Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre c, 20 octobre 2011, n° 09/12604

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 20 oct. 2011, n° 09/12604
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 09/12604
Décision précédente : Tribunal de commerce de Salon-de-Provence, 28 mai 2009, N° 07/5453

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

8e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 20 OCTOBRE 2011

N° 2011/ 420

Rôle N° 09/12604

C Z

E Y

G B épouse Y

C/

SAS ITM AUTOMOBILE

SA ITM SUD EST

Grosse délivrée

le :

à :STFERREOL

ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de SALON-DE-PROVENCE en date du 29 Mai 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/5453.

APPELANTS

Maître C Z, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE RIGAOU, demeurant XXX – XXX

représenté par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté de Me Rebufat Denis de la SCP REBUFAT – REBUFAT-FRILLET, avocats au barreau de MARSEILLE

Monsieur E Y

né le XXX à XXX

représenté par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté de Me Rebufat Denis de la SCP REBUFAT – REBUFAT-FRILLET, avocats au barreau de MARSEILLE

Madame G B épouse Y

née le XXX à XXX

représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté de Me Rebufat Denis de la SCP REBUFAT – REBUFAT-FRILLET, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS ITM AUTOMOBILE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis XXX

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY – LEVAIQUE, avoués à la Cour, assistée de Me Cressard de la SCP CABINET AVOXA, avocats au barreau de RENNES

SA ITM SUD EST, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis XXX

représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY – LEVAIQUE, avoués à la Cour, assistée de Me Cressard de la SCP CABINET AVOXA, avocats au barreau de RENNES

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 13 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président

Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller

Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011,

Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président

Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

LA COUR

La SA Rigaou a été créée en septembre 2000 par M. X pour exploiter à Fos sur Mer, dans le cadre d’un contrat de franchise avec la société ITM entreprises qui anime le Groupement des Mousquetaires, un fonds de commerce d’entretien et de vente d’accessoires pour véhicules automobiles sous l’enseigne Stationmarché ensuite remplacée par Roady.

M. X s’est retiré de l’affaire en novembre 2002, après avoir enregistré des pertes significatives.

Le capital social de la société Rigaou a alors été acquis par la société ITM Sud Est, filiale de la société ITM Entreprises, dans l’attente d’un repreneur.

L’entreprise a été cédée en décembre 2005 à M. E Y, lequel en assurait la direction depuis le 31 janvier.

Le 2 juillet 2007, la société ITM Automobile, filiale de la société ITM Entreprises, a assigné la société Rigaou, M. E Y et son épouse G B, ces derniers pris en qualité de caution solidaire, en paiement de la somme de 343 460,60 € représentant des livraisons de marchandises.

La société Rigaou a été mise en redressement judiciaire le 17 décembre 2007 puis en liquidation judiciaire le 18 février suivant, M. C Z étant désigné liquidateur.

M. C Z ès qualités a formé, à l’encontre des sociétés ITM Automobile et ITM Sud Est une demande en réparation du préjudice résultant d’un soutien estimé abusif.

Les époux Y ont invoqué la nullité et la disproportion de leurs engagements de caution et ont formé une demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d’un dol commis lors de la cession de la société.

Par jugement du 29 mai 2009, le tribunal de commerce de Salon de Provence :

— a fixé la créance de la société ITM Automobile au passif de la société Rigaou à la somme de 343 460,60 € .

— a prononcé la nullité des stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion mentionnées dans les obligations de caution souscrites par les époux Y ;

— a prononcé la nullité des engagements de caution des époux Y ;

— a rejeté la demande en indemnisation formée au titre d’un soutien abusif de la société Rigaou ;

— a rejeté les demandes en indemnisation formées au titre d’un dol commis lors de la cession de la société Rigaou ;

— a condamné solidairement les sociétés ITM Automobile et ITM Sud Est aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 € au profit de M. Z ès qualités, M. E Y et Mme G B.

M. Z ès qualités, M. Y et Mme B sont appelants de ce jugement.

****

Vu les conclusions déposées le 29 juin 2011 par les sociétés ITM Automobile et ITM Sud Est ;

Vu les conclusions déposées le 8 août 2011 par M. C Z ès qualités et par les époux Y ;

Vu l’ordonnance de clôture du 13 septembre 2011 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les engagements de caution souscrits par les époux Y

La société ITM Automobile ne remettant plus en cause le prononcé de la nullité des engagements de caution souscrits par les époux Y, le jugement attaqué est confirmé sur ce chef de décision.

Sur le grief de soutien abusif

M. Z fait valoir que les sociétés ITM Sud Est et ITM Automobile (les sociétés ITM) ont engagé leur responsabilité à l’égard des créanciers de la société Rigaou en soutenant abusivement la poursuite de son activité, la première par des abandons de créances intervenues en septembre et octobre 2005 pour un montant total de 542 361€, la seconde pour avoir consenti à la société un crédit fournisseur d’un montant de 343 460€ entre janvier 2006 et avril 2007.

Il prétend que ces mesures de soutien ont été consenties alors que la société se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise à raison d’un défaut de viabilité lié à une insuffisance du chiffre d’affaires et il réclame en réparation la condamnation au paiement de l’intégralité du passif.

Ne contestant pas l’application des dispositions de l’article L 650-1 du code de commerce, M. Z se prévaut d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, de prises de garanties disproportionnées et de fraude.

Il résulte de ce texte que lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Le grief d’immixtion caractérisée ne peut qu’être écarté, dès lors que M. Z se borne à soutenir qu’elle est 'patente’ de la part de la société ITM Automobile (page 39 de ses conclusions), sans invoquer aucun fait ou acte précis de nature à caractériser l’immixtion.

Il en est de même du grief de prise de garantie disproportionnée, fondé sur l’inscription d’un nantissement judiciaire provisoire sur le fonds de commerce de la société Rigaou en garantie d’une créance de marchandises impayées, puisque cette garantie a été constituée le 29 juin 2007, postérieurement à l’octroi du concours litigieux et qu’au surplus la garantie n’est nullement disproportionnée.

Quant au grief de fraude, M. Z fait valoir qu’en soutenant la société Rigaou dont elles connaissaient la situation irrémédiablement compromise du fait de son absence de viabilité, les sociétés ITM ont agi non pas en vue de la sauvegarde de l’entreprise mais pour conforter les enseignes Intermarché et Bricomarché installées dans la même zone commerciale et qui bénéficiaient d’un effet de synergie.

Mais, en premier lieu, même si la société Rigaou avait connu, lors des faits imputés à faute, quatre exercices déficitaires successifs, ayant pour origine une insuffisance du chiffre d’affaires, il ne pouvait en être inféré avec certitude une absence de viabilité de caractère irrémédiable. L’écart entre le chiffre d’affaires réalisé et le seuil d’équilibre, de l’ordre de 20%, n’était pas de nature à exclure tout espoir de rentabilité, s’agissant d’une création d’entreprise dont l’implantation et la fidélisation de la clientèle pouvait être longue et d’une société qui avait été exploité en situation de 'portage’ des actions au cours des deux dernières années, sous la direction d’un dirigeant qui n’était pas le propriétaire de l’affaire.

En deuxième lieu, la thèse de M. Z est contredite par l’importance du crédit-fournisseur consenti par la société ITM Automobile, alors que cette dernière aurait veillé à le maintenir dans une moindre limite si elle avait considéré que l’affaire était vouée à sa perte. Il doit être relevé à cet égard que ce crédit n’a été consenti qu’au cours de l’année 2006, soit à une période où subsistait un espoir de rentabilité, puisque la créance de la société ITM Automobile s’élevait à 336 000€ au 31 décembre 2006 et qu’elle n’a été portée qu’à 343 460€ au 17 décembre 2007, jour de l’ouverture de la procédure collective (pièce N° 34 des sociétés intimées).

En troisième lieu, il n’est nullement établi que l’activité s’est poursuivie au détriment des créanciers autres que les sociétés du Groupement des Mousquetaires, M. Z ne justifiant ni des créances déclarées, ni même du montant global du passif dont il demande le paiement, alors que le préjudice résultant d’un soutien abusif n’est qu’à la mesure de l’aggravation de l’insuffisance d’actif que les agissements du créancier ont contribué à créer.

Il suit de ces motifs que le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu’il a écarté la demande en indemnisation, M. Z ne justifiant ni de l’un des cas d’ouverture de l’action édictés à l’article L 650-1 du code de commerce, ni de l’existence d’une situation irrémédiablement compromise à la date des faits prétendument fautifs qu’il invoque, ni même de l’existence du préjudice en découlant.

La responsabilité de la société ITM Automobile n’étant pas reconnue, la demande en nullité de l’inscription de nantissement judiciaire provisoire formée sur le fondement de l’article L 650-1 du code de commerce est rejetée.

Sur le grief de dol lors de 'la cession du fonds'

Les époux Y font valoir, en des conclusions confuses, que :

'Les sociétés (sic) ITM Sud Est s’est rendue coupable de dol en ne transmettant pas à M. Y et Mme B des informations sincères et loyales et ce afin que ces derniers s’engagent'

' Ainsi ne seront pas mentionnées les difficultés chroniques de trésorerie rencontrées par la société Rigaou et les pertes générées par la société depuis sa création'

'Les sociétés ITM Automobile et ITM Sud Est savaient parfaitement, dès l’origine, que le fonds n’était pas viable'.

'On faisait miroiter 1 500 000€ de chiffre d’affaires à l’acquéreur, avec des études faites, bien entendu par la SNC Deval ou autre, pour dire que le chiffre d’affaires allait être de ce montant'

La cession serait intervenue sur la base de 'fausses études’ avec de 'faux chiffres d’affaires’ destinées à masquer le caractère 'structurellement déficitaire’ du fonds.

Mais la cession des actions est intervenue en décembre 2005, alors que M. Y avait nécessairement une parfaite connaissance de la situation économique et financière de la société pour en avoir assuré la présidence du conseil d’administration depuis le 31 janvier. Au surplus, la cession a été précédée, d’un côté, d’un protocole conclu le 31 janvier 2005 qui fait mention des chiffres d’affaires et des résultats des exercices 2001, 2002 et 2003 et qui fixe le prix de cession à la somme de 1 euro significative des difficultés et des incertitudes de l’affaire, d’un autre côté, par une augmentation de capital intervenue le 15 septembre 2005, pour un montant de 502 496€ compensé à due concurrence par les créances dont les sociétés du Groupement des Mousquetaires étaient titulaires au titre du compte courant et du compte fournisseur.

Il en résulte que les époux Y, qui ne s’expliquent pas sur ces éléments d’information dont ils ont eu connaissance, sont infondés à soutenir que la situation économique et financière de la société leur aurait été dissimulée.

Ils ne démontrent pas mieux que la société ITM Sud Est se serait prévalue d’un chiffre d’affaires prévisionnel de 1 500 000€ fixé par une étude de la SNC Deval, alors que l’étude établie par cette société en septembre 2004 en vue de la cession de l’affaire fait mention d’un chiffre d’affaires prévisionnel de 949 501 €.

Enfin, il n’est nullement établi, ainsi qu’il a été constaté relativement au grief de soutien abusif, que la société Rigaou était, à la date de la cession, irrémédiablement dépourvue de viabilité en raison d’une situation 'structurellement déficitaire'.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a écarté le grief de dol.

****

Le jugement attaqué est confirmé en toutes ses dispositions relatives au fond du litige.

La charge des dépens et des frais irrépétibles doit être fixée distinctement selon les liens d’instance.

En considération de leurs succombances respectives :

— les époux Y et les sociétés ITM supportent chacun les frais et dépens qu’ils ont personnellement exposés en première instance au titre de leur lien d’instance ;

— les époux Y sont condamnés aux dépens exposés par les sociétés ITM en appel et, en considération de l’équité, au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— M. Z ès-qualités est condamné aux dépens de son lien d’instance avec les sociétés ITM et, en considération de l’équité, au paiement de la somme de 3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué sauf sur les dépens et les frais irrépétibles,

Y ajoutant

Rejette la demande en nullité du nantissement inscrit sur le fonds de commerce,

Statuant à nouveau sur les dépens et frais irrépétibles de première instance

Dit que M. E Y et Mme G B, d’un côté, les sociétés ITM Automobile et ITM Sud -Est, d’un autre côté, supportent chacun les frais et dépens exposés en première instance au titre de leur lien d’instance,

Condamne M. E Y et Mme G B aux dépens d’appel de leur lien d’instance avec les sociétés ITM Automobile et ITM Sud -Est et au paiement de la somme de 3 000€ au profit de ces sociétés,

Condamne M. C Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rigaou aux dépens de première instance et d’appel de son lien d’instance avec les sociétés ITM Automobile et ITM Sud -Est et au paiement de la somme de 3 000€ au profit de ces sociétés,

Vu l’article 699 du code de procédure civile,

Autorise, si elle en a fait l’avance sans avoir reçu provision, la SCP d’avoués Ermeneux – Levaique à recouvrer les dépens d’appel directement contre M. E Y et Mme G B et contre M. C Z ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Rigaou, chacun au titre de son lien d’instance, les condamnations prononcées n’étant pas solidaires.

Le Greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

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  2. Code de procédure civile
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