Décision de la Commission des sanctions du 13 décembre 2007 à l'égard de la société X et de M. A

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Sur la décision

Référence :
AMF, 13 déc. 2007, n° SAN-2008-06
Numéro : SAN-2008-06
Identifiant AMF : SAN-2008-06

Texte intégral

Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A l’EGARD DE LA SOCIETE X ET DE M. A

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF),

Vu le code monétaire et financier, notamment son article L. 533-4, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, son article L. 621-15, ainsi que ses articles R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 321-24 et 321-77 dans leur rédaction en vigueur à l’époque des faits ;

Vu les notifications de griefs en date du 7 février 2007, adressées à la société X ainsi qu’à M. A ;

Vu la décision du 16 mars 2007 du président de la Commission des sanctions désignant Mme Marielle Cohen-Branche, Membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu les observations écrites communes présentées par Me Sena Agbayissah pour la société X et pour M. A, reçues à l’AMF le 12 mars 2007 ;

Vu les procès-verbaux de l’audition de la société X, représentée par M. A, son président du directoire, et de celle de M. A à titre personnel, tous deux en date du 21 septembre 2007 ;

Vu le rapport de Mme Marielle Cohen-Branche en date du 31 octobre 2007 ;

Vu les lettres recommandées avec demande d’avis de réception portant convocation à la séance de la Commission des sanctions du 13 décembre 2007, auxquelles était annexé le rapport signé du rapporteur, adressées à la société X et à M. A le 31 octobre 2007 ;

Vu les observations en réponse au rapport du rapporteur présentées par Me Sena Agbayissah pour la société X et M. A, reçues à l’AMF le 21 novembre 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 13 décembre 2007 :  Mme Marielle Cohen-Branche en son rapport ;  Mme Catherine Le Rudulier, commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;  Me Sena Agbayissah, conseil de M. A et de la société X;  M. A, pour son compte et pour celui de la société X qu’il représente en tant que président du directoire, assisté de M. […], vice-président et membre du conseil de surveillance de cette société ;

Les personnes mises en cause ayant pris la parole en dernier.

I – FAITS ET PROCEDURE

A – Les faits

La société X, société anonyme à conseil de surveillance et directoire, dont le capital est détenu par ses dirigeants et ses salariés, est une entreprise d’investissement agréée par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement pour fournir les services d’investissement :  de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers ;  d’exécution d’ordres pour le compte de tiers ;  de négociation pour compte propre.

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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Elle est spécialisée dans l’intermédiation des marchés obligataires et dans la négociation de produits structurés de dette. Indépendant des grands groupes bancaires ou financiers, la société X réalise l’essentiel de son activité avec des clients investisseurs institutionnels.

La quasi absence de teneurs de marché sur les titres structurés ainsi que la très faible liquidité de ces derniers rendent difficile l’appréciation des modes de formation de leur prix. Au cours de l’année 2005, le service de la surveillance des marchés de l’AMF a cependant relevé des anomalies, tant dans les cours de certaines transactions effectuées par l’intermédiaire de la société X sur plusieurs titres obligataires pour la plupart émis sous la forme d’ « Euro Medium Term Notes » que dans les volumes échangés. Ces anomalies, selon le Service, portaient à la fois sur le caractère inhabituel du taux de rotation des titres et sur le caractère élevé des marges enregistrées par le prestataire de services d’investissement.

Les anomalies relevées ainsi que l’importance de la contribution des opérations dont il s’agit dans le chiffre d’affaires global de la société X ont conduit le secrétaire général de l’AMF à ouvrir, le 12 juin 2006, une enquête portant sur « les transactions effectuées à partir du 1er janvier 2005 par la société X sur le marché obligataire, le marché des titres participatifs et des titres subordonnés ». Les investigations ont été menées sur la période comprise entre le 1er janvier 2005 et le 30 juin 2006 et ont porté sur six valeurs négociées par la société X :  cinq obligations sécurisées structurées, soit deux Rabobank d’échéance commune 2025 et de coupon 6,12% et 5,95%, deux Compagnie de Financement Foncier d’échéance commune 2024 et de coupon 6,12% et 5,86% et une Dexia Municipal Agency d’échéance 2024 et de coupon 5,80% ;  une obligation participante Eurotunnel d’échéance 2040 et de coupon 1%. Le rapport d’enquête établi le 11 décembre 2006 par la direction des enquêtes et de la surveillance des marchés de l’AMF a été examiné par la commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF, constituée en application de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, lors de sa séance du 16 janvier 2007.

B – La procédure

Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 7 février 2007, le président de l’AMF, sur décision prise par la commission spécialisée n° 3 du Collège de l’AMF le 16 janvier 2007, a notifié les griefs qui leur étaient reprochés :  à la société X, représentée par le président de son directoire, M. A ;  à M. A, à titre personnel, en sa qualité de président du directoire de la société ; en les informant, d’une part, de la transmission des lettres de notification au président de la Commission des sanctions pour attribution et désignation d’un rapporteur, et d’autre part, du délai d’un mois dont ils disposaient pour présenter des observations écrites en réponse aux griefs énoncés dans ces lettres, ainsi que de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix et de prendre connaissance des pièces du dossier dans les locaux de l’AMF.

Les notifications de griefs adressées à la société X et à M. A rappellent d’abord que l’activité principale de la société consiste à « rapprocher sur les marchés secondaires obligataires les intérêts acheteurs et vendeurs de clients investisseurs institutionnels, sans que ceux-ci ne contractent directement entre eux. En effet, la société X se porte systématiquement contrepartie pour chaque opération à l’achat et à la vente, en ne s’engageant cependant que lorsque l’opération peut être débouclée dans l’instant ». La rémunération de la société résulte en conséquence « des écarts de cours pratiqués à l’achat et à la vente, qu’ [elle] est (…) [la seule] à connaître ».

Dans ce cadre et sur la période comprise entre le 2 janvier 2005 et le 30 juin 2006, il est exposé que la société X a notamment négocié des obligations sécurisées1 structurées « issues de cinq lignes en circulation ». Les notifications de griefs font état à ce propos d’« une soixantaine de transactions représentant moins de 1% des transactions de toute nature réalisées sur la période sous revue mais ayant généré un chiffre d’affaires de 3,3 millions d’euros, soit environ 20,7% de la marge globale d’intermédiation enregistrée au cours de la même période par la société X ».

Il est d’abord relevé que « la société X a fait supporter à ses clients des écarts de cours de montants excessifs eu égard aux prix de marché et au service rendu ». Les notifications de griefs exposent au préalable le caractère spécifique des titres de type obligataire dont il s’agit : « le marché secondaire de gré à gré des obligations sécurisées comportant [de surcroît] un coupon atypique (…) se caractérise par une très faible liquidité qui, faute de référentiel de cotation ou d’autre système de valorisation aisément accessible, rend matériellement délicate la fixation d’un véritable cours de référence ». Des « prix de valorisation » sont certes fournis par les établissements arrangeurs ou teneurs de comptes sur les principaux systèmes d’information financière mais il n’est « pas rare que la valorisation réalisée par deux entités différentes sur ce type de produits structurés diffère de 7 à 8% quotidiennement ». Les notifications de griefs ajoutent cependant que, « dans un tel contexte, le courtier chargé

1 Il s’agit d’obligations foncières bénéficiant du privilège de remboursement de l’article L. 515-19 du code monétaire et financier ainsi que d’obligations étrangères également sécurisées.

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d’assurer l’intermédiation de ce type d’instruments financiers assure un rôle important dans la détermination d’un prix », pour relever que la société X a non seulement pratiqué sur ces instruments financiers des « écarts de cours inhabituellement élevés » mais que la société n’a en outre pas été en mesure de justifier auprès de l’AMF « ni les différences d’écarts de cours pratiqués sur un même titre et pendant les mêmes périodes vis-à-vis de plusieurs acheteurs exerçant des activités différentes, ni les écarts de cours inhabituellement élevés qu’il a pratiqués à l’égard de certains de ses clients ».

Il est plus particulièrement relevé qu’alors même que le règlement intérieur de la société stipule que « sauf cas particulier, la marge sur une opération est limitée à 3% » et que si à titre exceptionnel une marge supérieure à 3% peut être pratiquée sous réserve de « l’accord préalable du directoire après avis du RCSI sur présentation des éléments justificatifs », un dossier devant alors être conservé par le responsable de la conformité pour les services d’investissement, les écarts de cours « supérieurs à 3% n’ont pas pu être justifiés par la société X ».

Les notifications de griefs relèvent en second lieu que « le taux de marge pratiqué par la société X avait parfois sensiblement varié d’intensité selon que le client pour le compte duquel le prestataire négociait les titres était ou non à même de déterminer par lui-même une valorisation des écarts de cours et disposait de la compétence technique pour ce faire ».

Il est retenu, tant à l’encontre de la société X que de M. A à titre personnel, que les faits précités pourraient caractériser des manquements aux obligations instaurées par les dispositions de l’article L. 533-4 du code monétaire et financier et celles des articles 321-24 et 321-77 du règlement général de l’AMF, dans leur rédaction applicable à l’époque des faits.

Copie des notifications de griefs a été transmise par le président de l’AMF au président de la Commission des sanctions, en application de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier, par lettre du 7 février 2007.

Le président de la Commission des sanctions a désigné le 16 mars 2007 Mme Marielle Cohen-Branche en qualité de rapporteur. Celle-ci en a avisé la société X et M. A par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 22 mars 2007, en leur rappelant la possibilité d’être chacun entendu, à sa demande, dans les locaux de l’AMF, en application du I de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Des observations écrites communes ont entre-temps été présentées par Me Sena Agbayissah pour la société X et pour M. A et ont été reçues à l’AMF le 12 mars 2007.

Le 21 septembre 2007, Mme Cohen-Branche a entendu, à sa demande, M. A :  d’abord en tant que représentant de la société X, assisté de Mes Sena Agbayissah et Julie Thual, ainsi que de M. […], membre du directoire, et M. […], vice-président du conseil de surveillance de la société ;  puis en son nom propre, en sa qualité de président du directoire de la société.

La société X, prise en la personne de M. A, président de son directoire, et M. A, à titre personnel, ont été convoqués à la séance du 13 décembre 2007 par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date du 31 octobre 2007 auxquelles était joint le rapport du rapporteur.

Une lettre d’observations communes en réponse au rapport du rapporteur a été présentée par Me Sena Agbayissah pour les deux personnes mises en cause. Elle a été reçue à l’AMF le 21 novembre 2007.

II –SUR LES TEXTES APPLICABLES

Considérant que l’article L. 533-4 du code monétaire et financier, relatif aux règles de bonne conduite, disposait dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits : « Les prestataires de services d’investissement (…) sont tenus de respecter des règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investisseurs et la régularité des opérations. / Ces règles sont établies par l’Autorité des marchés financiers. / Elles portent, le cas échéant, sur les services connexes que ces prestataires sont susceptibles de fournir. / Elles obligent notamment à / 1. Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients et de l’intégrité du marché ; / 5. Communiquer, d’une manière appropriée, les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients (…) » ;

Considérant que l’article 321-24 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, disposait : « Les règles de bonne conduite établissent, en application des articles L. 533-4 et L. 533-6 du code monétaire et financier, les principes généraux de comportement et leurs règles essentielles d’application et de contrôle, auxquels doivent se conformer le prestataire habilité et les personnes agissant pour son compte ou sous son autorité. (…) / Les dirigeants du prestataire habilité veillent au respect des présentes dispositions et à la

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mise en œuvre des ressources et des procédures adaptées. / Les services mentionnés à l’article 311-12 sont exercés avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l’intégrité du marché. Les prestataires habilités s’efforcent d’éviter les conflits d’intérêt et, lorsque ces derniers ne peuvent être évités, veillent à ce que leurs clients soient traités équitablement. / (…) Les règles de conduite adoptées en vertu du présent livre par les prestataires habilités et s’appliquant à leurs collaborateurs constituent pour ceux-ci une obligation professionnelle» ; que l’article 321-77 du même règlement dispose enfin : « Le prestataire habilité s’assure qu’un collaborateur qui effectue une transaction à un prix différent d’un prix de marché disponible pour cette transaction au moment de sa réalisation peut en expliquer les raisons sur requête de l’AMF » ;

Considérant que l’ensemble de ces dispositions ayant été remplacé par des dispositions qui ne sont pas plus douces, il sera fait application de l’ensemble des dispositions précitées.

III SUR LES OBSERVATIONS DES MIS EN CAUSE

Considérant que, pour leur défense commune, la société X et M. A font valoir dans leurs observations écrites :  à titre liminaire, que la société X fait partie des « très rares intermédiaires indépendants actifs sur le marché » des titres de créances, « sous forme d’obligations, d’obligations convertibles et d’Euro Medium Term Notes (EMTN) et parts de fonds communs de créances » ; que ses clients sont des investisseurs qualifiés institutionnels d’horizons très variés ; que, bien qu’ayant accès à « une offre pléthorique de banques d’investissement infiniment plus significatives que la société X, ils sont nombreux à continuer de travailler avec la société X pour sa recherche et la liquidité offerte sur tous types de produits, y compris les moins liquides » ;  qu’à aucun moment, dans ses relations avec ses contreparties, la société X n’intervient en qualité de courtier, de mandataire ou de commissionnaire ; que, s’il est aisé d’écarter les qualifications de courtage et de mandat, « celle de commissionnaire peut susciter un certain doute » ; que celui-ci ne résiste cependant pas à l’analyse, dès lors : 1. qu’en premier lieu, « la société X n’est pas rémunéré par une commission [mais par] un écart de cours » non révélé au client alors qu’un commissionnaire doit la transparence à son client ; qu’il est impossible, « dans une opération sur le marché secondaire obligataire », de détacher le prix d’un service rendu de la valeur du bien acquis ou cédé par une contrepartie ; 2. qu’en second lieu, bien que « la société X ne donne définitivement son consentement à une opération qu’après avoir obtenu l’accord de ses contreparties à l’achat et à la vente », il subsiste pour la société un risque de règlement-livraison, même si ce dernier risque est encore minimisé par le recours à la procédure prévue par l’article L. 330-1 du code monétaire et financier organisant la concomitance du règlement et de la livraison ; qu’il en résulte que l’on peut « affirmer que l’activité de la société X se fonde exclusivement sur le service d’investissement de négociation pour compte propre » ;  que le marché obligataire secondaire sur lequel intervient la société X est un marché « mondial et européen » et que « le choix des investisseurs, quant aux prestataires, est extrêmement large du fait de la possibilité pour eux d’avoir accès simultanément sur leur écran Bloomberg ou Reuters ou Fininfo à toutes les contributions de prix des prestataires » ;  que la règle consistant à limiter à 3% du montant nominal du titre négocié, « sauf cas particulier », l’écart de cours sur une opération, a été communiquée à l’AMF le 14 juin 2005 et « n’a fait l’objet d’aucune remarque en retour de la part de l’AMF » ;  qu’il n’existe pas de prix de marché sur le marché obligataire secondaire, même s’« il y a des contributeurs qui fournissent des prix indicatifs » ;  qu’en outre, « les produits sur lesquels l’enquête a porté sont des produits structurés (…) sur lesquels les marges sont les plus élevées en raison de leur complexité et de leur manque de liquidité, situation parfaitement connue de tout le marché et particulièrement des investisseurs » ; qu’en effet, les émissions sont de petite taille et en général destinées à un acquéreur unique pour lequel elles ont été définies « sur mesure » ; que « l’acquéreur initial est totalement tributaire du banquier arrangeur pour obtenir un prix sur le marché secondaire s’il souhaite céder ses titres avant leur terme car les autres banques ne sont, sauf exception, pas intéressées à faire des prix sur des produits qu’elles n’ont pas conçus. Or, dans la plupart des cas, le banquier arrangeur n’est pas intéressé non plus à reprendre les titres dont il a arrangé l’émission. L’intervention de la société X vise alors à débloquer cette situation en offrant à l’investisseur la liquidité dont il a besoin » ; que cette liquidité était d’autant plus « cruciale » en l’espèce que les produits retenus par les enquêteurs avaient été émis depuis peu de temps pour une durée longue de vingt ans ;  qu’en tout état de cause, le rapport d’enquête qui a servi de base aux notifications de griefs a entretenu la confusion entre la notion de marge et celle d’écart de cours ; que le rapprochement de ces deux notions conduit tout au plus à appréhender l’écart de cours comme la somme de deux marges indéterminables, l’une affectée au vendeur et l’autre à l’acheteur ; qu’entre le 14 juin 2005, date de la

2 Ces services comprennent notamment les services d’investissement pour lesquels la société X est agréée.

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notification par la société X à l’AMF de son règlement intérieur et le 30 juin 2006, « sur 2 328 opérations, seules 4 opérations ont fait l’objet d’un écart de cours supérieur à 3% » ;  qu’aux termes de la décision « Dokhan » en date du 13 juillet 2006, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, a jugé que « la règle selon laquelle doit prévaloir l’intérêt du client (…) ne trouve pas à s’appliquer aux opérations réalisées par un prestataire de services d’investissement lorsqu’il réalise une opération dans son propre intérêt », ce qui est le cas d’un intervenant « sur le marché obligataire de gré à gré dans le cadre d’une activité donnant lieu à contrepartie » ; que la preuve n’a pas été apportée que la société X, qui agissait dans un tel cadre, aurait porté atteinte à l’intégrité du marché ;  qu’enfin, les méthodes des enquêteurs, et notamment leur attitude envers certaines contreparties de la société X et le fait qu’ils ont « largement laissé croire à la culpabilité [de la société] aux personnes entendues dans le cadre des opérations alors examinées » ont porté préjudice à la société ;

Considérant qu’au cours de son audition, M. A, entendu en tant que représentant de la société puis en son nom propre, a indiqué :  qu’afin de réussir la vente complète de la quantité totale de produits structurés qu’un client lui a proposée à l’achat, « nous pouvons être amenés à chercher pour boucler l’opération un client auquel nous vendrons à des conditions plus avantageuses que les autres » ;  que « la simultanéité parfaite [des achats et des ventes] n’existe pas » ; qu’il s’ensuit une prise de risque certaine par la société X, résultant d’une possible « erreur sur le titre », du risque de règlement-livraison et du « risque de marché si le risque précédent se réalise » ;

qu’il a également tenu à signaler que l’un des enquêteurs, « dans ses fonctions antérieures de marché, s’est vu débaucher une partie importante de ses forces de vente par la société X » et qu’il croit « y voir l’origine d’un défaut d’impartialité qui s’est manifesté par la menée à charge de l’enquête et un certain nombre de propos tenus en public » ;

IV SUR LES

MOTIFS DE LA DECISION

Considérant que les affirmations des mis en cause relatives à l’enquête qui a précédé l’engagement de la présente procédure ainsi qu’au préjudice qui aurait été porté à la société X du fait des méthodes des enquêteurs ne sont, en tout état de cause, pas de nature à invalider la procédure en cours devant la Commission des sanctions de l’AMF ;

Considérant en premier lieu qu’il résulte de l’instruction que la société X intervenait sur le marché secondaire de gré à gré des « obligations sécurisées comportant un coupon atypique » dans le cadre d’une activité donnant lieu à contrepartie ; qu’elle ne saurait être considérée comme ayant agi sur ordre pour le compte de clients dès lors qu’il n’est pas établi que ces interventions étaient réalisées à la suite de passation d’ordres ; qu’ainsi, l’activité de la société X à raison des opérations en cause doit être regardée comme une activité de négociation pour compte propre, à laquelle ne s’applique pas le principe de la primauté des intérêts des clients ;

Considérant en second lieu que le niveau moyen des écarts de cours constatés sur les opérations dont il s’agit n’est pas constitutif d’un manquement au regard de l’intégrité du marché, dès lors qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que les opérations en cause seraient frauduleuses et qu’il n’est pas établi qu’elles présenteraient un caractère anormal ou exagérément risqué ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède – et alors que l’appréciation des intérêts des assurés ou clients des assurances ou mutuelles intervenant comme acheteurs dans de telles opérations et qualifiés d’ « investisseurs finaux » par la notification de griefs ne relève pas de la compétence de la Commission des sanctions de l’AMF – que les manquements retenus dans les notifications de griefs ne sont pas caractérisés ;

V SUR LA PUBLICATION DE LA DECISION

Considérant que le V de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dispose que « la commission des sanctions peut rendre publique sa décision dans les publications, journaux ou supports qu’elle désigne, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu permettre à la commission de tenir compte des exigences d’intérêt général relatives à la loyauté du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants qui fondent son pouvoir de sanction ainsi que de l’intérêt qui s’attache pour la sécurité juridique de l’ensemble des opérateurs à ce que ceux-ci puissent, en ayant accès à ses décisions, connaître son interprétation des règles qu’ils doivent observer ;

Considérant qu’alors que la publication de la décision n’est pas de nature à causer de trouble disproportionné aux personnes ainsi mises hors de cause en regard de l’intérêt général qui s’attache à la diffusion d’une décision

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susceptible d’intéresser de nombreux opérateurs, il y a lieu de faire usage des dispositions précitées du V de l’article L. 621-15 ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de M. Daniel Labetoulle, par M. Jean-Pierre Hellebuyck, M. Jean-Claude Hanus, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, et M. Jean-Pierre Morin, Membre de la 2ème section suppléant M. Pierre Lasserre, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :
- mettre hors de cause la société X et M. A ;

- publier la présente décision au Bulletin des annonces légales obligatoires, ainsi que sur le site internet et dans la revue de l’AMF.

A Paris, le 13 décembre 2007 La secrétaire de séance,

Le président, Brigitte Letellier

Daniel Labetoulle

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