Décision de la Commission des sanctions du 20 février 2013 à l'égard de M. A

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 20 févr. 2013, n° SAN-2013-05
Numéro : SAN-2013-05
Identifiant AMF : SAN-2013-05

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

DECISION DE LA COMMISSION DES SANCTIONS A L’EGARD DE M. A

La 1ère section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (ci-après « AMF ») ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 621-15, R. 621-5 à R. 621-7 et R. 621-38 à R. 621-40 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 621-1, 622-1 et 622-2 ;

Vu la notification de grief adressée le 1er juin 2012 à M. A ;

Vu la décision du 14 juin 2012 de la présidente de la Commission des sanctions désignant M. Jean-Jacques Surzur, membre de la Commission des sanctions, en qualité de rapporteur ;

Vu la lettre du 25 juin 2012 adressée à M. A, l’informant de ce qu’il disposait de la faculté de demander la récusation du rapporteur ;

Vu les observations écrites et demande de mesures d’instruction de M. A du 27 juillet 2012, en réponse à la notification de grief ;

Vu la lettre du rapporteur en réponse à la demande de mesures d’instruction du 17 septembre 2012 ;

Vu le procès-verbal d’audition de M. A du 27 novembre 2012 ;

Vu les observations écrites de M. A du 30 novembre 2012, à la suite de son audition par le rapporteur ;

Vu le rapport de M. Jean-Jacques Surzur en date du 14 décembre 2012 ;

Vu la lettre de convocation à la séance de la Commission des sanctions du 1er février 2013, adressée le 14 décembre 2012 à M. A, à laquelle était joint le rapport du rapporteur ;

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

-2- Vu les observations écrites en réponse au rapport du rapporteur adressées à la Commission des sanctions le 28 décembre 2012 par M. A ;

Vu la lettre en date du 14 janvier 2013 informant M. A de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, et lui précisant la faculté de demander la récusation de l’un ou l’autre de ses membres ;

Vu les pièces et observations complémentaires adressées à la Commission des sanctions les 30 et 31 janvier 2013 par Me Jean-Baptiste de Cabanes pour M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 1er février 2013 :

— M. Jean-Jacques Surzur en son rapport ;

- M. Emmanuel Doumas, représentant le directeur général du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- M. Maxime Galland, représentant le Collège de l’AMF ;

- M. A ;

- Mes Jean-Baptiste de Cabanes, Brune David-Parmentier et Grégory Kagan, conseils de M. A ;

la personne mise en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

La société Anovo (ci-après « Anovo ») était, au moment des faits, une société anonyme, holding du groupe Anovo intervenant dans la gestion durable de produits technologiques. Le titre Anovo était coté à la bourse de Paris, sur le compartiment C d’Euronext, depuis le 14 avril 1999. Durant l’exercice 2009/2010, le chiffre d’affaires de la société s’est élevé à 344 millions d’euros.

Le président directeur général d’Anovo a été [M. P.] jusqu’au 25 mai 2011, date à laquelle celui-ci est devenu président, [M. …] ayant été nommé directeur général. A partir du 20 janvier 2011 et durant toute la période des faits litigieux, M. A était administrateur et membre du comité d’audit d’Anovo.

Au cours de l’année 2011, la société a dû faire face à différentes difficultés financières. Ainsi, les reportings et prévisionnels réalisés en début d’année ont montré qu’au 31 mars, Anovo ne serait plus en mesure de respecter les conditions auxquelles était subordonné l’un des engagements financiers (« covenants ») obtenus auprès de sa principale banque et, en conséquence, pourrait être contrainte à rembourser par anticipation la somme de 22,8 millions d’euros. Cette situation a conduit les dirigeants d’Anovo à signer avec leur banque, le 31 mars 2011, un avenant à la convention de crédit initiale, lequel permettait de ne pas appliquer le régime attaché au non respect de l’engagement à la condition, notamment, de faire réaliser par un cabinet externe un audit de validation des « prévisions de croissance du chiffre d’affaires » et « l’analyse des cash flows ».

Le projet de rapport élaboré par ce cabinet, en date du 16 mai 2011, a été présenté le 18 mai 2011 au comité d’audit auquel participait M. A. Il mettait l’accent, notamment, sur un besoin de trésorerie de 1,2 million d’euros dès le mois de juin 2011.

-3-

Le 25 mai 2011, sont survenus les évènements suivants :

— le conseil d’administration d’Anovo a validé un projet de communiqué publié le même jour, qui présentait les résultats financiers semestriels arrêtés au 31 mars 2011 et précisait notamment que « plusieurs solutions sont activement recherchées pour apporter au Groupe les financements complémentaires nécessaires à son exploitation » ;

— les commissaires aux comptes d’Anovo ont décidé de déclencher la première phase de la procédure d’alerte prévue aux articles L. 234-1 et suivants du code de commerce et ont adressé au président du conseil d’administration d’Anovo un courrier recommandé avec demande d’avis de réception faisant état d’une dégradation par rapport aux « prévisions de trésorerie à douze mois établies par (la) société à fin avril », dégradation se traduisant par « une insuffisance de trésorerie de 2,6 millions d’euros en juillet 2011 (position trésorerie du groupe). A cette même date, l’insuffisance de trésorerie concernant Anovo SA serait de 5,8 millions d’euros » ; il était ajouté que, revues et retraitées par le cabinet d’audit externe, « les prévisions ainsi modifiées font état d’une insuffisance de trésorerie dès le mois de juin 2011 de 6,5 millions d’euros concernant Anovo SA » ;

— le président du tribunal de commerce de Beauvais a désigné un administrateur judiciaire en qualité de mandataire ad hoc afin, notamment, d’évaluer, dans un délai de dix jours, « les risque et délai d’une éventuelle survenance de l’état de cess[at]ion de paiement de la société ».

Le 6 juin 2011, se fondant sur le rapport d’expertise rédigé par le cabinet d’audit externe, le mandataire ad hoc a adressé à ce magistrat, ainsi qu’aux dirigeants d’Anovo, son rapport d’étape. Il y indiquait notamment que « L’équation à résoudre dans un délai record et en toute confidentialité paraît difficilement réalisable » et qu’il ne saurait « à ce stade exclure une possible occurrence de cessation des paiements ».

Le 20 juin 2011, Anovo a publié un nouveau communiqué de presse annonçant la mise à disposition, sur son site Internet, de son rapport financier semestriel au 31 mars 2011 et précisant que ce document « intégr[ait] une observation des commissaires aux comptes sur le principe de continuité d’exploitation ». En effet, en page 18 du rapport financier, les commissaires aux comptes soulignaient « l’incertitude relative à la continuité de l’exploitation ».

Le 19 juillet 2011, la cotation du titre Anovo a été suspendue.

Le 29 juillet 2011, un communiqué de presse a annoncé que la direction générale du groupe avait déclaré « la cessation des paiements de son entité française Anovo SA (1/3 du chiffre d’affaires du groupe) » et qu’une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte.

Le 6 décembre 2011, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Anovo.

Entre le 13 et le 17 juin 2011, M. A a cédé 32 604 titres Anovo pour un montant total de 123 739 euros.

PROCÉDURE

L’attention du service de la surveillance des marchés de l’AMF ayant été attirée, en raison du mode opératoire lié aux ordres en Service de règlement différé, par les déclarations individuelles d’opérations faites auprès de l’AMF et par les transactions significatives réalisées par [M. P.], le secrétaire général de l’AMF a décidé, le 22 février 2011, d’ouvrir une enquête sur le marché du titre Anovo à compter du 1er juillet 2010.

-4-

L’enquête a été diligentée par la Direction des enquêtes et des contrôles qui a adressé le 24 février 2012, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception, une lettre circonstanciée à M. A faisant état de « l’analyse du Service des enquêtes de l’AMF sur les principaux éléments de fait et de droit recueillis par les enquêteurs, [afin] de [lui] permettre de formuler les observations en réponse [qu’il souhaiterait] faire à ce stade ».

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 mars 2012, M. A a contesté le contenu de la lettre circonstanciée.

L’enquête s’est achevée par la rédaction d’un rapport daté du 9 mai 2012, relevant notamment que « les conclusions du cabinet [d’audit externe] présentées au comité d’audit pourraient constituer une information privilégiée au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF à partir du 18 mai 2011, ou à tout le moins le 25 mai 2011, date de déclenchement de la procédure d’alerte », et qu’il « pourrait être reproché à M. A d’avoir contrevenu à l’article 622-1 du règlement général de l’AMF pour être intervenu sur le titre Anovo entre le 13 et le 17 juin 2011 en cédant 32 604 actions, alors même qu’en tant qu’administrateur et membre du comité d’audit, M. A détenait une information privilégiée concernant les risques pesant sur la continuité d’exploitation de la société ».

Ce rapport, ainsi que les observations de M. A, ont, conformément à l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, été examinés lors de sa séance du 24 mai 2012, par la Commission spécialisée n°2 du Collège de l’AMF, qui a décidé de notifier un grief à M. A.

La notification de grief a été adressée à M. A par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, reçue le 2 juin 2012, sous la signature du président de l’AMF, qui en a transmis copie à la présidente de la Commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

En substance, il est reproché à M. A d’avoir, à l’occasion de la cession de ses titres Anovo entre le 13 et le 17 juin 2011, utilisé une information privilégiée, ce qui pourrait constituer le manquement d’initié prévu aux articles 621-1 et 622-1 du règlement général de l’AMF, susceptible d’être sanctionné sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier.

Par décision de la présidente de la Commission des sanctions du 14 juin 2012, M. Jean-Jacques Surzur a été désigné en qualité de rapporteur, ce dont M. A a été informé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 22 juin 2012 lui rappelant la faculté d’être entendu par le rapporteur, à sa demande, conformément à l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 25 juin 2012, le secrétariat de la Commission des sanctions a informé le mis en cause, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, de la faculté dont il disposait de demander la récusation du rapporteur dans un délai d’un mois, dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du code monétaire et financier.

Par courrier du 27 juillet 2012, M. A a adressé ses observations en réponse à la notification de grief et demandé à cette occasion au rapporteur d’effectuer différentes mesures d’instruction.

Le rapporteur a répondu à cette demande d’actes d’instruction par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 17 septembre 2012.

Le 27 novembre 2012, le rapporteur a procédé à l’audition de M. A qui en avait fait la demande. A l’issue de l’audition, ce dernier a refusé de signer le procès-verbal, puis a adressé au rapporteur des observations par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 5 décembre 2012.

M. A a été convoqué à la séance de la Commission des sanctions du 1er février 2013, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 décembre 2012, à laquelle était joint le rapport du

-5- rapporteur. Il a fait parvenir ses observations en réponse au rapport par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 décembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 janvier 2013, M. A a été informé de la composition de la formation de la Commission des sanctions lors de la séance, ainsi que du délai de quinze jours dont il disposait, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier pour demander la récusation, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4, de l’un ou l’autre de ses membres.

Les 30 et 31 janvier 2013, Me Jean-Baptiste de Cabanes a déposé, pour M. A, des pièces et des observations complémentaires.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les moyens de procédure

Considérant que M. A soutient, en invoquant l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui « exige que l’autorité de poursuite communique à la défense toutes les preuves pertinentes en sa possession, à charge comme à décharge », que les enquêteurs auraient manqué à leur devoir de loyauté en ne versant pas au dossier les documents relatifs à la réunion des dirigeants de la société avec la Direction des émetteurs de l’AMF, le 23 mai 2011, et à la participation de l’AMF à la préparation et à la publication du communiqué de presse du 25 mai 2011 ;

Considérant que, dans les observations qu’il a faites en réponse à la notification de grief et à la suite de son audition par le rapporteur, M. A a, en outre, demandé la communication des documents relatifs à la préparation, avec la Direction des émetteurs de l’AMF, du communiqué de presse du 25 mai 2011, ainsi que « l’audition contradictoire » de plusieurs personnes, dont certains collaborateurs de cette Direction et un salarié d’une société de communication financière ; qu’il reproche au rapporteur d’avoir refusé d’effectuer ces mesures d’instruction et d’avoir fait mention, dans son rapport, du procès-verbal de son audition du 27 novembre 2012 qui, n’ayant pas été signé par lui, serait dépourvu de force probante ; qu’il demande, en conséquence, que ce rapport soit écarté des débats et qu’un nouveau rapporteur soit désigné ;

Considérant qu’en séance, il a, enfin, demandé que les observations du représentant du Collège soient écartées des débats, au motif qu’elles ne lui avaient pas été communiquées préalablement ;

Considérant, en premier lieu, que rien ne permet d’établir que les enquêteurs aient été en possession des documents dont M. A a demandé communication ou qu’ils aient distrait du dossier des éléments de nature à influer sur l’appréciation du bien fondé du grief notifié ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de loyauté des enquêteurs à raison d’une prétendue sélection de pièces manque en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 621-39 I du code monétaire et financier « le rapporteur (…) procède à toutes diligences utiles » ; que le rapporteur apprécie souverainement s’il y a lieu ou non de procéder aux actes demandés par le mis en cause ;

Considérant qu’en l’espèce, M. A ne démontre pas l’utilité, au regard du manquement d’initié qu’il lui est reproché d’avoir commis du 13 au 17 juin 2011, des mesures sollicitées, qui portent sur la communication financière de la société durant le mois précédent, et plus particulièrement sur les échanges entre celle-ci et la Direction des émetteurs de l’AMF à l’occasion de l’élaboration du communiqué du 25 mai 2011 ; qu’en conséquence, la Commission ne fera pas non plus droit à ces demandes ; que les actes sollicités sont en effet sans incidence sur les faits objet du grief, lesquels, par leur nature, leur qualification et leur date, sont distincts des circonstances dans lesquelles le communiqué précité a été préparé ;

Considérant que la référence, dans le rapport du rapporteur, au procès-verbal d’audition de M. A du 27 novembre 2012, est assortie à plusieurs reprises de la mention du refus du mis en cause de

-6- signer ledit procès-verbal ; que, d’une part, ce document n’a pas à être retiré du dossier, dont il constitue l’un des éléments, d’autre part, aucune conséquence ne saurait être tirée de la référence qui y est faite dans le rapport du rapporteur ;

Considérant, enfin, qu’aucun texte ne prescrit que le représentant du Collège communique à quiconque, avant la séance, le support écrit de ses observations orales, qu’il n’y a, dès lors, pas lieu d’écarter des débats ;

Considérant qu’aucun des moyens invoqués ne sera accueilli ;

2. Sur le grief relatif au manquement d’initié reproché à M. A

Considérant qu’il est fait grief à M. A d’avoir cédé 32 604 titres Anovo pour un montant de 123 738,70 euros, entre le 13 et le 17 juin 2011, alors qu’il avait connaissance, pour avoir participé au comité d’audit d’Anovo du 18 mai 2011, des conclusions du cabinet d’audit externe qui révélaient un risque pour la continuité d’exploitation de la société matérialisé par un besoin de trésorerie à court terme de 1,2 million d’euros ;

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, « une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés.

Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers qui leur sont liés.

Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information que l’investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ;

Considérant qu’aux termes des articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF : « toute personne mentionnée à l’article 622-2 doit s’abstenir d’utiliser l’information privilégiée qu’elle détient en acquérant ou en cédant (…) pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, soit directement soit indirectement, les instruments financiers auxquels se rapporte cette information ou les instruments financiers auxquels ces instruments sont liés (…) » ; et que « les obligations d’abstention prévues à l’article 622-1 s’appliquent à toute personne qui détient une information privilégiée en raison de : (…) 1° sa qualité de membre des organes d’administration, de direction, de gestion ou de surveillance de l’émetteur » ;

Considérant que, selon la notification de grief, les conclusions du cabinet d’audit externe présentées au comité d’audit d’Anovo révélant un risque pour la continuité d’exploitation de la société pourraient constituer une information privilégiée à partir du 18 mai 2011 ou, à tout le moins, le 25 mai 2011, dans la mesure où :

— « elle est précise car les prévisions de trésorerie réalisées par le [cabinet d’audit externe] révélaient des besoins de trésorerie à court terme (1,2 M€ concernant Anovo SA dès juin 2011), jugés susceptibles de compromettre la continuité d’exploitation d’Anovo SA et ont motivé le déclenchement, par les commissaires aux comptes, de la procédure d’alerte le 25 mai 2011 ;

— non connue du public car l’information relative aux risques pesant sur la continuité d’exploitation d’Anovo n’a été reprise que dans le rapport financier semestriel publié le 20 juin 2011 ;

-7-
- susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre car un investisseur aurait pu utiliser l’information relative au risque pesant sur la continuité d’exploitation comme l’un des fondements de sa décision de désinvestir, notamment en raison de l’impact que ces informations pouvaient avoir sur le cours, en l’occurrence une baisse de -4,5% le 20 juin 2011, à la suite de la publication du rapport financier semestriel » ;

2.1. Sur le caractère privilégié de l’information

Considérant que les prévisions d’exploitation du groupe et de trésorerie de la holding Anovo, telles que calculées par le cabinet d’audit externe et présentées lors du comité d’audit d’Anovo du 18 mai 2011, étaient précisément chiffrées et faisaient état d’un besoin de liquidités de cette dernière d’un montant de 1,2 million d’euros dès juin 2011 ; qu’elles révélaient un risque pour la continuité d’exploitation ; qu’elles ont d’ailleurs été suivies du déclenchement, par courrier des commissaires aux comptes du 25 mai 2011, de la première phase de la procédure d’alerte ;

Considérant que l’information relative à ce besoin imminent et important de trésorerie, qui faisait peser un risque sur la continuité d’exploitation d’Anovo, constituait bien « un ensemble de circonstances ou (…) un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et [dont] il est possible [de] tirer une conclusion quant à l’effet possible (…) sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés » ; qu’elle présentait donc le caractère de précision requis par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

Considérant que M. A fait valoir que l’information en cause était substantiellement contenue dans le communiqué d’Anovo du 25 mai 2011 ; que celui-ci se bornait toutefois à présenter un résumé des résultats semestriels au 31 mars 2011, sans faire état des éléments prévisionnels d’exploitation et de trésorerie du cabinet d’audit externe présentés le 18 mai 2011 ; qu’à lui seul, il ne permettait pas au public d’en déduire l’existence d’un risque sérieux pesant sur la continuité de l’exploitation de la société dès lors que, faisant ensuite état des solutions « activement recherchées pour apporter au Groupe les financements complémentaires nécessaires à son exploitation », il se terminait sur des perspectives plutôt optimistes ;

Considérant que, si certains articles de presse ont déconseillé, dès le 26 mai 2011, l’acquisition de titres Anovo, les informations y figurant ne faisaient état que de la dégradation financière de la société sans mentionner son besoin en trésorerie de 1,2 M€ dès juin 2011 ; que, dès lors, ces avis n’étaient pas de nature à conférer à l’information visée par la notification de grief un caractère public ;

Considérant que l’information relative au besoin de trésorerie à court terme et au risque pesant sur la continuité d’exploitation d’Anovo n’a, en définitive, été portée à la connaissance du marché que par le communiqué du 20 juin 2011 qui annonçait la mise à disposition, sur son site Internet, du rapport financier semestriel de la société au 31 mars 2011, et précisait que « le rapport financier semestriel intégr[ait] une observation des commissaires aux comptes sur le principe de continuité d’exploitation » ; que l’information visée par la notification de grief est donc demeurée non publique jusqu’au 20 juin 2011 ;

Considérant qu’aux termes de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, pour être privilégiée, l’information doit en outre, si elle était rendue publique, être « susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours des instruments financiers dérivés qui leur sont liés » ;

Considérant qu’un besoin imminent en trésorerie de 1,2 million d’euros, faisant peser sur la continuité d’exploitation de la société un risque qui a entraîné le déclenchement de la première phase de la procédure d’alerte, constitue une information « qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ; que c’est donc vainement que le mis en cause tente de démontrer, par un raisonnement « ex post », l’absence d’influence sensible de cette information au moment où elle a été rendue publique ou l’impossibilité de déterminer le sens de la variation, à la hausse ou à la baisse, du cours du titre ; qu’au demeurant, le 20 juin 2011, date de

-8- publication de l’information en cause, le cours du titre Anovo a diminué de -4,55%, chiffre correspondant à la plus forte baisse enregistrée depuis le 25 mai 2011 ;

Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’information relative aux conclusions du cabinet d’audit externe et au risque pesant sur la continuité d’exploitation d’Anovo, matérialisé par un besoin de trésorerie à court terme de 1,2 million d’euros, présentait jusqu’à sa publication, le 20 juin 2011, toutes les caractéristiques d’une information privilégiée, au sens de l’article 621-1 du règlement général de l’AMF ;

2.2. Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée

Considérant que M. A, administrateur et membre du comité d’audit d’Anovo, ne conteste pas avoir eu connaissance des conclusions du rapport d’audit externe lors du comité d’audit du 18 mai 2011 auquel il a participé ; qu’il était donc détenteur, dès ce moment, de l’information privilégiée visée par la notification de grief ;

Considérant que la date à partir de laquelle il a appris le déclenchement de la procédure d’alerte par les commissaires aux comptes importe peu, cette procédure n’étant que la suite logique du rapport d’audit examiné le 18 mai 2011 ; qu’en toute hypothèse, il résulte des éléments du dossier, et notamment des déclarations du président-directeur général d’Anovo, que tous les administrateurs, dont le mis en cause, ont été informés de cette procédure à la fin du mois de mai 2011, soit avant les ventes litigieuses ;

Considérant, enfin, que M. A a assisté, le 10 juin 2011, avec le président, le directeur général et d’autres administrateurs d’Anovo, à une réunion consacrée à la situation et aux difficultés de la société ;

Considérant qu’ainsi, au moment où il a commencé de vendre ses actions, le 13 juin 2011, il était détenteur, non seulement de l’information privilégiée sur les conclusions du cabinet d’audit externe révélant un risque pour la continuité d’exploitation d’Anovo matérialisé par un besoin de trésorerie à court terme de 1,2 million d’euros, mais aussi d’éléments complémentaires qui venaient confirmer les difficultés financières de la société ;

Considérant que, pour expliquer la cession, entre le 13 et le 17 juin 2011, de 32 604 titres, lui ayant permis d’éviter une perte évaluée par la notification de grief à 5 868 euros, M. A fait valoir qu’il détenait 71 554 actions Anovo, ce qui représentait la totalité de son PEA et 78,5% des actifs de son portefeuille de titres ; qu’il aurait donc estimé utile de rééquilibrer son portefeuille ; qu’il a ajouté avoir eu, à cette période, le projet d’acquérir une résidence secondaire, ce qui l’aurait conforté dans son besoin de sécuriser ses avoirs ;

Considérant qu’ainsi, le mis en cause, initié primaire, tenu à une stricte obligation de s’abstenir d’intervenir sur les titres Anovo dont il était le propriétaire, ne justifie d’aucune circonstance impérieuse de nature à justifier son comportement ; qu’au demeurant, l’information dont il était détenteur a été publiée une semaine seulement après les premières cessions reprochées et trois jours après les dernières, soit dans un laps de temps très court, mis à profit par M. A pour se défaire de titres dont il savait qu’ils risquaient de baisser fortement ; que le manquement est donc caractérisé en tous ses éléments ;

-9-

SANCTIONS ET PUBLICATION

Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-15, III, c), dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, et non modifiée depuis :

« Pour les personnes autres que l’une des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c et d du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; les sommes sont versées au Trésor public » ;

Considérant que la cession de ses titres par M. A lui a permis d’éviter une perte de l’ordre de 5 868 euros ; que, compte tenu de la qualité d’administrateur et de membre du comité d’audit d’Anovo du mis en cause, le manquement qu’il a commis revêt une particulière gravité ; que sera prononcée à son encontre une sanction pécuniaire de 25 000 euros ;

Considérant que la publication de la présente décision ne risque ni de perturber gravement les marchés financiers ni de causer un préjudice disproportionné à la personne sanctionnée ; qu’elle sera donc ordonnée ;

PAR CES MOTIFS,

Et après en avoir délibéré sous la présidence de Mme Claude NOCQUET, par MM. Michel PINAULT, Jean-Claude HANUS, Bruno GIZARD et Mme France DRUMMOND, membres de la 1ère section de la Commission des sanctions, en présence du secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— prononcer à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire d’un montant de 25 000 € (vingt cinq mille euros) ;

— publier la présente décision sur le site Internet de l’AMF.

À Paris, le 20 février 2013

Le Secrétaire de séance La Présidente

Marc-Pierre JANICOT Claude NOCQUET

La présente décision est soumise aux voies de recours prévues à l’article L. 621-30 du Code monétaire et financier dans les conditions fixées par l’article R. 621-44 du même code.

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  • FAITS
  • PROCÉDURE
  • Motifs de la décision
  • 1. Sur les moyens de procédure
  • 2. Sur le grief relatif au manquement d’initié reproché à M. A
  • 2.1. Sur le caractère privilégié de l’information
    • 2.2. Sur la détention et l’utilisation de l’information privilégiée
  • SanctionS ET PUBLICATION

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Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code monétaire et financier
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Décision de la Commission des sanctions du 20 février 2013 à l'égard de M. A