est pas sans limite.
Il est borné par son objet statutaire.
Et le juge vérifie notamment que l’intérêt pris en charge par l’association n’est pas trop étendu par rapport à l’objet de la décision contestée ( en ce sens par exemple CE 13 mars 1998 Association de défense des agents publics 173 705 A par lequel il est jugé qu’une association qui s’est pourtant donnée pour mission de veiller au respect des règles propres à la fonction publique, n’aura pas, en raison du caractère trop général de son objet statutaire, intérêt à contester les décisions de nomination des fonctionnaires ).
Enfin, précisons qu’une association sera recevable à demander l’annulation des actes détachables d’un contrat dont les stipulations seraient de nature à léser, de manière suffisamment directe et certaine, les intérêts qu’elle défend ( pour une illustration récente CE 11 mai 2011 SOCIETE LYONNAISE DES EAUX FRANCE N° 331 153 B).
En l’espèce, vous devrez donc vérifier si l’association « La Justice dans la Cité » et M. X peuvent, compte tenu de l’objet des 5 décisions en litige, se prévaloir d’un intérêt suffisamment direct et certain pour en demander l’annulation.
2-2) Commençons par le cas qui nous semble le plus délicat à trancher : L’association « la Justice dans la Cité » justifiait elle, compte tenu de son objet statutaire, d’un intérêt lui donnant qualité pour attaquer, d’une part, la délibération du 3 février 2012 approuvant le contenu du contrat de partenariat et, d’autre part, la décision du 15 février 2012 de signature de ce même contrat ? a) Aux termes de l’article 2 de ses statuts, l’association « La Justice dans la Cité » a pour objet d’ « 1º Assurer la défense du maintien du tribunal de Grande Instance de Paris dans l’Ile de la Cité, lieu symbolique de l’Histoire de France. 2º Assurer une meilleure organisation du tribunal dans l’intérêt des citoyens de Paris. 3º Prendre toutes dispositions juridiques utiles et nécessaires pour contrôler, faire contrôler, annuler ou faire annuler toutes décisions administratives, budgétaires ou autres concernant le transfert du Tribunal de Grande Instance en dehors de l’Ile de la Cité. 4º Promouvoir toutes mesures propres à augmenter l’efficacité du Tribunal de Grande Instance de Paris pour les citoyens ».
De la combinaison des 1° et 3° de l’article 2 des statuts, d’une part, et des 2° et 4° de l’article 2 des statuts, d’autre part, il ressort que l’association s’est donnée à la fois pour mission de s’opposer au transfert du TGI hors de l’ile de la Cité et de contribuer à améliorer le fonctionnement de cette juridiction.
Précisons, toutefois, que de notre point de vue le 3° de l’article 2 des statuts ne saurait, en raison du caractère excessivement général de sa rédaction, conférer à l’association un intérêt pour contester des décisions qui auraient un lien insuffisamment direct et certain avec le transfert du TGI hors de l’ile de la Cité.
b) La première question qui se pose à vous est donc de savoir si le fait que son objet statutaire lui donne vocation à s’opposer au transfert du TGI hors de l’ile de la Cité, qualifie, juridiquement, l’association requérante pour contester la légalité de deux actes détachables du contrat de partenariat confiant à la société Arélia le financement, la conception, la construction et la gestion du futur palais de justice des Batignolles .
Le tribunal a répondu par la négative, après avoir estimé qu’ il n’existait pas de lien suffisamment direct entre l’objet social de l’association, en tant qu’il vise à faire échec au transfert du TGI, et les décisions contestées, qui se bornaient à définir les modalités d’exécution d’un déménagement dont le principe était déjà acquis antérieurement .
L’association « La Justice dans la Cité »le conteste au motif que le contrat de partenariat serait l’acte qui, à la fois, formaliserait le principe du transfert du TGI hors de l’ile de la Cité et qui matérialiserait, de manière effective et quasi irréversible, son implantation dans la ZAC des Batignolles.
Pour vous inviter à confirmer l’irrecevabilité retenue par le tribunal, L’EPPJP se fonde, à l’inverse, sur deux arrêts rendus en 2008 par le Conseil d’Etat dont il faut rappeler brièvement le sens et la portée :
-Dans sa décision précitée du 16 juin 2008 ( n° 301 115), tout d’abord, le Ce a rejeté au fond mais, « sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête », le recours formé par l’association « La Justice dans la Cité » contre le décret du 18 février 2004 créant l’EPPJP.
Dans ses conclusions, Mattias Guyomar estimait, à titre principal, que l’association était dépourvue d’intérêt à agir, dès lors que la création de l’établissement public relevait d’un choix de gestion administrative qui n’impliquait pas, par lui-même, le déplacement du palais de justice hors de l’ile de la Cité.
Vous noterez, toutefois, que le fait que l’établissement public soit chargé par le décret de mettre en oeuvre le projet de déménagement avait fait hésiter le rapporteur public.
-Le second arrêt invoqué par l’EPPJP, rendu le 17 décembre 2008 par le Ce (Société d’exploitation du casino de Fouras 294 597), semble subordonner à une définition relativement exigeante de l’intérêt à agir, la recevabilité des recours formés par des associations contre les actes détachables des contrats passés par les personnes publiques pour la réalisation d’une opération de construction ou d’aménagement.
Dans cette affaire, il a, en effet, été jugé qu’une association qui avait pour objet la protection du cadre de vie d’une petite commune de Charente Maritime, n’avait pas intérêt à contester la délibération par laquelle le conseil municipal avait approuvé et autorisé la signature d’une convention de délégation de service public chargeant une société privé de construire et d’exploiter un hôtel casino.
Le Ce a considéré que la convention avait pour objet de choisir l’exploitant de l’équipement et non d’en permettre la réalisation effective, qui seule était susceptible de porter atteinte à l’environnement et de léser ainsi les intérêts de l’association requérante .
Dans ces conclusions, B Dacosta notait qu’à la date à laquelle le contrat a été conclu, la localisation du futur hôtel casino était inconnue, de sorte que l’atteinte éventuelle portée au site ne pouvait être identifiée à ce stade , que sa réalisation était subordonnée à la délivrance d’un permis de construire et que la convention prévoyait, expressément, que le projet serait abandonné si les autorisations d’urbanisme n’étaient pas obtenues.
Il estimait, en revanche, que si l’association avait eu pour objet social non pas la défense de l’environnement mais la lutte contre la prolifération des établissements de jeux, elle aurait eu intérêt à agir.
c) Pour notre part, il nous parait difficile, après avoir confronté l’objet social de l’association à l’objet et à la portée de la délibération du 3 février 2012, approuvant le contrat, et à la décision du 15 février 2012 le signant , de défendre l’idée que l’association « La Justice dans la Cité » n’aurait pas un intérêt direct et certain à en demander l’annulation.
-Rappelons au préalable qu’aux termes du 1° de l’article 2 de ses statuts, l’association s’est donnée comme mission d’ « Assurer la défense du maintien du tribunal de Grande Instance de Paris dans l’Ile de la Cité,(…) »
-Or, en l’espèce, les 2 décisions contestées ont, précisément, pour effet de permettre la conclusion d’un contrat de partenariat public privé qui, aux termes de son article 3-1, charge le partenaire de l’administration, de concevoir, financer et construire le futur palais de justice, de mettre à la disposition de la personne publique l’ouvrage bâti et équipé qui accueillera le TGI et d’en assurer la gestion.
.
A la différence du décret du 18 février 2004 créant l’EPPJP, qui dans sa rédaction antérieure au décret du 12 janvier 2010 ne mentionnait pas le déplacement du TGI, et encore moins son implantation hors de l’ile de la Cité, puisqu’à cette date un emménagement au sein de l’Hôtel Dieu n’était pas catégoriquement exclu, le contrat de partenariat engage, juridiquement et financièrement, les parties à installer, effectivement, le TGI sur le site des Batignolles.
Ce contrat de partenariat et ses 17 annexes se distinguent, par ailleurs, du cas de figure tranché par le Ce dans son arrêt Commune de Fouras précité dans la mesure où il définit, dans tous ses aspects, architecturaux, techniques, juridiques et financiers, l’économie générale du projet et qu’il impose au partenaire une véritable obligation de résultat en exigeant, qu’ après avoir sollicité et obtenu sous sa responsabilité les autorisations d’urbanisme ( article 3-2-2), il mette l’ouvrage à la disposition de la personne publique 57 mois après l’entrée en vigueur de la convention ( article 5-2 ).
Dans ces conditions, il nous parait délicat de soutenir que les décisions en litige, qui ont pour objet d’approuver et de signer une convention qui impose au partenaire de l’administration de construire sur le site des Batignolles avant 2017 le nouveau palais de justice qui abritera le TGI de Paris, ne lèsent pas de manière suffisamment directe les intérêts d’une association dont l’objet statutaire est précisément d’ « Assurer la défense du maintien du tribunal de Grande Instance de Paris dans l’Ile de la Cité ».
-Pour conclure sur ce point et faire écho à la motivation du jugement attaqué , il nous semble que ce qui fait vraiment grief à l’association requérante, c’est, en réalité, plus la convention de partenariat, qui engage et contraint juridiquement et financièrement les parties à installer, de manière effective, le TGI aux Batignolles, que la décision politique, sans force obligatoire et qui pouvait rester lettre morte, des autorités de l’Etat arrêtant, en amont, le principe de ce déménagement.
C’est, du reste, un raisonnement proche qu’ a suivi le CE lorsqu’il a dénié à une association tout intérêt pour agir contre la décision de signer un contrat de plan, qui prévoyait l’extension d’un port mais qui n’emportait, par lui-même, aucune conséquence directe quant à la réalisation effective de cette opération (CE 25 octobre 1996 Association Estuaire-Ecologie 169 557 A ).
Et à la lecture des conclusions du commissaire du gouvernement, on peut penser que cette association aurait eu, en revanche, intérêt à attaquer les actes ultérieurs « mettant en musique » la décision de principe figurant dans le contrat de plan.
Par une autre décision, moins topique mais sous tendue, nous semble t’il, par une logique identique, le CE a jugé que la compagnie des architectes en chef des bâtiments civils et palais nationaux n’avait pas intérêt à agir contre « la décision de principe » de mettre fin au régime des bâtiments civils, résultant d’une délibération du conseil des ministres qui « par elle-même » était sans effet juridique direct pour le groupement requérant . ( CE 25 novembre 1977 Compagnie des architectes en chef des bâtiments civils et palais nationaux 03 158 A et dans le même sens CE 9 décembre 1988 Ville d’Amiens N° 97 746 avec les conclusions particulièrement explicites d’ G H sous cet arrêt) .
En revanche, la décision ministérielle qui arrête le principe mais également les modalités de réalisation d’un centre de conférences internationales à Paris, quai Branly, pourra être attaquée par une association ayant pour objet la défense du site Alma Champ de Mars ( CE 30 octobre 1992 A Ministre des affaires étrangères N°140 220 ).
-Pour nous résumer, ce qui a lésé, de manière certaine et directe, les intérêts de l’association requérante, ce n’est ni la décision du premier ministre en 2007 de construire le TGI à Tolbiac ni la décision du Président de la République en 2009 de construire le TGI aux Batignolles, décisions qui, dans les deux cas, n’impliquaient pas la réalisation effective de l’ opération, mais bien la convention de partenariat, approuvée le 3 février 2012 et signée le 15 février 2012, qui, en pratique, a privé le nouveau gouvernement de toute possibilité de remettre en cause le projet et qui a ainsi conféré au transfert du TGI hors de l’ile de la Cité un caractère quasi irréversible.
-Enfin, et en tout état de cause, en admettant même que l’association requérante ait intérêt à contester la « décision de principe » arrêtant le lieu d’implantation du futur Tribunal, cette seule circonstance ne saurait, par elle-même, priver cette association de la possibilité de contester des décisions ultérieures qui en mettant en œuvre, de manière effective et contraignante, le projet d''implantation du TGI de Paris dans la ZAC Clichy Batignolles, lésent de manière directe et certaine ses intérêts statutaires.
Si vous nous suivez, et dès lors que la création de l’association requérante ne révèle, contrairement à ce que soutient l’EPPJP, ni abus de droit ni fraude à la loi, vous annulerez donc, pour irrégularité, le jugement n° 12 06 417 du 17 mai 2013 en tant qu’il a rejeté comme irrecevable la demande de l’association « La Justice dans la Cité » tendant à l’annulation de la délibération d’approbation du contrat de partenariat du 3 février 2012 et de la décision de signature du contrat du 15 février 2012 ( sur l’irrégularité des jugements ayant à tort rejeté comme irrecevable une demande : voyez R Chapus DR du CX N° 1382 et 1392) .
2- 3) Vous annulerez également ce jugement en tant qu’il a rejeté pour défaut d’intérêt à agir la demande de M. X dirigée contre ces deux mêmes décisions.
Comme le rappelait Matthias Guyomar dans ses conclusions sous l’arrêt du 19 décembre 2008 M. Z (N° 312 553), le CE reconnait « largement l’intérêt des avocats à agir contre des mesures d’organisation du service public de la justice, qu’elles concernent la procédure juridictionnelle, la carte judiciaire, la répartition des compétences ou encore les modalités de fonctionnement. ».
Dans un premier temps, nous étions toutefois réservé à l’idée d’admettre la recevabilité des conclusions de M. X.
Celui-ci se bornait en effet, dans ses premières écritures, à se prévaloir de sa qualité d’avocat et de membre du barreau de Paris pour soutenir que le contrat de partenariat aurait pour effet, d’une part, en transférant le TGI aux Batignolles, d’augmenter ses temps de trajet et, d’autre part, en prévoyant l’installation d’ une maison des avocats au sein du nouveau palais de justice, de majorer le montant de ses cotisations ordinales.
Le lien entre l’ implantation du futur TGI, les temps de transport et les cotisations ordinales du requérant nous paraissait alors trop ténu pour lui conférer un intérêt suffisant pour demander l’annulation des délibérations et décision contestées .
Toutefois, dans son mémoire du 6 janvier 2014, M. X vient également soutenir qu’en tant qu’il impliquera la suppression de 19 des 20 tribunaux d’instance parisiens , le contrat de partenariat lèse ses intérêts.
Le CE admet l’intérêt à agir des avocats contre des décisions supprimant le tribunal dans le ressort duquel ils exercent leur activité ( en ce sens par exemple CE 19 février 2010 M. A 322 407 A).
Dans notre affaire, le contrat de partenariat n’aura toutefois ni pour objet ni pour effet de supprimer juridiquement les 20 TI, au profit d’ un tribunal d’instance unique dont le ressort s’étendrait à la totalité du territoire parisien.
En revanche, le regroupement de l’ensemble des TI sur le site des Batignolles, qu’ organise le contrat de partenariat, aura bien pour conséquence pratique de faire disparaitre, physiquement, matériellement, 19 des 20 TI, des arrondissements dans lesquels ils sont implantés et qui constituent leur ressort.
On comprend alors qu’il y ait matière à discuter, voire à contester, le bien fondé d’une mesure qui conduira à faire siéger hors de leur ressort, des juridictions dont la spécificité est , comme le rappelle le ministère de la justice sur son site internet, d’être « proches et accessibles ».
Dans ces conditions, et bien que la conclusion du contrat de partenariat n’implique pas, par elle-même, le transfert du siège des TI, qui sera subordonné à une modification ultérieure du code de l’organisation judiciaire, nous estimons que M. X, qui a vocation à plaider devant ces juridictions , justifiait d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation de décisions qui annoncent, la disparition des tribunaux d’instance parisiens des arrondissements où ils ont actuellement leur siège et leur regroupement en dehors de leur ressort .
2-4) En revanche, vous confirmerez ce même jugement en tant qu’il a rejeté, pour défaut d’intérêt à agir, les conclusions de l’association et de M. X dirigées contre l’autre délibération du 3 février 2012 désignant la société Arélia comme attributaire du contrat .
Vous constaterez, en effet , que la décision de l’EPPJP de choisir la société Arélia, de préférence à l’autre candidat n’ a aucun lien avec l’objet social de l’association « La Justice dans la Cité » et ne porte pas atteinte aux intérêts défendus par M. X.
2-5) Enfin, dans le prolongement de ce qui vient d’être exposé, vous pourrez confirmer les jugements n° 12 08 605 et n° 12 09 054 du 17 mai 2013 par lesquels le tribunal a rejeté pour défaut d’intérêt à agir les demandes de l’association « La Justice dans la Cité » et de M. X tendant à l’annulation des deux décisions du 15 février 2012 du secrétaire général du ministère de la justice acceptant, d’une part, la cession par la société Arélia de la créance irrévocable née du contrat de partenariat et signant, d’autre part, l’ accord autonome définissant les conditions d’indemnisation du partenaire en cas d’annulation contentieuse du contrat.
a) En effet, ces décisions, qui mettent exclusivement en cause les relations financières nouées entre l’Etat, l’EPPJP, le partenaire et le pool bancaire impliqués dans l’opération de construction du futur palais de justice, ne concernent pas, directement le transfert du TGI hors de l’Ile de la Cité et n’ont pas davantage pour effet d’affecter le fonctionnement de cette juridiction, de sorte que l’association « La Justice dans la Cité » est dépourvue, compte tenu de son objet statutaire, d’intérêt pour en demander l’annulation.
Votre cour a d’ailleurs jugé, dans le cadre de l’opération d’aménagement du quartier des Halles, qu’ une association qui avait pour objet d’améliorer la qualité de vie des habitants du centre de Paris, n’avait pas intérêt à demander l’annulation de la décision de signer l’avenant à un marché de maîtrise d’œuvre, dès lors que cet avenant, qui se limitait à tirer les conséquences financières et contractuelles de l’évolution du programme des travaux, n’avait, par lui même, aucun effet direct sur la réalisation effective du chantier et, par suite, sur la qualité de l’environnement des habitants du quartier des Halles (CAAP 18 décembre 2012 Association Accomplir N° 12PA01087).
Vous pourrez, par analogie, constater que, dans notre affaire, les décisions de l’Etat acceptant la cession de créance de la société Arélia et signant l’accord fixant les modalités de son indemnisation en cas d’annulation du contrat, n’avaient aucun effet direct sur le maintien du TGI sur l’ile de la Cité et sur son fonctionnement, et donc sur les intérêts défendus statutairement par l’association.
Celle-ci n’était, par suite, pas recevable à en demander l’annulation.
b) M. X ne justifie pas, davantage, d’un intérêt suffisamment direct et certain pour contester ces deux décisions, dont l’objet et la portée sont exclusivement financières et qui n’auront aucune répercussion sur ses temps de transports, ses conditions de travail et le montant de ses cotisations ordinales ni sur l’organisation et le fonctionnement des juridictions parisiennes.
En réalité, seul un contribuable ou une association qui se serait donnée pour mission de veiller au bon usage des deniers publics aurait, probablement, intérêt à contester ces décisions.
Mais ce ne sont pas les objectifs que se sont assignés nos deux requérants.
3) Si vous nous avez suivi, vous ne statuerez donc, par la voie de l’évocation, que sur les conclusions formées par l’association « La Justice dans la Cité » et M. X contre la délibération du 3 février 2012 du conseil d’administration de l’EPPJP approuvant le contenu du contrat de partenariat et autorisant son directeur général à le signer et la décision du 15 février 2012 de son directeur général signant ce contrat avec la société Arelia.
Vous n’en aurez, toutefois, pas totalement fini avec les questions de recevabilité puisqu’ il vous faudra encore vous prononcer sur deux autres fins de non recevoir qu’invoquait le ministre de la justice devant le tribunal.
a) Il était, d’abord, soutenu que la délibération du 28 mars 2012 du conseil d’administration de l’association, qui a habilité son président à agir en justice, serait irrégulière.
Le ministre faisait en effet valoir que les 3 membres fondateurs de l’association font partie du conseil d’administration, en violation de l’article 8 des statuts qui réserve aux seuls membres adhérents la possibilité de siéger au sein de cette instance .
Toutefois, comme l’a encore rappelé récemment le CE , « si le juge doit s’assurer de la réalité de l’habilitation du représentant de l’association qui l’a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts, il ne lui appartient pas, en revanche, de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles une telle habilitation a été adoptée. » (CE 19 juin 2013 SCI Ugari 347 346 B)
En l’espèce, le conseil d’administration de l’association requérante a, conformément à l’article 9 de ses statuts, autorisé, par la délibération du 28 mars 2012, son président à engager les recours contre les décisions contestées et à la représenter..
Dès lors qu’il ne vous appartient pas de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles cette habilitation a été donnée, vous écarterez cette première fin de non recevoir.
b) Le ministre soutenait ensuite que Me Benesty, avocat de l’association, mais également membre de son conseil d’administration, ne pouvait la représenter légalement en justice sans méconnaitre les dispositions relatives au mandat, résultant du code de justice administrative et du code civil, et le principe d’indépendance de l’avocat.
Dans l’ arrêt du 22 mai 2009 M. B N° 301 186, il a été jugé par le CE que « les dispositions relatives au mandat, ainsi que le principe d’indépendance de l’avocat, impliquent nécessairement que l’avocat soit une personne distincte du requérant(…) et font obstacle à ce qu’un requérant exerçant la profession d’avocat puisse, dans une instance à laquelle il est personnellement partie, assurer sa propre représentation au titre de l’article R. 431-2 du code de justice administrative ».
En l’espèce, toutefois il nous semble que la situation est différente dans la mesure où l’association requérante est une personne morale distincte de Me Benesty et que celui-ci, qui n’est qu’un des 10 membres que compte le conseil d’administration, ne peut être regardé comme assurant, de manière effective, la direction ou le contrôle de cette association.
Dans ces conditions, vous pourrez considérer que Me. Benesty n’est pas personnellement partie à l’instance et juger, en conséquence, qu’en représentant l’association « La Justice dans la Cité », il n’a méconnu ni les dispositions relatives au mandat ni le principe d’indépendance de l’avocat.
En tout état de cause, s’agissant d’un recours pour excès de pouvoir, le ministère d’avocat n’était pas obligatoire devant le tribunal
En revanche, si vous ne nous suiviez pas, il faudrait inviter l’association à régulariser sa requête devant la cour en désignant un nouvel avocat pour la représenter .
4) Sur le fond, les requérants soutiennent, tout d’abord, que la délibération du 3 février 2012 du conseil d’administration de l’EPPJP et la décision de son directeur général du 15 février 2012, approuvant et signant le contrat de partenariat, seraient inexistantes, ou pour le moins illégales, dès lors que le principe du déménagement dans la ZAC Clichy Batignolles du TGI, des TI et du TP n’a pas été arrêté préalablement, et dans des conditions régulières, par les autorités compétentes de l’Etat.
4-1) L’association et M. X font valoir, à titre principal, que le premier ministre était seul compétent pour décider de la nouvelle localisation des juridictions parisiennes, qu’il n’a jamais exprimé son choix en faveur du site des Batignolles et que, par suite, c’est en s’attribuant une compétence qui ne lui appartenait pas que l’EPPJP a choisi, par des décisions juridiquement inexistantes, de faire construire le nouveau palais de justice dans la ZAC Clichy Batignolles.
Vous écarterez ce moyen .
D’une part, il entrait, selon nous, dans les attributions du garde des sceaux de décider et d’annoncer, comme il l’ a fait dans son communiqué du 23 novembre 2009, que le futur TGI serait implanté aux Batignolles des lors que cette décision, qui n’avait aucune incidence sur le siège et le ressort de cette juridiction, était dépourvue de caractère réglementaire.
D’autre part, en modifiant, un mois après le choix du site des Batignoles, par le décret du 12 janvier 2010, l’ article 2 du décret du 18 février 2004 portant création de l’EPPJP et en confiant ainsi à l’établissement public la mission de réaliser le « nouveau tribunal de grande instance de Paris et le cas échéant, avec l’accord du garde des sceaux, de locaux pour les besoins des juridictions parisiennes », le premier ministre a, implicitement mais nécessairement, autorisé le ministre de la justice à prévoir l’installation, au sein du futur palais de justice des Batignolles, d’autres tribunaux que le TGI de Paris.
En application de cet article 2 modifié du décret du 18 février 2004, le garde des sceaux a pu , ainsi, approuver, légalement, le projet de réalisation de locaux destinés aux 20 TI parisiens et au TP, qui figurait expressément dans le programme fonctionnel qui lui a été transmis pour avis par l’EPPJP les 1er décembre 2009 et 28 juin 2010.
Des lors que le ministre de la justice avait préalablement décidé qu’un nouveau palais de justice ayant vocation à abriter, le TGI de Paris, les 20 TI et le TP serait construit dans la ZAC des Batignolles, les décisions des autorités de l’EPPJP approuvant et signant le contrat de partenariat ne sauraient être qualifiées d’inexistantes.
4-2) Les requérants font toutefois valoir, à titre subsidiaire, qu’en admettant même que la localisation du futur palais de justice ait été arrêtée par les autorités compétentes de l’Etat, elle n’en serait pas moins irrégulière dès lors qu’elle n’a pas été précédée d’une consultation du comité technique paritaire du ministère de la justice et, s’agissant des TI, d’une modification du code de l’organisation judiciaire.
a) Sur le premier point, rappelons que le 1° de l’article 13 du décret n° 82-452 du 28 mai 1982, dans sa rédaction alors en vigueur, donnait compétence aux comités techniques ministériels pour « examiner les questions intéressant l’ensemble des services centraux et déconcentrés du département ministériel considéré. (…) »
Or la décision d’implanter sur le site des Batignolles, le TGI de Paris, les 20 TI et le TP, qui concerne exclusivement des juridictions exerçant dans le ressort de la cour d’appel de Paris, peut, difficilement, être regardée comme une « question intéressant l’ensemble des services centraux et déconcentrés du ministère de la justice » au sens du 1° de l’article 13 du décret du 28 mai 1982, de sorte que le comité technique du ministère de la justice n’avait pas à être consulté .
b) Quant à la modification du code de l’organisation judiciaire, elle sera certes nécessaire pour permettre, le moment venu, le transfert juridique du siège des tribunaux d’instance parisiens dans le 17 ° arrondissement ou sera implanté le nouveau palais de justice .
En revanche, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette modification, à caractère réglementaire, ( en ce sens CE 27 octobre 2000, Louard,p. 465) du siège des tribunaux d’instance, fixé actuellement, par l’annexe IV du code de l’organisation judiciaire, dans chaque arrondissement parisien, n’avait pas à intervenir préalablement à la décision du garde des Sceaux de faire construire, dans le cadre du contrat de partenariat, les futurs locaux abritant les tribunaux d’instance, une telle décision n’impliquant, par elle-même, ni le transfert juridique du siège de ces juridictions ni leur déménagement effectif.
Compte tenu de ce qui vient d’être dit, nous estimons, donc, que la décision du ministre de la justice de faire construire dans la ZAC des Batignolles un palais de justice ayant vocation à accueillir le TGI de Paris , les TI et le TP n’est pas irrégulière.
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5) L’association et M. X soutiennent ensuite qu’en méconnaissance du 2° de l’article 8 et de l’article 9 du décret du 18 février 2004, le directeur de l’EPPJP a signé, le 15 février 2012, le contrat de partenariat alors que la délibération du conseil d’administration du 3 février 2012, l’autorisant à le faire, n’était pas encore devenue exécutoire.
Il ressort de la combinaison de ces dispositions que les délibérations du conseil d’administration de l’EPPJP relatives aux contrats de partenariat deviennent exécutoires de plein droit si le ministre de la justice ou le ministre du budget n’y fait pas opposition dans les 15 jours qui suivent la réception du procès verbal de séance.
Rien toutefois, dans les dispositions précitées du décret du 18 février 2004, n’interdit aux ministres intéressés d’approuver de manière expresse et avant l’expiration du délai de 15 jours qui leur est imparti, la délibération qui leur a été transmise.
Or c’est très précisément ce qui s’est passé dans notre affaire puisque dès réception, le 3 février 2012, de l’extrait de procès verbal du conseil d’administration, le garde des sceaux et le ministre du budget ont approuvé de manière expresse, dans un courrier adressé le même jour à l’établissement public, les deux délibérations désignant l’attributaire du contrat de partenariat et autorisant sa signature .
Et contrairement à ce que soutiennent les requérants , il ressort, respectivement, du 1° de l’article 1er du décret n° 2005-580 du 27 juillet 2005 et de l’ arrêté du 5 janvier 2011, qui ont été régulièrement publiés, que M. C, secrétaire général du ministère de la justice et M. D chef de service à la direction du budget, étaient compétents pour signer, au nom de leur ministre, les décisions d’approbation précitées.
Enfin, si les requérants font valoir que M. C, nommé secrétaire général du ministère de la justice le 5 janvier 2012, ne pouvait pas représenter valablement le ministre dans l’exercice de son pouvoir de tutelle dans la mesure où il avait présidé antérieurement le conseil d’administration de l’EPPJP, nous ne décelons, pour notre part, aucun conflit d’intérêt prohibé par la réglementation alors en vigueur qui autorisait, expressément, à l’article 4 du décret du 18 février 2004, plusieurs hauts fonctionnaires du ministère de la justice, dont son secrétaire général, à siéger comme membre de droit au sein du conseil d’administration de l’EPPJP.
La délibération du 3 février 2012 du conseil d’administration de l’EPPJP autorisant la signature du contrat de partenariat, régulièrement approuvée par l’ autorité de tutelle, était donc exécutoire lorsque le directeur général a signé le 15 février 2012 la convention .
6) L’association « La Justice dans la Cité » et M. X , soutiennent encore que l’EPPJP, en prévoyant d’installer les 20 tribunaux d’instance parisiens et le tribunal de police dans le futur palais de justice, aurait méconnu l’article 2 du décret du 18 février 2004 qui subordonnait à l’accord express du garde des sceaux la réalisation de locaux pour les besoins d’autres juridictions que le TGI.
Toutefois, vous observerez que l’article 2 du décret du 18 février 2004, s’il mentionne que l’accord du ministre de la justice doit être obtenu pour « la réalisation de locaux pour les besoins des juridictions parisiennes ou d’institutions travaillant en liaison directe avec elles. », n’exige à aucun moment que cet accord soit express .
En l’espèce, la construction de locaux ayant vocation à être affectés dans le nouveau palais de justice aux TI et aux TP a été autorisée par le ministre de la justice lorsqu’il a approuvé tacitement le programme fonctionnel du projet qui lui a été transmis pour avis par l’EPPJP les 1er décembre 2009 et 28 juin 2010 et qui prévoyait explicitement la réalisation de locaux destinés à ces juridictions.
Et en tout état de cause, cette approbation du programme fonctionnel a été confirmée de manière expresse par le ministre le 3 février 2012.
7) Les requérants reprochent également à l’EPPJP d’avoir conclu le contrat de partenariat sans respecter diverses obligations procédurales et consultatives qui lui étaient imposées par par la convention signée le 15 février 2010 avec le ministère de la justice.
Précisons au préalable que la convention du 15 février 2010, qui a été conclue par les parties en application de l’article 3 du décret du 18 février 2004 et qui a pour objet, selon les termes mêmes du décret, de « préciser l’étendue de la mission de l’établissement public pour la passation et l’exécution de la convention de partenariat », nous parait avoir un caractère réglementaire.
Ses stipulations seront, par suite, susceptibles d’être invoquées par les tiers à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir sans que puisse leur être opposé l’effet relatif des contrats ( en ce sens CE 10 juillet 1996 Cayzeele 138 536 A et L Richer Droit des contrats administratifs N° 336 et s).
a) Les requérants soutiennent, en premier lieu, que l’établissement public aurait omis de faire délibérer son conseil d’administration sur le principe du recours au contrat de partenariat, après l’avis favorable rendu le 5 février 2010 par la MAPPP
Toutefois vous écarterez ce moyen dès lors, d’une part, que le conseil d’administration a délibéré sur le principe du recours au contrat de partenariat le 21 janvier 2010 et, d’autre part, que ni la convention du 15 février 2010 ni le décret du 18 février 2004 ou l’ordonnance du 17 juin 2004 ne lui imposaient de redéliberer après l’avis favorable émis par la Mappp le 5 février 2010 , avis qui ne remettait pas en cause le choix exprimé dans la délibération du 21 janvier 2010.
b) L’association et M. X soutiennent, en second lieu que l’EPPJP aurait, en violation de l’article 4 de la convention du 15 février 2010 , omis de solliciter l’avis du garde des sceaux sur le périmètre de la procédure et sur le programme du bâtiment à construire .
L’article 4 de la convention stipule que « L’EPPJP est tenu de recueillir l’avis du ministère de la Justice sur le périmètre de la procédure à lancer, avant l’envoi à la publication de l’avis d’appel public â concurrence et sur le programme du bâtiment à construire, avant consultation des Candidats sélectionnés . Cet avis est réputé favorable si le ministère de la Justice n’émet pas d’observations dans le délai de quinze jours après la transmission des documents objets de l’avis. »
S’agissant tout d’abord du programme du bâtiment, le moyen manque en fait , la demande d’avis adressée le 28 juin 2010 par l’EPPJP ayant fait l’objet d’une approbation tacite avant la consultation des candidats sélectionnés.
En revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministère ait été formellement consulté par l’EPPJP sur le périmètre de la procédure à lancer avant le 3 juin 2010, date de la publication de l’avis d’appel public à la concurrence au JOUE .
A cet égard, et contrairement à ce que soutient l’établissement public, la transmission à l’autorité de tutelle, avant l’entrée en vigueur de la convention du 15 février 2010, de l’évaluation préalable ne saurait être assimilée à la demande d’avis sur le périmètre de la procédure mentionné à l’article 4 de la convention.
Pour autant, dans la mesure ou la méconnaissance de cette formalité ne nous parait avoir eu aucune influence, au sens de la jurisprudence Danthony ( CE, 23 décembre 2011, Danthony et autres, n°335 033) sur les décisions contestées, nous ne vous proposerons pas de procéder à leur annulation.
En effet, par la publication des avis d’appel public à la concurrence des 3 et 5 juin 2010, l’autorité de tutelle a eu connaissance des missions qui seraient incluses dans le futur contrat de partenariat.
En n’exigeant pas, ainsi qu’il avait toute possibilité de le faire, que la consultation soit relancée sur des bases différentes de celles décrites dans ces publicités, le ministre de la justice a ainsi, implicitement mais nécessairement approuvé le périmètre de la procédure qui avait été défini par l’EPPJP.
Ce « loupé », assez symptomatique du manque de rigueur qui a caractérisé la conduite de cette opération, pourtant de première importance pour le service public de la justice et pour les finances de l’Etat , ne justifiera donc pas l’annulation d’ une procédure qui n’a pas été viciée substantiellement .
8) De manière beaucoup plus fondamentale, l’association « La Justice dans la Cité » et M. X soutiennent que les conditions posées par l’ordonnance du 17 juin 2004, dans sa rédaction issue de la loi N° 2008-735 du 28 juillet 2008, pour recourir au contrat de partenariat et le passer selon la procédure du dialogue compétitif, n’étaient pas réunies.
8-1) Au préalable, il convient de faire un rapide rappel de l’économie générale du dispositif légal qui encadre ce montage contractuel .
a) Le contrat de partenariat institué par l’ordonnance du 17 juin 2004 est un contrat administratif qui permet à l’Etat et à ses établissements publics de confier à un tiers une mission globale ayant pour objet le financement, la construction et l’exploitation d’ouvrages nécessaires au service public, ainsi que, le cas échéant, leur conception et des prestations concourant à l’exercice de la mission de service public.
Le partenaire assure la maitrise d’ouvrage des travaux et est rémunéré par la personne publique pendant toute la durée du contrat .
Ce montage permet ainsi d’échapper aux rigidités issues, d’une part, du code des marchés publics, qui interdit les clauses de paiement différé et, d’autre part, de la loi du 12 juillet 1985 (dite loi MOP), qui impose la maitrise d’ouvrage publique pour les bâtiments que la collectivité commande pour la satisfaction de ses besoins.
C’est parce que le contrat de partenariat déroge « au droit commun de la commande publique », que le Conseil constitutionnel, appelé à se prononcer sur la loi d’habilitation (N° 2003-591) du 2 juillet 2003, a rappelé dans sa décision du 26 juin 2003 (n° 2003-473 DC) que le recours aux marchés publics et aux délégations de service public devait rester la règle et les contrats de partenariat l’exception ( voir AJDA 2003 p 355 note E Fatôme).
b) Les motifs d’intérêts général justifiant que l’Etat ait recours à ce contrat dérogatoire ont ainsi été fixés, de manière limitative, au II de l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004 , sous la forme de trois critères alternatifs :
-La complexité du projet, d’abord, qui place la personne publique dans l’incapacité « objective » de définir « seule et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet »
-L’urgence, ensuite, caractérisée par la nécessité soit de « de rattraper un retard préjudiciable à l’intérêt général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public, quelles que soient les causes de ce retard » soit « de faire face à une situation imprévisible ».
- Enfin, le bilan « couts avantages » favorable à ce contrat global par rapport aux autres contrats de la commande publique.
c) Le I de l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004 impose, en outre, aux collectivités publiques de réaliser une évaluation préalable « faisant apparaître les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif » justifiant le recours à ce montage ainsi qu’ « une analyse comparative des différentes options » envisageables.
Et ce n’est qu’à la condition que cette évaluation préalable établisse qu’un des trois critères d’éligibilité ( complexité, urgence ou bilan avantageux) est rempli, que la personne publique pourra s’engager dans une procédure de partenariat public- privé.
Dans notre affaire, l’évaluation préalable que l’EPPJP a fait réaliser, a conclu que le projet était éligible au regard des trois critères fixés au II de l’article 2 de l’ordonnance.
Sur la base de cette évaluation, la mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat ( MAPPP) a, dans son avis favorable du 5 février 2010, confirmé que les conditions légales, et notamment celle relative à la complexité du projet, requises pour réaliser le nouveau palais de justice dans le cadre d’un contrat de partenariat, étaient remplies
Toutefois, précisons des maintenant, qu’en cas de litige et de contestation sur le recours au contrat de partenariat, le juge s’assurera, dans le cadre d’un contrôle normal , que le choix de recourir à ce type de contrat relevait bien d’un motif d’intérêt général et vérifiera à ce titre que les 3 conditions de fond posées par l’ordonnance du 17 juin 2004 ont été correctement analysées dans l’ évaluation préalable ( en ce sens conclusions D Casas sous CE 29 octobre 2004 Sueur 269 814, conclusions N R sous CE 23 juillet 2010 M. F N° 326 544 et A L AJDA 2004 p 1737)
En d’autres termes, une évaluation préalable favorable, ne dispensera pas la personne publique de prouver qu’elle pouvait légalement recourir au contrat de partenariat( en ce sens CAAB 26 juillet 2012 M. O P S T).
d) Enfin, il ressort de l’article 5 de l’ordonnance du 17 juin 2004 que lorsque le recours au contrat de partenariat est justifié, celui-ci doit être passé selon les procédures du dialogue compétitif, de l’appel d’offres ou selon une procédure négociée.
S’agissant du dialogue compétitif, qui nous intéresse tout particulièrement puis qu’il a été retenu par l’EPPJP, rappelons qu’il s’agit d’une procédure qui permet au pouvoir adjudicateur d’engager, sur la base d’un programme fonctionnel, un dialogue avec les candidats en vue de définir les moyens techniques ou le montage juridique et financier les mieux à même de répondre à ses besoins.
Ce mode de passation, qui s’inspire de l’ancien appel d’offres sur performances, associe ainsi les candidats à l’élaboration de la solution technique ou du montage juridico financier apte à satisfaire les besoins de l’administration et à lui permettre d’atteindre ses objectifs.
Ce n’est qu’à l’issue de cette phase de dialogue que les offres sont remises.
Le contrat est alors attribué au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse.
Le caractère dérogatoire de cette procédure de passation explique qu’en vertu du 2° alinéa de l’article 5 de l’ordonnance, elle ne puisse être mise en oeuvre que dans le cas où la complexité du projet place la personne publique dans l’incapacité objective de définir « seule et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ».
C’est donc le même critère de complexité, défini en des termes rigoureusement identiques par le 2° alinéa de l’article 5 et le 1° du II de l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004, qui permettra, s’il est satisfait, à la collectivité, d’abord, de recourir au contrat de partenariat et, ensuite, de le passer en dialogue compétitif .
8-2) Vous allez donc devoir vérifier si, comme cela ressort de l’évaluation préalable et de l’avis de la Mappp, il existait une situation de complexité répondant à la définition qu’en donne l’ordonnance du 17 juin 2004 et justifiant que le nouveau palais de justice des Batignolles soit réalisé dans le cadre d’un contrat de partenariat conclu à l’issue d’une procédure de dialogue compétitif.
Autrement dit et pour reprendre les termes du 1° du II de l’article 2 et du 2° alinéa de l’article 5 de l’ordonnance, l’EPPJP était il dans l’incapacité « objective » de définir « seul et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet » ? a) Vous ne trouverez guère d’arguments plaidant en faveur de la complexité juridique et financière du projet.
Certes, l’évaluation préalable s’efforce, par une petite dizaine de lignes, assez sibyllines, de justifier la complexité juridique de l’opération.
La Mappp les résume dans son avis du 5 février 2010 en indiquant que les aléas de la réglementation empêchent l’EPPJP de « déterminer avec toute la précision nécessaire le cadre juridique le plus équilibré et le plus sécurisé »,
Mais l’argument , qui relève plus de l’élément de langage que de la démonstration juridique, ne prouve nullement que l’établissement public était dans l’impossibilité objective d’établir le montage juridique de l’opération .
Quant à l’éventuelle complexité financière , elle n’est même pas abordée dans la partie de l’évaluation préalable qui traite de la complexité du projet.
Et bien évidemment, comme le rappelle I J , « on ne saurait établir que le contrat de partenariat est justifié parce qu’il est lui même complexe du point de vue financier et juridique faute de quoi tous les contrats de partenariat répondraient au critère de complexité « I J droit des marchés publics Le Moniteur I 230-1) b) En réalité, et comme cela ressort de l’évaluation préalable, c’est d’abord et surtout par la complexité technique du projet que l’EPPJP a justifié son recours au contrat de partenariat et au dialogue compétitif.
L’association requérante et M. X le contestent en faisant valoir que le moyen technique à mettre en oeuvre pour répondre aux besoins de l’administration, à savoir une tour et 80 000 m2 de locaux, était déjà identifié, que le projet ne présentait pas de complexité particulière et que l’EPPJP pouvait bénéficier de l’expertise et du savoir faire de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) qui avait mené à terme, en maitrise d’ouvrage publique et avec succès, de nombreuses opérations similaires.
Ils en concluent que l’établissement public n’était pas au sens du 1° du II de l’article 2 et du 2° alinéa de l’article 5 de l’ordonnance du 17 juin 2004, dans l’incapacité « objective » de définir « seul et à l’avance les moyens techniques répondant à ses besoins » c) Comme nous l’avions déjà indiqué lors de l’audience du 14 janvier dernier, nous avons beaucoup hésité, compte tenu principalement de la définition très stricte que l’ordonnance donne de la complexité technique et de l’interprétation majoritaire qu’en fait la doctrine qui semble vouloir la cantonner à des situations exceptionnelles.
- Pour Laurent Richer « la première condition posée par l’article 2 de l’ordonnance pour garantir le caractère exceptionnel du partenariat est la reprise de la définition « du marché particulièrement complexe » qui figure dans la directive 2004/18 CE du 31 mars 2004 » ( Droit des contrats administratifs 8° édition N° 1420)
La commission, dans sa note explicative de cette directive 2004/18, qui, précisons le définit les conditions de recours au dialogue compétitif et non au contrat de partenariat, interprète la condition de complexité technique et la notion de « marché particulièrement complexe » de la manière suivante : « Deux cas de figures pourraient se présenter, à savoir que le pouvoir adjudicateur ne serait pas capable de spécifier les moyens techniques à utiliser pour réaliser la solution prescrite, ce qui devrait être relativement rare compte tenu des possibilités d’établir les spécifications techniques(…) en termes de fonctionnalités ou de performances ou bien – ce qui devrait être plus fréquent– que le pouvoir adjudicateur n’arrive pas à établir[entre plusieurs solutions possibles, laquelle serait la plus à même] de répondre à ses besoins. Dans les deux cas, le marché concerné devra être considéré comme étant particulièrement complexe. ».
K L soulignait pour sa part, dès 2004, qu’il ne saurait y avoir complexité sans « prestations faisant appel à des savoir faire de haut niveau » (A L AJDA 2004 précité p 1747).
D’ailleurs, les exemples d’opérations les plus couramment cités par la doctrine pour illustrer la « complexité technique » requise par l’ordonnance de 2004 renvoient à des ouvrages de haute technicité ou posant des difficultés particulières de conception ou d’exécution, comme des aéroports ou des métros ou encore des grands réseaux informatiques ( voyez en ce sens « PPP et montages contractuels complexes » Nil Symchowicz et M N Le moniteur 2012 p 428 et s)
- L’autre difficulté tient au fait qu’il n’existe pas à ce jour de jurisprudence pertinente pour un projet comparable à celui qui vous est soumis .
Seuls le tribunal administratif de Montpellier, la cour de Bordeaux et la cour de Lyon ont eu à se prononcer sur la complexité technique d’un contrat de partenariat, le tribunal l’admettant pour un théâtre construit à Perpignan et les cours l’écartant pour le musée de la mer et la cité du surf de Biarritz et pour la piscine municipale d’une petite commune de l’Allier ( TA Montpellier 26 février 2010 Dillenschneider N° 0803471 ; CAAB 26 juillet 2012 M. O P S T précité ; CAAL 2 janvier 2014, Conseil régional de l’ordre des architectes d’Auvergne, n° 12LY02827)
Et vous savez également, pour avoir eu l’occasion d’ examiner les décisions rendues dans ces domaines proches que sont les marchés de conception réalisation ou l’ancien appel d’offres sur performances, que la jurisprudence est particulièrement rigoureuse s’agissant de la légalité du recours aux contrats ou procédures qui dérogent au droit commun des marchés publics.
-Enfin, nous avons eu des doutes sur le sérieux et la rigueur avec lesquels a été réalisée l’évaluation préalable, notamment après avoir lu à la page 34 du rapport, consacrée précisément à la complexité du projet, que les interventions techniques seraient d’autant plus délicates que le site des Batignolles était « à proximité de la Seine ».
Il s’agit probablement d’un copié collé malheureux, scorie d’une ancienne étude réalisée pour le site de Tolbiac, mais l’impression laissée est particulièrement facheuse.
d) Pour autant, après examen du volumineux dossier qui, après la réouverture de l’instruction et sur demande de la Cour, a été communiqué par l’EPPJP, nous maintiendrons la position déjà exprimée lors de l’audience du 14 janvier dernier en vous proposant d’admettre que l’ aménagement du futur palais de justice des Batignolles ne s’analysait pas, techniquement, comme une opération banale que l’EPPJP devait, normalement et raisonnablement, savoir réaliser seule en passant des marchés classiques.
Il nous semble, en effet, que la somme des contraintes et incertitudes résultant du parti architectural retenu , de la dimension exceptionnelle et des spécificités fonctionnelles de l’ouvrage et, dans une moindre mesure, des particularités du site d’implantation, plaçaient l’établissement public dans l’impossibilité de choisir seul et à l’avance la solution technique la plus adaptée au projet .
-En premier lieu, en envisageant de réaliser partiellement le futur palais de justice sous la forme d’une tour de près de 200 mètres, l’EPPJP a opté pour une solution intrinsèquement complexe.
La nature et le nombre des sujétions techniques et réglementaires liées à la construction à Paris d’un immeuble de grande hauteur et portant notamment sur son implantation, sa morphologie, ses fondations, ses façades ou ses circulations intérieures, impliquent de réaliser des études approfondies et nécessitent ainsi des compétences autres que celles qui sont mobilisées habituellement pour un ensemble immobilier classique .
Cette complexité inhérente au choix d’une tour sera encore accrue par la volonté de l’établissement public de faire du futur TGI un modèle en matière de développement durable, notamment en ce qui concerne ses performances énergétiques, alors que les solutions techniques dans ce domaine sont très souvent expérimentales et que les contraintes nouvelles résultant du Grenelle de l’environnement n’étaient pas encore connues .
-En deuxième lieu, le nouveau palais de justice sera « hors norme » par les surfaces occupées ( près de 80000 m2 et 90 salles d’audience), par sa fréquentation ( plus de 8000 personnes par jour en moyenne), par ses compétences propres notamment en matière de terrorisme et par son exposition lors des procès médiatiques.
La morphologie et les dimensions exceptionnelles de cet immeuble de grande hauteur, recevant un public nombreux et accueillant de grands procès, posera à ses concepteurs, mais également à ses constructeurs et à ses exploitants, des difficultés inédites pour garantir et concilier sécurité des bâtiments et sureté de ceux qui le fréquentent.
Or ni l’EPPJP ni l’APIJ, qui n’ ont jamais piloté de projets d’une importance équivalente, ne disposait du savoir faire et de l’expérience leur permettant d’assurer un traitement optimal de ces contraintes de sureté/ sécurité, qui occuperont une place centrale dans le fonctionnement du futur palais de justice de Paris .
A titre de comparaison, le nouveau TGI d’Aix en Provence, cité par les requérants comme un contre exemple de réalisation d’un palais de justice en conception réalisation sous maitrise d’ouvrage publique de l’ APIJ, occupe à peine 4000 M2 … soit la taille de la seule salle des pas perdus du futur TGI de Paris .
-En dernier lieu, le choix d’implanter le TGI dans la ZAC Clichy Batignolles apparait comme un facteur supplémentaire de complexité technique, fonctionnelle et opérationnelle.
Cette friche industrielle, constituée par d’anciennes emprises ferroviaires, n’est pas aménagée ce qui impliquera de réaliser, ex nihilo, l’adduction en eau, l’évacuation des eaux usées et pluviales, les réseaux informatiques et téléphoniques, les accès piétons et véhicules ou encore les réseaux de chauffage et climatisation.
La gestion de ces interfaces techniques sera, compte tenu de la multiplicité des opérateurs et des intervenants, délicate à assurer.
De même les conditions et modalités de restructuration par la ville de Paris de l’environnement urbain immédiat du futur palais de justice auront nécessairement un impact sur sa conception, sa réalisation et sa maintenance sans que ces conséquences puissent être anticipées par l’EPPJP.
Pour l’ensemble de ces raisons, il nous semble difficile de nier que la réalisation du futur palais de justice des Batignolles est une opération objectivement complexe.
Les requérants vous objecteront toutefois qu’elle ne l’est pas, au sens de l’interprétation très restrictive qui doit être faite de la condition de complexité technique posée par l’ordonnance du 17 juin 2004.
Il est vrai que l’examen des nombreuses pièces produites par l’EPPJP démontre que l’établissement public a su, avec l’aide de l’APIJ, mobiliser de nombreuses compétences pour s’efforcer de définir, au mieux, ses besoins et tenter de cerner, au plus près, les caractéristiques techniques et fonctionnelles du futur équipement.
Pour autant, il nous semble que ni l’EPPJP ni l’APIJ ne disposaient en interne des capacités et compétences indispensables pour garantir que le parti architectural et les options techniques qu’ils avaient pu envisager pour cette opération, constitueraient la réponse la plus pertinente et la plus performante aux attentes et aux exigences exprimées, notamment, en matière de développement durable, de sureté, de sécurité ou de pérennité de l’équipement.
De ce point de vue, seul un échange entre, d’une part, les services de l’EPPJP et , d’autre part, une équipe pluridisciplinaire réunissant des spécialistes de la conception, de la construction et de l’exploitation maintenance pouvait permettre d’identifier, de valider et d’optimiser, dans sa globalité et sur le long terme, la solution technique la mieux à même de satisfaire les besoins de la personne publique pour la réalisation de cet ouvrage hors du commun.
C’est, du reste, ce qui fut fait pendant la phase de dialogue compétitif en particulier pour la sécurité incendie ou pour l’isolation acoustique.
Dés lors que l’EPPJP n’ était pas, objectivement, en capacité de définir seul et à l’avance, par des moyens raisonnables, la solution technique optimale pour concevoir, construire et assurer la maintenance du futur palais de justice , il nous semble donc qu’elle pouvait, légalement, avoir recours au contrat de partenariat et au dialogue compétitif.
8-3) Si toutefois, compte tenu notamment des doutes et hésitations que nous exprimions en débutant, vous décidiez de ne pas nous suivre et de juger que l’opération litigieuse ne présente pas les caractères de complexité exigés par l’ordonnance du 17 juin 2004, vous devriez alors en tirer la conséquence que l’EPPJP a eu, irrégulièrement, recours à la procédure de dialogue compétitif pour passer le contrat de partenariat et annuler, pour ce motif, les deux décisions contestées.
a) En revanche, le choix du contrat de partenariat ne serait pas remis en cause dans la mesure où il n’est pas sérieusement contestable que la seconde condition de fond, liée à l’urgence, posée au 2° du II de l’article 2 de l’ordonnance était remplie.
Rappelons que l’urgence justifiant le recours au contrat de partenariat, n’est pas le péril imminent qui menacerait de manière immédiate la sécurité des usagers ou la continuité du service public mais le retard préjudiciable à l’intérêt général affectant la réalisation d’équipements collectifs ou l’exercice d’une mission de service public.
Comme l’indiquait Q R dans ses conclusions sous CE 23 juillet 2010 M. F (N° 326544 ) « le recours au contrat de partenariat n’est certainement pas cantonné aux situations de danger immédiat, danger auquel il ne peut rien, n’étant pas un outil de court terme ».
En l’espèce, il ressort notamment de l’évaluation préalable, que l’exigüité et la vétusté du palais de justice de l’ile de la Cité ne permettent plus d’assurer le fonctionnement du service public judiciaire de manière satisfaisante, l’accueil des justiciables et les conditions de travail des professionnels étant dégradés et toutes les exigences de sécurité et de sureté n’étant plus garanties.
Dans son rapport d’information enregistré à la présidence du sénat le 14 octobre 2009, le sénateur Luart notait ainsi que les files d’attente pour accéder au palais étaient quotidiennes , que la configuration des locaux ne permettait pas de garantir la confidentialité des échanges, que les bâtiments n’étaient pas tous accessibles aux personnes handicapées, que certains magistrat étaient privés de bureau, que des travaux de mise en sûreté du site et de mise en conformité au regard des normes « incendie » avaient du être engagés pour plus de 26 millions d’euros entre 2006 et 2009 et surtout que les 40 000 m2 affectés au TGI était tellement insuffisants qu’il avait fallu, au fil des ans, trouver 30 000 m2 supplémentaires pour y implanter 6 annexes éclatées aujourd’hui dans les 4°, 6 °, 9°, 13°, 14° et 19 ° arrondissement de Paris.
Ce constat, également partagé par la Cour des Comptes qui, dans son rapport public 2009, mentionne l’exigüité et le mauvais état des surfaces affectées à la justice sur l’ile de la Cité , n’est nullement remis en cause par les allégations des requérants .
Il existait donc un retard préjudiciable à l’intérêt général, caractérisant l’urgence exigée par le 2° du II de l’article 2 de l’ordonnance du 17 juin 2004 et justifiant de recourir au contrat de partenariat .
b) Pour en finir avec l’examen de ce moyen , ajoutons que si, contrairement à ce que nous vous proposons, vous décidiez d’annuler les décisions contestées, vous devriez également, des lors que le l’illégalité resultant du recours irrégulier à la procédure du dialogue compétitif n’est pas régularisable , qu’elle entraîne en principe la cessation de l’exécution du contrat et qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie le maintien de la convention, enjoindre à l’EPPJP de résilier le contrat de partenariat ( en ce sens CE, 21 février 2011, Société Ophrys n° 337349 ; CE 10 décembre 2012 Société Lyonnaise des eaux 355 127 B; CE 28 janvier 2013 B Syndicat mixte Flandre Morinie N°358 302).
9) L’association requérante et M. X soutiennent enfin, de manière aussi imprécise que peu convaincante, que les principes fondamentaux de la commande publique, et plus particulièrement le principe de transparence, auraient été violés par l’EPPJP qui n’aurait pas porté à la connaissance des candidats les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des offres.
Vous écarterez rapidement ce moyen qui manque tant en droit qu’en fait.
L’article 8 de l’ordonnance du 17 juin 2004 impose à la personne publique de pondérer les critères d’attribution .
En l’espèce l’EPPJP a retenu 4 critères liés au cout global de l’offre, à la performance de l’ouvrage, à sa qualité globale architecturale et urbaine et à la part d’exécution des prestations que le candidat s’engageait à confier à des petites et moyennes entreprises.
Ces critères, pondérés respectivement à 40%, 30%, 25% et 5%,étaient fixés dans le règlement de la consultation qui a été communiqué aux candidats.
Enfin, les attentes de l’établissement public et les obligations des candidats étaient définies avec suffisamment de précision par l’article 1-3 du règlement de la consultation et par ses annexes et notamment par le « manuel d’élaboration des propositions » qui comportait de nombreux éléments d’information permettant d’éclairer le sens des 4 critères ( s’agissant du degré de précision attendu du pouvoir adjudicateur dans la définition des critères d’attribution d’un contrat de partenariat voyez CE 24 juin 2011 Ministre de l’écologie N° 347 720).
PCMNC
- A l’annulation du jugement n° 12 06417 du 17 mai 2013 en tant qu’il a rejeté comme irrecevable la demande de l’association « La Justice dans la Cité » et de M. X tendant à l’annulation de la délibération du 3 février 2012 du conseil d’administration de l’EPPJP approuvant le contrat de partenariat et autorisant son directeur général à le signer et de la décision du 15 février 2012 de signature de ce contrat par le directeur général de l’EPPJP.
- Au rejet de la demande tendant à l’annulation de ces deux décisions présentée devant le tribunal par l’association « La Justice dans la Cité » et par M. X.
-Au rejet du surplus de la requête N°13pa02769 et des requêtes N°13pa02766 et N°13pa02770.
-Au rejet des conclusions présentées par l’EPPJP et par la société Arélia au titre de l’article L 761-1 du CJA

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CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 13PA02769