Décision de la Commission des sanctions du 11 avril 2018 à l'égard de la société Conseil Patrimoine Finance et de MM. A, B et C

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Sur la décision

Référence :
AMF, 11 avr. 2018, n° SAN-2018-02
Numéro : SAN-2018-02
Identifiant AMF : SAN-2018-02

Sur les parties

Texte intégral

La Commission des sanctions

COMMISSION DES SANCTIONS Décision n° 1 du 11 avril 2018

Procédure n° 17-02 Décision n° 1

Personne(s) mise(s) en cause :

− SARL CONSEIL PATRIMOINE FINANCE Dont le siège social est : 27 rue Faidherbe, 49100 Angers Prise en la personne de ses représentants légaux Ayant élu domicile chez Maître Géraldine Roch du cabinet EY Société d’avocats sis Tour First – 1 Place des saisons – TSA 14444 – 92037 Paris La Défense Cedex

− M. A Né le […] Ayant élu domicile chez Maître Géraldine Roch du cabinet EY Société d’avocats sis Tour First – 1 Place des saisons – TSA 14444 – 92037 Paris La Défense Cedex

− M. B Né le […] Ayant élu domicile chez Maître Géraldine Roch du cabinet EY Société d’avocats sis Tour First – 1 Place des saisons – TSA 14444 – 92037 Paris La Défense Cedex

− M. C Né le […] Ayant élu domicile chez Maître Géraldine Roch du cabinet EY Société d’avocats sis Tour First – 1 Place des saisons – TSA 14444 – 92037 Paris La Défense Cedex

La 2ème section de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers

(ci-après « AMF ») :

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 541-1 et L. 541-8-1 ;

Vu le règlement général de l’AMF, notamment ses articles 143-3, 325-3, 325-4, 325-5, 325-6, 325-7 et 325-8.

Après avoir entendu au cours de la séance publique du 16 mars 2018 :

— Mme Anne-José Fulgéras, en son rapport ;

- M. Bertrand Legris, représentant le Collège de l’AMF ;

- Mme Natalie Verne, représentant la directrice générale du Trésor, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler ;

- MM. A, B et C tant en leur nom personnel qu’en leur qualité de représentant de Conseil Patrimoine Finance, assistés par leur conseil Me Géraldine Roch, avocat du cabinet EY Société d’avocats, accompagnée de Me Marina Parthuisot.

17 place de la Bourse – 75082 Paris cedex 2 – tél. 01 53 45 60 00 – fax 01 53 45 63 20 www.amf-france.org

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Les mis en cause ayant eu la parole en dernier.

FAITS

Créée le 14 janvier 2004, la société à responsabilité limitée Conseil Patrimoine Finance (ci-après « CPF ») est gérée par MM. C, A et B.

Elle est adhérente de la chambre nationale des conseils en gestion de patrimoine (ci-après « CNCGP »), association professionnelle agréée par l’AMF, et inscrite en tant que conseiller en investissements financiers (ci-après « CIF ») sur le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance tenu par l’ORIAS.

L’exercice comptable de CPF est clôturé au 30 juin.

Au cours des exercices 2012/2013, 2013/2014 et 2014/2015, CPF a distribué des produits du groupe Maranatha, notamment ceux des gammes « Finotel » et « Club Deal » qui consistaient en une souscription aux parts de sociétés en commandite par actions (ci-après « SCA ») détenant chacune, directement ou indirectement, les titres d’une ou plusieurs sociétés exploitant un hôtel déterminé.

Pendant la même période, CPF a également proposé à des clients de mettre des fonds à disposition d’entités du groupe Maranatha.

PROCÉDURE

Le 14 octobre 2015, le secrétaire général de l’AMF a décidé de procéder au contrôle du respect par CPF de ses obligations professionnelles.

Le contrôle a donné lieu à un rapport daté du 30 mai 2016 qui a été adressé à CPF ainsi qu’à MM. C, A et B par lettres du 2 juin 2016 les informant qu’ils disposaient d’un délai d’un mois pour présenter des observations.

Le 1er août 2016, CPF a déposé des observations.

La Commission spécialisée n°1 du Collège de l’AMF a décidé, le 16 décembre 2016, de notifier des griefs à CPF ainsi qu’à MM. C, A et B.

Les notifications de griefs ont été adressées à CPF, MM. C, A et B par lettres du 27 janvier 2017.

Il est reproché à CPF une inobservation des obligations applicables aux CIF pour avoir :

− omis de remettre un document d’entrée en relation, une lettre de mission et un rapport écrit et de s’enquérir des éléments de connaissance de ses clients, en violation des articles L. 541-8-1, 4°, du code monétaire et financier et 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF ;

− fourni des recommandations inadaptées à la situation de ses clients, en violation de l’article L. 541- 8-1, 4°, du code monétaire et financier ;

− omis de faire mention des commissions perçues dans le registre des conflits d’intérêts en vue de prévenir, gérer et traiter les conflits d’intérêts, en violation de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF ;

− omis d’informer les clients sur les rémunérations perçues et, ainsi, manqué à l’obligation d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle servant au mieux les intérêts du client, en violation des articles L. 541-8-1, 5°, du code monétaire et financier et 325-6 du règlement général de l’AMF.

Il est également fait grief à CPF d’avoir :

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− communiqué des informations ne présentant pas un caractère clair, exact et non trompeur et, ainsi, contrevenu à l’obligation d’agir avec loyauté et d’exercer son activité avec le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients, en violation des articles

L. 541-8-1, 1° et 2°, du code monétaire et financier et 325-5 du règlement général de l’AMF ;

− en conseillant à des clients de conclure des contrats de prêts avec des établissements non habilités à recevoir des fonds remboursables du public, méconnu l’obligation d’agir avec loyauté et d’exercer son activité avec la diligence qui s’impose au mieux des intérêts de ses clients, en violation de l’article L. 541-8-1, 1° et 2°, du code monétaire et financier.

Enfin, CPF aurait contrevenu à l’obligation d’apporter son concours avec diligence et loyauté aux contrôleurs de l’AMF, en violation de l’article 143-3, alinéa 3, du règlement général de l’AMF.

Ces manquements sont également reprochés à MM. C, A et B, en leur qualité de co-gérant de CPF, en application des articles L. 621-15 III b) et L. 621-17 du code monétaire et financier et 325-12-3 du règlement général de l’AMF.

Une copie de la notification de griefs a été transmise le 27 janvier 2017 à la présidente de la Commission des sanctions, conformément aux dispositions de l’article R. 621-38 du code monétaire et financier.

Par décision du 24 février 2017, la présidente de la Commission des sanctions a désigné

Mme Anne-José Fulgéras en qualité de rapporteure.

Par lettres du 6 mars 2017, CPF, MM. C, A et B ont été informés qu’ils disposaient d’un délai d’un mois, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander la récusation de la rapporteure dans les conditions prévues par les articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code.

Le 30 mai 2017, CPF, MM. C, A et B ont présenté des observations en réponse aux notifications de griefs.

CPF, MM. C, A et B ont été entendus par la rapporteure le 7 décembre 2017 et, à la suite de leur audition, ont déposé des observations le 20 décembre 2017.

La rapporteure a déposé son rapport le 7 février 2018.

Par lettres du 9 février 2018, auxquelles était joint le rapport de la rapporteure, CPF et

MM. C, A et B ont été convoqués à la séance de la Commission des sanctions du 16 mars 2018 et informés qu’ils disposaient d’un délai de quinze jours pour présenter des observations en réponse au rapport de la rapporteure, conformément au III de l’article R. 621-39 du code monétaire et financier.

Par lettres du 19 février 2018, CPF, MM. C, A et B ont été informés de la composition de la formation de la Commission des sanctions appelée à délibérer lors de la séance du 16 mars 2018 ainsi que du délai de quinze jours dont ils disposaient, en application de l’article R. 621-39-2 du code monétaire et financier, pour demander, conformément aux articles R. 621-39-3 et R. 621-39-4 du même code, la récusation d’un ou de plusieurs de ses membres.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur la procédure

Les mis en cause sollicitent le retrait des déclarations faites par les gérants de CPF aux contrôleurs sur la nature juridique des mises à disposition de fonds proposées aux clients au profit d’entités du groupe Maranatha au motif que l’avocat qui assistait les gérants lors des auditions, également conseil de Maranatha, était en situation de conflit d’intérêts.

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Mais il ressort du dossier que d’une part, conformément aux articles L. 621-11 et

R. 621-34 du code monétaire et financier, les convocations à audition adressées par les contrôleurs aux gérants de CPF ont informé ces derniers du droit dont ils disposaient de se faire assister du conseil de leur choix, et que d’autre part, comme en attestent les procès-verbaux d’auditions, les intéressés ont été entendus par les contrôleurs en présence de l’avocat dont ils ont indiqué souhaiter le concours.

Par ailleurs à supposer même qu’elle soit établie, ce qu’il n’appartient pas à la Commission d’apprécier, la violation, par cet avocat, des règles relatives aux conflits d’intérêts prévues à l’article 7

du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat est sans effet sur la validité des auditions en cause.

En conséquence, il n’y a pas lieu à retrait des déclarations concernées.

II. Sur les obligations applicables à CPF dans l’exercice des activités litigieuses

Selon les mis en cause, il n’est pas établi que les manquements reprochés à CPF ont été commis dans l’exercice d’une activité de CIF plutôt qu’à l’occasion d’une activité de conseil en gestion de patrimoine, laquelle n’est pas soumise aux obligations applicables aux CIF.

En ce sens, ils font valoir que les notifications de griefs ne distinguent pas suffisamment entre les différentes activités de CPF à l’époque des faits, alors que celle-ci exerçait, à titre principal, une activité de conseil en gestion de patrimoine. Se prévalant notamment des mandats de recherche proposés aux clients, qui excluaient la fourniture de conseil en investissement, ils ajoutent que CPF délivrait de simples informations, non susceptibles d’être qualifiées de recommandations personnalisées. Ils prétendent enfin que l’activité de CPF relative aux contrats de prêts relevait également du conseil en gestion de patrimoine.

A ce sujet, il y a lieu d’observer que contrairement aux allégations des mis en cause, les notifications de griefs précisent bien l’objet et la nature des activités à l’occasion desquelles les manquements reprochés auraient été commis. En effet, elles indiquent que la première série de manquements, relative au non- respect par CPF de certaines de ses obligations de CIF, concerne les conseils en investissement fournis en vue de commercialiser les produits des gammes « Finotel » et « Club Deal », que le grief tenant à la qualité de l’information communiqué porte sur la même activité ainsi que sur la commercialisation du produit Finotel 2 de Maranatha et, enfin, que le grief portant sur le conseil prodigué à des clients de mettre des fonds à disposition d’entités du groupe Maranatha s’inscrit dans le cadre d’une activité de conseil en gestion de patrimoine.

Il convient à présent de rechercher si les activités visées par les notifications de griefs étaient bien soumises aux obligations édictées par les textes invoqués à l’appui de ces notifications.

Sur les textes qui définissent les activités exercées par les CIF

Aux termes des I et II de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, dans leur version en vigueur du 24 octobre 2010 au 8 avril 2017, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux : « I.- Les conseillers en investissements financiers sont les personnes exerçant à titre de profession habituelle les activités suivantes : / 1° Le conseil en investissement mentionné au 5 de l’article L. 321-1 ; / 2° (Abrogé) ; / 3° Le conseil portant sur la fourniture de services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 ; 4° Le conseil portant sur la réalisation d’opérations sur biens divers définis à l’article L. 550-1. / II.- Les conseillers en investissements financiers peuvent également fournir le service de réception et de transmission d’ordres

[…] et exercer d’autres activités de conseil en gestion de patrimoine. ».

L’article L. 321-1 du même code, dans sa version en vigueur du 1er novembre 2007 au 3 janvier 2018, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux, dispose que : « Les services d’investissement portent sur les instruments financiers énumérés à l’article L. 211-1 et comprennent les services et activités suivants : […] 5. Le conseil en investissement ; […] ».

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L’article L. 211-1 du même code, dans sa version en vigueur du 10 janvier 2009 au 1er octobre 2016, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux prévoit que : « I. – Les instruments financiers sont les titres financiers […]. / II. – Les titres financiers sont : / 1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ; […]».

Le 5 de l’article D. 321-1 du même code, dans sa version en vigueur entre le 1er novembre 2017 et le 3 janvier 2018, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux, précise que : « 5. Constitue le service de conseil en investissement le fait de fournir des recommandations personnalisées à un tiers, soit à sa demande, soit à l’initiative de l’entreprise qui fournit le conseil, concernant une ou plusieurs transactions portant sur des instruments financiers. […] ».

Enfin, l’article 314-43 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur entre le 21 octobre 2011 et le 2 janvier 2018, énonce que : « En application du 5 de l’article D. 321-1 du code monétaire et financier, une recommandation est personnalisée lorsqu’elle est adressée à une personne en raison de sa qualité d’investisseur ou d’investisseur potentiel, ou de sa qualité de représentant d’un investisseur ou investisseur potentiel. / Cette recommandation doit être présentée comme adaptée à cette personne, ou fondée sur l’examen de la situation propre de cette personne, et doit recommander la réalisation d’une opération relevant des catégories suivantes : / 1° L’achat, la vente, la souscription, l’échange, le remboursement, la détention ou la prise ferme d’un instrument financier particulier ; / 2° […] / Une recommandation n’est pas réputée personnalisée si elle est exclusivement diffusée par des canaux de distribution ou destinée au public ».

Ces dernières dispositions ont été abrogées à compter du 3 janvier 2018 mais figurent dans une rédaction équivalente à l’article 9 du règlement délégué 2017/565 de la Commission du 25 avril 2016.

Sur la nature des activités litigieuses et la réglementation applicable

CPF a adhéré à la CNCGP et apparaît sur le registre unique tenu par l’ORIAS comme étant inscrite en tant que CIF depuis le 4 novembre 2005.

Il en résulte que CPF avait la qualité de CIF à l’époque des faits, peu important que l’activité exercée à ce titre ait ou non représenté une part moindre que celle de conseil en gestion de patrimoine. Au demeurant, la qualité de CIF de CPF n’est pas contestée par les mis en cause.

Comme il a été dit, l’investissement dans les produits des gammes « Finotel » et « Club Deal » s’effectuait par le biais d’une acquisition de parts de SCA qui, constituant des titres de capital émis par les sociétés par actions, sont des instruments financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier.

Les allégations selon lesquelles CPF ne fournissait pas de recommandations personnalisées – caractéristiques du conseil en investissement – mais de simples informations sont contredites par les éléments du dossier.

En premier lieu, les conventions conclues entre Maranatha et CPF les 12 avril 2012, 18 septembre 2013 et 2 janvier 2015 stipulent que la mission de cette dernière consiste à analyser la situation patrimoniale du client et à lui proposer l’investissement le plus en adéquation avec ses objectifs d’investissement. Il est par exemple indiqué, dans le premier contrat, que CPF « doit établir un bilan patrimonial et une analyse « know your customer du client », qu’ « eu égard à l’obligation d’information du client et à la connaissance de celui- ci aux fins de lui proposer l’investissement le plus idoine à ses objectifs, les statuts d’agent commercial et d’agent immobilier) ne sont pas applicables » ou encore que « la commercialisation des produits de la société s’effectue dans le cadre du respect de la déontologie applicable au Conseil en investissement ».

En deuxième lieu, il ressort de courriels adressés à des clients par CPF que cette dernière a bien émis des recommandations d’investissement dans l’un des produits Maranatha concernés et présentait ces recommandations comme adaptées au client. Ainsi, dans un courriel du 31 mars 2014, M. C, agissant au nom de CPF, a préconisé un tel investissement à la cliente après avoir rappelé les éléments de la situation

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personnelle et patrimoniale de cette dernière ainsi que ses objectifs d’investissement et expliqué en quoi ce produit correspondait à ces éléments et objectifs.

La nature de l’activité exercée par CPF devant s’apprécier in concreto, l’existence d’une mention excluant la fourniture de conseil en investissement dans des documents adressés aux clients ne saurait conduire à écarter la qualification de recommandation personnalisée, qui est établie par les constatations qui précèdent.

Il s’ensuit qu’à l’occasion de la commercialisation des produits des gammes « Finotel » et « Club Deal », CPF a fourni à ses clients le service de conseil en investissement mentionné au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier, de sorte que les textes qui fondent les griefs notifiés au titre de cette activité sont bien applicables.

Enfin, il est indifférent que les conseils prodigués par CPF en vue de la commercialisation des produits « Finotel 2 » – dans lesquels l’investissement s’effectuait au moyen de souscription de parts de SCA – ou de la mise à disposition de fonds au profit d’entités du groupe Maranatha relèvent de l’une des activités énumérées au I de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier ou de la catégorie des « autres conseils en gestion de patrimoine » mentionnée au II du même article. En effet, les textes qui fondent les griefs notifiés au titre de ces activités, à savoir les 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, qui édictent des obligations de bonne conduite, et l’article 325-5 du règlement général de l’AMF, qui porte sur la qualité de l’information communiquée par les CIF, sont applicables à toutes les activités exercées par un CIF entrant dans les prévisions du I ou du II de l’article L. 541-1 du code monétaire et financier.

III. Sur les griefs relatifs au non-respect par CPF des obligations applicables aux CIF

1. Sur l’absence de document d’entrée en relation, de lettre de mission, de rapport écrit et de recueil d’éléments de connaissance des clients

Les notifications de griefs retiennent qu’aucun des 267 clients ayant investi dans les produits

« Club Deal » et « Finotel » au cours des exercices 2012-2013 à 2014-2015 ne s’est vu remettre le document d’entrée en relation, la lettre de mission et le rapport écrit, en violation des articles 325-3, 325-4, et 325-7 du règlement général de l’AMF et que CPF n’a pas respecté son obligation de recueil d’informations sur la situation des clients, sauf pour deux d’entre eux, contrevenant ainsi au 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Les mis en cause font valoir qu’il ne peut être déduit de l’analyse de 15 dossiers une absence de remise des documents à tous les clients et que les notifications de griefs se réfèrent alternativement à l’interrogation de 18 clients et à 15 dossiers clients sans expliquer cette différence. Ils soutiennent également qu’il n’y avait pas lieu à remise d’un document d’entrée en relation dès lors que les clients concernés n’étaient pas nouveaux. Ils ajoutent avoir recueilli des éléments de connaissance des clients en établissant leur profil de risque par écrit ou oralement. Enfin, ils soulignent avoir mis en conformité sa documentation avec l’aide d’un cabinet spécialisé postérieurement au contrôle.

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Sur les textes applicables

Les manquements relevés par les notifications de griefs se sont déroulés au cours d’une période comprise entre le 30 juin 2012 et le 19 mars 2015.

Le 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 janvier 2010 au 2 janvier 2018, disposait que les CIF doivent « 4° S’enquérir auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, de leurs connaissances et de leur expérience en matière d’investissement, ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments et services adaptés à leur situation. […] ».

Dans sa rédaction en vigueur depuis le 3 janvier 2018, le 4° du même article est ainsi formulé : « 4° Se procurer auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, avant de formuler un conseil mentionné au I de l’article L. 541-1, les informations nécessaires concernant leurs connaissances et leur expérience en matière d’investissement en rapport avec le type spécifique d’instrument financier, d’opération ou de service, leur situation financière et leurs objectifs d’investissement, de manière à pouvoir leur recommander les opérations, instruments financiers et services d’investissement adaptés à leur situation. […]. Lorsque les conseillers en investissements financiers fournissent le conseil mentionné aux 1° ou 3° du I de l’article L. 541-1, ils doivent également se procurer, auprès de leurs clients ou de leurs clients potentiels, les informations nécessaires concernant leur capacité à subir des pertes et leur tolérance au risque de manière à pouvoir leur recommander les instruments financiers et services d’investissement adéquats et, en particulier adaptés à leur tolérance au risque et à leur capacité à subir des pertes. […] » ;

Il résulte de la comparaison des deux versions précitées du 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier que la seconde, qui étend les informations à obtenir du client, est plus sévère et, partant, n’est pas susceptible de recevoir une application rétroactive.

L’article 325-3 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur du 31 décembre 2007 au 17 juin 2013, énonce : « Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, le conseiller en investissements financiers lui remet un document comportant les mentions suivantes : / 1° Son statut de conseiller en investissements financiers et le numéro d’enregistrement qui lui est attribué en cette qualité par l’association à laquelle il adhère ; / 2° L’identité de l’association professionnelle à laquelle il adhère ; / 3° Le cas échéant, son statut de démarcheur, son numéro d’enregistrement en cette qualité et l’identité du ou des mandats pour lesquels il exerce une activité de démarchage ; / 4° Le cas échéant, l’identité du ou des établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3 du code monétaire et financier avec lesquels il entretient une relation significative de nature capitalistique ou commerciale ; / 5° Le cas échéant, tout autre statut réglementé dont il relève. ».

Dans leur rédaction en vigueur depuis le 18 juin 2013, les 1° et 3° du même article, seuls modifiés, disposent : « 1° Son nom ou sa dénomination sociale, son adresse professionnelle ou celle de son siège social, son statut de conseiller en investissements financiers et son numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du code monétaire et financier ; » ; « 3° Le cas échéant, sa qualité de démarcheur et l’identité du ou des mandants pour lesquels il exerce une activité de démarchage ; ».

L’article 325-4 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 décembre 2007, précise : « Avant de formuler un conseil, le conseiller en investissements financiers soumet à son client une lettre de mission, rédigée en double exemplaire et signée par les deux parties. / La lettre de mission, rédigée conformément à un modèle type élaboré par l’association à laquelle le conseiller en investissements financiers adhère, comporte notamment les indications suivantes : / 1° La prise de connaissance par le client du document mentionné à l’article 325-3 ; / 2° La nature et les modalités de la prestation, en adaptant la description de celle-ci à la qualité de personne physique ou morale du client ainsi qu’à ses caractéristiques et motivations principales ; / 3° Les modalités de l’information fournie au client, en précisant, lorsque la

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relation est appelée à devenir durable, les dispositions spécifiques convenues en matière de compte rendu de l’activité de conseil et d’actualisation des informations mentionnées aux 3° et 4° de l’article 325-3 ; / 4° Les modalités de la rémunération du conseiller en investissements financiers, en précisant, s’il y a lieu, le calcul des honoraires correspondant à la prestation de conseil et l’existence d’une rémunération perçue de la part des établissements mentionnés au 4° de l’article 325-3 au titre des produits acquis à la suite des conseils prodigués. / Un exemplaire de la lettre est remis au client après signature. ».

L’article 325-7 du règlement général de l’AMF, dans la même rédaction, énonce : « Le conseil au client est formalisé dans un rapport écrit justifiant les différentes propositions, leurs avantages et les risques qu’elles comportent. / Ces propositions se fondent sur : / 1° L’appréciation de la situation financière du client et de son expérience en matière financière ; / 2° Les objectifs du client en matière d’investissements. / Ces deux éléments sont exposés, dans le rapport, de façon détaillée et adaptée à la qualité de personne physique ou morale du client. ».

Sur l’examen du grief

— Sur l’absence de document d’entrée en relation, de lettre de mission et de rapport écrit

Il convient de relever, à titre liminaire, que les notifications de griefs ne se fondent pas seulement sur un échantillon de 15 dossiers pour retenir un manquement dans 100 % des cas, les déclarations de CPF étant également invoquées, et qu’elles ne se réfèrent pas à l’interrogation de 18 clients.

Il est établi par les constats des contrôleurs que le document d’entrée en relation, la lettre de mission et le rapport écrit prévus, respectivement, aux articles 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF ne figuraient dans aucun des 15 dossiers vérifiés.

En outre, interrogée par les contrôleurs sur la remise des trois documents à chaque client ayant souscrit aux produits concernés au cours de la période considérée, CPF a d’abord indiqué qu’elle avait seulement remis trois rapports écrits puis qu’aucun n’avait été remis.

Ultérieurement, les mis en cause ont fait valoir, d’une part, qu’il n’y avait pas lieu à remise d’un document d’entrée en relation au motif que tous les clients ayant souscrit aux produits en cause étaient d’anciens clients, et, d’autre part, en produisant des courriels adressés à des clients qualifiés par eux de rapports écrits, que certains clients s’étaient vus remettre une lettre de mission et un rapport écrit.

Les dispositions de l’article 325-3 du règlement général de l’AMF, qui imposent la remise du document lors de l’entrée en relation avec un « nouveau » client, ont pour objet de fournir certaines informations à ce dernier, notamment des éléments sur la qualité de CIF du professionnel : mention du statut de CIF, numéro d’enregistrement attribué en cette qualité par l’association à laquelle il adhère ou, depuis le

18 juin 2013, numéro d’immatriculation au registre mentionné au I de l’article L. 546-1 du code monétaire et financier, etc.. Dès lors, sauf à restreindre la portée de ces dispositions en privant du bénéfice des informations qu’elles prévoient les clients ayant eu affaire au professionnel dans le cadre d’activités ne relevant pas du statut de CIF, le « nouveau client » doit être entendu comme celui qui, pour la première fois, entre en relation avec ce professionnel en sa qualité de CIF.

En conséquence, CPF était tenue de remettre un document d’entrée en relation aux clients auxquels elle fournissait pour la première fois, comme en l’espèce, une prestation relevant de l’exercice de ses activités de CIF.

S’agissant par ailleurs des courriels invoqués par les mis en cause, qui constituent en réalité de simples comptes rendus d’échanges avec des clients, et dont aucun n’expose les risques présentés par les produits proposés, ils ne satisfont pas aux exigences de l’article 325-7 du règlement général de l’AMF et il n’est pas soutenu qu’ils puissent faire office de lettre de mission.

Il résulte de ces constatations, qui ne portent pas seulement sur l’échantillon de 15 dossiers sélectionnés par les contrôleurs, que les clients ayant souscrit aux produits concernés ne se sont vus remettre ni

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document d’entrée en relation, ni lettre de mission, ni rapport écrit, en violation des articles 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l’AMF.

La mise en conformité de la documentation de CPF au titre de l’activité exercée après la période sur laquelle a porté le contrôle, fut-elle établie, n’est pas de nature à faire obstacle à la caractérisation du manquement.

— Sur l’absence d’éléments de connaissance des clients

En application de l’article L. 541-8-1, 4°, du code monétaire et financier, le CIF doit préalablement à tout conseil s’enquérir d’éléments de connaissance de ses clients.

Les 15 dossiers clients choisis aléatoirement par les contrôleurs ne comportaient aucun recueil d’informations sur la situation des clients.

En outre, CPF a indiqué aux contrôleurs n’avoir recueilli de telles informations que pour 7 clients CIF mais n’a été en mesure de produire que 4 dossiers client en comportant la trace, dont 2 qui contenaient des documents de recueil d’informations postérieurs à la souscription au produit concerné alors que l’article L. 541-8-1 4° du code monétaire et financier exige que ce recueil intervienne « préalablement à tout conseil ».

Enfin, à défaut de mentionner tous les renseignements prévus au 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, en particulier les connaissances et l’expérience des clients en matière d’investissement, les notes manuscrites – accompagnées parfois de justificatifs de la situation financière des clients – produites par les mis en cause n’établissent pas le recueil même oral des informations requises.

Il résulte de ce qui précède que le manquement à l’obligation édictée par le 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier est caractérisé, sauf en ce qui concerne deux clients.

2. Sur la fourniture de recommandations non adaptées à la situation des clients

Il est fait grief aux mis en cause d’avoir conseillé à deux clients ayant déclaré avoir une importante aversion aux risques d’investir 100 000 euros dans le produit « Finotel VIP », montant qui représentait de surcroît entre 25 et 100 % des avoirs de l’un d’eux, et, d’avoir ainsi contrevenu à l’obligation de recommander des opérations adaptées à la situation financière et aux objectifs d’investissement des clients prévue au 4° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Selon les mis en cause, les notifications de griefs indiquent à tort que le montant de la souscription des deux clients concernés représentait 25 à 100 % de leurs avoirs, alors que le montant des avoirs n’est pas mentionné dans le rapport de contrôle pour l’un et que la part de l’investissement de l’autre ne s’élevait qu’à 6 %. Ils ajoutent que ces clients de longue date, avec lesquels ils étaient en contact régulier, avaient accepté l’existence d’un risque de sorte que les recommandations ne peuvent pas être considérées comme non adaptées.

Il ressort des pièces du dossier que les deux clients concernés ont investi 100 000 euros en souscrivant au produit « Finotel VIP », l’un le 4 juillet 2012 et l’autre le 17 mai 2013.

Dans un questionnaire rempli le jour de sa souscription, le premier client a indiqué disposer de revenus annuels nets compris entre 100 000 et 300 000 euros, de biens immobiliers nets de crédits estimés à moins de 500 000 euros et d’un patrimoine financier évalué entre 100 000 et 500 000 euros. La somme investie représentait donc entre 20 et 100 % du patrimoine financier de l’intéressé et non 6 %, pourcentage obtenu par les mis en cause en se référant à un diagnostic patrimonial établi le

1er janvier 2015, soit deux ans et demi après la souscription. Enfin, dans le même document, le client a indiqué accepter un risque « faible ».

Le second client a mentionné, dans le questionnaire rempli le jour de sa souscription, que ses revenus bruts annuels étaient supérieurs à 200 000 euros, tranche la plus élevée prévue par le document, et que

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l’investissement représentait entre 10 et 30 % de ses avoirs, sans que la consistance de ceux-ci ne soit précisée. ll a également indiqué accepter « le moins de risque possible » mais également que le scenario qui lui correspondait le mieux était « un potentiel de gain moyen avec un risque moyen de perte en capital ».

L’investissement dans le produit « Finotel VIP », qui impliquait le versement d’une somme minimum de 100 000 euros destinée à l’acquisition d’actions d’une SCA (60 %) et à un apport en compte courant d’associé de cette SCA (40 %), présentait un caractère risqué eu égard notamment à la perte possible de tout ou partie du capital investi, ce qui n’est pas contesté par les mis en cause.

Toutefois, contrairement aux allégations de la poursuite selon lesquelles les deux clients concernés présentaient une « importante aversion aux risques », il ressort des questionnaires remplis par les deux intéressés qu’ils avaient accepté une certaine part de risque, et des éléments apportés au cours de l’audience sur la nature de la relation de CPF avec ces deux clients, que dans le cadre de cette relation des informations suffisantes leur étaient fournies sur les risques encourus.

En outre, le caractère imprécis des éléments fournis sur la situation financière des clients, décrits au moyen de fourchettes ou de tranches très larges, ne permettent pas d’apprécier le poids réel de l’investissement conseillé au regard de cette situation.

Dès lors, il n’est pas établi que la recommandation formulée par CPF était inadaptée à la situation financière et aux objectifs d’investissement des deux clients en cause.

Le grief doit donc être écarté.

3. Sur le non-respect de l’obligation de prévenir, gérer et traiter les conflits d’intérêts

Les notifications de griefs relèvent que le registre des conflits d’intérêts de CPF, dans ses versions de mars 2015 et 2016, ne faisait pas état des commissions perçues du groupe Maranatha, pourtant significatives car représentant 5 à 10 % des souscriptions des clients et 0,50 à 1 % des encours générés.

Elles reprochent en conséquence à CPF de ne pas avoir été en mesure de prévenir, gérer et traiter les conflits d’intérêts susceptibles de résulter de cette situation, en violation de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF.

Les mis en cause soutiennent que les commissions en cause ne créaient pas une situation de conflit d’intérêts devant donner lieu à inscription dans le registre. A cet égard, ils font valoir que CPF disposait d’une procédure de prévention, de gestion et de traitement des conflits d’intérêts répertoriant les seuls conflits d’intérêts susceptibles de se réaliser, que la règlementation applicable n’impose pas d’en appréhender d’autres et qu’il n’est pas établi que la rémunération perçue, qui correspondait à une pratique de marché établie et non prohibée, avait fait naître un conflit d’intérêts, advenu ou potentiel. Ils considèrent, en particulier, que les rémunérations perçues en vertu des contrats d’animation et d’information ne pouvaient entraîner des conflits d’intérêts potentiels au détriment de leurs clients. Ils contestent en outre le caractère significatif des commissions perçues et le pourcentage de 75 à 91 % qui, selon les notifications de griefs, représenterait la part de la commercialisation des produits concernés au sein de l’activité de CIF de CPF. Enfin, ils soulignent que la majorité des encours confiés par leurs clients est orientée vers l’assurance vie, qui est moins rémunératrice pour CPF.

Sur le texte applicable

L’article 325-8 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 décembre 2007, énonce que : « Le conseiller en investissements financiers doit se doter des moyens et procédures écrites lui permettant de prévenir, gérer et traiter les conflits d’intérêts pouvant porter atteinte aux intérêts de son client. ».

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Sur l’examen du grief

Sont versés au dossier six contrats conclus entre CPF et Maranatha.

Trois d’entre eux sont des contrats « d’animation et d’information ». Conclus les 2, 8 et 23 janvier 2015, ils prévoient l’accomplissement par CPF d’actions d’animation et de formation relatives à l’investissement dans les produits Maranatha, à destination de conseillers en gestion de patrimoine indépendants et de souscripteurs potentiels, et, en contrepartie, la perception par CPF de commissions représentant entre 1 et 3 % de l’encours généré par celles-ci.

Compte tenu de l’objet des prestations en cause et de la présence dans ces contrats de stipulations interdisant tout démarchage et conseil en investissement dans le cadre de ces mêmes prestations, la perception d’une rémunération par CPF au titre desdites prestations n’apparaît pas avoir été porteuse de conflits d’intérêts entre cette dernière et ses clients existants ou potentiels.

Trois autres contrats, conclus les 12 avril 2012, 19 septembre 2013 et 2 janvier 2015, ont pour objet la commercialisation de produits Maranatha par CPF, prestation en contrepartie de laquelle cette dernière devait percevoir un pourcentage des souscriptions des clients variant entre 5 % et 10 % ainsi que, le cas échéant, un pourcentage de l’encours annuel compris entre 0,50 % et 0,90 %.

Il apparaît ainsi que cette rémunération était suffisamment significative pour être regardée comme de nature à inciter CPF à recommander à ses clients d’investir dans des produits Maranatha pour des raisons étrangères au strict intérêt de ces derniers et, pour de ce fait créer un risque de conflit d’intérêts.

Si le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par CPF au titre de la commercialisation des produits promus, tel qu’il est mentionné par les notifications de griefs ne peut servir à mesurer l’ampleur de ce risque, à défaut de pouvoir en vérifier l’exactitude, il reste que CPF a elle-même déclaré que 267 clients avaient souscrit aux produits « Club Deal » et « Finotel » au cours des exercices 2012-2013 à 2014-2015, de sorte que le risque mentionné ci-dessus ne peut être regardé comme négligeable, alors même que, comme l’affirme CPF, la majeure partie des encours gérés aurait correspondu à de l’assurance vie.

Le risque de conflit d’intérêts évoqué ci-avant entrait donc dans les prévisions de l’article 325-8 du règlement général de l’AMF, dont le champ d’application couvre toutes les formes de conflits d’intérêts de nature comme en l’espèce à porter atteinte aux intérêts des clients.

Or, il n’est pas contesté que le registre des conflits d’intérêts de 2015 et sa version actualisée de 2016 ne comportaient aucune mention de ce risque.

Par suite, en s’abstenant de se doter des procédures permettant de prévenir, gérer et traiter la situation de conflit d’intérêts née de la rémunération versée par Maranatha au titre de la commercialisation des produits promus par cette dernière, CPF a méconnu l’article 325-8 du règlement général de l’AMF.

4. Sur l’information relative aux rémunérations versées par Maranatha

Il est fait grief à CPF d’avoir violé les articles L. 541-8-1, 5°, du code monétaire et financier et 325-6 du règlement général de l’AMF en ne portant pas à la connaissance de ses clients l’existence et le montant des rémunérations perçues du groupe Maranatha en exécution des contrats de commercialisation et des contrats d’animation et d’information conclus avec ce dernier.

Les mis en cause font valoir que l’article 325-6 du règlement général de l’AMF ne précise pas selon quelles modalités les clients doivent être informés et soutiennent que les clients de CPF l’étaient soit oralement, soit par les indications figurant dans les mandats de recherche. Ils arguent en outre qu’il n’y avait pas lieu, en raison de l’objet des contrats d’animation et d’information, de porter à la connaissance des clients les rémunérations perçues à ce titre.

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Sur les textes applicables

Le 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 24 janvier 2010 au 2 janvier 2018, disposait que les conseillers en investissements financiers doivent « 5° Communiquer aux clients d’une manière appropriée, […] les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations. […] ».

Dans sa rédaction en vigueur depuis le 3 janvier 2018, le 5° du même article est ainsi formulé : « 5° Communiquer en temps utile aux clients des informations appropriées en ce qui concerne le conseiller en investissements financiers et ses services, le cas échéant la nature juridique et l’étendue des relations entretenues avec les établissements promoteurs de produits mentionnés au 1° de l’article L. 341-3, les informations utiles à la prise de décision par ces clients ainsi que celles concernant les modalités de leur rémunération, notamment la tarification de leurs prestations ; ».

Il résulte de la comparaison des deux versions précitées du 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier que la seconde, qui étend les informations à communiquer au client, est plus sévère et, partant, n’est pas susceptible de recevoir une application rétroactive.

L’article 325-6 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 31 décembre 2007, énonce : « Le conseiller en investissements financiers est considéré comme agissant d’une manière honnête, loyale et professionnelle qui sert au mieux les intérêts d’un client lorsque, en liaison avec la prestation de conseil à ce client, il verse ou perçoit une rémunération ou une commission ou fournit ou reçoit un avantage non monétaire suivant : / 1° […] / 2° Une rémunération, une commission ou un avantage non monétaire versé ou fourni à un tiers ou par celui-ci, ou à une personne agissant au nom de ce tiers ou par celle-ci, lorsque les conditions suivantes sont réunies : / a) Le client est clairement informé de l’existence, de la nature et du montant de la rémunération, de la commission ou de l’avantage, ou lorsque ce montant ne peut être établi, de son mode de calcul. Cette information est fournie de manière complète, exacte et compréhensible avant que la prestation de conseil ne soit fournie. Le conseiller en investissements financiers peut divulguer les conditions principales des accords en matière de rémunérations, de commissions et d’avantages non monétaires sous une forme résumée, sous réserve qu’il s’engage à fournir des précisions supplémentaires à la demande du client et qu’il respecte cet engagement ; / […]. ».

Sur l’examen du grief

Il résulte du 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier que le CIF est tenu de communiquer de manière appropriée aux clients les modalités de sa rémunération et de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF qu’il doit informer ces derniers de manière complète, exacte et compréhensible de l’existence, de la nature et du montant de sa rémunération pour être considéré comme agissant de manière honnête, loyale et professionnelle.

Les mis en cause soutiennent à juste titre que CPF n’avait pas à informer ses clients de la rémunération perçue au titre des conventions d’animation et d’information conclues avec Maranatha, qui était sans lien avec la prestation de conseil fournie à ces derniers.

En revanche, la rémunération perçue en exécution des conventions relatives à la commercialisation des produits Maranatha entrait dans les prévisions du 5° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier et de l’article 325-6 du règlement général de l’AMF, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté.

Les mandats de recherche confiés à CPF par les clients, invoqués par les mis en cause, mentionnent, au sujet de la rémunération perçue, qu’« au cas où le mandant réalise un investissement présenté par le mandataire, la rémunération de celui-ci sera comprise dans le prix de vente en tant que prescripteur ».

Cette mention invoquée par les mis en cause, mais qui ne comporte aucune précision sur l’existence, le montant ou le mode de calcul de la rémunération versée à CPF par Maranatha, ne satisfait pas aux exigences des articles précités.

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Quant aux sept attestations de clients produites par les mis en cause pour soutenir que l’information sur la rémunération de CPF leur était communiquée oralement, elles se bornent à faire état d’une connaissance de l’existence d’une rémunération ou de commissions perçues par CPF au titre des souscriptions. L’information fournie telle qu’elle ressort de ces attestations ne couvre donc pas la rémunération versée par un tiers (en l’occurrence Maranatha), à tout le moins de manière claire, et, en tout état de cause, ne renseigne pas sur le montant ou le mode de calcul de cette rémunération.

Il en résulte que CPF a manqué à l’obligation de donner à ses clients les informations utiles sur les modalités de sa rémunération, prévue au 5° de l’article L. 541-8-1 du code de commerce et à celle d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle en informant clairement les clients de l’existence, de la nature et du montant ou du mode de calcul de la rémunération ou commission perçue, édictée par l’article 325-6 du règlement général de l’AMF.

IV. Sur le grief tenant à la communication par CPF d’informations ne présentant pas un contenu clair, exact et non trompeur

Il est fait grief à CPF d’avoir communiqué à ses clients, par le biais des plaquettes commerciales de Maranatha et de courriels, des informations non exactes et trompeuses sur les risques inhérents aux produits proposés ainsi que l’existence d’une caution et d’une garantie du groupe Maranatha, en violation de l’article 325-5 du règlement général de l’AMF, et, plus généralement, d’avoir ainsi manqué à son obligation d’agir avec loyauté et d’exercer son activité avec le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients, en violation des 1° et 2° de l’article 541-8-1 du code monétaire et financier.

Les mis en cause font valoir que les documents commerciaux concernés étant rédigés exclusivement par Maranatha, le manquement ne leur est pas imputable. Ils ajoutent que les risques encourus étaient communiqués oralement aux clients et que l’article 325-5 du règlement général de l’AMF n’impose pas qu’ils le soient par écrit, ni de manière exhaustive. Ils soulignent également que le mot « caution » employé dans la documentation commerciale, ne l’était pas au sens juridique de ce terme. Ils contestent en tout état de cause que CPF n’ait pas agi au mieux de l’intérêt des clients et ait manqué de soin et de diligence dans l’exercice de son activité. Enfin, ils précisent qu’aucun client n’a formulé de réclamation, et donc subi de préjudice.

Sur les textes applicables

Le 1° de l’article 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur entre le 24 octobre 2010 et le 2 janvier 2018, dispose que les CIF doivent : « 1° Se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients ; »

Dans sa rédaction en vigueur depuis le 3 janvier 2018, le 1° du même article est ainsi formulé : « 1° Agir d’une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients ».

Il résulte de la comparaison de ces deux versions que celles-ci sont équivalentes, de sorte qu’il y a lieu d’examiner les faits à la lumière de la première, applicable à l’époque des faits.

Le 2° de l’article 541-8-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur depuis le 24 octobre 2010, dispose que les CIF doivent : « 2° Exercer leur activité, dans les limites autorisées par leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs ; ».

L’article 325-5 du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur entre le 31 décembre 2007 et le 10 mai 2017, non modifiée depuis dans un sens plus doux, énonce que : « Toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées par un conseiller en investissements financiers, présentent un caractère exact, clair et non trompeur.

».

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Sur la communication d’informations inexactes et trompeuses

Comme il a été dit, l’investissement dans les produits concernés consistait en la souscription de parts de SCA. Il ressort du dossier que les mis en cause eux-mêmes reconnaissent que ces produits comportent des risques en ce qui concerne la possibilité de perte de capital, de diminution ou d’absence de rendement et d’insuffisance de liquidité. Ces risques, liés à l’activité de la SCA, étaient d’ailleurs mentionnés dans les prospectus des produits correspondants visés par l’AMF en 2013 et en 2014.

Or, les plaquettes commerciales, dont les mis en cause ne contestent pas qu’elles ont été remises à des clients, faisaient état d’un « capital protégé », de « rendements significatifs » et omettaient d’indiquer les risques associés à l’investissement.

En outre, ces plaquettes faisaient état d’une « caution » de Maranatha concernant toutes ses offres et mentionnaient que les actifs du groupe servaient de garantie à chaque investisseur alors qu’en réalité les investisseurs ne bénéficiaient d’aucune protection contre les risques encourus susceptible d’être qualifiée de garantie aussi bien au sens commun que dans l’acception juridique de ce terme. Ce point a d’ailleurs été reconnu par M. C lors de son audition par la rapporteure lorsqu’il a déclaré : « quelle que soit la sémantique utilisée, il ne s’agissait pas d’un investissement garanti. […] ».

Il résulte de ce qui précède que les plaquettes litigieuses comportaient des informations ne présentant pas un caractère exact et non trompeur.

La circonstance, à la supposer établie, que CPF se soit bornée à relayer l’information transmise par Maranatha, seul rédacteur des plaquettes commerciales, est indifférente à la caractérisation du grief dès lors que l’obligation prévue à l’article 325-5 du règlement général de l’AMF s’applique à toutes les informations adressées par un CIF sans distinction, que celui-ci en soit ou non l’auteur.

Il ressort également de l’examen des pièces du dossier que CPF a adressé des courriels à certains de ses clients indiquant « Il n’y a vraiment aucun risque sur ces placements […] » ; « les investisseurs se verront offrir une rentabilité fixe de 7 % par an […] » ; « […] ci-joint une solution de placement dont le rendement est garanti […] » ; « Le placement bénéficie de la garantie du groupe […] ».

Ces informations, qui reprennent en substance celles des plaquettes commerciales, sont, comme ces dernières, inexactes et trompeuses.

Contrairement aux allégations des mis en cause, les réponses apportées par les clients à la mission de contrôle n’établissent pas que ces derniers ont été informés oralement des risques encourus (risques de capital, de rendement et de liquidité) dès lors que, parmi les sept courriels invoqués par les mis en cause, aucun ne mentionne tous les risques. En tout état de cause, la qualité de l’information communiquée dans les plaquettes commerciales ou les courriels adressés par CPF s’apprécie indépendamment de celle qui est susceptible d’avoir été portée à la connaissance des clients par d’autres moyens, notamment à l’oral.

Enfin, l’argument tiré de l’absence de préjudice subi par les clients est inopérant.

Le manquement à l’obligation de communiquer une information exacte et non trompeuse, édictée à l’article 325-5 du règlement général de l’AMF, est donc caractérisé, sans qu’il soit besoin de rechercher si à raison des mêmes faits CPF a manqué aux obligations faites aux CIF de se comporter avec loyauté et d’exercer leur activité avec le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts des clients, prévues aux 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

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V. Sur le grief relatif au conseil fourni par CPF de conclure des contrats de prêts avec des entités non habilitées à recevoir des fonds remboursables du public

Il est fait grief à CPF d’avoir manqué à son obligation d’exercer son activité avec la diligence qui s’impose au mieux des intérêts de ses clients, ainsi qu’à son obligation de se comporter avec loyauté, du fait du conseil prodigué à 38 de ses clients de conclure des contrats de prêts au profit d’entités du groupe Maranatha non habilitées à réceptionner des fonds remboursables du public, en violation des 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

Les mis en cause font valoir que la qualification des opérations litigieuses retenue par les notifications de griefs est incertaine dès lors que celles-ci font état de prêts tout en se fondant sur des dispositions relatives aux dépôts. Ils soutiennent que ces opérations doivent s’analyser comme des avances en compte courant d’associé, auxquelles Maranatha avait recours pour d’autres produits de la gamme « Finotel » et qui échappent au monopole bancaire. Ils ajoutent que le manquement est imputable à Maranatha, seul instigateur des opérations et qui a « potentiellement » trompé ses partenaires sur la nature de celles-ci.

Les 1° et 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier ont déjà été cités lors de l’examen du précédent grief.

L’article L. 511-5 du code monétaire et financier dispose qu’« il est […] interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit de recevoir à titre habituel des fonds remboursables du public […] » et l’article L. 312-2 du même code énonce que « Sont considérés comme des fonds remboursables du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer. […] ».

Il résulte de ces dispositions, qui ne mentionnent le dépôt de fonds qu’à titre d’exemple, que des sommes prêtées peuvent recevoir la qualification de « fonds remboursables du public », de sorte que c’est sans contradiction que les notifications des griefs se réfèrent à des prêts tout en se prévalant (en notes de bas de page) des dispositions des articles L. 511-5 et L. 312-2 du code monétaire et financier.

Les documents intitulés « contrat de prêt » versés au dossier, au nombre de 7, établissent qu’au cours de l’exercice 2015-2016 et sur le conseil de CPF, 7 clients de cette dernière ont mis des fonds à disposition de la SAS Maranatha, en échange de la perception d’intérêts.

Ces pièces ne font pas état de la qualité d’actionnaire de la SAS du prêteur, ni ne font référence à une avance en compte courant d’associé, pas plus que les déclarations des trois co-gérants faites aux contrôleurs ou encore celles du président de la SAS Maranatha, qui a indiqué à ces derniers : « On avait pas pu avoir de prêt bancaire dans les délais très courts […]. Le prêt bancaire a été consenti ensuite et on a remboursé les investisseurs avec ce prêt bancaire. Ces prêts ont donné lieu à un contrat de prêt entre Maranatha et chaque investisseur, client de CPF à 90 % de mémoire. Nous n’avons pas renouvelé ce type d’opérations et c’était la première fois ». En outre, l’argument selon lequel Maranatha avait recours au mécanisme de l’avance en compte courant pour d’autres produits est inopérant. Au demeurant, il convient de relever que ce mécanisme s’accompagnait, pour l’investisseur, d’une acquisition d’actions, de sorte que ce dernier avait la qualité d’actionnaire.

Contrairement aux allégations des mis en cause, les opérations litigieuses ne constituaient donc pas des avances en compte courant d’associé mais bien des prêts « ordinaires » consentis par un investisseur n’ayant pas la qualité d’actionnaire ou d’associé.

En recueillant les sommes prêtées par 7 clients de CPF, la SAS Maranatha a reçu des fonds remboursables du public à titre habituel, en violation de l’interdiction édictée par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier.

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En s’abstenant de vérifier que les entités auxquelles ses clients consentaient, sur son conseil, un prêt étaient habilitées à recevoir des fonds remboursables du public, CPF n’a pas exercé son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposaient au mieux des intérêts de ses clients, en violation du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier, peu important le rôle joué par Maranatha dans les opérations litigieuses. Il n’est pas plus nécessaire sur ce point de rechercher si à raison des mêmes faits CPF a contrevenu également à l’obligation de se comporter avec loyauté au mieux des intérêts des clients au sens du 1° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier.

VI. Sur le grief relatif au manque de diligence et de loyauté de CPF l’égard de la mission de contrôle

Les notifications de griefs relèvent que les documents et informations fournis par CPF à la demande des contrôleurs ont été, à plusieurs reprises, incomplets, inexacts ou contradictoires s’agissant de la liste des clients CIF, de la liste des clients ayant souscrit aux produits Maranatha, des diligences réalisées au titre de son activité de CIF et de la liste des prêts consentis par ses clients à des entités du groupe Maranatha.

Elles reprochent en conséquence à CPF de ne pas avoir apporté son concours avec diligence et loyauté à la mission de contrôle, en violation de l’article 143-3, alinéa 3, du règlement général de l’AMF.

Les mis en cause, contestant une absence de coopération, font valoir que CPF s’est mobilisée pour répondre au mieux et avec diligence aux nombreuses demandes de la mission de contrôle mais qu’elle a été confrontée à des difficultés de compréhension de ces demandes en raison, notamment, de la période couverte par les données demandées, à savoir l’année civile alors que son exercice comptable est clôturé au 30 juin, et de l’exercice de plusieurs activités, relevant ou non du statut de CIF, qui a rendu son travail d’analyse plus compliqué.

Sur le texte applicable

Les faits se sont déroulés au cours d’une période comprise entre le 19 mars 2015, date d’ouverture du contrôle, et le 30 mai 2016, date du rapport de contrôle.

L’article 143-3, alinéa 3, du règlement général de l’AMF, dans sa rédaction en vigueur depuis le 15 juin 2014, dispose que : « Les personnes contrôlées apportent leur concours avec diligence et loyauté ».

Sur le manque de diligence et de loyauté à l’égard de la mission de contrôle

L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur entre le 1er octobre 2014 et le 11 décembre 2016, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux, énonce que « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers définis à l’article L. 541-1 […] aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible de sanction par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15 […] ».

L’article 143-3, alinéa 3, précité érige en obligation professionnelle applicable à toute personne contrôlée, notamment un CIF, le fait d’apporter son concours avec diligence et loyauté à la mission de contrôle de l’AMF.

En l’espèce, invitée par les contrôleurs à fournir la liste de ses clients CIF, CPF a remis, le 11 juin 2015, un document mentionnant 167 clients pour l’exercice 2012/2013, 134 pour l’exercice 2013/2014 et aucun pour l’exercice 2014/2015. Pourtant, M. Ca indiqué aux contrôleurs, lors de son audition du 17 novembre 2015, que CPF avait bien une activité de CIF au cours de la période 2014/2015. Ultérieurement, dans un document transmis le 27 novembre 2015, CPF a fait état de 4 clients pour l’exercice 2012/2013, 43 pour l’exercice 2013/2014 et 109 pour l’exercice 2014/2015.

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Les réponses apportées aux demandes de communication de la liste des clients CIF de CPF ayant souscrit aux produits Maranatha ont également varié dans le temps. Ainsi, CPF a fait état, le 11 juin 2015, de 53 clients pour l’exercice 2012/2013 et 71 pour l’exercice 2013/2014 puis, le 27 novembre 2015, de, respectivement, 65 clients et 1 client au titre de ces exercices.

Il résulte également des chiffres précités que, pour l’exercice 2013/2014, les deux listes transmises le 27 novembre 2015 présentaient entre elles une incohérence manifeste puisqu’elles mentionnaient un nombre de clients CIF inférieur à celui des clients CIF ayant souscrit aux produits Maranatha.

Concernant la liste des prêts consentis aux entités du groupe Maranatha, CPF a successivement fait état de 2 clients le 17 juin 2015, de 18 prêts le 13 novembre 2015 et de 31 prêts le 11 janvier 2016.

Par ailleurs il ressort des pièces du dossier que la mission de contrôle a dû demander à deux reprises, les 26 octobre et 24 novembre 2015, à CPF de compléter un tableau afin d’indiquer pour chacun de ses clients si elle avait procédé au recueil d’informations et remis un document d’entrée en relation, une lettre de mission ainsi qu’un rapport écrit. Le 27 novembre 2015, CPF a indiqué avoir procédé au recueil d’informations pour 4 clients et remis un rapport écrit à 2 clients. Invitée par la mission de contrôle les 22 février, 2 mars et 16 mars 2016 à fournir les 2 rapports écrits, CPF a finalement indiqué le 23 mars 2016 n’avoir jamais remis un tel rapport.

Il résulte de ces éléments que CPF a fourni aux contrôleurs des informations incomplètes et contradictoires.

Les mis en cause arguent vainement d’une mauvaise compréhension des demandes des contrôleurs, lesquelles étaient clairement formulées et tenaient compte de la date de clôture de l’exercice comptable de CPF. Ils ne produisent d’ailleurs aucun élément au soutien de cette allégation.

Le manquement à l’obligation incombant aux personnes contrôlées d’apporter leur concours avec diligence et loyauté est donc caractérisé.

VII. Sur l’imputabilité des griefs aux gérants de CPF

Pour considérer que les manquements reprochés à CPF sont imputables à MM. C, A et B, en leur qualité de co-gérant, les notifications de griefs se fondent sur les dispositions des articles L. 621-15 III b) et L. 621- 17 du code monétaire et financier ainsi que de l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF.

Les trois co-gérants font valoir qu’étant chacun en charge d’un portefeuille de clients, ils ne peuvent se voir opposer l’ensemble des manquements.

L’article L. 621-17, alinéa 1, du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur entre le 1er octobre 2014 et le 11 décembre 2016, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux, dispose que « Tout manquement par les conseillers en investissements financiers […] aux lois, règlements et obligations professionnelles les concernant est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues aux I, a et b du III, IV et V de l’article L. 621-15. ».

Cet alinéa renvoie donc, notamment, au III b) de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier qui, dans sa version en vigueur entre le 24 octobre 2010 et 5 décembre 2015, non modifiée sur ces points dans un sens plus doux, énonce les sanctions applicables aux « personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°,11°,12°,15° à 17° du II de l’article L. 621-9 ».

Il en résulte que la Commission peut infliger des sanctions, à raison de manquements à leurs obligations professionnelles, tant aux CIF personnes physiques ou personnes morales qu’aux personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de ces dernières.

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Par ailleurs, l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF, entré en vigueur le 19 avril 2013 et dont les dispositions figurent depuis l’arrêté du 21 octobre 2016, dans la même rédaction, à l’article 325-12-5 du même règlement, énonce : « Lorsque le conseiller en investissements financiers est une personne morale, les personnes physiques ayant le pouvoir de gérer ou d’administrer ladite personne morale s’assurent qu’elle se conforme aux lois, règlements et obligations professionnelles la concernant ».

En application de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 621-17 et L. 621-15 III b) du code monétaire et financier, auxquelles s’ajoutent, pour les faits postérieurs au 18 avril 2013, celles de l’article 325-12-3 du règlement général de l’AMF, les manquements relevés à l’encontre de CPF sont imputables à MM. C, A et B, en leur qualité de co-gérant de cette dernière, sans qu’il y ait lieu d’établir leur participation personnelle à ces manquements et, a fortiori, la part respective qu’ils y auraient pris.

SANCTIONS ET PUBLICATION

L’article L. 621-17 du code monétaire et financier, dans sa rédaction déjà citée, renvoie aux sanctions prévues aux a) et b) du III de l’article L. 621-15 du même code qui, dans leur version en vigueur du 24 octobre 2010 au 5 décembre 2015, non modifiée depuis sur ces points dans un sens plus doux, disposent :

« III.- Les sanctions applicables sont : / a) Pour les personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation du registre mentionné à l’article L. 546-1 ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés […] ; / b) Pour les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8°, 11°, 12°, 15° à 17° du II de l’article L. 621-9, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ; la commission des sanctions peut prononcer soit à la place, soit en sus de ces sanctions une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur […] à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés […] ».

Il en résulte que CPF encourt l’une des sanctions disciplinaires prévues au III a) précité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et, en sus ou à la place, une sanction pécuniaire d’un montant maximum égal à 100 millions d’euros ou au décuple des profits éventuellement réalisés.

MM. C, A et B peuvent, quant à eux, faire l’objet de l’une des sanctions disciplinaires mentionnées au III b) précité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier et, en sus ou à la place, d’une sanction pécuniaire d’un montant maximum égal à 300 000 euros ou au quintuple des profits éventuellement réalisés.

Le III ter de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, définit comme suit les critères à prendre en compte pour déterminer la sanction :

« III ter.- Dans la mise en œuvre des sanctions mentionnées aux III et III bis, il est tenu compte notamment : – de la gravité et de la durée du manquement ; / – de la qualité et du degré d’implication de la personne en cause ; / – de la situation et de la capacité financières de la personne en cause, au vu notamment de son patrimoine et, s’agissant d’une personne physique de ses revenus annuels, s’agissant d’une personne morale de son chiffre d’affaires total ; / – de l’importance soit des gains ou avantages obtenus, soit des pertes ou coûts évités par la personne en cause, dans la mesure où ils peuvent être déterminés ; / – des pertes subies par des tiers du fait du manquement, dans la mesure où elles peuvent être déterminées ; / – du degré de coopération avec l’Autorité des marchés financiers dont a fait preuve la personne en cause, sans préjudice de la nécessité de veiller à la restitution de l’avantage retiré par cette personne ; / – des manquements commis précédemment par la personne en cause ; / – de toute circonstance propre à la personne en cause, notamment des mesures prises par

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elle pour remédier aux dysfonctionnements constatés, provoqués par le manquement qui lui est imputable et le cas échéant pour réparer les préjudices causés aux tiers, ainsi que pour éviter toute réitération du manquement. ».

Les manquements multiples de CPF à ses obligations professionnelles, en particulier ceux tenant à la communication d’informations non exactes et trompeuses et au conseil pour conclure des contrats de prêts avec des entités non habilitées, revêtent une particulière gravité.

Toutefois, certaines mesures correctives ont été prises, notamment le recours à un cabinet spécialisé pour établir des modèles de document d’entrée en relation, de lettre de mission et de rapport écrit, désormais remis à l’ensemble des clients.

Il ressort des états financiers produits par CPF que son chiffre d’affaires et son résultat d’exploitation s’élevaient au titre de l’exercice clos le 30/06/2017 à, respectivement, 1 384 640 et 150 978 euros.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de CPF une sanction pécuniaire de 300 000 euros ainsi qu’un avertissement.

Il ressort des justificatifs produits par M. A que ce dernier a déclaré, au titre de l’année 2016, un revenu imposable de […] euros et un actif net imposable à l’impôt de solidarité sur la fortune de […] euros. Il a indiqué, lors de son audition par la rapporteure, être détenteur d’environ 66 % du capital de CPF avec son épouse et ne pas avoir d’autre participation.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 100 000 euros ainsi qu’un blâme.

Il ressort du justificatif produit par M. C que ce dernier a déclaré, au titre de l’année 2016, un revenu imposable de […] euros. Il a indiqué, lors de son audition par la rapporteure, être propriétaire d’une résidence principale estimée à […] euros et de trois biens locatifs, tous financés par des emprunts, et détenir environ 17 % du capital de CPF par l’intermédiaire d’une holding.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 30 000 € ainsi qu’un avertissement.

Il ressort des justificatifs produits par M. Bque ce dernier a déclaré, au titre de l’année 2016, un revenu imposable de […] euros et qu’il est redevable d’une pension alimentaire mensuelle de […] euros ainsi que d’une prestation compensatoire de […] euros. Il a indiqué, lors de son audition par la rapporteure, être propriétaire, avec son ex-épouse, d’une résidence principale et d’une dizaine d’autres biens tous financés par un emprunt, et détenir environ 17 % du capital de CPF par l’intermédiaire d’une holding.

Il sera en conséquence prononcé à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 30 000 euros ainsi qu’un avertissement.

La publication de la présente décision n’est ni susceptible de causer aux personnes mises en cause un préjudice grave et disproportionné, ni de nature à perturber gravement la stabilité du système financier ou encore le déroulement d’une enquête ou d’un contrôle en cours. Elle sera donc ordonnée, sans anonymisation.

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PAR CES MOTIFS,

Et ainsi qu’il en a été délibéré par M. Jean Gaeremynck, président de la 2ème section de la Commission des sanctions, par M. Didier Guerin, Mme Patricia Lazard Kodyra, MM. Christophe Lepitre et Lucien Millou, membres de la 2ème section de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance, la Commission des sanctions :

— prononce à l’encontre de la société Conseil patrimoine finance une sanction pécuniaire de 300 000 € (trois cent mille euros) et un avertissement ;

— prononce à l’encontre de M. A une sanction pécuniaire de 100 000 €

(cent mille euros) et un blâme ;

— prononce à l’encontre de M. C une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) et un avertissement ;

— prononce à l’encontre de M. B une sanction pécuniaire de 30 000 € (trente mille euros) et un avertissement ;

— ordonne la publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité des marchés financiers et fixe à cinq ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.

Fait à Paris, le 11 avril 2018

La Secrétaire de séance,

Le Président,

Anne Vauthier

Jean Gaeremynck

Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans les conditions prévues à l’article R. 621-44 du code monétaire et financier.

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Décision de la Commission des sanctions du 11 avril 2018 à l'égard de la société Conseil Patrimoine Finance et de MM. A, B et C