Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, 9 mars 2004

  • Procédure devant une juridiction étrangère·
  • Validité de l'assignation·
  • Action en contrefaçon·
  • Compétence matérielle·
  • Modèles de chaussures·
  • Droit communautaire·
  • Procédure pendante·
  • Identité de cause·
  • Identité d'objet·
  • Sursis à statuer

Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 2e ch., 9 mars 2004
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de commerce de Marseille, 3 septembre 2003
  • 2002/02263 Cour de cassation, 17 janvier 2006
  • T/2004/16845
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20040264
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Texte intégral

M. Jean-Pierre G a formé contredit contre un jugement, rendu le 3 septembre 2003 par le Tribunal de commerce de MARSEILLE, et qui statuant sur son action en contrefaçon contre la société de droit italien BELT & BUCKLE, s’est dessaisie et a renvoyé « en l’état la présente instance devant le Tribunal de Turin », le condamnant en outre à payer la somme de 2 000 euro en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il expose dans ses conclusions de contredit récapitulatives déposées le 22 janvier 2004 qu’il est en relations d’affaires avec cette société depuis 1999 et qu’il a créé pour celle-ci de nombreux modèles de chaussures sans avoir cédé ses droits patrimoniaux sur ces modèles, et notamment le droit de reproduction, et que, aucune convention écrite n’ayant été régularisée entre les parties, il a créé les collections jusqu’en 2001, ses modèles ayant fait l’objet de dépôts sous formes de « copyright » en l’étude d’huissiers. Il expose encore qu’autorisé par ordonnance du 27 mai 2002, il a fait procéder le 4 juin 2002, par Me S, huissier, à une saisie-contrefaçon pour 21 modèles de chaussures offerts à la vente dans un magasin à l’enseigne CREATIS, à MARSEILLE et saisi, par assignation du 21 juin 2002 le Tribunal de commerce de MARSEILLE d’une action du chef de contrefaçon contre la société BELT & BUCKLE. Il critique le jugement déféré qui, sur la base d’un acte le visant et le convoquant devant le Tribunal de Turin le 9 avril 2002, s’est déclaré incompétent, alors qu’il n’existe aucune litispendance ni connexité entre les deux instances, la procédure à l’initiative de son adversaire visant à voir prononcer la résiliation d’un contrat d’ouvrage et à obtenir des dommages et intérêts et la sienne tendant à obtenir le paiement de factures qui lui sont dues et à voir condamner son adversaire pour contrefaçon de modèles, lui interdire la vente et la diffusion de ces modèles sur le territoire national français. Il fait valoir :

- que ni la cause ni l’objet des deux procédures ne sont identiques,
- que, même en cas de litispendance, la juridiction saisie en second lieu ne pouvait que surseoir à statuer et non se dessaisir, alors que la compétence du tribunal premier saisi n’est pas encore établie
- qu’en cas de connexité il existe une simple possibilité de surseoir
- que les faits de contrefaçon se sont déroulés en France et que le préjudice y est subi et que seule la juridiction française est compétente en application de l’article 5 § 3 DU Règlement CE du conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000
- que le procédure engagée en Italie ne pouvait aboutir qu’à un sursis à statuer faute de respect des dispositions communautaires relatives à la signification des actes, puisqu’il a été destinataire d’une simple convocation, et que, l’acte ne lui ayant pas été remis, le tribunal de Turin ne pouvait statuer
- qu’une décision de cette juridiction a d’ailleurs, le 13 novembre 2002, exigé une nouvelle assignation. Il demande en conséquence la réformation du jugement et que soit retenue la compétence du Tribunal de commerce de MARSEILLE, concluant à l’évocation et à la condamnation à lui payer la somme de 5 000 euro en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société BELT & BUCKLE conclut, dans ses écritures déposées le 30 janvier 2004, à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. G à lui payer la somme de 10 000 euro en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle conclut à l’incompétence du Tribunal de commerce de MARSEILLE pour statuer sur les demandes de M. G et fait valoir préalablement que la saisine du tribunal de Turin est régulière en application de l’article 14 du Règlement CE n° 1348/2000 qui laisse à chaque état la faculté de procéder à une signification ou une convocation, et alors que M. G a constitué avocat et déposé des conclusions devant cette juridiction. Elle précise :

- que les conditions de la litispendance sont réunies, le litige étant entre les mêmes parties, portant sur leurs relations contractuelles et l’objet étant le même, à savoir déterminer si l’exploitation des dessins est licite et statuer sur ces relations
- que le tribunal de Turin est compétent pour statuer au civil sur les actes de contrefaçon réalisés en France
- qu’il y au moins connexité entre les deux affaires et que, en application des articles 28 et 29 du règlement précité le dessaisissement était possible. Elle s’oppose à l’évocation en raison de la complexité de l’affaire et pour pouvoir bénéficier d’un double degré de juridiction.

La recevabilité du contredit n’est pas contestée ; en l’absence de moyen constitutif susceptible d’être relevé d’office, il convient de le déclarer recevable. La saisine préalable par la société BELT & BUCKLE de la juridiction italienne apparaît régulière dans la mesure où il n’est nullement contesté par M. G que l’acte introductif d’instance a été déposé sur le bureau du juge italien ; l’article 30 du Règlement CE du conseil n° 44/2001 dispose en effet qu’une juridiction est réputée saisie « à la date à laquelle l’acte introductif d’instance est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur » ; or la société BELT & BUCKLE produit un acte de citation du 9 avril 2002 et un certificat du greffier du tribunal de Turin établit que l’affaire est en cours devant le juge Tamagnone Michela, la demande de signification nouvelle ordonnée par le même juge ne pouvant avoir pour effet de rendre caduc le premier dépôt. En ce qui concerne la litispendance et la connexité, il ne peut être cependant sérieusement prétendu que les demandes, certes formées entre les mêmes parties, ont toutes le même objet et la même cause ; en effet, si ces deux parties sont liées dans le cadre de relations de type contractuel, et si les demandes de M. G relatives à ses factures doivent être examinées par la première juridiction, saisie d’une demande de résiliation du contrat, sous réserve que cette juridiction ait retenu sa compétence, la demande au titre de faits de contrefaçon ne saurait suivre le même sort, ne serait-ce que, comme le souligne M. G, en raison du fait que le fondement de cette action est différent et que l’instruction peut nécessiter des mesures particulières, que seule pourrait ordonner la juridiction locale, ce qui interdit, même au vu des dispositions des articles 28 et 29 du texte précité, de considérer qu’une certaine connexité entre ces deux affaires permettrait son examen par les premiers juges saisis. La cour ajoutera que les juges ayant à statuer sur l’action en contrefaçon seront tenus

d’examiner la régularité de la procédure de saisie-contrefaçon. Le jugement déféré sera en conséquence infirmé et l’affaire renvoyée au Tribunal de commerce de MARSEILLE qui devra statuer uniquement sur les faits de contrefaçon et les demandes annexes, à l’exception de celles relatives aux factures non payées sur lesquelles il convient de surseoir à statuer jusqu’à ce que le Tribunal de Turin ait retenu sa compétence sur les demandes relatives à l’exécution des relations contractuelles entre les deux parties. La cour ne procédera pas à l’évocation, le bénéfice du double degré de juridiction ne pouvant être enlevé à l’une des parties dans une affaire complexe et alors qu’il n’apparaît pas qu’il est de bonne justice de donner à cette affaire une solution définitive. Et vu les articles 696 et 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, PAR CES MOTIFS, la cour, statuant publiquement et contradictoirement,
- Déclare recevable le contredit
- Infirme le jugement déféré
- Renvoie l’affaire au Tribunal de commerce de MARSEILLE afin qu’il soit statué sur l’action en contrefaçon et les demandes annexes
- Dit qu’il convient de surseoir à statuer sur la demande présentée par M. G et relative au paiement de ses factures, de la compétence du Tribunal de Turin, jusqu’à ce que cette juridiction ait reconnu sa propre compétence de ce chef
- Condamne la société BELT & BUCKLE à payer à M. G la somme de 1 000 euro en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
- La condamne aux dépens, avec distraction, pour ceux d’appel, au profit de Me M, avoué, sur son affirmation qu’il en a fait l’avance sans avoir reçu provision.

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